RG No 07 / 01916
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 14 MAI 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00315) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 17 avril 2007 suivant déclaration d'appel du 16 Mai 2007
APPELANTE :
La S. A. S. ALINEA 3 rue des Glaireaux Cap des H B. P. 405 38524 SAINT EGREVE CEDEX
Représentée par Monsieur X..., (Directeur), assisté par Me Louis- Alain LEMAIRE (avocat au barreau D'AVIGNON), substitué par Me BONZI- ETIENNE (avocat au barreau d'AVIGNON)
INTIME :
Monsieur Jean- François Z......
Comparant et assisté par la SCP FESSLER- JORQUERA- CAVAILLES (avocats au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Eric SEGUY, Conseiller, Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Avril 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mai 2008.
L'arrêt a été rendu le 14 Mai 2008.
M. Jean François Z... a été engagé par la société Alinéa le 2 novembre 1999 en qualité de vendeur en contrat de travail à durée indéterminée avec un salaire de 1 049, 15 euros pour 37h05. Il a été promu le 19 / 9 / 2000 adjoint de secteur à compter du 1er janvier 2001 pour un salaire de 1 166, 35 euros.
M. Z... a été élu en qualité de délégué du personnel au mois de novembre 2003, sans étiquette. Le 5 janvier 2004, il est désigné délégué syndical CGT.
De nombreuses difficultés entre l'employeur et M. Z... vont apparaître dès son élection comme délégué du personnel.
Saisi le 27 / 03 / 2006, le Conseil de Prud'hommes de Grenoble a jugé le 17 / 04 / 2007 que la société Alinéa a changer l'horaire de M. Z..., délégué du personnel, sans solliciter son accord et que M. Z... rapporte la preuve d'une discrimination et d'un harcèlement liés à son appartenance syndicale et en conséquence a :
- ordonné la réintégration de M. Z... à son ancien poste de magasinier sous astreinte,- condamné la société Alinéa à payer à M. Z... les sommes de 10000 euros à titre de dommages- intérêts et de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a débouté la société Alinéa de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.
La Cour est saisie par l'appel interjeté le 16 / 05 / 2007 par la société Alinéa, le jugement lui ayant été notifié le 19 / 04 / 2007.
Demandes et moyens des parties
La société Alinéa, appelante, demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire que M. Z... n'a fait l'objet d'aucune discrimination, d'aucun harcèlement ni comme délégué syndical, ni comme délégué du personnel, et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner M. Z... à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de le condamner aux dépens.
La société Alinéa expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1) rien ne peut être reproché à la société, 2) il n'y a pas eu de harcèlement et seule un avertissement a été donné, parfaitement justifié, les autres observations écrites étant bien normales dans le cadre d'une bonne administration de l'entreprise, 3) il appartenait à M. Z... de prévoir son remplacement pendant ses heures de délégation et ses changements d'horaires étaient justifiés par la bonne marche de l'entreprise et n'étaient pas discriminatoires à son égard.
M. Z..., intimé, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf à porter les dommages- intérêts à la somme de 25 000 euros, de condamner la société Alinéa à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
M. Z... expose en des conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1) les faits de harcèlement et de discrimination sont avérés : 1-2) un changement brutal et injustifié dans les conditions de travail, 1-3) un harcèlement systématique et des sanctions disciplinaires injustifiées, 1-4) un blocage salarial absolu.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu qu'après avoir été promu à compter du 1er janvier 2001 comme adjoint de secteur au sein du secteur « DECOLUM », élu en qualité de délégué du personnel en novembre 2003 et désigné par le syndicat CGT en qualité de délégué syndical aux termes d'un courrier du 5 janvier 2004, M. Z... a reçu le 6 janvier 2004 un courrier daté du 31 / 12 / 2003 lui adressant un certain nombre de reproches, courrier auquel il va répondre le 12 janvier 2004 à la fois pour en contester le contenu et le bien-fondé, notamment au regard de son absence de formation et de la compétence d'une autre équipe (décoration) et de sa charge de travail ;
Que ces reproches font suite à un entretien dit « annuel de progrès » postérieur à sa désignation en qualité de délégué du personnel et particulièrement critique (les entretiens précédents n'ont pas été communiqués et aucun des deux qui sont produits n'a été signé par le salarié) ; que jusqu'à cette date il n'a jamais fait l'objet d'une remarque défavorable ;
Qu'au cours de la période suivante, M. Z... va se voir refuser l'autorisation de suivre une formation syndicale pourtant demandée un mois à l'avance (refus du 25 / 02 pour un stage du 22 au 26 / 03 / 2004), va être convoqué par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 26 / 02 en vue d'une sanction disciplinaire pour des faits qu'il va contester le 21 mars et qui ne donneront lieu à aucune suite puisqu'il va être informé par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 06 / 04 / 2004 qu'aucune sanction n'est prise au vu de ses explications satisfaisantes, va être convoqué par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 14 / 06 / 2004 en vue d'une sanction disciplinaire ce qui lui vaudra le 25 / 06 / 2004 un avertissement pour non-remise d'un bon le 7 juin 2004 qu'il contestera le 27 / 06 / 2004 en expliquant qu'on lui avait reproché de n'avoir pas appliqué une procédure qui n'avait jamais été appliquée suivant les directives de son chef de secteur, ceci du jour au lendemain sans information préalable et se plaignant du harcèlement dont il est victime, va par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 23 / 06 lui demander de justifier du bien-fondé de deux heures de délégation prises ;
que le syndicat CGT saisira l'inspecteur du travail le 06 / 07 / 2004 en raison du refus de la société Alinéa de convoquer M. Z... aux réunions du comité d'entreprise et du CHSCT et l'informera du climat malsain auquel est exposé M. Z... ; que la société Alinéa répondra « être particulièrement respectueuse des mandats des représentants du personnel » ;
