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28/06/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945970

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre civile 1, 28 juin 2005, JURITEXT000006945970


Le 2 octobre 1990, Madame Sylvie X... a accouché par césarienne d'un garçon prénommé Rudy au sein de la maternité de la Clinique Belledonne, sous la responsabilité du Docteur Y....

Au troisième jour de vie, l'enfant a présenté une diarrhée hémorragique par campylobacter.

L'enfant a quitté la clinique au 9ème jour de vie en présentant toujours du sang dans les selles.

Il a été hospitalisé au CHU de GRENOBLE le 11 octobre 1990 et il a été diagnostiqué le 12 octobre un état septique à Campylobacter avec abcès cérébral occipital et méningite suppu

rée.

Cette infection a laissé comme séquelles une hémiplégie gauche partielle, une épileps...

Le 2 octobre 1990, Madame Sylvie X... a accouché par césarienne d'un garçon prénommé Rudy au sein de la maternité de la Clinique Belledonne, sous la responsabilité du Docteur Y....

Au troisième jour de vie, l'enfant a présenté une diarrhée hémorragique par campylobacter.

L'enfant a quitté la clinique au 9ème jour de vie en présentant toujours du sang dans les selles.

Il a été hospitalisé au CHU de GRENOBLE le 11 octobre 1990 et il a été diagnostiqué le 12 octobre un état septique à Campylobacter avec abcès cérébral occipital et méningite suppurée.

Cette infection a laissé comme séquelles une hémiplégie gauche partielle, une épilepsie contrôlée par un traitement anti-comitial et des troubles du comportement.

Lui imputant la responsabilité de l'état de son enfant, Madame Sylvie X... agissant tant en son nom personnel qu'ès-qualité d'administratrice légale de son fils mineur, a fait assigner la Clinique Belledonne devant le tribunal de grande instance de GRENOBLE aux fins d'indemnisation de son préjudice et de celui de son fils.

La Clinique Belledonne a appelé en cause le docteur Y... qui a accouché Madame X... et les Docteurs Z... et A..., pédiatres qui ont examiné l'enfant.

Statuant après une première décision en date du 17 juin 1999 ayant ordonné une nouvelle expertise opposable aux docteurs Y..., Z... et A... confiée au Professeur BILLETTE de VILLEMEUR, le tribunal de grande instance de GRENOBLE a, par jugement du 20 juin 2002 :

[* mis hors de cause les docteurs Louis Z..., Gérard Y... et Hélène A...,

*] condamné la SA Clinique Belledonne à indemniser l'enfant Rudy X... et sa mère à concurrence de 40 % des préjudices subis du fait

des séquelles de l'enfant,

[* condamné la Clinique Belledonne à payer à Madame Sylvie X... pour son préjudice moral, compte tenu de la proportion retenue la somme de 18 000 euros,

*] condamné la Clinique Belledonne à payer à l'enfant Rudy X... représenté par sa mère, administratrice légale, une provision de 60 000 euros dont la gestion doit se faire sous le contrôle du juge des tutelles compétent,

[* condamné la Clinique Belledonne à payer à la CPAM de GRENOBLE une provision de 138 094 euros,

*] condamné la Clinique Belledonne aux dépens incluant le coût des expertises, la somme de 600 euros étant allouée à chacun des médecins mis hors de cause, celle de 300 euros étant allouée à la CPAM de GRENOBLE et celle de 1 500 euros à Madame X....

Madame Sylvie X..., agissant en son nom personnel et es-qualité d'administratrice légale de son fils mineur Rudy a relevé appel de cette décision et a intimé la Clinique Belledonne , la CPAM de GRENOBLE, Madame A..., Monsieur Y... et Monsieur Louis Z.... En cours de procédure, elle a déclaré se désister de son appel uniquement à l'encontre de Monsieur Gérard Y... ce dont il lui a été donné acte par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 18 février 2003.

Elle a, par acte d'avoué du 12 décembre 2003, notifié à Louis Z... qu'elle se désistait de son appel à son encontre.

