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14/03/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946826

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre civile 1, 14 mars 2005, JURITEXT000006946826


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La société BOURGEAT ayant, par lettre du 4 mars 2002, mis un terme au contrat d'agent commercial mandataire du 25 février 1991 qui la liait à Monsieur X..., celui-ci l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de BOURGOIN-JALLIEU aux fins qu'elle soit condamnée à l'indemniser du préjudice résultant de cette rupture.

Par jugement rendu le 21 janvier 2004, le tribunal de grande instance de BOURGOIN-JALLIEU :

- a fixé à la somme de 394 060,73 euros l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial due par la SA BOURGEAT à Monsi

eur Nigel X...,

- a condamné la société BOURGEAT à payer à Monsieur X... la somme...

04/1276

-2-

La société BOURGEAT ayant, par lettre du 4 mars 2002, mis un terme au contrat d'agent commercial mandataire du 25 février 1991 qui la liait à Monsieur X..., celui-ci l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de BOURGOIN-JALLIEU aux fins qu'elle soit condamnée à l'indemniser du préjudice résultant de cette rupture.

Par jugement rendu le 21 janvier 2004, le tribunal de grande instance de BOURGOIN-JALLIEU :

- a fixé à la somme de 394 060,73 euros l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial due par la SA BOURGEAT à Monsieur Nigel X...,

- a condamné la société BOURGEAT à payer à Monsieur X... la somme de 274 060,73 euros, déduction faite de la provision de 120 000 euros déjà versée,

- a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 9 octobre 2002, date de l'assignation,

- a condamné la SA BOURGEAT à payer à Monsieur Nigel X... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- a débouté les parties de leurs autres demandes,

- a condamné la société BOURGEAT aux dépens.

La société BOURGEAT a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour, réformant le jugement déféré :

* de lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas devoir une indemnité de rupture à son mandataire, Monsieur X...,

* de fixer cette indemnisation à la somme de 120 000 euros et de lui donner acte de ce qu'elle a d'ores et déjà versé cette somme en exécution de la condamnation provisionnelle du 5 mars 2003, 04/1276

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* de débouter Monsieur X... du surplus de ses demandes qui sont infondées,

* de constater que Monsieur X... a bénéficié d'un préavis de 6 mois de date à date, préavis conventionnel supérieur au préavis légal de 3 mois, outre le mois en cours,

* de dire, en conséquence, que Monsieur X... est rempli de ses droits à ce titre,

* de constater que la condamnation au titre du réemploi est dénuée de tout fondement et de dire que Monsieur X... doit supporter une éventuelle imposition sur l'indemnité qu'il est en droit de recevoir, * de condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 2 500 euros

sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'appelante conteste l'indemnisation retenue par le tribunal et soutient, d'une part, que le calcul ne peut se faire sur la base d'une rémunération brute, d'autre part, que celui-ci ne peut se faire non plus sur la base de deux années de commissions.

Elle observe, en effet, que Monsieur X... a bénéficié d'aides financières de sa part (augmentation du taux de commissionnement en 1990, avances forfaitaires comportant des conditions de remboursement très avantageuses, participation à l'acquisition de la maison de Monsieur X... en Grande-Bretagne, augmentation du taux de commissionnement en 1994 avec effet rétroactif, puis en 1995).

Elle ajoute que son aide a été également commerciale. Elle rappelle l'incident qu'a eu Monsieur X... avec un client et souligne qu'en dépit de celui-ci, la commission de 4 % sur ce client a été maintenue.

Elle fait valoir, d'autre part, qu'une solution de substitution a été proposée à Monsieur X... qui ne l'a pas acceptée en dépit des avantages qu'elle présentait.

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Monsieur Nigel X... demande à la Cour :

* de dire la société BOURGEAT mal fondée en son appel,

* faisant droit à son appel incident, de condamner la société BOURGEAT à lui payer les sommes de :

447 283,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial, déduction faite de la provision de 120 000 euros versée dans le cadre de la procédure de première instance, la contre valeur en euros de la somme de 6 860,05 livres sterling soit la somme de 10 489,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

147 494 euros au titre des frais de réemploi,

8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

* d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Il affirme qu'un usage ancien dont le premier juge a fait application a fixé à la valeur de deux ans de commissions brutes le montant de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat d'agent commercial. Compte tenu de l'importance du marché qu'il a réussi à implanter en Grande-Bretagne, il considère qu'il doit être indemnisé sur la base de trois années de commissions brutes et précise que l'indemnité répare les pertes de commission ainsi que la perte patrimoniale correspondant au droit de négocier une cession de carte.

