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25/05/2012 | FRANCE | N°10/005321

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, 11, 25 mai 2012, 10/005321


ARRET No
R. G : 10/ 00532

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 25 MAI 2012

X...
C/
LA SARL L'OPERATEUR PARTENAIRE SOCIAL

Décision déférée à la cour : Ordonnance de Référé, du Tribunal d'Instance de Fort-de-France, en date du 11 Juin 2010, enregistrée sous le no 12-10-0079.

APPELANT :
Monsieur Tony X... ... 97200 FORT-DE-FRANCE
représenté par Me Olivier JOYAUX, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :
LA SARL L'OPERATEUR PARTENAIRE SOCIAL, prise en la personne de son représentant légal71 Rue

MadininaLot Donatien Cluny 97200 FORT-DE-FRANCE
représentée par Me Virginie MOUSSEAU, avocat au barreau de MARTIN...

ARRET No
R. G : 10/ 00532

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 25 MAI 2012

X...
C/
LA SARL L'OPERATEUR PARTENAIRE SOCIAL

Décision déférée à la cour : Ordonnance de Référé, du Tribunal d'Instance de Fort-de-France, en date du 11 Juin 2010, enregistrée sous le no 12-10-0079.

APPELANT :
Monsieur Tony X... ... 97200 FORT-DE-FRANCE
représenté par Me Olivier JOYAUX, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :
LA SARL L'OPERATEUR PARTENAIRE SOCIAL, prise en la personne de son représentant légal71 Rue MadininaLot Donatien Cluny 97200 FORT-DE-FRANCE
représentée par Me Virginie MOUSSEAU, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 mars 2012 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur FAU, Président de Chambre, chargé du rapport Mme DERYCKERE, Conseillère, Mme TRIOL, Conseillère,
qui en ont délibéré, les parties ayant été avisées de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 25 MAI 2012.

