RG No 05/05257
No Minute :
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 28 MARS 2007
Appel d'une décision (No RG 05/00364)rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLEen date du 09 décembre 2005suivant déclaration d'appel du 28 Décembre 2005
APPELANTE :
LA S.A.R.L. FOURNIL MARTINEROIS63 Avenue Potié38400 SAINT-MARTIN D'HERES
Représentée par Madame PRAT (Gérante)et assistée par Me Pierre-Jean CHAPUIS (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
Madame Eslem Y......38400 SAINT-MARTIN D'HERES
Comparante et assistée par Me Catherine MEYLAN (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2007,Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 28 Mars 2007.
L'arrêt a été rendu le 28 Mars 2007.Notifié le :Grosse délivrée le :
RG No 05/5257 HC
EXPOSE DU LITIGE
Par contrats à durée déterminée transformés en contrat à durée indéterminée, Eslem Y... a été embauchée en 1991 en qualité de vendeuse par la société FOURNIL MARTINEROIS qui exploite trois boulangeries à Grenoble, Saint-Martin d'Hères et Montbonnot.
A l'exception de six mois pendant lesquels elle a travaillé à Montbonnot, Eslem Y... a toujours travaillé au point de vente de Grenoble.
Le 28 décembre 2004, elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement et par courrier du 11 janvier 2005 elle a été licenciée, le motif étant son refus d'aller travailler au magasin de Saint-Martin d'Hères.
Eslem Y... a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Grenoble qui par jugement du 9 décembre 2005 l'a jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société FOURNIL MARTINEROIS à lui payer la somme de 14.500 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que 1.442 euros à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement et 500 euros au titre des frais irrépétibles.
La société FOURNIL MARTINEROIS a relevé appel le 28 décembre 2005.
Elle demande à la Cour de réformer le jugement et réclame 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle expose qu'au mois de décembre 2004, en raison de la fermeture imminente de la boulangerie de Grenoble, elle a proposé à Eslem Y... son affectation à Saint-Martin-d'Hères, ce qu'elle a refusé au motif que cette mutation mettait en cause son organisation familiale et sociale ;
qu'elle ne pouvait dès lors que la licencier compte tenu de son refus de respecter l'une des clauses du contrat qui prévoit la mobilité au sein des trois établissements.
Elle relève que le conseil de Prud'hommes ne s'est pas expliqué sur les conséquences qu'il tirait de la non production d'une lettre et qu'il ne s'est pas livré à la moindre analyse des éléments du dossier.
Elle précise que bien qu'elle le soutienne dans le cadre de la procédure, Eslem Y... n'a pas invoqué dans sa lettre du 6 décembre 2004 le fait qu'elle n'aurait plus la responsabilité d'un magasin et souligne qu'en tout état de cause, elle travaillait en alternance avec une autre salariée.
Elle fait valoir qu'elle a été remplie de ses droits en ce qui concerne le montant de son salaire calculé sur la base du coefficient 165 et non du coefficient 175 qu'elle revendique.
Eslem Y... conclut à la confirmation du jugement sauf à porter les dommages-intérêts à la somme de 31.956 euros et réclame également :
- 708,43 euros à titre de rappel de salaire- 1.442 euros à titre de rappel de congés payés - 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles
Sur la rupture du contrat de travail, elle conteste le motif invoqué par l'employeur résultant de son refus de changer de lieu de travail et fait valoir que la preuve de son refus n'est nullement rapportée.
Elle conteste avoir reçu le courrier du 3 décembre 2004 que l'employeur dit lui avoir envoyé pour lui demander de venir travailler à Saint-Martin-d'Hères et indique que c'est le 6 janvier 2005, lors de l'entretien préalable qu'elle a mesuré les conséquences d'une mutation.
Elle indique qu'avant cette date, elle n'a obtenu de son employeur aucune information lui permettant de se positionner.
Elle soutient encore que depuis 1999, elle était responsable d'un point de vente et qu'elle n'a eu aucune assurance qu'elle serait maintenue à ce poste ;
que sous couvert d'un changement des conditions de travail, on lui imposait une véritable modification du contrat de travail puisqu'elle allait travailler comme simple vendeuse dans une boulangerie ou travaillait le dirigeant de la société.
Elle soutient qu'en raison de la vente du fonds l'article L 122-12 devait s'appliquer et souligne qu'elle a purement et simplement été éjectée de son emploi après plus de 13 ans de service.