Aux termes de ses écritures signifiées le 4 février 2005, l'appelante demande à la Cour :

de déclarer la Clinique Belledonne entièrement responsable de la contamination dont a été victime son fils Rudy,

de dire n'y avoir lieu à exonération partielle,

SUBSIDIAIREMENT :

de constater l'erreur de diagnostic et le défaut de soins du Docteur A...,

de déclarer le docteur Hélène A... responsable in solidum avec la Clinique Belledonne des conséquences dommageables résultant de l'infection et de les condamner à réparer l'entier préjudice de son enfant et le sien,

en l'absence de consolidation de l'enfant, de les condamner à titre provisoire à indemniser les préjudices de Rudy de la manière suivante : ITT et IPP 76 225 euros au titre du préjudice personnel : pretium doloris 16 000 euros préjudice esthétique 76 000 euros préjudice d'agrément 76 000 euros

de les condamner à lui payer en réparation de son préjudice moral la somme de 92 000 euros,

de les condamner à lui verser à titre provisionnel la somme de 76 225 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice matériel,

de les condamner, enfin, à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle relève, en premier lieu, que son fils né viable et sain se trouve lourdement handicapé à la suite d'une infection dont les premiers symptômes sont apparus trois jours après la naissance alors qu'il était à la Clinique Belledonne.

Elle considère que la Clinique Belledonne sur laquelle pèse une obligation de santé de résultat est présumée responsable des conséquences de l'infection contractée dans la maternité de la clinique et que celle-ci ne rapportant pas la preuve de l'origine extérieure de l'infection doit être déclarée entièrement responsable du dommage qui en est résulté.

Elle fait valoir, d'autre part, qu'indépendamment de la cause nosocomiale, le grave handicap dont souffre son enfant s'est

développé en raison d'une erreur de diagnostic et d'un défaut de soins du docteur A...

Elle soutient, en effet, qu'ayant constaté des symptômes inquiétants et anormaux, le docteur A... a néanmoins pris le risque de sortie de l'enfant et de sa mère sans aucun traitement.

Elle observe, d'autre part, que selon l'expert judiciaire, il existe un lien avec la contamination de l'enfant par un campylobacter fétus et la méningite présentée dans les premiers jours de vie.

L'enfant n'étant pas consolidé mais étant atteint d'ores et déjà d'un grave handicap, elle sollicite l'allocation d'une provision beaucoup plus importante que celle accordée par le tribunal.

Soulignant l'importance de son préjudice moral et l'incidence du handicap de son enfant sur sa vie personnelle, elle demande à la Cour l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral.

La société Clinique Belledonne demande à la Cour, réformant le jugement déféré :

de débouter Madame Sylvie X... de l'ensemble de ses prétentions à son encontre,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

si la qualification d'infection nosocomiale ou une faute était relevée à son encontre, de condamner le docteur A... à indemniser le préjudice et de renvoyer au tribunal administratif le soin de condamner le CHU pour son retard,

A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE :

de dire que les dispositions de la loi du 4 mars 2002 modifiées par la loi du 30 décembre 2002 ne sont pas applicables en l'espèce, le dommage s'étant produit en 1990,

de lui donner acte du bien fondé de son appel en cause de chacun des praticiens intervenus auprès de Madame X...,

de dire, si l'existence d'une infection nosocomiale était retenue, que la présomption de responsabilité porte solidairement sur la Clinique et l'ensemble des médecins intervenus à la période d'infection éventuelle,

de dire et juger que la Clinique Belledonne sera relevée et garantie par les docteurs A..., Z... et Y... à hauteur de 1/2 des condamnations prononcées,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

de limiter les prétentions de Madame X... pour son fils Rudy et de débouter Madame X... de sa demande de provision au titre du préjudice matériel.

Elle relève, en premier lieu, que l'origine de la contamination n'est pas démontrée, le germe pouvant provenir de la mère, de l'entourage, de la Clinique et que la preuve du caractère nosocomial de l'infection n'est pas rapportée.

