République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 27/06/2024
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N° de MINUTE :
N° RG 22/04221 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UPDW
Jugement (N° 19/02059)
rendu le 12 mai 2022 par le tribunal judiciaire d'[Localité 2]
APPELANTE
Centre hospitalier d'[Localité 2]
pris en la personne de son représentant légal
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Emmanuel d'Antin, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant.
INTIMÉE
Le Comité départemental d'Hygiène sociale du Pas-de-Calais
prise en la personne de son représentant légal,
ayant son siège [Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté par Me Géry Humez, avocat au barreau d'[Localité 2], avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
DÉBATS à l'audience publique du 18 mars 2024, après rapport oral de l'affaire par Céline Miller. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 février 2024
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Par acte notarié du 6 novembre 1922, l'Oeuvre du Pas-de-Calais dévasté, société de secours, a donné aux hospices civils d'[Localité 2], aux droits desquels intervient le centre hospitalier d'[Localité 2], une maison située [Adresse 3], à [Localité 2], à charge pour les hospices 'de mettre la maison donnée à la disposition du Comité départemental d'Hygiène Sociale et de préservation antituberculeuse tant que durera cette oeuvre'.
Le 21 décembre 2017, le centre hospitalier d'[Localité 2], qui entreprenait alors une réorganisation de son patrimoine immobilier afin de mettre à la disposition du public des structures plus accessibles, a notifié à l'association Comité départemental d'hygiène sociale du Pas-de-Calais (ci-après, 'le CDHS') son intention de mettre fin à la convention d'occupation signée le 9 février 1963 aux termes de laquelle il avait mis à disposition de celui-ci, à titre gracieux, un immeuble situé [Adresse 4], à [Localité 2], à la suite de la destruction du précédent local durant la guerre.
Par acte du 21 février 2018, le CDHS a formé un recours gracieux contre cette décision auprès du directeur du centre hospitalier, lequel l'a rejeté par lettre recommandée du 20 mars 2018, réitérant sa décision de mettre un terme à la convention conclue en 1963 et sa proposition de relogement, à titre gracieux, au sein d'un autre local situé sur le site de l'hôpital.
A la suite du recours pour excès de pouvoir formé par le CDHS, le tribunal administratif de Lille s'est déclaré incompétent au profit des tribunaux de l'ordre judiciaire par ordonnance du 13 mai 2019, considérant que la convention litigieuse portait sur un bien du domaine privé du centre hospitalier, si bien que le litige opposant les parties était de droit privé et relevait, ainsi, de la compétence des tribunaux judiciaires.
Par acte d'huissier du 5 décembre 2019, le CHDS a fait assigner le centre hospitalier d'[Localité 2] devant le tribunal judiciaire d'[Localité 2] aux fins, notamment, d'obtenir l'annulation de l'acte du 27 juin 2019 portant notification de la fin de la convention de mise à disposition de l'immeuble litigieux du 9 février 1963 et valant congé pour le 27 décembre 2019.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire d'[Localité 2] a :
- débouté le CDHS de sa demande d'annulation des décisions prises par le directeur du centre hospitalier d'[Localité 2] les 21 décembre 2017, 20 mars 2018 et du congé signifié le 27 'décembre' (en réalité 'juin à effet au 27 décembre' ) 2019';
- dit que le centre hospitalier n'était pas fondé à délivrer congé au CDHS pour mettre fin à la mise à disposition à titre gratuit de l'immeuble de remplacement situé [Adresse 4], à [Localité 2] ;
- dit que les parties restaient soumises à la donation avec charge consentie par acte authentique du 6 novembre 1922 et à la convention du 9 février 1963 organisant la mise à disposition de l'immeuble de remplacement ;
- débouté le centre hospitalier de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné le centre hospitalier, outre aux dépens, à payer au CDHS la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le centre hospitalier d'[Localité 2] a interjeté appel de cette décisions et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 30 mai 2023, demande à la cour, au visa de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, des articles 1210, alinéa 1, 1211,1186, alinéa 1er et 1187, alinéa 1er du code civil, de l'infirmer en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande d'annulation des décisions prises par le directeur du centre hospitalier les 21 décembre 2017 et 20 mars 2018, ainsi que du congé signifié le 27 'décembre' (en réalité juin)2019, et statuant à nouveau des chefs infirmés, de':
- juger qu'il a valablement donné congé au Comité départemental d'hygiène sociale du Pas-de-Calais par acte d'huissier signifié le 27 juin 2019, pour mettre fin à la convention du 9 février 1963 de mise à disposition de l'immeuble sis [Adresse 4], à effet au 27 décembre 2019';
- juger caduque la convention de mise à disposition de cet immeuble conclue au profit du CDHS en raison de la disparition de l'un de ses éléments essentiels constituant par ailleurs la cause de son engagement ;
- juger que le CHDS est occupant sans droit ni titre de l'immeuble depuis le 27 décembre 2019';
- ordonner son expulsion de l'immeuble litigieux et de celle de tous occupants de son chef avec, si besoin est, l'assistance d'un serrurier et de la force publique ;
- le condamner à lui payer une indemnité d'occupation d'un montant de 300 euros par jour à compter du 28 décembre 2019, date de prise d'effet du congé, et ce jusqu'à la date de libération effective des lieux ;
- débouter le CDHS de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner celui-ci, outre aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Processuel, à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 7 septembre 2023, l'association CDHS demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- dit que le centre hospitalier d'[Localité 2] n'était pas fondé à lui délivrer congé pour mettre fin à la mise à disposition à titre gratuit de l'immeuble de remplacement situé [Adresse 4], à [Localité 2] ;
- dit que les parties restaient soumises à la donation avec charge consentie par acte authentique du 6 novembre 1922 et à la convention du 9 février 1963 organisant la mise à disposition de l'immeuble de remplacement ;
- débouté le centre hospitalier de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné le centre hospitalier à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
mais, formant appel incident, demande à la cour d' infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation des décisions prises par le centre hospitalier les 21 décembre 2017, 20 mars 2018 et du congé signifié le 27 décembre (juin) 2019 et, statuant à nouveau, de :
- annuler les décisions prises par l'intimé les 21 décembre 2017 et 20 mars 2018 de mettre un terme à la convention du 9 février 1963 de mise à disposition du bâtiment litigieux, ainsi que l'acte du 27 juin 2019 portant notification de la fin de la convention de mise à disposition et valant congé à l'effet du 27 décembre 2019 ;
dans tous les cas :
- débouter le centre hospitalier d'[Localité 2] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner ce dernier, outre aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Eric Laforce, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
à titre infiniment subsidiaire :
- lui accorder, ainsi qu'à tout occupant de son chef, un délai de 15 mois pour libérer les lieux ;
- l'autoriser, et tout occupant de son chef, à rester dans les lieux pendant ce délai.
