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20/12/2007 | FRANCE | N°06/00150

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, 20 décembre 2007, 06/00150


ARRET No

R. G : 06 / 00150 & 07 / 00128

Du 20 / 12 / 2007



Conseil de Prud'hommes de
Fort de France
26 janvier 2006 & 10 mai 2007
Section : Industrie
RG no F04 / 00742 & F06 / 00849

DELEGATION NATIONALE UNEDIC (AGS)

C /


X...


K...


Y...




COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 20 DECEMBRE 2007

APPELANTE :

DELEGATION NATIONALE UNEDIC (AGS)
77 Rue de Miromesnil
75008 PARIS

représentée par Me Catherine RODAP, avocat a

u barreau de FORT DE FRANCE

INTIMES :

Monsieur Philippe X...


...


...

97200 FORT-DE-FRANCE

Monsieur Manuel Didier
Z...



...


...

97215 RIVIERE-SALEE

représe...

ARRET No

R. G : 06 / 00150 & 07 / 00128

Du 20 / 12 / 2007

Conseil de Prud'hommes de
Fort de France
26 janvier 2006 & 10 mai 2007
Section : Industrie
RG no F04 / 00742 & F06 / 00849

DELEGATION NATIONALE UNEDIC (AGS)

C /

X...

K...

Y...

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 20 DECEMBRE 2007

APPELANTE :

DELEGATION NATIONALE UNEDIC (AGS)
77 Rue de Miromesnil
75008 PARIS

représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

INTIMES :

Monsieur Philippe X...

...

...

97200 FORT-DE-FRANCE

Monsieur Manuel Didier
Z...

...

...

97215 RIVIERE-SALEE

représentés par Me Bernard BENAÏEM, avocat au barreau de PARIS et Me Jean-Jacques A..., avocat postulant au barreau de Fort de France

Maître Marie-Agnès Y..., es qualité de mandataire liquidateur de la Sté MINERVE ANTLLES GUYANE SN

...

97190 LE GOSIER

représenté par Maître GOUT, avocat au barreau de Pointe à Pitre et Me B..., avocat postulant au barreau de Fort de France

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré

Monsieur Yves ROLLAND, Président
Monsieur Alain FOUQUETEAU, Conseiller
Monsieur Yves BENHAMOU, Conseiller

GREFFIER

Monsieur Philippe BLAISE, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 octobre 2007 où l'affaire a été mise en délibéré au 20 décembre 2007.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel

ARRÊT : CONTRADICTOIRE et en dernier ressort

********

EXPOSE DU LITIGE.

Le 27 février 2003, le PDG de la société SAS MINERVE ANTILLES GUYANE SN (MAG SN), société de maintenance aéroportuaire, déposait le bilan et sollicitait l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 14 mars 2003, le Tribunal Mixte de Commerce de Pointe-à-Pitre constatait l'état de cessation des paiements, dont il fixait provisoirement la date au 27 février 2003, et prononçait la liquidation judiciaire immédiate de la société après avoir relevé notamment que MINERVE ANTILLES GUYANE :

avait pour principal client (90 % de son chiffre d'affaire) la société AIR LIB, elle-même placée en liquidation Judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 17 février 2003 ;
n'avait plus aucune activité ;
avait un passif de 540 000 euros et un solde bancaire de 11 074 euros.

Désignée aux termes de ce jugement en qualité de mandataire liquidateur, Me Marie-Agnès Y... licenciait les salariés de l'entreprise pour motif économique.

