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21/06/2005 | FRANCE | N°03/01474

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0057, 21 juin 2005, 03/01474


Par actes des 11 juillet, 5 août et 23 août 1991, Monsieur X..., gérant de la société K-TAS-TROF, s'est porté caution solidaire de cette société envers la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Agricole de LOIRE et HAUTE-LOIRE, le premier engagement étant souscrit à concurrence de 400 000 francs, le second étant limité dans son montant à 300 000 francs et dans sa durée à 4 mois, le troisième l'étant à concurrence de 400 000 francs.
La société a été mise en liquidation judiciaire le 16 décembre 1992.
La Caisse a déclaré sa créance pour un montant de 1 628 949,83

francs au titre du solde débiteur du compte courant de la société.
Elle a, ens...

Par actes des 11 juillet, 5 août et 23 août 1991, Monsieur X..., gérant de la société K-TAS-TROF, s'est porté caution solidaire de cette société envers la Caisse Régionale de Crédit Mutuel Agricole de LOIRE et HAUTE-LOIRE, le premier engagement étant souscrit à concurrence de 400 000 francs, le second étant limité dans son montant à 300 000 francs et dans sa durée à 4 mois, le troisième l'étant à concurrence de 400 000 francs.
La société a été mise en liquidation judiciaire le 16 décembre 1992.
La Caisse a déclaré sa créance pour un montant de 1 628 949,83 francs au titre du solde débiteur du compte courant de la société.
Elle a, ensuite assigné en paiement les époux X..., Madame X... s'étant solidairement engagée avec son époux dans l'acte de caution du 5 août 1991 souscrit à hauteur de 300 000 francs.
Par jugement rendu le 6 février 1996, le tribunal de grande instance de Saint Etienne :
- a condamné Monsieur X... à payer au Crédit Agricole la somme de 1 100 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1993,
- a condamné Madame Z... épouse X... à payer au Crédit Agricole la somme de 300 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1993 ,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a donné acte au Crédit Agricole qu'une inscription définitive d'hypothèque sera prise sur les biens de Madame X...,
- a débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles en responsabilité et au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 10 septembre 1998, la Cour d'Appel de LYON :
- a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions,
- et y ajoutant, a rejeté la demande de délais présentée par les époux X...,
- a débouté la CRCAM LOIRE ET HAUTE-LOIRE de sa demande en dommages et intérêts,
- et a condamné les époux X... à payer au Crédit Agricole la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt rendu le 1er octobre 2002, la Cour de Cassation qui a donné acte à Madame X... de son désistement de pourvoi :
- a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a condamné Monsieur X... à payer la somme de 1 100 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1993 l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON.
Statuant au visa de l'article 2015 du code civil, elle reproche à cette Cour d'avoir condamné Monsieur X... au paiement du montant débiteur du compte courant au 5 décembre 1991, date de l'expiration du cautionnement, sans avoir tenu compte des remises postérieures venant en déduction du montant de la dette.
Monsieur Jean-Claude X... et Madame X... demandent à la Cour d'Appel de GRENOBLE, désignée Cour de renvoi :
de dire que le cautionnement souscrit le 11 juillet 1991 pour un montant de 400 000 francs est nul et de débouter le Crédit Agricole de sa demande fondée sur ce titre,
de débouter la banque de ses demandes concernant le cautionnement du 5 août 1991,
de condamner le Crédit Agricole à payer aux époux X... la somme de 213 428,62 euros à titre de dommages et intérêts pour soutien abusif,
de dire que cette somme se compensera avec l'éventuelle créance du Crédit Agricole,
à titre subsidiaire, de leur accorder les plus larges délais de paiement, de dire que les échéances reportées porteront intérêt au taux réduit et que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital,
de condamner le Crédit Agricole à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils soutiennent que le cautionnement donné par Monsieur X... le 11 juillet 1991 serait irrégulier comme ne comportant pas le montant du cautionnement en chiffres, celui-ci figurant en lettres seulement et que l'acte du 23 août 1991 portant sur un même montant recouvre le précédent qu'il était destiné à régulariser.
Ils font valoir, d'autre part, que le solde débiteur provisoire du compte courant constaté le 5 décembre 1991 a été entièrement effacé par les remises postérieures au crédit du compte jusqu'à sa clôture et qu'il y a donc extinction de la dette.
Ils prétendent que le Crédit Agricole engage sa responsabilité pour soutien abusif de la société K-TAS-TROF, cette faute étant à l'origine du préjudice qu'ils subissent.
La CRCAM LOIRE HAUTE LOIRE conclut à la confirmation du jugement rendu le 6 février 1996 par le tribunal de grande instance de Saint Etienne, à la condamnation de Monsieur X... au paiement de la somme de 1 100 000 francs outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1993 avec capitalisation des intérêts, à l'irrecevabilité des demandes de Madame X..., au rejet des prétentions de Monsieur X... et à leur condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle réplique que le fait que l'acte de caution du 11 juillet 1997 ne reprenne pas le montant de l'engagement en chiffres, la mention manuscrite faisant figurer cette somme en lettres seulement n'entraîne pas la nullité de l'acte mais constitue un commencement de preuve par écrit que la qualité de gérant de Monsieur X... suffit à compléter.
Elle soutient que le cautionnement du 23 août 1991 s'ajoute mais ne se substitue pas à l'acte du 11 juillet 1991, aucune disposition de l'acte ne le prévoyant.
Elle fait valoir que Madame X... s'étant désistée de son pourvoi est irrecevable à agir devant la Cour de renvoi, ayant acquiescé à l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON.
Elle observe que le compte-courant présentant à sa clôture un solde débiteur de 1251 596,56 francs elle est fondée à réclamer paiement à la caution dans la proportion de son engagement (300 000 francs).
Elle observe que Madame X... qui s'étant désistée de son pourvoi a acquiescé à l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON, est irrecevable à mettre en cause sa responsabilité et que Monsieur X... est également irrecevable, la Cour de Cassation ayant rejeté le moyen.
A titre subsidiaire, elle conteste la faute invoquée.

