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19/04/2006 | FRANCE | N°04/04081

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0268, 19 avril 2006, 04/04081


RG N° 04 / 04081
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 19 AVRIL 2006
Appel d'une décision (N° RG 04 / 13) rendue par le Conseil de Prud'hommes de LA TOUR DU PIN en date du 15 octobre 2004 suivant déclaration d'appel du 28 Octobre 2004

APPELANT : Monsieur Jean-Claude Z...... Comparant et assisté de M. Eugène Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE : La Société MAIN SECURITE ENERGIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 20 Traverse de Pomegues 13414 MARSEILLE CEDEX 20

Représentée par Me Thierry BRAILLARD (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA CO...

RG N° 04 / 04081
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 19 AVRIL 2006
Appel d'une décision (N° RG 04 / 13) rendue par le Conseil de Prud'hommes de LA TOUR DU PIN en date du 15 octobre 2004 suivant déclaration d'appel du 28 Octobre 2004

APPELANT : Monsieur Jean-Claude Z...... Comparant et assisté de M. Eugène Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE : La Société MAIN SECURITE ENERGIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 20 Traverse de Pomegues 13414 MARSEILLE CEDEX 20 Représentée par Me Thierry BRAILLARD (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Madame Hélène COMBES, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS : A l'audience publique du 30 Mars 2006, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s). Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Avril 2006. L'arrêt a été rendu le 19 Avril 2006.

EXPOSE DU LITIGE
Le 1er juin 1999 et le 31 août 2003, Jean-Claude Z... a conclu avec la société MAIN SECURITE ENERGIE 99 contrats à durée déterminée qui ont tous été exécutés sur le site de la centrale nucléaire de Creys Malville.
Le 5 février 2004, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de La Tour-du-Pin d'une demande de requalification des contrats en contrat à durée indéterminée et de paiement de rappels de salaire et indemnités consécutives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 15 octobre 2004 rendu sous la présidence du juge départiteur, le Conseil de Prud'hommes a rejeté la demande de requalification de Jean-Claude Z... et toutes les demandes en découlant.
Le conseil a condamné la société MAIN SECURITE ENERGIE au paiement de la somme de 1. 796, 47 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2002 et 2003, outre 179, 64 euros au titre des congés payés afférents.
Jean-Claude Z... a relevé appel le 28 octobre 2004. Il demande à la Cour de réformer le jugement et de condamner la société MAIN SECURITE ENERGIE à lui payer les sommes suivantes :

-1. 551, 50 euros en application de l'article L 124-7-1 du code du travail-3. 103 euros au titre du préavis (2 mois) et 310, 30 euros au titre des congés payés afférents-672, 32 euros au titre de l'indemnité de licenciement-10. 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse-4. 946, 61 euros à titre de rappel de salaire et 494, 66 euros au titre des congés payés afférents-791, 65 euros au titre de la prime de fin d'année-500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il rappelle qu'entre le 1er juin 1 999 et le 31 août 2003, 99 contrats à durée déterminée ont été signés avec la société MAIN SECURITE ENERGIE pour remplacer des salariés absents et qu'ils ont tous été exécutés à la centrale nucléaire EDF de Creys Malville.

