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22/11/2006 | FRANCE | N°05/01745

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 22 novembre 2006, 05/01745


RG No 05/01745

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 22 NOVEMBRE 2006
Appel d'une décision (No RG 04/00428)rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLEen date du 05 avril 2005suivant déclaration d'appel du 18 Avril 2005

APPELANTE :
Madame Annick X......38590 BREZINS

Comparante et assistée par Me Christophe LACHAT (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

S.A. EDEN prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège12 rue de Pré Ruffier38400 SAINT-MARTIN D'HERES

Représentée par Monsieur DARGENT, Président et assistée par Me Franck BENHAMOU (avocat au barreau de GRE...

RG No 05/01745

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 22 NOVEMBRE 2006
Appel d'une décision (No RG 04/00428)rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLEen date du 05 avril 2005suivant déclaration d'appel du 18 Avril 2005

APPELANTE :
Madame Annick X......38590 BREZINS

Comparante et assistée par Me Christophe LACHAT (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

S.A. EDEN prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège12 rue de Pré Ruffier38400 SAINT-MARTIN D'HERES

Représentée par Monsieur DARGENT, Président et assistée par Me Franck BENHAMOU (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Madame Hélène COMBES, Conseiller, Monsieur VIGNY, Conseiller,

DEBATS :
A l'audience publique du 26 Octobre 2006,Madame COMBES, Conseiller, chargée du rapport, en présence de Monsieur DELPEUCH, Président, assistés de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;Notifié le :Grosse délivrée le :Puis l'affaire a été mise en délibéré au 22 Novembre 2006, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 22 Novembre 2006.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 2000, Annick X... a été embauchée par la société EDEN en qualité d'assistante filière administrative.
Par avenant du 2 novembre 2000, elle a été nommée assistante de direction, auprès de Monsieur A..., directeur d'agence et directeur commercial.
Elle a été en arrêt maladie du 21 mai 2003 au 2 décembre 2003 et à son retour, elle n'a plus été placée auprès du directeur commercial Monsieur A..., mais auprès de la directrice administrative et financière, Madame B....
Invoquant une modification unilatérale de son contrat de travail, Annick X... a, le 20 avril 2004, saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 3 mars 2005, la société EDEN lui a notifié son licenciement pour faute grave les motifs étant la perturbation causée à l'entreprise par son comportement et de multiples erreurs.
Par jugement du 5 avril 2005, rendu après enquête, le Conseil de Prud'hommes a débouté Annick X... de toutes ses demandes, retenant que les changements opérés ne modifient ni son degré de subordination à la direction générale, ni sa rémunération, ni sa qualification, ni son niveau hiérarchique, que la société EDEN a toujours essayé de prendre ses demandes en considération et qu'elle a bénéficié de tous les moyens nécessaires à l'exécution de son contrat de travail en tant qu'assistante de direction.
Annick X... a relevé appel le 18 avril 2005.
Elle demande à la Cour de réformer le jugement, de prononcer la résolution du contrat de travail aux torts de l'employeur et de condamner la société EDEN à lui payer les sommes suivantes :
- 1.600 euros au titre de l'indemnité de préavis - 1.066 euros au titre de l'indemnité conventionnel de licenciement - 1.920 euros au titre de l'indemnité de congés payés - 28.800 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive

Elle sollicite également la remise des documents administratifs et le versement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle demande subsidiairement que soit jugé abusif le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié le 3 mars 2005 et réclame les mêmes sommes outre 800 euros au titre de la mise à pied du 17 février au 5 mars 2005.
Elle expose que l'avenant du 2 novembre 2000 a défini ses fonctions - dont la gestion de l'agenda de Monsieur A..., directeur commercial- et précisé qu'elle serait la supérieure hiérarchique de 3 salariées ;
qu'à la reprise de son activité, elle a constaté des changements dans ses fonctions et les moyens mis à sa disposition, ces modifications lui faisant perdre la relation de confiance et de collaboration directe qui caractérise un poste d'assistante de direction.
Elle fait valoir que dans les faits, elle n'était plus assistante de direction ;
qu'ainsi, elle ne secondait pas Madame B..., n'avait plus de personnel sous sa responsabilité, avait perdu les fonctions rattachées aux appels d'offre, ne tenait plus l'agenda de Monsieur A... et ne disposait plus d'un bureau ni d'une ligne directe.
Elle soutient qu'elle a été placée devant le fait accompli, sans information préalable alors qu'aucun reproche écrit ou verbal ne lui a jamais été formulé et qu'elle a été victime de harcèlement moral.
Elle invoque une modification unilatérale de son contrat de travail caractérisée notamment par la perte de toute fonction d'encadrement et le cantonnement à un travail de saisie informatique ne nécessitant ni autonomie, ni réflexion.
Elle fait valoir que l'offre de réintégration dans ses anciennes fonctions qui lui a été faite devant les conseillers rapporteurs, l'a été pour les besoins de la cause, alors que Monsieur A... ne lui adressait plus la parole depuis son retour et avait une attitude injurieuse envers elle.
La société EDEN conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et réclame 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle indique que pendant l'arrêt maladie qui a duré huit mois, elle a été contrainte de répartir les fonctions d'Annick X... ;
que lors de l'entretien de reprise, elle a constaté la fragilisation de la salariée et a donc décidé la réorganisation de son poste pour la rattacher au service comptabilité.
Elle conclut au rejet de la demande de résolution du contrat de travail et réplique que les modifications mises en oeuvre constituent de simples modifications des conditions de travail opérées dans le respect des qualifications de la salariée.
Elle fait valoir qu'Annick X... donne une importance exagérée à ses anciennes fonctions et minimise ses nouvelles, alors même que son degré de subordination à la direction générale n'a pas été modifié, qu'elle a conservé d'anciennes tâches en évoluant vers une fonction de contrôle de gestion et que sa qualification n'a pas été modifiée.
Elle soutient qu'Annick X... n'établit pas ce qu'elle allègue sur la réduction des moyens mis à sa disposition, l'occupation de deux bureaux différents n'ayant été que provisoire dans l'attente d'une réorganisation matérielle.
Sur le licenciement, elle expose que pendant la durée de l'instance devant le Conseil de Prud'hommes, Annick X... s'est comportée de manière inacceptable et que dès lors qu'elle ne souhaitait plus travailler dans l'entreprise, son manque de motivation rendait le licenciement pour faute grave inévitable.
Elle invoque un comportement agressif à l'égard des autres salariées et une multitude de fautes dans l'exécution de ses fonctions.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience;
Attendu que les fonctions d'assistante de direction qui ont été confiées à Annick X... par avenant du 2 novembre 2000 sont les suivantes :
- frappe de devis et contrats commerciaux- prise de rendez-vous et gestion de l'agenda de Monsieur A..., directeur commercial- établissement et rédaction des appels d'offre et courriers commerciaux- gestion et suivi des contrats commerciaux- courriers au personnel- standard, accueil, divers travaux

Attendu que l'avenant précise en outre qu'Annick X... sera la supérieure hiérarchique de trois personnes dont elle devra superviser le travail, veiller à ce qu'elles exécutent leurs tâches dans le respect des procédures, les aider dans leur travail et la formation des nouvelles personnes recrutées ;

Attendu qu'il résulte du descriptif des fonctions au sein de la société EDEN que Monsieur A... avait également le titre de directeur d'agence ;
que le descriptif des fonctions de l'assistante de direction auprès du directeur d'agence comporte entre autres la définition de l'ordre du jour des réunions journalières, la mise en oeuvre des décisions au niveau administratif, l'animation de l'équipe des assistantes, l'élaboration des courriers complexes clients, l'élaboration des courriers disciplinaires au personnel avec l'assistance d'un avocat, les appels d'offre tant dans leur partie technique que commerciale et d'autres fonctions dans les domaines des plans de prévention, de la qualité, de la sécurité et de la formation ;
Attendu qu'il résulte de ces deux documents que les fonctions qui avaient été confiées à Annick X... impliquaient de la réflexion, de l'initiative, de l'autonomie et l'encadrement de salariés ;
Attendu que les pièces qu'elle produit confirment qu'avant son arrêt maladie elle exerçait effectivement ces fonctions ;
que plusieurs courriers signés par elle attestent qu'elle était directement en contact avec les avocats de la société pour les litiges prud'homaux (courriers à Maître BENHAMOU les 6 et 12 mai 2003, courriers à Maître RUFFIER les 26 mars 2001 et 13 juin 2002) ;
Attendu qu'en ce qui concerne les appels d'offres, elle effectuait la visite des locaux en compagnie de Monsieur A..., calculait les prix et était en relation avec les clients potentiels (cf courrier du 15 avril 2003 à la DDE de la Savoie) ;
qu'enfin, elle assistait aux réunions d'exploitation hebdomadaires ;
Attendu qu'à la fin de son arrêt de travail pour maladie, Annick X... a été affectée au service comptabilité et rattachée à Madame B..., directrice administrative et financière ;
que cette nouvelle affectation a été décidée sans qu'Annick X... ait été consultée ou qu'elle en ait été simplement informée, la société EDEN ne lui ayant adressé ni courrier ni note lors de la reprise de son travail ;
Attendu que la société EDEN explique les raisons de sa décision par le constat de la fragilisation d'Annick X... ;
Attendu que cet argument ne saurait convaincre dès lors que l'employeur qui n'a pas tenté de réintégrer Annick X... dans ses anciennes fonctions, ne s'est pas mis en mesure de constater une éventuelle inadaptation de la salariée ;
Attendu que des anciennes fonctions d'Annick X..., seuls lui ont été conservés la gestion des contrats commerciaux, l'établissement des bons de travaux, la tenue des tableaux de bord et les courriers aux clients relatifs à la facturation ;
Attendu que les nouvelles tâches qui lui ont été confiées sont la facturation (enregistrement des contrats dans le logiciel, saisie et vérification des travaux occasionnels, édition des factures) et le calcul des prix de revient ;