Elle fait également valoir qu'en tant que responsable de point de vente, elle devait bénéficier du coefficient 175 et qu'elle n'a bénéficié que de 4 semaines de congés payés par an au lieu des cinq que prévoit la convention collective.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
1 - Sur le licenciement
Attendu que le dernier contrat de travail signé entre les parties est le contrat daté du 3 septembre 1998 ;
qu'il prévoit expressément que la salariée pourra être amenée à se déplacer dans les établissements de l'entreprise partout où les nécessités du travail l'exigeront ;
qu'il prévoit également la modification du lieu de travail en cas de déménagement ou de modification de la structure juridique de l'entreprise, l'obligation de mobilité constituant un élément déterminant dans la décision d'embauche ;
Attendu que s'il existe un doute quant au contenu du courrier du 3 décembre 2004 qui n'est pas versé aux débats et auquel Eslem Y... a répondu par la négative le 6 décembre 2004, il est constant que par courrier du 16 décembre 2004, la société FOURNIL MARTINEROIS a clairement écrit à sa salariée : "Je vous réitère ma décision de vous affecter désormais au magasin de Saint-Martin-d'Hères. Pour tenir compte des nécessités du service, je vous prie de me faire connaître votre réponse définitive à très brefs délais." ;
Attendu que c'est à tort qu'Eslem Y... soutient qu'elle n'a pas eu la possibilité de se positionner sur les modifications envisagées par l'employeur, alors que dès le 16 décembre 2004 elle était informée du changement de son lieu de travail et non plus d'un simple changement d'horaires comme envisagé dans le cadre d'une proposition d'avenant du 2 décembre 2004 ;
Attendu que la fermeture prévue du magasin situé rue Barnave à Grenoble n'était d'ailleurs pas inconnue de la salariée qui avait déjà interrogé la société à ce sujet par courrier du 22 octobre 2003 auquel il avait été répondu que la vente de la boulangerie n'était pas encore finalisée ;
Attendu que la fermeture du magasin est effective depuis le mois de mars 2005 et ne peut donc être interprétée comme un moyen de se débarrasser de la salariée sans frais ;
Attendu que devant le refus d'Eslem Y... d'aller travailler à Saint-Martin-d'Hères malgré la clause prévue au contrat, c'est à bon droit que l'employeur l'a licenciée ;
Attendu qu'en effet, la bonne foi de l'employeur étant présumée, Eslem Y... ne pouvait préjuger de la modification de son contrat de travail sur d'autres points que l'affectation géographique à l'intérieur du même bassin d'emploi ;
Attendu que le jugement du conseil de Prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'argumentation sur l'article L 122-12 du code du travail est inopérante en l'espèce alors d'une part qu'il n'existe aucune preuve de la vente du fonds de commerce de boulangerie, seul un document relatif à la résiliation anticipée du bail étant versé aux débats et alors d'autre part que le prétendu acquéreur du fonds contre lequel une demande de poursuite du contrat de travail pourrait être formée, n'est pas à la procédure ;
2 - Sur les autres demandes
Attendu qu'en tant que responsable d'un point de vente, Eslem Y... était rémunérée au coefficient 165 ;
Mais attendu que le point de vente occupant jusqu'à deux salariés, fût-ce en alternance, Eslem Y... pouvait prétendre au coefficient 175 ;
qu'il sera fait droit à sa demande de rappel de salaire à hauteur de la somme de 708,43 euros ;
Attendu que la société FOURNIL MARTINEROIS ne justifie par aucun pièce qu'Eslem Y... a bénéficié de la semaine de congé supplémentaire prévue par l'article 30 de la convention collective de la boulangerie, ce que seuls les bulletins de salaire pour la période considérée permettraient de vérifier ;
que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Eslem Y... la somme de 1.442 euros de ce chef ;
Attendu qu'il lui sera alloué la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement rendu le 9 décembre 2005 par le conseil de Prud'hommes de Grenoble en ses dispositions relatives au rappel de congés payés (1.442 euros) aux frais irrépétibles (500 euros) et aux dépens.
- Le réformant pour le surplus, dit que le licenciement d'Eslem Y... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de sa demande de dommages intérêts.
- Condamne la société FOURNIL MARTINEROIS à lui payer la somme de 708,43 euros à titre de rappel de salaires outre 70,80 euros au titre des congés payés afférents.
- Y ajoutant, condamne la société FOURNIL MARTINEROIS à lui payer la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
- Condamne la société FOURNIL MARTINEROIS aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.