Il soutient que c'est à tort que la société MAIN SECURITE ENERGIE tente de faire croire qu'un reçu pour solde de tout compte était établi à la fin de chaque période et indique n'en avoir signé que trois.
Il conteste l'effet libératoire de ces reçus.
Sur la requalification des contrats à durée déterminée, il fait valoir que les contrats ne respectent pas les exigences légales ; dès lors, pour un même contrat, il pouvait remplacer pour des motifs différents plusieurs salariés ayant des qualifications différentes.
Il invoque encore le non-respect du repos hebdomadaire et l'absence d'indication des différents accessoires de la rémunération.
Il indique avoir occupé un emploi permanent de l'entreprise, ce qui se déduit notamment du fait que la société MAIN SECURITE lui a conservé la même qualification et le même salaire pendant quatre ans.
Sur le rappel de salaire, il rappelle que la rémunération du salarié en contrat à durée déterminée ne peut être inférieure à celle du salarié en contrat à durée indéterminée de qualification équivalente et que les sommes dues doivent être calculées depuis 1999 et non seulement pour 2001 et 2002 comme décidé par le premier juge.
Il soutient enfin que la société MAIN SECURITE ne peut s'opposer au paiement de la prime de fin d'année pour les années 2002 et 2003 alors qu'elle l'a versée de 1999 à 2001.
La société MAIN SECURITE conclut à la confirmation du jugement.
Elle rappelle qu'avant la réforme du 17 j anvier 2002, le reçu pour solde de tout compte avait non seulement un effet probatoire mais aussi un effet libératoire.
Elle précise que Jean-Claude Z... a conclu des contrats à durée déterminée sur cinq périodes distinctes, séparées par une interruption de trois / quatre semaines à deux mois ;
qu'à la fin de chaque période, il a signé un reçu pour solde de tout compte détaillé qui vaut de facto renonciation à engager une quelconque action.
Elle soutient encore que le recours à des contrats à durée déterminée était justifié par l'absence de salariés, que le remplacement " en cascade " est régulier et que compte tenu de la spécificité du site sur lequel Jean-Claude Z... était affecté, on ne peut lui faire le reproche d'avoir eu recours à ses services eu égard à la connaissance qu'il avait acquise.
Elle conteste le recours à des contrats à durée déterminée comme mode normal de gestion de la main-d'oeuvre.
Elle fait également valoir que la prime de fin d'année n'est pas due car Jean-Claude Z... n'était pas dans l'entreprise le 30 novembre 2002 et le 30 novembre 2003.
Sur le rappel de salaire, elle reconnaît devoir 1. 796, 47 euros qu'elle a payé au mois de novembre 2004.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
1) Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée et sur les demande en découlant
Attendu que du 1er juin 1999 au 31 août 2003, soit une période de 4 ans et deux mois, Jean-Claude Z... a conclu avec la société MAIN SECURITE 99 contrats à durée déterminée ;
Attendu que neuf périodes d'emploi consécutif ont été distinguées par les parties, séparées par des interruptions de 20 jours (2), un mois (3), deux mois (une) et deux mois et demi (une) ;
Attendu que la plus longue période d'emploi ininterrompu a duré près d'un an, du 23 juin 2000 au 10 juin 2001, et a donné lieu à l'établissement de 31 contrats à durée déterminée ;
Attendu qu'il est constant que la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
Attendu qu'en l'espèce, le nombre de contrats à durée déterminée conclus sur une période de quatre ans, la durée des périodes d'emploi ininterrompu, et les motifs de conclusion des contrats à durée déterminée qui étaient pour la plupart le remplacement de salariés en congés payés, révèlent que le recours au contrat à durée déterminée était en réalité destiné à faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre :
Attendu que c'est à bon droit que Jean-Claude Z... sollicite la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminé, l'établissement de reçus pour solde de tout compte n'ayant pas pour effet de priver le salarié de la possibilité de contester la nature des contrats conclus ;
Attendu qu'en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la société MAIN SECURITE, il n'a pas été établi de reçu pour solde de tout compte à la fin de chaque période ; qu'ainsi, aucun reçu n'est produit pour la période du 20 décembre 1999 au 31 mai 2000 (5 mois et 11 jours-20 contrats à durée déterminée), pour la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2001 (6 mois-10 contrats à durée déterminée) et pour la période du 2 juillet 2003 au 31 août 2003 (4 contrats à durée déterminée) ;

Attendu que sur la base de son salaire moyen des trois derniers mois, Jean-Claude Z... est bien fondé à réclamer le paiement de la somme de 1. 551, 50 euros sur le fondement de l'article L 122-3-13 du code du travail, celle de 3. 103 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents et celle de 672, 32 euros au titre de l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas discutés par la société MAIN SECURITE ;
Attendu que la perte brutale de son emploi par Jean-Claude Z... après quatre ans d'activité s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui a causé un préjudice qui sera réparé sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail par la somme de 9. 310 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il y a lieu en application de l'article L 122-14-4 du code du travail d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Jean-Claude Z... ; qu'au vu des circonstances de la cause, le remboursement sera ordonné dans la limite de quatre mois ;

