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04/12/2007 | FRANCE | N°05/819

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre civile 1, 04 décembre 2007, 05/819


R.G. No 05/00819F.L.No Minute :

Grosse délivrée
le :
à :
SCP GRIMAUD
SCP CALAS
SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC
SCP POUGNAND
Me RAMILLON
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 04 DECEMBRE 2007
Appel d'un Jugement (No R.G. 03/00090)rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAPen date du 12 janvier 2005suivant déclaration d'appel du 18 Février 2005

APPELANT :
Monsieur Pierre Y...né le 05 Mars 1930 à PELVOUX (05340)...38240 MEYLAN

représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassisté de Me ARNAUD, avocat au b

arreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMEE :
COMMUNE DE PELVOUX représentée par son Maire en exercice, domicilié en cette ...

R.G. No 05/00819F.L.No Minute :

Grosse délivrée
le :
à :
SCP GRIMAUD
SCP CALAS
SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC
SCP POUGNAND
Me RAMILLON
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 04 DECEMBRE 2007
Appel d'un Jugement (No R.G. 03/00090)rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAPen date du 12 janvier 2005suivant déclaration d'appel du 18 Février 2005

APPELANT :
Monsieur Pierre Y...né le 05 Mars 1930 à PELVOUX (05340)...38240 MEYLAN

représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassisté de Me ARNAUD, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMEE :
COMMUNE DE PELVOUX représentée par son Maire en exercice, domicilié en cette qualité audit siègeHôtel de Ville05340 PELVOUX

représentée par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Courassistée de Me MILLIAS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Françoise LANDOZ, Président,Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller,Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Hélène LAGIER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Novembre 2007, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
Exposé du litige
Pierre Y... est propriétaire sur le territoire de la commune de PELVOUX, Hautes-Alpes, de parcelles cadastrées 474, 480, 1060, 1145, 1301, 1302, 1305, 1466, 1467 et 1468.
Par acte du 23 janvier 2003, il a fait assigner la commune de PELVOUX devant le Tribunal de Grande Instance de GAP pour voir dire que le chemin dit de l'ancien four qui traverse ses parcelles, est un chemin d'exploitation privé qui est devenu sa propriété exclusive du fait de la réunion des fonds limitrophes ; à titre subsidiaire, de dire qu'il a prescrit la propriété du chemin qui faisait partie du domaine privé de la commune.
Par jugement du 12 janvier 2005 le tribunal a dit que la commune de PELVOUX était bien propriétaire du chemin en litige et que Pierre Y... n'avait jamais pu l'acquérir par prescription.
Pierre Y... a interjeté appel de cette décision le 18 février 2005.
Il fait valoir que le chemin en cause ne peut appartenir à la voirie communale aux motifs qu'il n'est pas affecté à la circulation générale et continue du public, qu'il n'a pas fait l'objet d'une décision de classement dans le domaine public et que la commune de PELVOUX n'y a exercé aucun pouvoir de police ni de surveillance.
En second lieu, il soutient que le chemin ne peut être qualifié de chemin rural en l'absence des critères légaux :
- absence d'actes réitérés de surveillance et de voirie, le tracé a même disparu ainsi que le révèlent les procès-verbaux de constat d'huissier de justice, des 3 août 1998 et 27 novembre 2001,
- absence de circulation générale et continue, aucune circulation publique ne pouvant être établie sur ce chemin qui traverse sa propriété du fait que pendant plusieurs années il a été recouvert dans sa partie basse de bois et taillis impénétrables et de sa forte pente.
Il conteste les témoignages produits par la commune qui comportent des erreurs ou des imprécisions ou qui attestent de l'utilisation du chemin par les habitants pour aller chercher des graviers dans le lit du torrent auquel il aboutit alors que ces prélèvements ne peuvent être faits que par les riverains, et conclut qu'aucune circulation licite n'est établie.