Ceux-ci demandaient alors que leurs créances au passif de la société soient évaluées en tenant compte d'un accord d'entreprise signée par le PDG de la société MAG SN et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise (CGT-FO et CGTM) le 24 février 2003, intitulé " ACCORD RELATIF AUX LICENCIEMENTS ", prévoyant, " en cas de rupture du contrat de travail intervenant à l'initiative de l'employeur notamment licenciement économique ", l'allocation cumulative de :

une indemnité de licenciement calculée, pro rata temporis, sur la base de 1 / 4 de mois de salaire de 0 à 5 ans d'ancienneté, de 1 / 2 mois de 5 à 10 ans, de 3 / 4 de mois de 10 à 15 ans, de 1 mois de 15 à 20 ans, de 5 / 4 de mois au-delà ;

une " indemnité complémentaire pour licenciement économique " calculée selon l'ancienneté, dont le montant varie entre 952,81 euros (1 ans) et
24 391,84 pour 13 ans et plus ;

une " indemnité de préjudice pour licenciement économique " également calculée en fonction de l'ancienneté acquise à la date de la rupture, dont le montant varie entre 762,25 euros (1an) et 9146,94 euros pour 13 ans et plus ;

Dès le 14 avril 2003, l'AGS Unedic informait le liquidateur que cet accord ne pouvait être " tenu pour opposable à l'AGS au titre de liquidation judiciaire prononcée le 14 mars 2003 à l'encontre de la SAS MAG ".

Par courrier adressé au représentant des salariés le 6 mai 2003, Me Y... indiquait alors " De ce fait, la garantie du FNGS ne peut être mise en oeuvre que pour les soldes de tout compte calculés conformément aux dispositions de la convention collective du personnel au sol (...) La créance non garantie par le FNGS fera l'objet d'une inscription au passif de la société ".

Par acte d'huissier du 12 octobre 2004, Philippe X... et Manuel Didier LUCIEN C... saisissaient le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France aux fins de voir fixer leurs créances salariales respectives au passif de la société SAS MAG conformément aux dispositions de l'accord du 24 février 2003 et la condamnation de l'AGS à la garantir.

Par jugement rendu en formation de départage le 4 mai 2006, le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France, après avoir ordonné la jonction entre les deux demandes,

• fixait la créance de Philippe X... au passif de la société SAS MAG à la somme de 46 932,06 euros et celle de Manuel
Z...
à 45 008,45 euros ;

• jugeait que ces créances devaient être garanties par la délégation AGS Unedic ;

• déclarait la décision opposable au liquidateur et à la délégation AGS.

Saisi à l'initiative des salariés d'une requête en " rectification d'erreur matérielle ", le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France, par décision rendue en formation de départage le 10 mai 2007, fixait à la somme de 2059 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de Manuel
Z...
et à 3039,33 euros celle des trois derniers mois de salaire de Philippe X....

Par déclarations reçues au greffe de la cour d'appel respectivement les 29 juin 2006 et 3 juillet 2007, la délégation UNEDIC AGS interjetait appel de ces deux décisions, qui lui avaient été notifiées le 30 mai 2006 pour la première et le 26 juin 2007 pour la seconde.

*****

Dans ses dernières conclusions « responsives et récapitulatives no 2 » datées du 31 août 2007, soutenues oralement à la barre, le C. G. E. A-AGS conclut à la recevabilité de son appel, à l'infirmation du jugement entrepris " en ce qu'il a jugé que la délégation AGS Unedic devra garantir le paiement des créances fixées au profit de M. Philippe X... et de M. Manuel
Z...
en application de l'accord d'entreprise du 24 février 2003 " et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

• dire et juger que la garantie de la délégation AGS Unedic n'est pas dù au titre de l'accord d'entreprise du 27 février 2003 ;

• Ordonner sa mise hors de cause ;

• Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

Il fait valoir à l'appui de ses demandes que :

les salariés ont perçus toutes les sommes qui leur revenaient en application des dispositions légales et de la convention collective qui leur étaient applicables ;

pour le surplus, elle entend contester devant la cour le principe même de sa garantie en démontrant qu'il y a eu fraude au droit du travail, abus auxquels la loi du 4 mai 2004 est venu mettre un terme ;

l'accord litigieux du 24 / 02 / 2003 a été signé trois jours avant le dépôt de bilan, pendant la période suspecte et à une date où la société était déjà en cessation des paiements effective, à tel point que le Tribunal Mixte de Commerce de Pointe-à-Pitre a jugé qu'il était impossible d'envisager son redressement ;