Elle observe, en second lieu, que tant en sa qualité d'établissement hôtelier que comme établissement de soins aucune faute n'est établie à son encontre.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que l'aggravation et les conséquences de l'infection sont dûes à une appréciation insuffisante de la gravité de l'infection par le docteur A... et au caractère tardif du traitement appliqué lors de l'arrivée de l'enfant au CHU.

A titre plus subsidiaire, si la qualification d'infection nosocomiale était retenue, elle soutient que les trois médecins intervenant doivent être condamnés solidairement avec elle conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation et alors que la loi du 30 décembre 2002 explicitant la loi du 4 mars 2002 ne s'applique pas au cas d'espèce, ces dispositions étant applicables aux sinistres survenus à compter du 21décembre 2001 seulement.

Madame Hélène A... demande à la Cour :

SUR L'APPEL PRINCIPAL :

de confirmer le jugement déféré qui l'a mise hors de cause et de condamner Madame X... à lui payer la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

SUR L'APPEL INCIDENT :

de débouter la Clinique Belledonne de son appel et de la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient qu'aucun diagnostic d'une méningite bactérienne ne pouvait être porté avant le 11octobre 1990, les examens biologiques prescrits excluant jusque-là tout processus infectieux et l'état clinique de l'enfant étant bon.

Elle précise avoir décidé l'hospitalisation le 11 octobre 1990 après que la coproculture lui ait révélé l'existence d'une bactérie extrêmement rare chez le nouveau né, le Campylobacter Fétus et alors que l'enfant présentait de la fièvre et refusait de téter.

Elle souligne avoir spécialement avisé l'interne de garde de la situation.

Elle observe qu'il n'existe aucun lien direct de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice subi par l'enfant, alors que le délai de plus de 12 H entre le diagnostic et la mise en route du traitement adapté a laissé évoluer l'infection et a accru ses conséquences neurologiques.

Elle estime, enfin, que la Clinique Belledonne interprète de manière tendancieuse les conclusions de l'expert judiciaire.

Monsieur Gérard Y... conclut à la confirmation du jugement déféré, au mal fondé de l'appel incident de la Clinique Belledonne et à la condamnation de celle-ci au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il rappelle que Madame X... qui n'a jamais formulé de reproche à

son encontre s'est désistée de son appel.

Il soutient que la Clinique Belledonne qui en première instance n'avait pas formé d'action récursoire à son encontre est irrecevable à le faire pour la première fois devant la Cour, s'agissant d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il conteste que sa responsabilité puisse être engagée en cas d'infection nosocomiale, les dispositions de la loi du 4 mars 2002 s'y opposant et de toute manière, en raison de l'absence de faute établie à son encontre.

Monsieur Louis Z... demande à la Cour :

de donner acte à Madame X... de son désistement d'appel à son encontre,

A TITRE PRINCIPAL :

de déclarer irrecevables comme étant nouvelles les demandes formulées par la Clinique Belledonne,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

de dire qu'aucune faute n'est établie à son encontre, de débouter la Clinique Belledonne de ses prétentions,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

de réduire à de justes proportions sa part de responsabilité,

A TITRE RECONVENTIONNEL :

de condamner la Clinique Belledonne à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il rappelle que Madame X... s'est désistée de son appel à son encontre.

Il fait observer qu'il n'a examiné le nouveau né qu'une seule fois le 3 octobre 1990 et que les premiers symptômes d'infection soit les diarrhées sero sanglantes ne sont apparues que le 5 octobre.

Il soutient que la demande formulée à son encontre par la Clinique Belledonne pour la première fois devant la Cour est irrecevable.

A titre subsidiaire, il fait valoir que la clinique ne rapporte la preuve d'aucune faute à son encontre et que la présomption de faute invoquée joue au profit des victimes mais non dans les relations entre la clinique et les médecins qui travaillent au sein de son établissement.

Il soutient qu'en tout état de cause, doit être rapportée la preuve du lien causal entre le dommage et l'intervention du médecin, ce que la clinique ne fait pas.

Il invoque les dispositions de l'article L 1142-1 du code de la santé publique alinéa 2 selon lesquelles seuls les établissements, services et organismes de soins sont présumés responsables des dommages résultant des infections nosocomiales.