Il sollicite, par ailleurs le paiement du solde l'indemnité de préavis qui expirait le 30 septembre 2002 et non le 10 septembre 2002 comme le soutient l'appelante. Il relève que l'article L 134-11 alinéa 3 du code de commerce fixe à la fin du mois civil la fin du préavis sauf convention contraire qui n'existe pas en l'espèce. 04/1276

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Monsieur X... demande, enfin, le paiement des frais de réemploi correspondant au montant de l'imposition générée par le versement de l'indemnité de rupture qu'il n'a pas souhaitée.

Il réplique que les avances ou prêts dont il a pu bénéficier ont été intégralement remboursées et que ces éléments sont étrangers à la détermination du montant de l'indemnité.

Il rappelle que la relation d'agence commerciale suppose la notion d'intérêt commun des parties.

Il conteste l'incident dont l'appelante fait état.

Il soutient que les propositions de la société BOURGEAT étaient désavantageuses et qu'elles lui faisaient perdre la possibilité de négocier une cession de carte.

MOTIFS ET DÉCISION :

Sur l'indemnité de rupture :

Aux termes de l'article L 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

La société BOURGEAT qui ne conteste pas devoir une indemnité de rupture à son mandataire, Monsieur X... entend qu'elle soit limitée à la somme de 120 000 euros compte tenu des aides qu'elle a apportées à son agent commercial et dont celui-ci a bénéficié ainsi que du refus par lui de la solution de substitution qui lui avait été proposée.

Le premier juge a justement rappelé qu'un usage ancien et parfaitement établi fixe le montant de l'indemnité à l'équivalent de deux années de commissions brutes calculée soit sur la base des recettes des deux dernières années soit sur la moyenne des sommes perçues pour les trois dernières.

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L'appelante prétend à tort qu'on ne peut raisonner en chiffre d'affaires brut alors que l'agent commercial qui consacre des frais importants à la vente des produits du mandant et n'étant pas acheteur revendeur des marchandises qu'il a reçu mandat de commercialiser , n'obtient pas de marge comme le fait le commerçant qui achète pour revendre est un mandataire rémunéré par une commission brute sur laquelle il n'y a aucun abattement pour frais professionnels à

pratiquer.

Le premier juge a, d'autre part exactement retenu que Monsieur X... qui a refusé une proposition de contrat de travail formulée par la SA BOURGEAT qui prévoyait une rémunération annuelle nette de 48 000 livres sterling outre un intéressement de 0,5 % sur le chiffre d'affaire de référence et de 3 % au delà, 9 000 livres sterling de remboursement par an de remboursement de frais kilométriques et une indemnité de changement de statut de 25 000 livres sterling ne justifiait pas d'un préjudice supérieur à celui réparé par l'octroi d'une indemnité calculée conformément aux usages en vigueur.

Le premier juge, par une motivation pertinente que la Cour adopte a, par ailleurs, considéré à bon droit que l'augmentation des taux de commissionnement librement négociés entre les parties ne constituaient pas des aides financières de la part de la SA BOURGEAT et qu'il en était de même du prêt de 32 000 livres sterling consenti au mois de mai 1991 avec un taux d'intérêt de 10 %, remboursable au 31 décembre 1991.

Les avances forfaitaires dont Monsieur X... a bénéficié lors de son installation en Angleterre et qui ont été remboursées par lui comme l'a été le prêt sont sans rapport avec la détermination du montant de l'indemnité de rupture destinée à compenser le préjudice lié à la perte de la part commune de marché et de la possibilité de céder la carte à un successeur ainsi qu'à la privation du potentiel des commissions générées par l'activité d'agent commercial.

Pas plus qu'elle n'en justifiait devant le tribunal, la société BOURGEAT ne démontre avoir renoncé au remboursement d'une somme de 60 000 francs.