Il ne contient aucune adaptation de la convention collective applicable dans l'entreprise aux licenciements économiques projetés, ce qui le différencie de l'accord à l'origine de la jurisprudence " FÉLIX POTIN " ;

cet accord d'entreprise est un contrat commutatif qui contient à la charge du débiteur, l'employeur, des obligations excédant notablement celles de l'autre partie et qui est donc nul en application de L'article L. 621-107, 2o, du code de commerce ;

ce déséquilibre est d'autant plus marqué que l'employeur, en prenant des engagements substantiels sans aucune contrepartie, savait objectivement qu'il n'en assumerait pas la charge ;

c'est en ce sens qu'il y a eu fraude aux règles du droit du travail car cet accord ne contient aucun élément permettant de justifier ni même d'expliquer l'octroi d'indemnités conséquentes autrement que par le souci des dirigeants de la société en cessation des paiements de rechercher la paix sociale en spéculant sur le fait que l'AGS assumerait a posteriori son coût financier ;

à tort les salariés intimés tentent-ils de contourner ces éléments de fait en soutenant que cet accord n'est que l'extension d'un accord antérieur du 01 octobre 2001 à l'ensemble du personnel de la société AIR LIB ;

en effet, contrairement à ce qu'ils affirment, la société MINERVE ANTILLES GUYANE SN, immatriculée le 17 septembre 2001 au RCS de Pointe-à-Pitre, était une entité juridique distincte de la société AOM-AIR LIBERTE, devenue AIR LIB, et n'en était pas juridiquement la filiale, pas plus qu'elle n'était celle de la société HOLCO ;

du reste l'accord du 24 février 2003 ne contient aucune mention de l'accord AIR LIB du 1er octobre 2001, la seule allusion indirecte à cet accord se trouvant dans un document distinct daté du 1er février 2003 faisant
« référence aux accords du 1er octobre 2001 signés à Orly » et n'indiquant pas que ceux du 24 / 02 seraient conclus « en exécution » de ceux conclus 18 mois auparavant ;

très subsidiairement, si la cour devait tout de même retenir que la majoration de l'indemnité conventionnelle de licenciement est due à titre d'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail, les indemnités " complémentaires " et de " préjudice " font double emploi dans la mesure où elles prétendent indemniser un préjudice déjà indemnisé par ailleurs ;

les intimés ne rapportent la preuve ni de la notification ni du dépôt de l'accord du 24 février 2003 alors que ces formalités avaient été contractuellement prévues ;

ils occupaient des emplois de cadre expressément visés par la convention collective comme " bénéficiaires d'appointements ayant un caractère forfaitaire " ;

dès lors qu'ils n'ont jamais été soumis à la réglementation sur les 35 heures en application de la convention collective applicable, ils ne sont pas fondés à réclamer des heures supplémentaires ni l'indemnisation du préjudice qu'ils auraient subi du fait de leur non-paiement.

*****

Dans leurs dernières « conclusions en réponse » du 31 mai 2007 soutenues oralement à l'audience, Philippe X... et Manuel Didier
Z...
concluent

• à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel du fait de sa tardiveté,
• à titre subsidiaire à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes en paiement d'heures supplémentaires, des congés payés afférents et des dommages et intérêts en découlant et demande à la cour, statuant à nouveau sur ce point,
de fixer leurs créances à ce titre à la somme totale de 4148,69 euros pour Philippe E... et de 3503,32 euros pour Manuel Didier
Z...
,
de déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS dans le cadre des garanties prévues aux articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail,
à inviter le liquidateur à diligenter les procédures permettant le règlement de ces sommes,
de fixer à 2500 euros la somme due à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils font valoir l'appui de leurs demandes que :