Il relève qu'en tout état de cause, ce chemin se trouve être au départ comme à l'arrivée, sur sa propriété, de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'il est ouvert à la circulation publique.
Il rappelle que le four à chaux dont le chemin tire son appellation, qui était situé à mi-chemin, soit sur la parcelle 817, n'existe plus depuis très longtemps et même à une période antérieure à 1841, date à laquelle il n'apparaît pas sur le cadastre rénové ; il relève que le tracé et la déclivité du dit chemin ne permettent pas de le classer dans la catégorie des chemins ruraux.
Pierre Y... fait encore valoir que si un échange a pu avoir lieu sur une partie du chemin en 1953, c'est bien qu'il ne peut être qualifié de rural.
Il soutient qu'il ne peut être tiré de conséquence de ce qu'il emploie dans les courriers adressés à la commune, le terme de chemin rural et que celle-ci qui l'a autorisé à édifier un mur et un escalier en bordure de ce chemin ne peut en demander la démolition.
Il revendique la qualification de chemin privé d'exploitation de ce chemin qui traverse la propriété qu'il a acquise parcelle après parcelle et à titre subsidiaire, l'effet de la possession trentenaire puisqu'il s'est comporté depuis plus de trente ans comme le véritable propriétaire.
Il demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de dire que le chemin litigieux est sa propriété exclusive et de condamner la commune de PELVOUX à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-o0o-
La commune de PELVOUX répond que le chemin est un chemin rural, propriété de la commune :
- Pierre Y... lui-même reconnaît explicitement cette nature dans les courriers adressés à la commune,
- les plans cadastraux anciens et nouveaux font apparaître le chemin du four sans numéro parcellaire,
- les demandes de permis de construire déposées par Pierre Y... en 1974 et 1977 sont accompagnées de plans qui distinguent soigneusement sa propriété du chemin et la demande du 22 septembre 1993 tend à obtenir l'autorisation d'implanter une clôture le long du "nouveau chemin rural".
La commune fait également état des indications portées sur le plan établi le 20 septembre 1993 en vue de l'échange, du procès-verbal de bornage signé par Pierre Y... et des attestations confirmant que le chemin permettait aux habitants de la commune d'aller prélever du sable et du gravier dans le lit du torrent, le Gyr.
Elle assure que les courriers et attestations émanant des habitants démontrent que le chemin a toujours été ouvert à la circulation ; elle rappelle que Pierre Y... a été autorisé à construire non pas un parking mais un mur de soutènement et un garage du côté de la route départementale et que selon les dispositions de l'article L.161-3 du code rural, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé.
La commune de PELVOUX soutient que quelle que soit la légalité de l'échange, sollicité par Pierre Y... et accepté par elle après une enquête publique du 10 avril 1993 au 28 avril 1993, l'échange établit qu'elle est propriétaire du dit chemin ; elle ajoute que les courriers adressés par Pierre Y..., la délibération du Conseil Municipal, la plainte pour obstruction, constituent autant d'actes réitérés de surveillance du chemin témoignant de la volonté de la commune de le conserver et d'en maintenir le libre accès.
Sur l'usucapion, la commune de PELVOUX maintient que Pierre Y... après avoir échangé une partie du chemin de manière à le déplacer, n'a cessé au cours des années 1951 et 1953, de lui proposer d'acquérir le chemin du four, reconnaissant expressément qu'il était la propriété de la commune, de sorte qu'il ne peut prétendre s'être comporté comme propriétaire.
Elle conclut à la confirmation du jugement déféré et forme appel incident pour obtenir la démolition du mur et de l'escalier qui gênent l'accès du chemin, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir.
Elle sollicite la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Motifs et décision

