RG No 05 / 04736 F. S. No Minute :
Grosse délivrée
le :
à
SCP GRIMAUD
SCP CALAS
SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU LUNDI 31 MARS 2008
Appel d'un Jugement (No R. G. 04 / 04387) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 29 septembre 2005 suivant déclaration d'appel du 21 Novembre 2005
APPELANTE :
S. A. SADA poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 38 Avenue Jean Jaurès 38320 EYBENS
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
S. A. R. L. GARAGE Y... DES MENUIRES poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège Menuires 73440 LES MENUIRES
représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour assistée de Me GALLIZIA, avocat au barreau de GRENOBLE
Monsieur Denis A... B... ......
représenté par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de la SELARL PRAGMA JURIS, avocats au barreau de GRENOBLE substitué par Me GASMI, avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude- Françoise KUENY, Conseiller, Madame Françoise SIMOND, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 27 Février 2008, Madame SIMOND a été entendue en son rapport.
Madame Françoise SIMOND, conseiller, chargée d'instruire l'affaire, assistée de Madame LAGIER, Greffier, a entendu les avoués en leurs conclusions et les plaidoiries des avocats, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
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PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Denis A... B... a acquis le 5 avril 2000 un véhicule CITROËN PICASSO HDI mis en circulation pour la première fois le 5 janvier 2000 et ayant parcouru 800 km.
Monsieur Denis A... B... a fait effectuer la révision des 100. 000 km dont la vidange moteur auprès de la SA SADA, concessionnaire CITROËN à EYBENS le 18 mars 2002.
Le 24 mars 2002, sur la route des MENUIRES, il tombait en panne et était dépanné le lendemain par la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES agent RENAULT qui procédait à la mise en place d'un nouveau bouchon de vidange, effectuait une réparation provisoire du filetage défectueux et remettait à niveau l'huile (3 litres). Sur le chemin du retour vers GRENOBLE, Monsieur Denis A... B... tombait à nouveau en panne à hauteur de PONTACHARRA. Son véhicule était remorqué par le garage POULAT, puis conduit à la SA SADA.
Avant l'engagement d'une procédure judiciaire, le véhicule va être expertisé par trois experts différents.
Monsieur D..., expert mandaté par l'assureur protection juridique de Monsieur Denis A... B... va examiner le véhicule le 26 juillet 2002 en présence de Monsieur Denis A... B..., de Monsieur E..., expert d'AXA assurances, assureur de la SA SADA et de Monsieur Y..., garagiste aux MENUIRES.
Monsieur D... estimait que la SA SADA ou du moins son préposé avait commis lors de la révision des 100 000 km une faute en détériorant le filetage du bouchon de vidange dans le carter d'huile, se rendant compte que le bouchon de vidange ne vissait pas librement dans le carter, et le forçant pour le bloquer et que seul la SA SADA devait remplacer le moteur du véhicule.
L'expert E... estimait dans son rapport du 30 août 2002 qu'il ne pouvait être imputable à la SA SADA que la réparation initiale à savoir le remplacement du carter inférieur d'huile et le jeu de coussinets de bielle et ce par sécurité et estimait que le remplacement du moteur était imputable à Monsieur Denis A... B... qui avait roulé le voyant rouge éclairé dans la montée du col des MENUIRES et ensuite roulé en direction de GRENOBLE avec un bruit de moteur croissant.
Devant les analyses divergentes des deux experts, les parties désignaient d'un commun accord l'expert Monsieur F... qui après avoir examiné le véhicule le 6 décembre 2002 concluait dans son rapport du 21 janvier 2003 que la défaillance du moteur n'était pas du à une absence de lubrification mais à une rupture par fatigue.
Monsieur Denis A... B... va solliciter une expertise judiciaire. Par ordonnance de référé du 4 septembre 2003, Monsieur Jean DE G... était désigné comme expert et déposait son rapport le 14 février 2004.
Il concluait à une fatigue du moteur nécessitant son remplacement mais rejetait l'hypothèse d'un mauvais serrage du bouchon de vidange lors de la révision des 100. 000 km par la SA SADA et de la perte de l'huile du moteur qui n'était pas visible sur le soubassement du véhicule et surtout sur le carter de protection moteur.
Par acte du 17 août 2004, Monsieur Denis A... B... va assigner la SA SADA et la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES pour les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 3. 938 € coût de l'échange moteur de son véhicule outre différents frais.
Par jugement en date du 29 septembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE a :
- déclaré la SA SADA responsable du préjudice subi par Monsieur Denis A... B..., estimant que la cause de la panne était dû à un mauvais positionnement du bouchon de vidange lors de la révision des 100. 000 km ayant entraîné la perte d'huile, conséquence de la défectuosité du moteur par manque de lubrification,
- mis hors de cause la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES,
- condamné la SA SADA à payer à Monsieur Denis A... B... :
3. 938 € au titre du remplacement du moteur, 4. 000 € au titre du préjudice de jouissance, 1. 500 € au titre des frais visés à l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile concernant les frais irrépétibles engagés par la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES.