MOTIFS ET DÉCISION :
Madame X... s'étant désistée de son pourvoi en cassation, a acquiescé à l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON qui est ainsi définitif à son encontre.
Elle est en conséquence irrecevable à agir devant la Cour d'Appel de GRENOBLE statuant dans les limites de la cassation partielle prononcée.

Sur les cautionnements donnés par Monsieur X... le 11 juillet 1991 à hauteur de 400 000 francs et le 23 août 1991 à hauteur de 400 000 francs :
L'acte du 11 juillet 1991 porte la mention manuscrite suivante précédant la signature : "bon pour caution solidaire de quatre cent mille francs en principal, outre intérêts, frais et accessoires." Il n'est pas contesté que cette mention est de la main de Monsieur Jean-Claude X..., par ailleurs, gérant de la SARL K-TAS-TROF au profit de laquelle le cautionnement est donné.
Aux termes de l'article 1326 du code civil dans sa rédaction modifiée par la loi du 13 mars 2000, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre.... doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme... en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres."
Il s'ensuit que l'absence de mention de la somme écrite en chiffres est sans effet sur la valeur probante de l'acte, étant observé de surcroît qu'en sa qualité de gérant de la société cautionnée, Monsieur X... ne pouvait ignorer la portée de l'obligation contractée dans un acte ne comportant, par ailleurs, aucune contradiction ni ambiguïté.
L'acte du 23 août 2001 portant engagement de caution solidaire souscrit par Monsieur X... dans les conditions forme prescrites par les articles 1326 et 2015 du code civil vaut preuve de l'obligation contractée par Monsieur X....
Les actes du 11 juillet 1991 et du 23 août 1991 sont indépendants l'un de l'autre, aucune référence au premier acte n'étant faite dans le second. Ainsi, contrairement à ce qui prétend Monsieur X..., le deuxième acte ne se substitue pas au premier.
Aux termes de ces deux actes, Monsieur X... est donc tenu à hauteur de 400 000 francs + 400 000 francs soit 800 000 francs.