La C.P.A.M. de GRENOBLE demande à la Cour de condamner la Société Clinique Belledonne, Madame Hélène A... et Monsieur Louis Z... à lui payer la somme de 138 804,12 euros en remboursement des prestations servies par elle à ce jour à Madame X... pour le compte de son enfant, de lui donner acte de ses réserves concernant ses débours à venir, de condamner la société Clinique Belledonne, Monsieur Z... et Madame A... à lui payer la somme de 762,25 euros à titre d'indemnité forfaitaire par application de l'article R 376-1 du code de la sécurité sociale.

MOTIFS ET DÉCISION :

Sur la responsabilité :

Il résulte du rapport d'expertise du Professeur BILLETTE de VILLEMEUR que l'enfant Rudy X... né le 2 octobre 1990 à la maternité de la Clinique Belledonne a présenté au troisième jour de vie alors qu'il

n'avait pas quitté cet établissement une diarrhée hémorragique par campylobacter, la présence de ce bacille dans les selles de l'enfant ayant été mise en évidence par une coproculture pratiquée le 5 octobre 1990 confirmée par une seconde coproculture pratiquée le 9 octobre suivant qui a révélé la présence d'un campylobacter fétus.

L'expert indique (page 14 de son rapport) qu'il existe un lien entre la contamination de l'enfant par campylobacter fétus et la méningite qu'il a

L'expert indique (page 14 de son rapport) qu'il existe un lien entre la contamination de l'enfant par campylobacter fétus et la méningite qu'il a développée, elle-même étant en rapport direct avec les séquelles neurologiques dont souffre cet enfant.

L'expert précise que l'origine de la contamination ne peut être démontrée, le germe pouvant provenir de la mère, de l'entourage ou de la clinique.

Dans son rapport déposé le 21 novembre 1994, opposable à Madame X... et à la Clinique Belledonne, le professeur SALLE après avoir relevé que l'enfant étant né par césarienne, n'était pas passé par les voies génitales où il aurait pu contracter l'infection, qu'il n'y avait pas eu d'autres cas de contamination dans la maternité à cette période, que les prélèvements bactériologiques vaginaux pendant toute la grossesse n'avaient pas révélé la présence de ce germe chez Madame X... et que la mère n'avait allaité son enfant que 24 heures le nouveau né ayant ensuite été mis au lait artificiel, a conclu qu'il était difficile de tirer une conclusion sur le mode de contamination de l'enfant, Rudy X..., lors de son séjour à la maternité.

Cependant, les premiers symptômes révélateurs de l'infection étant apparus sous forme de diarrhées glairo-sanglantes au troisième jour de vie de l'enfant pendant son séjour à la maternité, la Clinique Belledonne est présumée responsable de la contamination de cet enfant

par le germe dont les coprocultures pratiquées les 5 et 9 octobre ont confirmé la présence.

Contrairement à ce qu'elle prétend, la possibilité que le germe soit issu de la clinique, c'est à dire que l'infection soit nosocomiale, à raison d'une eau de coupage contaminée ou à raison du personnel soignant, n'a été exclue ni par le Professeur SALLE ni par le Professeur BILLETTE de VILLEMEUR.

Le contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé mettant à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, la Clinique Belledonne qui n'apporte pas la preuve que la cause de l'infection dont l'enfant Rudy X... s'est révélé porteur pendant son séjour dans son établissement lui soit étrangère - les experts judiciaires ayant conclu sans être démentis que l'origine de la contamination ne pouvait être démontrée - doit être déclarée responsable des conséquences dommageables de la contamination de l'enfant par campylobacter fétus.