2) Sur le rappel de salaire et sur la prime d'ancienneté
Attendu que la société MAIN SECURITE a admis le principe du rappel de salaire pour la période postérieure au 17 janvier 2002 mais oppose l'effet libératoire des reçus pour solde de tout compte établis avant le 17 janvier 2002 ;
Attendu qu'ainsi qu'il a été vu, deux périodes ne sont pas couvertes par des reçus pour solde de tout compte : la période du 20 décembre 1999 au 31 mai 2000 (5 mois et 11 jours) et la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2001 (6 mois) ; que Jean-Claude Z... est bien fondé à réclamer le paiement d'un rappel de salaire pour cette période de 6 mois et 11 jours ;

Attendu qu'interrogée lors de l'audience, la société MAIN SECURITE n'a pas contesté le quantum de la réclamation de Jean-Claude Z... au titre des rappels de salaire, sa contestation portant uniquement sur le principe ;
Attendu que dans ses conclusions, Jean-Claude Z... réclame le paiement de la somme de 4. 417, 41 euros de rappel de salaire pour les années 2000 et 2001 ;
Attendu qu'au prorata des onze mois pour lesquels il peut prétendre au rappel de salaire, il sera fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 2. 024, 65 euros outre 202, 46 euros au titre des congés payés afférents ;
Attendu que la requalifïcation des contrats entraîne le paiement des primes de fin d'année pour l'année 2002 au prorata de la période travaillée ; que la société MAIN SECURITE sera condamnée à payer à Jean-Claude Z... la somme de 457, 30 euros de ce chef, outre les congés payés afférents ;

Attendu que Jean-Claude Z... sera en revanche débouté de sa demande au titre de l'année 2003, le versement de la prime supposant une présence dans l'entreprise au 30 novembre (cf protocole de fin de conflit du mois de février 1997) et les relations contractuelles ayant cessé au mois d'août ;
Attendu qu'il sera alloué à Jean-Claude Z... la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 15 octobre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de La Tour-du-Pin en ce qu'il a débouté Jean-Claude Z... de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Statuant à nouveau, condamne la société MAIN SECURITE à payer à Jean-Claude Z... :- la somme de 1. 551, 50 euros sur le fondement de l'article L 122-3-13 du code du travail-la somme de 3. 103 euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 310, 30 euros au titre des congés payés afférents.- la somme de 672, 32 euros au titre de l'indemnité de licenciement.- la somme de 9. 310 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne, en application de l'article L 122-14-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par J-C Z... dans la limite de quatre mois.
Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée a l'UNEDIC, 80, rue de Reuilly 75012 PARIS.
Confirme le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire de Jean-Claude Z... pour les années 2002 et 2003 et constate que la société MAIN SECURITE a payé la somme de 1. 796, 47 euros de ce chef ainsi que les congés payés afférents ;
Réforme le jugement sur en ce qu'il a débouté Jean-Claude Z... de sa demande de rappel de salaire pour les années 2000 et 2001 et statuant à nouveau, condamne la société MAIN SECURITE à payer à Jean-Claude Z... la somme de 2. 024, 65 euros de ce chef, outre 202, 46 euros au titre des congés payés afférents.
Réforme le jugement en ce qu'il a débouté Jean-Claude Z... de sa demande au titre de la prime de fin d'année de l'année 2002 et statuant à nouveau, condamne la société MAIN SECURITE à payer à Jean-Claude Z... la somme de 457, 30 euros de ce chef, outre 45, 73 euros au titre des congés payés afférents.
Condamne la société MAIN SECURITE à payer à Jean-Claude Z... la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Condamne la société MAIN SECURITE aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 04/04081
Date de la décision : 19/04/2006

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Succession de contrats à durée déterminée - Validité - Conditions

Est bien fondé à solliciter la requalification en contrat à durée indéterminée de sa relation de travail le salarié qui, sur une période de quatre ans et deux mois, a été embauché par la même société suivant quatre-vingt-dix-neuf contrats à durée déterminée dès lors que la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise.


Références :

articles L. 122-14-4 et L. 122-3-13 du code du travail

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de la Tour-du-Pin, 15 octobre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2006-04-19;04.04081 ?
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