le jugement du 26 janvier 2006 précisant en première page que sa notification aux parties est intervenue le 26 mai 2006, l'appel du CGEA-AGS de Fort-de-France a été régularisé hors délai ;

si la société MAG SN faisait bien partie du groupe AOM-AIR LIBERTE, le débat que tente d'instaurer à nouveau l'AGS sur ce point est superfétatoire dans la mesure où le jugement dont appel a reconnu explicitement que l'accord d'extension du 24 février 2003 faisait directement référence à l'accord signé le 1er octobre 2001 entre la compagnie AIR LIBERTE et les organisations syndicales ;

en rédigeant et signant cet accord décidé en pleine " concertation et consultation des institutions représentatives des organisations syndicales ", le président de la société MAG SN s'est engagé contractuellement auprès de l'ensemble des salariés au paiement de la majoration de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité complémentaire pour licenciement économique et de l'indemnité de préjudice pour licenciement économique ;

en sollicitant la garantie de l'AGS sur les indemnités ainsi calculées et en décidant, à la suite de son refus, d'inscrire ces créances au passif de la société, le liquidateur, représentant de la société, s'est engagé à poursuivre l'exécution de cet accord ;

l'AGS doit donc garantir le paiement des indemnités dues en exécution des contrats de travail rompus, par application des dispositions de l'article
L. 143-11-1 du code du travail, nonobstant le fait qu'elle n'ait pas été signataire de cet accord, comme l'a jugé la chambre social de la Cour de Cassation par arrêt du 12 juin 2001 dit « FÉLIX POTIN » ;

les dispositions issues de l'article 57 de la loi du 4 mai 2004 sont inopposables aux anciens salariés de la société MAG en vertu du principe de la non-rétroactivité des lois posé par l'article 2 du Code civil ;

la question de la nullité de l'accord d'entreprise sur le fondement de l'article L. 621-107 du code de commerce ne peut être débattu que par le Tribunal Mixte de Commerce compétent et à la seule initiative du mandataire liquidateur, lequel n'a à ce jour engagé aucune procédure en ce sens ;

l'accord d'extension relatif au licenciement du personnel de MAG SN est donc valide car il a été déposé le 3 mars 2003 au ministère du travail et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que l'absence de notification aux organisations syndicales ne saurait faire obstacle à son application à la période considérée, le législateur n'en ayant fait une condition de validité qu'après le 4 mai 2004 ;

le chiffrage des créances résultant de l'accord d'extension n'est pas sérieusement contestable et a été exactement repris par les premiers juges ;

les cadres intégrés à une collectivité de travail assujettie à un horaire collectif, comme ils l'étaient, restaient soumis à la réglementation sur les 35 heures ;

dès lors que les bulletins de salaire font apparaître un horaire de travail mensuel de 169 heures du 1er novembre 2001 jusqu'à la rupture de leurs contrats de travail, ils sont fondés à réclamer les heures supplémentaires en découlant, dont le non-paiement a été nécessairement générateur d'un préjudice.

*****

Dans ses dernières conclusions du 25 octobre 2006 soutenues oralement à l'audience, Me Y..., ès qualités de liquidateur de la société MAG SN, déclare s'associer aux moyens de la délégation UNEDIC AGS, s'opposer aux demandes de Messieurs ARNUEL et LUCIEN C... au motif que la convention du 24 février 2003 ne pouvait s'appliquer, et

• à titre principal, conclut à l'infirmation du jugement déféré et au débouté des prétentions des intimés,
• à titre subsidiaire, " pour le cas où la cour jugerait que l'accord du 24 février 2003 s'applique en l'espèce et que l'AGS ne prenne pas en charge les créances éventuelles ", sollicite que lesdites créances soient inscrites au passif de la société MAG SN, les intimés étant condamnés à lui payer 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*****

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions respectives et aux jugements du Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France déférés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La connexité entre les dossiers 06 / 00150 et 07 / 00218 justifie leur jonction.