Le premier juge par une motivation pertinente que la Cour adopte a exactement rapporté les conditions d'intervention du Docteur A... et a justement considéré que ce médecin avait ordonné les examens nécessaires dont elle avait transmis les résultats au CHU au moment où elle avait décidé l'hospitalisation et qu'elle avait donné à l'enfant les soins appropriés à son état, la sortie de celui-ci qui présentait une diarrhée glairo-sanglante mais un bon examen clinique et des examens complémentaires satisfaisants en dehors d'une coproculture positive n'étant pas déraisonnable, selon l'expert judiciaire, compte tenu de ces constatations et du fait d'une bonne surveillance instaurée avec la mère qui a immédiatement réagi aux symptômes signalés par le médecin lequel a pu ainsi ordonner

l'hospitalisation de l'enfant alors que celui-ci allait encore bien. La note manuscrite que le docteur A... a adressé le 11octobre 1990 à ses confrères du CHU avec les résultats des examens biologiques reprend exactement les circonstances de la décision d'hospitalisation. Son appréciation de l'état de l'enfant ne traduit ni erreur de diagnostic, ni faute de soins appropriés. L'expert judiciaire indique, en effet, que "l'absence de traitement est justifiée par le fait que l'état de l'enfant est normal et qu'il a repris son poids de naissance."

Celui-ci souligne, d'autre part, que la décision d'hospitalisation a été prise après que le type de campylobacter fétus mis en évidence le 11 octobre 1990 ait été connu du médecin et à cause de la fièvre signalée ce même jour par la mère.

L'expert conclut que les soins et examens pratiquées par le docteur A... ont été attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science et que la non prise en compte du diagnostic de méningite et le mauvais choix du traitement n'est pas imputable à ce praticien.

C'est donc à tort et par une présentation fallacieuse des observations de l'expert que la Clinique Belledonne qui reprend certains éléments des deux rapports déposés par le Professeur BILLETTE de VILLEMEUR en les détachant de leur contexte prétend à la responsabilité du Docteur A... alors que le traitement inadapté et tardif qu'elle lui impute est clairement attribué au seul CHU par l'expert.

Le jugement ayant considéré à bon droit que le Docteur A... n'avait pas commis de faute sera confirmé.

La Clinique Belledonne se prévalant d'une jurisprudence antérieure à la loi du 4 mars 2002 soutient qu'en cas d'infection nosocomiale, la

responsabilité des trois médecins intervenant à savoir les docteurs Y..., Z... et A... est engagée in solidum avec la sienne et qu'elle est fondée à être relevée et garantie par ces trois médecins à hauteur de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Il apparaît, cependant, des conclusions déposées par la Clinique Belledonne devant le tribunal de grande instance qu'elle a demandé à être relevée et garantie des condamnations pouvant être prononcées à son encontre par le docteur A... seulement, les docteurs Y... et Z... ayant été appelés en cause dans l'unique but d'une appréciation complète du litige sans que soit formulée de demande à leur encontre.

L'action récursoire qu'elle formule pour la première fois devant la Cour à l'encontre des docteurs Y... et Z... est irrecevable comme constituant une demande nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau code de procédure civile.

Aucune faute n'étant par ailleurs reprochée aux docteurs Y... et Z..., leur mise hors de cause prononcée par le tribunal sera confirmée.

L'action récursoire formulée à l'encontre du docteur A... en raison du caractère nosocomial de l'infection n'est pas fondée alors qu'il est établi par la coproculture effectuée le 5 octobre 1990 que ce médecin qui est intervenue auprès de Madame X... et de son enfant pour la première fois le 6 octobre 1990 est étrangère à la contamination de l'enfant par campylobacter fétus, celle-ci étant antérieure à son intervention.

L'entière responsabilité de la contamination incombe donc à la Clinique Belledonne.

Le premier juge a, à tort, limité la part de responsabilité de cet établissement à 40 % pour tenir compte de la part du dommage résultant des soins donnés après le départ de l'enfant de la clinique

alors qu'il appartient au tribunal administratif du GRENOBLE d'ores et déjà saisi de dire si le CHU et les médecins concernés ont engagé leur responsabilité à l'occasion du traitement et des soins donnés à l'enfant dans le cadre de son hospitalisation au CHU de GRENOBLE.

Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a limité la responsabilité de la Clinique Belledonne à 40 %.