Le tribunal a exactement rappelé les termes des articles du code rural :
- l'article L.161-1 qui précise que "les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune",
- l'article L.161-2 selon lequel "l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale",
- l'article L1631-3 qui ajoute que "tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé".
Il résulte du dossier que Pierre Y... n'a pas toujours été propriétaire de l'ensemble des parcelles situées de part et d'autre du chemin dit "de l'ancien four" ; à une certaine époque, la qualification de rural de ce chemin utilisé par les habitants de la commune pour se rendre au four banal situé à mi-parcours sur la parcelle 817 ne posait pas de problème.
Il n'est pas contesté que Pierre Y... a reconnu à plusieurs reprises la propriété de la commune de PELVOUX sur le chemin ; en effet :
- il en a obtenu le déplacement partiel en 1951 par échange du terrain de son assiette au nord de la parcelle 476 ; le Conseil Municipal qui indiquait que Pierre Y... souhaitait réunir des parcelles pour la construction d'une maison d'habitation, a donné le 15 janvier 1951 un avis favorable au motif que cet échange ne gênait pas l'accès aux parcelles desservies par ce chemin,
- après avoir agrandi son tènement, Pierre Y... a adressé différents courriers à la commune de PELVOUX, le 1er octobre 1975, le 15 mai 1976 pour demander quelle suite avait été donnée à sa requête concernant l'acquisition d'une partie du chemin dit de l'ancien four, le 2 novembre 1976 pour faire une proposition d'échange avec des parcelles sises au lieudit l'Eychauda, le 2 octobre 1984 pour renouveler sa demande d'échange,
- le conseil municipal de la commune de PELVOUX dans sa séance du 16 novembre 1984 a émis un avis défavorable à la proposition de Pierre Y... de l'échange du chemin de l'ancien four contre un terrain à l'Eychauda, mais un avis favorable pour un déplacement de ce chemin le long du canal de La Constance qui longe sa propriété au Nord-Ouest,
- par un autre courrier du 18 janvier 1987, Pierre Y... rappelle que le problème du chemin de l'ancien four est posé depuis le 10 décembre 1974, dans un courrier du 25 septembre 1992 il vise en objet "chemin rural dit de l'ancien four, dans un courrier du 30 juillet 1993, qui fait suite aux travaux préparatoires au bornage du 13 novembre 1992 en vue du déplacement du chemin rural le long du canal, Pierre Y... vise encore en objet : "déplacement du chemin rural dit de l'ancien four, alignement, bornage",
- enfin, les demandes de permis de construire ou d'autorisation d'implanter une clôture, adressées à la mairie de PELVOUX révèlent que Pierre Y... avait bien conscience de ce que le chemin appartient à la commune de PELVOUX.
Ces éléments font ressortir que Pierre Y... n'a jamais prétendu être propriétaire du chemin ni contesté la qualification de chemin rural au chemin dit de l'ancien four ; il apparaît en réalité, que c'est parce que ce chemin traverse désormais sa propriété, de la route nationale 94 E, devenue route départementale 994 E, à l'Est, au torrent Gyr, à l'Ouest, qu'il veut faire reconnaître que le dit chemin n'est pas rural.
De son côté, la commune de PELVOUX établit que ce chemin était utilisé par les habitants depuis des temps anciens, pour aller chercher dans le torrent Gyr, le sable, le gravier ou les cailloux nécessaires à la construction de leurs maisons ou de leurs bâtiments d'exploitation, et que depuis quelques temps, elle reçoit les doléance de certains habitants qui se plaignent de la construction au droit de la maison d'habitation de Pierre Y..., d'un mur et d'un escalier qui obstruent le chemin litigieux, tous éléments qui confirment les pouvoirs de police exercés par la commune et le caractère rural du dit chemin et excluent toute possession utile.
S'agissant de la qualification du chemin litigieux en chemin d'exploitation, Pierre Y... entend faire juger qu'étant devenu l'unique propriétaire de l'ensemble des parcelles que borde ce chemin, il en est le seul propriétaire ; cependant il convient de relever que l'appelant ne produit aucun élément pour démontrer que le chemin servait exclusivement pour la communication entre divers fonds ou à leur exploitation avant leur réunion entre ses mains ; au contraire, dès lors qu'il tient son appellation du fait qu'il desservait un four à chaux communal situé à mi-longueur et que la commune de PELVOUX a justifié qu'il était utilisé par les habitants pour aller prélever des graviers et cailloux dans le torrent, il n'y a pas de présomption que ce chemin appartenait aux propriétaires riverains, de sorte que Pierre Y... ne peut en revendiquer la propriété.
Quant à la prescription acquisitive, il résulte des réclamations qu'il a faites auprès de la commune de PELVOUX que Pierre Y... ne s'est jamais comporté comme propriétaire ; de sorte qu'il ne peut justifier d'aucune occupation à titre de propriétaire et qu'il manque au moins le caractère univoque à la possession dont il fait état.
Il en résulte que le chemin dit de l'ancien four est bien un chemin faisant partie du patrimoine de la commune et que Pierre Y... n'a pas pu l'acquérir ni par prescription ni par la réunion entre ses mains des parcelles bordant le dit chemin.
Le jugement déféré qui a rejeté les prétentions de Pierre Y... sera confirmé.
En ce qui concerne la demande de démolition du mur et de l'escalier, Pierre Y... ne répond pas sur l'appel incident de la commune de PELVOUX et ne conteste pas que ces éléments sont implantés sur l'assiette du chemin litigieux ; une instance pénale a même été engagée pour faire juger l'irrégularité des constructions.
Le propre d'un chemin rural était de permettre la circulation des usagers sans entrave quelconque, Pierre Y... devra libérer l'assiette du chemin, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la commune de PELVOUX les frais qu'elle a dû exposer devant la Cour et non compris dans les dépens ; Pierre Y... devra lui payer une indemnité de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les prétentions de Pierre Y...,
Infirme le dit jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la commune de PELVOUX et statuant à nouveau,
Condamne Pierre Y... à libérer l'assiette du chemin de l'escalier et du mur qu'il y a édifiés, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,
Condamne Pierre Y... à payer à la commune de PELVOUX une indemnité de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne Pierre Y... à tous les dépens de première instance et d'appel et autorise la S.C.P POUGNAND, avoué, à recouvrer directement contre lui, les frais avancés sans avoir reçu provision.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame LAGIER, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05/819
Date de la décision : 04/12/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Gap, 12 janvier 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2007-12-04;05.819 ?
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