GREFFIER : lors des débats, Madame RIBAL, Greffière,

ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat du 7 avril 2009, la Sarl L'Opérateur Partenaire Social a donné à bail à Tony X... un logement d'habitation dans la Résidence Aquamarina à Fort-de-France.
Dans le logement loué M. X... a domicilié l'association Assemblée Évangélique de Grâce et de Vérité, dont il est le président, association qui y a tenu des manifestations cultuelles.
Le 18 mars 2010, la Sarl L'Opérateur Partenaire Social a assigné M. X... devant le juge des référés du tribunal d'instance de Fort-de-France pour :- faire constater le trouble anormal de voisinage et le faire cesser sous astreinte de 1 000 euros par infraction ;- faire ordonner le transfert du siège social de l'association Assemblée Évangélique de Grâce et de Vérité sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;- faire condamner à titre provisionnel le défendeur au paiement de la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice ;- le faire condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;- le faire condamner aux dépens.
En réponse M. X... a contesté la qualité à agir du bailleur en matière de trouble anormal de voisinage, d'autant que le trouble, dont il considère que l'existence n'est pas démontrée, concerne un tiers, a indiqué que l'inscription provisoire de l'association à son adresse ne constituait pas une atteinte à la destination de l'immeuble, et a sollicité reconventionnellement la condamnation de la demanderesse à lui verser 5 000 euros de dommages-intérêts et 2 000 euros d'indemnité pour frais irrépétibles.
Par ordonnance du 11 juin 2010, le juge des référés du tribunal d'instance de Fort-de-France a :
constaté que la Sarl L'opérateur Partenaire Social avait intérêt et qualité à agir ;
constaté l'existence d'un trouble de jouissance résultant de la tenue de réunions au domicile de M. X... ;
condamné M. X... à faire cesser ce trouble ;
dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte ;
condamné M. X... à payer à la Sarl L'opérateur Partenaire Social une provision de 2 000 euros et une somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
rejeté les demandes plus amples et contraires des parties ;
rappelé que la décision était exécutoire par provision ;
condamné M. X... aux dépens.
Pour juger de la qualité à agir du bailleur, le juge des référés a retenu, en fait, que le syndic de l'immeuble lui avait signalé par courrier la tenue de cérémonies religieuses occasionnant un trouble à l'égard des autres locataires, en droit, qu'en vertu de l'article 1725 du code civil le bailleur est tenu de réparer les troubles de jouissance occasionnés aux autres occupants de l'immeuble par les agissements de son locataire.
Pour retenir l'existence du trouble de jouissance allégué le juge des référés s'est fondé sur un constat d'huissier et le témoignage de locataires de l'immeuble.
Il rappelle ensuite, sur l'absence de l'association cause du trouble, que le locataire est responsable des agissements des tiers qu'il introduit dans son logement.
Pour refuser le transfert du siège social de l'association cultuelle, le juge des référés note qu'elle n'est pas partie à la procédure.
Par déclaration d'avocat le 9 août 2010 au greffe de la cour d'appel, M. X... a interjeté appel de la décision rendue par le juge des référés.
Aucune pièce du dossier n'indique que la décision attaquée a fait l'objet d'une signification.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 25 mai 2011, M. X..., poursuivant la réformation de la décision qu'il attaque, demande à la cour :
de déclarer son appel recevable et bien fondé ;
de constater le défaut de qualité et d'intérêt à agir de la Sarl L'opérateur Partenaire Social ;
de constater que l'action de la Sarl L'opérateur Partenaire Social est mal dirigée et de la renvoyer à mieux se pourvoir ;
de dire n'y avoir lieu à référé, le trouble anormal de voisinage allégué n'étant pas suffisamment démontré et en tout état de cause n'étant plus actuel ;
de condamner la Sarl L'opérateur Partenaire Social à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
de la condamner en outre au versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
La Sarl L'opérateur Partenaire Social a notifié le 27 octobre 2011 et déposé le 28 octobre 2011 des conclusions responsives et récapitulatives dans le dispositif desquelles elle forme un appel incident pour solliciter de la cour, d'une part qu'elle condamne M. X... à cesser les réunions à caractère religieux qu'il organise à son domicile, et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée par voie d'huissier, d'autre part qu'elle lui interdise de domicilier le siège social de l'association Assemblée Évangélique Grâce et Vérité dans l'appartement loué, sous astreinte également de 1 000 euros par infraction constatée.
L'intimée demande à la cour de confirmer l'ordonnance attaquée pour le surplus et d'y ajouter la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens qui comprendront le coût du procès-verbal de constat établi le 23 février 2010 par Me Marc-André Y..., huissier de justice.
Le magistrat chargé de la mise en état a clôturé la procédure par ordonnance du 26 janvier 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'ordonnance de référé attaquée a été rendue le 11 juin 2010 et l'appel de cette décision a été formé le 9 août 2010.
Cependant ni l'appelant ni l'intimé ne mentionne que l'ordonnance dont appel a été signifiée, de sorte qu'il n'est pas établi que le délai d'appel de quinze jours avait commencé à courir lorsque la déclaration d'appel, conforme aux modalités prescrites, a été faite au greffe de la cour d'appel.
Au reste, l'intimée n'a pas contesté la recevabilité de l'appel.
En conséquence, l'appel de l'ordonnance rendue le 11 juin 2010 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Fort-de-France sera déclaré recevable.
Sur la qualité et l'intérêt à agir de la bailleresse
Le contrat signé entre la Sarl L'Opérateur Partenaire Social et M. X... met à la charge de celui-ci l'obligation d'user paisiblement des lieux suivant la destination contractuelle, qui est définie comme l'habitation principale. Cette obligation ne fait que reprendre les dispositions de l'article 7b) de la loi du 6 juillet 1989.
Ces dispositions contractuelles et législatives rendent recevable l'action du propriétaire bailleur à faire cesser les violations par le preneur d'une obligation qu'il tient et de la loi et du contrat.
Au reste, la recevabilité d'un copropriétaire à engager la responsabilité d'un autre copropriétaire pour des troubles de jouissance occasionnés par l'occupant du lot a été admise par la jurisprudence.
Et l'article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989, ajouté par la loi no 2007-297 du 5 mars 2007, aux termes duquel, après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d'habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux, fait même de l'action du propriétaire contre son preneur, que les troubles soient directement de son fait ou du fait des personnes qu'il a introduites dans les lieux loués, une obligation vis à vis des victimes des troubles.