Attendu que ce n'est pas sans mauvaise foi que la société EDEN évoque une fonction de contrôleur de gestion qui nécessite la mise en oeuvre de compétences qu'Annick X... n'avait à l'évidence pas après le suivi d'une formation au logiciel EXCEL ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que ni la rémunération d'Annick X... ni sa classification telle qu'elle apparaît sur les bulletins de salaire n'ont été modifiées ;
Attendu que si la simple modification des tâches d'un salarié ne caractérise pas une modification du contrat de travail, il en va différemment lorsqu'un salarié se voit retirer certaines de ses responsabilités et qu'il est confiné dans des attributions secondaires ;
Attendu qu'en dépit des dénégations de la société EDEN et de son argumentation sur le maintien du degré de subordination, il est incontestable que du fait de sa nouvelle affectation, Annick X... a perdu toute compétence dans l'assistance au chef d'agence, dans l'organisation des réunions journalières et hebdomadaires auxquelles elle n'assistait plus, dans la supervision de salariés, dans l'animation d'une équipe, dans l'élaboration de la formation et dans les relations avec les interlocuteurs de l'entreprise ;
Attendu que sous couvert d'une nouvelle réorganisation de l'entreprise relevant de son pouvoir discrétionnaire, la société EDEN a fait subir à Annick X... un véritable déclassement en la cantonnant pour l'essentiel à des tâches de saisie informatique après l'avoir privée sans raison de l'initiative, de l'autonomie et de l'autorité qu'elle lui avait octroyées jusque là ;
Attendu que c'est à bon droit qu'Annick X... soutient que la société EDEN a unilatéralement modifié son contrat de travail ;
qu'il sera fait droit à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il sera fait droit à la demande d'Annick X... au titre de l'indemnité de préavis à hauteur de la somme de 1.584,95 euros outre congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, non contestée dans son quantum par la société EDEN ;
Attendu que le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail sera réparé par la somme de 13.000 euros à titre de dommages intérêts ;
Attendu qu'Annick X... qui ne produit pas ses derniers bulletins de salaire ne justifie pas qu'au jour où elle a quitté l'entreprise, elle avait acquis des droits à congés payés ;
qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef ;
Attendu qu'il sera relevé surabondamment que la société EDEN ne rapporte pas la preuve des fautes graves qu'elle impute à Annick X... et ayant motivé son licenciement immédiat le 3 mars 2005 ;
Attendu que nonobstant la longueur de la lettre de licenciement, il sera observé :
- qu'il ne saurait lui être reproché un dépôt de plainte à la suite de la dégradation de son manteau, alors que la société EDEN avait refusé de prendre en charge le simple nettoyage du vêtement
- qu'à supposer qu'elle ait pu avoir un comportement agressif, l'employeur était seul à l'origine de la crispation des relations pour les raisons qui viennent d'être analysées
- que quelques listing inexploitables ne sauraient établir les manquements allégués dans le traitement des dossiers.
Attendu qu'il sera alloué à Annick X... la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 avril 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Grenoble.

- Statuant à nouveau, prononce la résiliation du contrat de travail conclu entre la société EDEN et Annick X... aux torts de l'employeur.
- Condamne la société EDEN à payer à Annick X... :
la somme de 1.584,95 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 158,49 euros au titre des congés payés afférents la somme de 1.066 euros au titre de l'indemnité de licenciement la somme de 13.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles

- Déboute Annick X... de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
- Ordonne la remise d'un certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC rectifiés.
- Condamne la société EDEN aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05/01745
Date de la décision : 22/11/2006
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Imputabilité - Modification du contrat par l'employeur - Applications diverses - / JDF

Si la simple modification des tâches d'un salarié ne caractérise pas une modification du contrat de travail, il en va différemment lorsqu'un salarié se voit retirer certaines de ses responsabilités et qu'il est confiné dans des attributions secondaires. Dès lors qu'un employeur a, avant de licencier, procédé à une telle modification des attributions du salarié, sans son accord, la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tel est le cas de l'employeur qui sous couvert d'une nouvelle réorganisation de l'entreprise relevant de son pouvoir discrétionnaire, a fait subir à la salariée un véritable déclassement en la cantonnant pour l'essentiel à des tâches de saisie informatique après l'avoir privé sans raison de l'initiative, de l'autonomie et de l'autorité qu'il lui avait octroyées jusque là


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 05 avril 2005


Composition du Tribunal
Président : M. Delpeuch

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2006-11-22;05.01745 ?
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