Sur la recevabilité des appels.

Il résulte des dispositions de l'article R. 517-7 du code du travail que le délai d'appel contre les décisions du Conseil de Prud'hommes est de 1 mois à compter de la réception de la lettre de notification du jugement.

Les appels par le CGEA-AGS

le 30 juin 2006 d'un jugement qui lui avait été notifié le 30 mai 2006,
le 3 juillet 2007 d'un jugement qui lui avait été notifié le 26 juin 2007,

sont donc recevables.

Sur l'application de l'article 57 de la loi du 4 mai 2004.

Les premiers juges ont relevé à juste titre qu'aux termes de l'article 2 du Code civil la loi ne disposait que pour l'avenir.

La loi du 4 mai 2004 n'avait donc pu avoir pour effet de porter atteinte à une situation contractuelle préexistante, résultant des termes de l'accord du 24 février 2003 et instaurant une situation plus favorable pour les licenciés économiques de la société MINERVE ANTILLES GUYANE.

Sur la fixation des créances.

En application des dispositions de l'article 1134 du Code civil, les conventions librement formées font la loi des parties.

Aucune des parties à la présente instance ne demande à la cour la nullité de l'accord du 24 février 2003, que ce soit sur le fondement de l'article L. 621-107 du code de commerce ou sur celui des vices du consentement.

Cet accord s'applique en conséquence entre les parties signataires et le premier juge en a exactement déduit que les créances des salariés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAG SN devaient en tenir compte.

Le mode de calcul de ces créances n'étant pas discuté, il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur l'opposabilité à l'AGS.

Il résulte des dispositions des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-8 du code du travail que l'Assurance de Garantie des Salaires couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail lorsque le licenciement intervient dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire.

L'AGS dispose toutefois d'un droit propre à contester le principe et l'étendue de sa garantie à condition de faire la preuve que le fondement contractuel de la créance qu'elle conteste procède d'une fraude.

Tel est le cas lorsque l'employeur conclut pendant la période suspecte, en pleine connaissance de son impossibilité d'en assumer les conséquences financières, un accord d'entreprise dont la seule finalité est de majorer l'indemnisation de licenciements économiques inéluctables, en spéculant sur la prise en charge par l'AGS, sans que cet accord ne s'inscrive dans un plan social qui aurait pour objet d'éviter ou de limiter les licenciements par la mise en place de mesures alternatives aux licenciements et / ou propres à assurer le reclassement des salariés.

Il résulte des éléments de fait du litige qu'au 24 février 2003, date de la signature de l'accord d'entreprise qui sert de fondement aux demandes des salariés, la société MAG SN n'avait plus d'activité et que son principal, si ce n'est unique, partenaire commercial, la société " AIR LIB ", était en liquidation judiciaire depuis le 17 février 2003.

Il s'en déduit que, même si le dépôt de bilan n'est intervenu que trois jours plus tard à une date où son passif s'élevait à 540. 000 euros, elle était déjà dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Le débat qui s'est instauré entre les parties sur les liens entre les sociétés AIR LIB et MAG SN est sans intérêt dès lors qu'il est acquis aux débats que les deux sociétés étaient des entités juridiques distinctes, que la seconde n'était pas la " filiale " de la première et que, en toute hypothèse, aucune clause de l'accord d'entreprise signé le 01 octobre 2001 entre la direction d'AIR LIB et le personnel au sol de cette société n'envisageait son " extension ", fut-ce à une société appartenant au même groupe industriel.

Contrairement aux affirmations des intimés, le lien entre les deux accords n'avait donc aucune justification juridique impérative et ressortait de la volonté propre des signataires de l'accord du 24 février 2003 de se " référer " à celui du 1er octobre 2001.

La notion d'" accord d'extension " utilisée depuis l'origine du litige par les intimés n'a donc aucun fondement juridique.