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe de la Cour le 21 novembre 2005, la SA SADA a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions notifiées le 18 juin 2007, la SA SADA demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a estimé qu'elle était responsable de l'avarie du moteur et de :
- constater que tant les opérations d'expertise de Monsieur F... que celle de Monsieur DE G... qui se sont déroulées au contradictoire de Monsieur Denis A... B... et d'elle même ont permis d'établir de manière formelle que l'avarie du moteur ne trouvait pas sa cause dans une perte d'huile,
- constater que ces constations et analyses ne sont pas sérieusement contestables,
- dire et juger en conséquence que Monsieur Denis A... B... ne démontre pas que son intervention ait un lien causal avec l'avarie du moteur survenue le 24 mars 2002,
- débouter Monsieur Denis A... B... de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,
Subsidiairement,
- déclarer irrecevable la demande de Monsieur Denis A... B... en paiement d'une somme complémentaire de 4 500 € en réparation d'un préjudice de jouissance depuis le 29 septembre 2005,
- en tout état de cause, dire et juger sa demande mal fondée et l'en débouter,
- condamner Monsieur Denis A... B... à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle estime que dans la mesure où Monsieur Jean DE G... et Monsieur F... ont émis des avis convergents excluant comme cause de la défectuosité du moteur le manque de lubrification du fait de l'absence de traces d'huile qui auraient du inéluctablement laisser des traces sur le carter d'huile car recouvert de produit insonorisant, donc ayant la faculté d'absorber le fluide tombant dessus, sa responsabilité lors de la révision du véhicule pour un prétendu vissage de travers du bouchon de vidange ayant entraîné sa perte et des fuites d'huile au demeurant contestées ne peut être engagée et que si l'expert judiciaire n'a pas pu examiner les pièces défectueuses, celles- ci l'ont été par Monsieur F... qui a constaté que les coussinets de bielle ne présentaient aucune trace de bleuissement ce qui était la démonstration d'absence d'élévation en température tout comme le fait que la culasse était dans un état très propre.
Par conclusions notifiées le 9 janvier 2007, Monsieur Denis A... B... sollicite la confirmation du jugement et y ajoutant, la condamnation de la SA SADA à lui payer la somme de 4 500 € au titre du préjudice supplémentaire de jouissance à nouveau subi depuis le 29 novembre 2005, montant à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir ainsi que celle de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il conteste les conclusions de l'expert judiciaire Monsieur DE G... qui n'a pu examiner le carter inférieur d'huile et les coussinets défectueux perdus par la SA SADA, que cette perte suffit à elle seule à engager la responsabilité de la SA SADA qui en avait la garde. Si l'expert judiciaire a constaté l'absence de projection d'huile sur la plaque de protection et le berceau du véhicule, il n'a pas vérifier que ladite plaque appartenait bien au véhicule litigieux et n'a même pas envisagé que ce véhicule, immobilisé depuis le 23 mars 2002 ait pu faire l'objet d'un nettoyage.
Les photographies prises par l'expert D... lors du premier démontage du moteur attestent du bleuissement caractéristique d'un manque de lubrification et il est justifié tant par l'expert D... que par Monsieur H..., expert près la Cour d'Appel d'AMIENS que la perte d'huile sur 883 km, distance parcourue entre l'intervention de la SA SADA et la panne justifiait l'absence de grosses traces d'huile celle- ci étant pulvérisé vers l'arrière du véhicule en marche.
Sur les vérifications opérés sur le bouchon de vidange, Monsieur Denis A... B... estime les conclusions de l'expert F... qui constatant que le bouchon de vidange de marque RENAULT pouvait être remplacé par un bouchon d'origine de marque CITROËN sans difficultés ce qui tendrait à démontrer que le filetage est d'origine et n'était pas défectueux ne sont pas pertinentes dans la mesure où l'expert n'a pas vérifié que les bouchons pouvaient être standard.
Par conclusions notifiées le 28 mars 2007, la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause et y ajoutant demande à la Cour de :
- dire que la SA SADA n'a pas d'intérêt à l'intimer en cause d'appel,
- condamner la SA SADA à lui payer la somme de 300 € pour procédure abusive et celle de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Si l'expert judiciaire Monsieur DE G... a constaté que le moteur avait été déposé et entreposé dans le coffre de la voiture, et n'a pas pu examiner le carter, le bouchon, les coussinets égarés par la SA SADA précisant qu'il ne pouvait pas se prononcer sur les causes du sinistre en particulier l'absence de bouchon de serrage, il a par contre indiqué très clairement être d'accord avec le dire de Monsieur E... selon lequel si le bouchon de vidange avait été monté de travers, il ne se serait pas desserré et au contraire l'effet inverse (un blocage) se serait produit. En effet si le bouchon de vidange avait été monté de travers, son serrage aurait été difficile et il n'aurait pu se desserrer tout seul. L'expert judiciaire a formellement exclu la perte d'huile moteur, aucune trace de cette perte éventuelle n'étant visible sur le soubassement du véhicule et surtout sur le carter de protection du moteur dont la dépose est indispensable pour procéder à la vidange n'étant pas percé au niveau du carter inférieur. Il a souligné qu'une perte de 4 à 5 litres d'huile s'accompagne d'une pulvérisation sur le soubassement du véhicule particulièrement sur le carter de protection, lequel présente des coussinets de mousse qui retiennent l'huile.