Comme l'a jugé le tribunal, le contrat d'agent commercial étant conclu dans l'intérêt commun des parties ainsi que le dispose l'article L 134-1 du code de commerce, l'aide commerciale alléguée

par la société BOURGEAT s'inscrit dans l'intérêt bien compris des deux contractants et ne constitue pas un avantage exorbitant consenti au seul mandataire.

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Enfin, le refus par Monsieur X... de la proposition de travailler dans la nouvelle structure anglaise MAFTER/BOURGEAT UK avec le poste de dirigeant salarié étant motivé par son caractère désavantageux au regard de la situation qu'il occupait en qualité d'agent commercial, l'appelante invoque à tort cet élément comme étant de nature à supprimer tout préjudice, Monsieur X... étant, en tout état de cause, libre d'accepter ou non une proposition de travail impliquant un changement de situation.

L'évaluation de l'appelante reposant sur le principe que les charges de Monsieur X... étaient d'environ 50 % ce que celui-ci conteste considérant que celles-ci sur trois ans se sont élevées à 21 ,6 % , la preuve du caractère avantageux de la proposition n'est, au demeurant, nullement rapportée.

Monsieur X... qui a travaillé pour le compte de la société BOURGEAT depuis 1986 d'abord dans le cadre d'un contrat de représentation, puis à compter du 25 février 1991 comme agent commercial mandataire

établi en Grande-Bretagne où il a conquis par ses efforts communs avec le mandant d'importantes parts de marché comme le démontre l'évolution des chiffres d'affaires réalisés de 1993 à 2000, subit du seul fait de la cessation de son contrat qui ne lui est pas imputable un préjudice.

Le premier juge relevant justement que la société BOURGEAT ne démontrant pas que le préjudice subi par Monsieur X... était inférieur à celui qui sera réparé par l'octroi d'une indemnité calculée conformément aux usages en vigueur, a fixé, à bon droit l'indemnité de rupture à la somme de 394 060,73 euros équivalente au montant des commissions perçues au cours des deux dernières années d'exercice 2000 et 2001 tel qu'il résulte des documents comptables de la SA BOURGEAT.

L'appelante n'apportant pas davantage cette preuve devant la Cour, le jugement déféré ayant condamné la société BOURGEAT à payer à son agent la somme de 274 060,73 euros déduction faite de la provision de 120 000 euros versée avec capitalisation des intérêts à compter du 9 octobre 2002, date de l'assignation sera confirmé.

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Sur les frais de réemploi :

Le premier juge par une motivation pertinente que la Cour adopte a justement écarté cette demande.

Sur l'indemnité de préavis :

Le premier juge par une motivation pertinente que la Cour adopte a également écarté à bon droit la demande de Monsieur X...

Le jugement sera, en définitive, purement et simplement confirmé, l'appelante étant condamnée à payer à Monsieur X... contraint d'exposer devant la Cour des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge la somme supplémentaire de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

Statuant en audience publique, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la SA BOURGEAT à payer à Monsieur Nigel X... la somme de 2 500 euros (DEUX MILLE CINQ CENT EUROS) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE la SA BOURGEAT aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL DAUPHINetMIHAJLOVIC, avoués, sur ses offres de droit,

PRONONCE en audience publique par Madame FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Madame Y..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946826
Date de la décision : 14/03/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

AGENT COMMERCIAL

En vertu de l'article L 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en raison préjudice subi. Le montant de cette indemnité de rupture doit être, en application d'un usage ancien et parfaitement établi, l'équivalent de deux années de commission brutes calculé soit sur la base des recettes des deux dernières années, soit sur la moyenne des sommes perçues pour les trois dernières années. Le mandant ne peut se prévaloir pour contester le calcul de cette indemnité de l'augmentation du taux de commissionnement, librement consentie entre les parties et qui ne peut être assimilée à une aide financière; quant aux avances forfaitaires et au prêt consentis par la société, il sont sans rapport avec la détermination de l'indemnité de rupture destinée à compenser le préjudice lié à la perte de la part commune de marché et à la possibilité de céder la carte à un successeur ainsi qu'à la privation du potentiel des commissions générées par l'activité d'agent commercial. Enfin le fait que l'agent commercial ait refusé la proposition de travail émanant de la société et consistant en un poste de dirigeant salarié n'est pas de nature à supprimer le préjudice qu'il a subi.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2005-03-14;juritext000006946826 ?
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