Reste qu'en décidant d'appliquer au personnel d'une entreprise en cessation d'activité et de paiement un accord signé 18 mois plus tôt au bénéfice du personnel d'une entreprise elle-même en liquidation judiciaire depuis une semaine, toutes les parties signataires de l'accord du 24 février 2003 savaient que la société MAG SN ne pourraient en assumer les conséquences financières et que l'AGS devrait se substituer à elle pour que les indemnisations prévues puissent être payées.

La singularité de la situation est renforcée par le contenu même de l'accord qui, en sus de la majoration substantielle de l'indemnité de licenciement conventionnelle, instaurait 2 autres modes d'indemnisation en cas de licenciement économique.

Dès lors qu'à la date de sa signature le licenciement économique du personnel au sol était un événement qui n'avait plus rien d'aléatoire mais présentait un caractère inéluctable, cet accord revenait en définitive à gratifier les salariés, sans aucune contrepartie pour l'entreprise, de trois indemnités cumulatives différentes ayant la même cause et le même objet.

L'AGS est bien fondé à soutenir que de telles libéralités ne pouvaient l'engager sans son accord et que cette convention est frauduleuse en ce qu'elle constitue un détournement manifeste du système de garantie du paiement des salaires par l'assurance en cas d'insuffisance de fonds disponibles dans l'entreprise.

Dès lors que " la fraude corrompt tout ", la cour ne peut retenir une partie de cet accord pour le rendre opposable à l'AGS.

Sur les heures supplémentaires.

L'article 5 de la convention collective du personnel au sol des compagnies aéroportuaires stipule que
" en raison du caractère particulier de l'exploitation aérienne, il est fréquent que les heures de présence ne puissent être fixées de façon rigide ; elles correspondent aux nécessités et aux aléas de cette exploitation et il doit en être tenu compte dans la rémunération des intéressés.
C'est pourquoi, les appointements des cadres ont un caractère forfaitaire. Ils sont établis soit par un forfait global contractuel tenant compte des variations d'horaires dues à des heures supplémentaires (...) ; soit comme pour les autres catégories de personnels à régimes d'appointements mensuels, en fonction de l'horaire réellement effectué ".

Les cadres visés par la convention collective sont classés, en tenant compte de l'importance de l'entreprise et de celle des fonctions réellement exercées, dans trois groupes définis en annexe.

Les cadres relevant des coefficients 300 (K...) et 420 (ANNUEL) sont expressément visés comme étant bénéficiaires d'appointements ayant un caractère forfaitaire.

Par ailleurs les intimés, qui exerçaient respectivement les responsabilités de " Responsable Fret " et de " Chef d'Escale ", ne justifient pas que, contrairement aux dispositions de la Convention collective, ils étaient soumis à un horaire fixe et à la réglementation sur les 35 heures alors que le montant de leur salaire, tel qu'il apparaît sur les bulletins de paie, a toujours été forfaitaire.

Il y a lieu en conséquence de rejeter toutes les demandes présentées à ce titre.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR ;

Statuant dans les affaires no06 / 00150 et 07 / 00218 ;

Infirme le jugement rendu le 26 janvier 2006 par la section Encadrement du Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France statuant en formation de départage, rectifié par jugement du 8 mars 2007, en ce qu'il a jugé que les créances dont il fixait le montant au passif de la liquidation judiciaire de la société MINERVE ANTILLES GUYANE SN devaient être garanties par l'AGS ;

Statuant à nouveau sur ce seul point ;

Dit que l'accord du 24 février 2003 a été conclu en fraude du système de garantie des salaires et que l'AGS n'est pas tenue à en garantir les conséquences financières ;

Confirme pour le surplus la décision déférée ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes principales et incidentes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit que les dépens seront comptés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Arrêt signé par Monsieur ROLLAND, Président, et par Monsieur BLAISE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Numéro d'arrêt : 06/00150
Date de la décision : 20/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Fort-de-France


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-20;06.00150 ?
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