Sur les préjudices :

L'enfant n'étant pas consolidé, il sera alloué à Madame X... ès-qualité, la somme de 80 000 euros à titre provisionnel à valoir sur l'indemnisation du préjudice définitif de son fils la somme allouée par le tribunal venant en déduction de celle-ci.

Le premier juge a exactement décrit la situation de Madame X...

Au regard de ces éléments, l'allocation d'une somme de 45 000 euros à titre de préjudice moral est justifiée.

Le premier juge a, d'autre part, justement considéré que Madame X... ne justifiant pas de sa situation financière devait être déboutée de sa demande d'indemnisation d'un préjudice matériel non démontré.

Madame X... n'en justifiant pas davantage devant la Cour, le jugement déféré qui a rejeté sa demande de ce chef sera confirmé.

La créance de la C.P.A.M. étant justifiée et le tribunal y ayant fait droit, le jugement déféré sera confirmé, la Clinique Belledonne étant condamnée à lui payer la somme de 762,25 euros à titre d'indemnité forfaitaire.

La Clinique Belledonne sera, d'autre part, condamnée à verser au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à Madame X... la somme de 3 000 euros et à chacun des trois médecins intimés la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

Statuant en audience publique, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DONNE acte à Madame X... de ses désistements d'appel envers les docteurs Y... et Z...,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions autres que celles ayant condamné la SA Clinique Belledonne à indemniser l'enfant Rudy X... à concurrence de 40 % des préjudices subis du fait des séquelles de l'enfant.

L'INFIRME de ce seul chef,

ET STATUANT A NOUVEAU :

DÉCLARE la SA Clinique Belledonne entièrement responsable de la contamination de l'enfant Rudy X...,

LA CONDAMNE à réparer l'entier préjudice résultant de cette situation pour l'enfant et pour sa mère,

EN CONSÉQUENCE :

CONDAMNE la SA Clinique Belledonne à payer à Madame Sylvie X..., ès-qualité de son fils mineur Rudy X... la somme provisionnelle de 80 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif sauf à déduire la somme de 60 000 euros allouée par le tribunal si elle a été versée,

CONDAMNE la Clinique Belledonne à payer à Madame Sylvie X... en son nom personnel la somme de 45 000 euros à titre de préjudice moral,

CONFIRME le rejet de la demande au titre du préjudice matériel,

DÉCLARE IRRECEVABLE l'action récursoire de la Clinique Belledonne à l'encontre des Docteurs Y... et Z...,

REJETTE l'action récursoire de la Clinique Belledonne à l'encontre du docteur A...,

AJOUTANT AU JUGEMENT :

CONDAMNE la Clinique Belledonne à payer au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

la somme de 3 000 euros à Madame X...,

la somme de 1 500 euros à Monsieur Y...,

la somme de 1 500 euros à Monsieur Z...,

la somme de 1 500 euros à Madame A...,

CONDAMNE la Clinique Belledonne à payer à la C.P.A.M. de GRENOBLE la somme de 762,25 euros à titre d'indemnité forfaitaire,

CONDAMNE la Clinique Belledonne aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me RAMILLON, la SCP POUGNAND, la SELARL DAUPHIN etamp; MILHAJLOVIC et la SCP CALAS, avoués sur leurs offres de droit, PRONONCE en audience publique par Mme FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Madame B..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945970
Date de la décision : 28/06/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Etablissement de santé - Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale.

Le contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé mettant à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, la clinique qui n'est pas en mesure d'établir que la cause de l'infection contractée par un nouveau-né pendant son séjour à la maternité n'a pas un caractère nosocomial doit être considérée comme responsable des conséquences dommageables de la contamination de cet enfant

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Infection nosocomiale.

En matière d'infection à caractère nosocomial, la responsabilité du médecin peut être engagée seulement si celui-ci est à l'origine de la contamination ou s'il a commis une erreur de diagnostic. Dès lors l'action récursoire d'une clinique à l'encontre d'un médecin qui n'a commis aucune faute et dont l'intervention est postérieure à la contamination de l'enfant n'est pas fondée et cet établissement est seul responsable de la contamination et de ses conséquences


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2005-06-28;juritext000006945970 ?
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