L'expert judiciaire a joint en annexe de son rapport d'expertise des photographies sur lesquelles les coussinets de bielle du 4o cylindre, du 3o cylindre et le coussinets de pallier de vilebrequin sont rayés et ne porte pas de traces d'échauffement par manque de lubrification. Cette observation a également été faite par l'expert F... qui a constaté que les coussinets de bielles du cylindre no3 sont complètement polis et évacués de leur assise, défaillance caractéristique due à la fatigue du moteur par utilisation intensive, l'absence de bleuissements des pièces prouvant que la casse du moteur n'est pas due à une absence d'huile.
Cet expert a également constaté l'absence totale de trace d'huile moteur ce qui permettait d'écarter la thèse de la fuite d'huile.
Alors que deux experts à des périodes différentes n'ont pas constaté de présence de traces d'huile, Monsieur Denis A... B... ne peut soupçonner la SA SADA d'avoir procédé à un nettoyage du véhicule ou remplacé la plaque de protection. Quant aux traces de bleuissement qui apparaissent sur les photographies prises par Monsieur D..., différentes de celle de l'expert judiciaire Monsieur DE G..., force est de constater que dans son rapport, Monsieur D... n'en fait pas état pour soutenir notamment qu'elles traduiraient un manque de lubrification.
La facture de la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES en l'absence de constatations formelles de sa part d'une perte d'huile, n'est pas la preuve d'une défaillance de la SA SADA lors de la révision effectuée sur le véhicule. Le témoignage de Monsieur I... qui est venu chercher Monsieur Denis A... B... lorsque celui- ci est tombé en panne et qui a constaté la présence de taches d'huile sur le hayon arrière de son véhicule PICASSO ne permet pas d'entériner la thèse d'une fuite d'huile dû à l'absence de serrage du bouchon de vidange sur le capot avant du véhicule.
Le jugement qui a retenu de l'ensemble des déclarations ainsi que de la facture de réparations toutes concordantes que le véhicule de Monsieur Denis A... B... a perdu de l'huile, des traces ayant été relevées par un témoin, et que cette fuite d'huile était due à un mauvais positionnement du bouchon de vidange imputable à la SA SADA qui a commis une faute lors de la révision du véhicule sera infirmé, les éléments avancés par le jugement étant contredits par l'avis technique circonstancié de l'expert judiciaire qui a accompli sa mission avec diligence et répondu de façon précise à l'ensemble des dires des parties excluant une perte d'huile et par la même un mauvais positionnement du bouchon de vidange, analyse confirmée par l'expert F... désigné d'un commun accord entre les parties et qui a donné comme analyse de la panne une usure prématurée du moteur.
La preuve est ainsi rapportée que la SA SADA n'a pas failli à son obligation de résultat lors de la révision des 100. 000 km, ayant accompli correctement les tâches lui incombant lors de cette révision et notamment la vidange moteur.
Sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée.
Si la SA SADA n'avait formulé aucune demande en première instance, ni n'en formule en appel à l'encontre de la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES qu'elle a intimé en appel, ce n'est pas pour autant qu'elle n'a pas dintérêt à agir.
La SA SADA entendait porter à la connaissance de la Cour l'entier litige et devait donc intimer l'ensemble des parties présentes en première instance même si initialement c'est Monsieur Denis A... B... qui avait appelé en garantie la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES, sollicitant la condamnation solidaire des deux garagistes.
La procédure intentée par la SA SADA n'est pas abusive et la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Succombant, Monsieur Denis A... B... sera condamné aux entiers dépens.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SA SADA et la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES sera déboutée de sa demande à ce titre en tant que dirigée contre la SA SADA.
PAR CES MOTIFS
Statuant, publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Dit que la SA SADA n'est pas responsable de la panne du véhicule CITROËN PICASSO HDI survenu le 24 mars 2002 nécessitant le remplacement du moteur du véhicule,
Déboute Monsieur Denis A... B... de sa demande en réparation des conséquences dommageables de cette panne,
Déboute la SARL GARAGE Y... DES MENUIRES de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute la SA SADA de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne Monsieur Denis A... B... aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP F. et A. GRIMAUD et la SCP Jean et Charles CALAS, Avoués, à recouvrer contre lui ceux d'appel avancés sans en avoir reçu provision.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame LAGIER, Greffier.