La Sarl L'Opérateur Partenaire Social a donc qualité, parce qu'elle est propriétaire des locaux loués, et intérêt, pour faire respecter les dispositions du bail et se prémunir de l'action des victimes des troubles allégués, à engager une action en cessation des troubles devant le juge des référés.
L'ordonnance attaquée mérite donc confirmation sur ce point.
Sur les troubles allégués
Le constat dressé le 23 février 2010 par Maître Y..., huissier de justice requis par la Sarl L'Opérateur Partenaire Social établit la réalité des troubles causés aux autres occupants de l'immeuble par la pratique cultuelle exercée dans l'appartement loué par M. X....
L'huissier a, en effet, constaté lui-même, le 23 février 2010, qui était un mardi, à 19 heures 45, que d'un appartement situé à l'étage au dessus de celui loué par M. X... et en décalage avec cet appartement, il entendait distinctement des chants religieux entrecoupés de prières. L'huissier a également reçu les doléances d'une occupante d'un appartement de l'immeuble se plaignant de subir le bruit important de la chorale, des prières et des percussions provenant de l'appartement loué par M. X....
Ce constat d'huissier est conforté par le courrier adressé le 18 février 2010 par le syndic de la copropriété à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social qui indique avoir reçu de nombreuses plaintes concernant son locataire à raison des réunions à caractère religieux entraînant d'importantes nuisances sonores pour l'ensemble de la résidence.
L'affirmation que les cérémonies religieuses ne se tiennent plus dans les lieux, ne prive pas la Sarl L'Opérateur Partenaire Social de sa légitimité à faire respecter la destination des lieux, l'habitation principale et non lieu de culte, et à faire cesser les troubles anormaux de voisinage dûment constatés, en faisant assortir cette injonction d'une astreinte provisoire que le premier juge a écarté sans motivation.
Pour réclamer une provision de 2 000 euros sur la réparation de son préjudice, la Sarl L'Opérateur Partenaire Social met en avant l'atteinte à son image et la remise en cause du bénéfice de sa défiscalisation.
Sur ce second point, aucune pièce ne vient établir que le bénéfice de la défiscalisation obtenu sur l'achat de l'appartement loué à M. X... a été remis en cause par les troubles de jouissance causés à l'ensemble des occupants de la copropriété.
Par contre l'atteinte à la réputation de la bailleresse du fait des agissements dommageables de son locataire ou des personnes de son chef, n'est pas discutable dans son principe. Le courrier reçu du syndic de la copropriété et les démarches que la Sarl L'Opérateur Partenaire Social a dû entreprendre pour faire constater et cesser le trouble en délimitent les contours.
Une provision de 1 000 euros sur la réparation de ce préjudice correspond mieux au dommage réellement subi que la somme réclamée, accordée par le premier juge sur la seule considération du caractère non contestable de ce préjudice.
Sur la domiciliation de l'association cultuelle
L'annonce de la domiciliation, dans l'appartement loué par M. X... à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social, de l'association Assemblée Évangélique Grâce et Vérité a paru au journal officiel le 12 février 2010.
Le juge des référés a rejeté la demande de la bailleresse d'interdire cette domiciliation au motif que l'association cultuelle n'était pas partie à la procédure. Il avait pourtant constaté que M. X... avait procédé à cette domiciliation sans en aviser la bailleresse et en ne respectant pas la destination contractuelle des lieux : l'habitation principale. Ce faisant il n'a pas tiré la déduction qui s'imposait du constat d'une violation des dispositions du bail, violation qui ne concerne que les parties au contrat et ne nécessite pas, pour être sanctionnée, la présence du tiers au bénéfice duquel elle a été faite.
Pour s'opposer à la demande de la Sarl L'Opérateur Partenaire Social, M. X... fait en outre valoir que l'association cultuelle loue régulièrement une salle dans un centre international de séjour à Fort-de-France.
Mais cette attestation ne démontrant pas que l'association Assemblée Évangélique Grâce et Vérité est administrativement domiciliée à une autre adresse que celle de l'appartement loué à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social, la demande de la bailleresse de faire respecter la destination des lieux est fondée.
Sur les autres demandes
Succombant sur l'essentiel de ses prétentions, M. X... est mal fondé à réclamer des dommages-intérêts pour procédure abusive.
L'action engagée par la Sarl L'Opérateur Partenaire Social étant à l'inverse bien fondée, il serait inéquitable que cette société conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la faire aboutir.
Outre une indemnité à ce titre, M. X... supportera les dépens des deux degrés de juridiction qui comprendront le coût du constat d'huissier dressé le 23 février 2010.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'appel que M. X... a interjeté de l'ordonnance rendue le 11 juin 2010 par le juge des référés du tribunal d'instance de Fort-de-France ;
Confirme l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a jugé la Sarl L'Opérateur Partenaire Social recevable à agir, et a condamné M. X... à une indemnité de procédure ;
La réformant pour le surplus,
Enjoint à M. X... de faire cesser toute cérémonie ou manifestation à caractère religieux, accompagnée de chants et prières à haute voix, dans le domicile loué à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social, sous peine d'une astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée par acte d'huissier ;
Enjoint également à M. X... de mettre fin à la domiciliation de l'association Assemblée Évangélique Grâce et Vérité dans l'appartement loué à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social, dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit ;
Condamne M. X... à verser à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social une provision de 1 000 euros sur la réparation du préjudice causé par les troubles de voisinage occasionnés par la tenue au domicile loué de cérémonies et manifestations religieuses ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires
Condamne M. X... à payer à la Sarl L'Opérateur Partenaire Social une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne en tous les dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût du constat dressé par Maître Y..., huissier de justice, le 23 février 2010.
Signé par M. FAU, Président de chambre, et Mme RIBAL, greffière, lors du prononcé, auquel la minute a été remise.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : 11
Numéro d'arrêt : 10/005321
Date de la décision : 25/05/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.fort-de-france;arret;2012-05-25;10.005321 ?
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