que M. Z... a reçu une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception datée du 05 / 08 / 2004 lui demandant de pointer en tenue de travail et non en tenue civile à laquelle il répondra en rappelant que la distance qui sépare la pointeuse des vestiaires est de plus de 100 mètres et indiquant que les problèmes est le même pour les pauses ; que par courrier en date du 16 / 09 / 2004, M. Z... a adressé un courrier à sa direction pour rappeler les conditions d'exercice de son mandat et signaler les pressions dont ont été l'objet les salariés dans le cadre de l'exercice de son mandat (salarié sommé de retourner à son travail, lui- même sommé de s'expliquer sur ses demandes aux salariés relatives à leur formation sur de nouveaux engins) ;
attendu que le contrôleur du travail adressera le 24 / 09 / 2004 des observations à la société Alinéa pour rappeler la liberté d'utilisation des heures de délégation par les délégués du personnel et les représentants syndicaux, l'obligation de convoquer M. Z... aux réunions du comité d'entreprise et au CHSCT, la nécessité de mettre à la disposition des délégués du personnel un local et que tous ces éléments constituaient une infraction aux dispositions de l'article L. 481-2 du code du travail ; que celui- ci demandait également qu'un local de pause correct soit mis à la disposition des salariés ;
que M. Z... recevait un courrier du 5 janvier 2005 dont il contestait les reproches par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 13 / 01 / 2005 ; qu'il recevait le 12 / 04 / 2005 un rappel sur la procédure d'inventaire auquel il répondait le 19 / 04 ; qu'il recevait le 12 / 5 / 2005 une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du directeur à laquelle il répondait le 03 / 06 / 2005 qu'il ne saurait lui être imposé de n'avoir de contact avec ses collègues que pendant ses heures de délégation (ces conversations avaient lieu la veille d'une grève) et qu'il se demandait qui avait arraché les informations relatives à cette grève figurant sur son tableau d'affichage) ; qu'il remettait à cette occasion une lettre protestant contre les nombreuses entraves à l'exercice de son activité syndicale malgré l'intervention de l'inspecteur du travail ;
attendu que M. Z... a été réélu délégué du personnel le 3 novembre 2005 ;
qu'il recevait le 21 / 11 / 2005 un nouveau courrier informel d'avertissement qu'il contestait le 03 / 12 / 2005, ses explications orales n'ayant pas été entendues ;
que par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 03 / 01 / 2006, M. Z... était convoqué en vue d'une sanction disciplinaire qui ne donnera pas lieu à sanction, la question ayant été vue en réunion du comité d'entreprise (problème du pointage en tenue de travail) ;
attendu que par courrier en date du 13 / 02 / 2006, les délégués du personnel CGT ont contesté un changement d'horaire qui leur a été imposé sans leur accord ; que le 22 / 02 / 2006, ils contestaient le fait qu'une fouille de casier ait eu lieu en présence d'un élu au CHSCT, cadre ou agent de maîtrise et non d'un délégué du personnel employé ; qu'en outre, le règlement intérieur n'a pas été respecté quant aux modalités de fouille ; que par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception en date du 13 / 02 / 2006, le directeur a revendiqué le changement d'horaire ;
attendu qu'après un échange de courrier relatif à l'imputation des dépenses occasionnées par les condamnations prud'homales de la société Alinéa, le directeur a écrit le 03 / 04 / 2006 à M. Z... pour lui imposer de renoncer à une réunion du comité central d'entreprise pour assister à une formation déjà reportée et programmée le même jour ; que l'assistance à cette réunion a permis à M. Z... d'apprendre qu'il n'avait pas été convoqué à la réunion précédente ; que M. Z... demandera également à la présidence du comité d'entreprise d'y faire régner un ordre respectueux de chaque syndicat ; qu'il a été décidé de refaire la réunion de février (lettre du 27 / 03 / 2006) en avril ;
Attendu que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que la preuve était rapportée que M. Z... a fait l'objet d'une discrimination et d'un harcèlement après avoir relevé d'une part que dès sa désignation en qualité de candidat par courrier en date du 5 octobre 2005, ses horaires ont été modifiés sans son accord, ce que la société Alinéa ne pouvait faire s'agissant d'un salarié protégé et d'autre part que l'administration du travail a dû intervenir pour rappeler à l'ordre la société Alinéa, ce qui n'a pas sensiblement modifié les pratiques de la société Alinéa après cette intervention et enfin, de troisième part, que la société Alinéa a volontairement tenté d'évincer les délégués du personnel CGT des réunions du comité d'entreprise ;
Attendu enfin que l'évolution salariale de M. Z... a été incontestablement freinée en raison de son appartenance syndicale, le seul référent de comparaison devant être un salarié adjoint de secteur et toute référence aux conséquences de son action syndicale et notamment aux entretiens annuels de progrès dont le caractère partial est évident devant être écartée ; que la comparaison avec Mlle A... confirme cette discrimination, puisque son secteur est moins important, comme son équipe ;
Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration de M. Z... dans son ancien poste et en ce qu'il a condamné la société Alinéa à des dommages- intérêts, l'indemnisation du préjudice étant toutefois portée, eu égard au préjudice causé par l'acharnement de la société, Alinéa à la somme de 20 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La Cour ,après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a limité à 10 000 euros le montant des dommages- intérêts,
Et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Alinéa à payer à M. Z... la somme de 20 000 euros à titre de dommages- intérêts,
Condamne la société Alinéa à payer à M. Z... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute la société Alinéa de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société Alinéa aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.