Sur le cautionnement solidaire des époux X... au titre du compte-courant de la société à hauteur de 300 000 francs pour une durée de 4 mois (acte du 5 août 1991) :
Le Crédit Agricole justifie par la production des relevés de compte de la société K-TAS-TROF que celle-ci était débitrice de la somme de 1 490 283,15 francs au 5 décembre 1991, date d'expiration du cautionnement de 4 mois donné par les époux X... et qu'à la clôture du compte intervenu en janvier 1993 à la suite de la liquidation judiciaire de la société K-TAS-TROF le solde débiteur s'élevait à la somme de 1 251 596,56 francs.
Cependant, les remises effectuées au crédit du compte entre le 5 décembre 1991 et la clôture du compte couvrant largement le montant du solde débiteur existant à la date d'expiration du cautionnement, il apparaît que la créance du Crédit Agricole envers Monsieur X... est éteinte, le débit du solde provisoire existant le 5 décembre 1991 ayant été effacé par les remises postérieures venant en déduction du montant de la dette, comme l'intégralité des relevés de compte produits jusqu'à la clôture du compte l'établissent.
Sur la mise en cause de la responsabilité du Crédit Agricole :
Statuant en l'état d'une cassation partielle, la Cour d'Appel de GRENOBLE désignée Cour de renvoi ne peut connaître que des chefs de condamnation déférés et censurés par la Cour de Cassation.
Monsieur X... est irrecevable à reprendre devant la Cour d'Appel de GRENOBLE sa demande en dommages et intérêts pour soutien abusif dont il avait été débouté par la Cour d'Appel de LYON qui n'a pas sur ce point, été censurée par la Cour de Cassation, celle-ci ayant considéré non fondée la troisième branche du moyen invoqué par Monsieur X... relative à ce grief.

Sur le montant des sommes dues par Monsieur X... :
Monsieur X... est redevable envers la CRCAM LOIRE HAUTE-LOIRE de la somme de 800 000 francs en sa qualité de caution de la société K-TAS-TROF, cette somme portant intérêts à compter du 31 mars 1993, date de la mise en demeure.
La capitalisation des intérêts est ordonnée à compter du 22 juin 2004, date à laquelle il est établi que la demande en a été faite.
Monsieur et Madame X... seront condamnés à payer à la CRCAM LOIRE HAUTE-LOIRE la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Monsieur X... ne justifiant pas de sa situation actuelle ne peut qu'être débouté de sa demande de délai qu'aucune pièce ne justifie.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
Statuant en audience publique, contradictoirement, dans les limites de l'arrêt rendu le 1er octobre 2002 par la Cour de Cassation, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉCLARE Monsieur X... irrecevable en sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour soutien abusif,
CONDAMNE Monsieur X... à payer au Crédit Agricole Mutuel LOIRE HAUTE-LOIRE la somme de 800 000 francs soit 12 1959,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1993,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 22 juin 2004,
DÉBOUTE Monsieur X... de sa demande de délai,
CONDAMNE Monsieur et Madame X... à payer à la CRCAM LOIRE HAUTE-LOIRE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur et Madame X... aux dépens incluant ceux de l'arrêt cassé avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP GRIMAUD, avoués, sur ses offres de droit,
PRONONCE en audience publique par Madame HAENEL, Président de Chambre, signé par Monsieur CATTEAU, Premier Président, et par Madame PAGANON, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0057
Numéro d'arrêt : 03/01474
Date de la décision : 21/06/2005

Analyses

CAUTIONNEMENT - Etendue - Compte courant - Sommes dues au jour de l'extinction du cautionnement - Remise postérieure - Effets

Il résulte de l'article 2015 du code civil que la caution est tenue de garantir le solde débiteur du compte courant au jour de l'expiration du cautionnement sauf à ce que toute remise postérieure vienne en déduction du montant de la dette. Dès lors est éteinte la dette de la caution si le débit du solde provisoire constaté au jour de l'expiration du cautionnement a été entièrement effacé par les remises postérieures au crédit du compte jusqu'à sa clôture


Références :

Articles 1326 et 2015 du code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2005-06-21;03.01474 ?
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