Il est référé aux écritures susvisées des parties pour le détail de leur argumentation, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 19 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les moyens invoqués par l'association CDHS du Pas-de-Calais pour contester la validité des décisions des 21 décembre 2017 et 20 mars 2018 prises par le directeur du centre hospitalier d'[Localité 2] et du congé signifié le 27 juin 2019, mettant fin à la convention de mise à disposition à titre gratuit du 9 février 1962 sont relatifs, d'une part à la légalité externe des actes, et d'autre part, à leur légalité interne.
Sur la légalité externe des décisions des 21 décembre 2017 et 20 mars 2018 et du congé signifié le 27 juin 2019
L'association CDHS du Pas-de-Calais conteste tout d'abord la légalité externe des décisions des 21 décembre 2017 et 20 mars 2018 prises par le directeur du centre hospitalier d'[Localité 2], l'informant de l'intention de celui-ci de mettre fin à la convention de mise à disposition du bâtiment sis [Adresse 4] à [Localité 2] pour le mettre en vente, ainsi que de l'acte portant notification de la fin de la convention de mise à disposition et valant congé à effet au 27 décembre 2017 qui lui a été signifié le 27 juin 2019, au motif que la convention d'occupation du 9 février 1963 a été autorisée en vertu d'un arrêté préfectoral du 27 novembre 1962, lequel n'a jamais été rapporté et produit toujours ses effets, le directeur du centre hospitalier n'étant pas titulaire du pouvoir de mettre un terme à cette convention.
Le centre hospitalier d'[Localité 2] fait valoir pour sa part qu'en vertu de l'article L6143-7 du code de la santé publique, la décision de mettre un terme à une convention entre une association et un hôpital relève d'une prérogative propre au directeur du centre hospitalier, qui n'est soumise à aucun contrôle de légalité de l'Agence régionale de santé.
Sur ce
Il est exact que depuis l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique, les préfets n'interviennent plus dans le contrôle de légalité des délibérations prises par les anciennes commissions administratives des centres hospitaliers, ce contrôle étant désormais exercé par des agences régionales de santé.
Par ailleurs, en vertu de l'article L6143-7 du code de la santé publique, le directeur du centre hospitalier conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et, après concertation avec le directoire, a notamment compétence pour conclure les acquisitions, aliénations, échanges d'immeubles et leur affectation ainsi que les baux de plus de dix-huit ans.
En l'espèce, la convention d'occupation consentie le 9 février 1963 par le centre hospitalier d'[Localité 2] à l'association CDHS du Pas-de-Calais fait suite à un arrêté préfectoral du 27 novembre 1962 déclarant d'utilité publique l'acquisition par le centre hospitalier d'[Localité 2] de l'immeuble bâti sis à [Localité 2], [Adresse 4], autorisant le vice-président de la commission administrative du centre hospitalier, dûment habilité à cette fin par délibération de cette commission du 15 octobre précédent, à faire l'acquisition de l'immeuble au nom de l'établissement, moyennant le prix de 90 000 francs financé par des crédits budgétaires, et indiquant que les conditions de mise à disposition de cet immeuble au profit du Comité d'hygiène sociale du Pas-de-Calais seraient celles fixées par la commission administrative du centre hospitalier dans sa délibération du 15 octobre 1962.
Il résulte de cet arrêté que l'autorisation du préfet (désormais remplacé dans ses compétences en matière de gestion des établissements publics de santé par l'agence régionale de santé) porte sur l'acquisition de l'immeuble litigieux par le centre hospitalier d'[Localité 2], tandis que la mise à disposition de cet immeuble relevait d'une décision de la commission administrative du centre hospitalier.
Dès lors, il n'est pas nécessaire de rapporter l'arrêté du 27 novembre 1962 pour mettre fin à cette mise à disposition, le directeur du centre hospitalier ayant désormais compétence pour le faire, après concertation avec le directoire, en application de l'article L6143-7 susvisé.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté le moyen de légalité externe relatif à la compétence de l'auteur de l'acte soulevé par l'association CDHS pour solliciter l'annulation des décisions du centre hospitalier d'[Localité 2] prises les 21 décembre 2017, 20 mars 2018 et 27 juin 2019.
Sur la légalité interne des décisions des 21 décembre 2017 et 20 mars 2018 et du congé signifié le 27 juin 2019
Le centre hospitalier d'[Localité 2] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a dit qu'il n'était pas fondé à délivrer congé à l'association CDHS du Pas-de-Calais pour mettre fin à la mise à disposition à titre gratuit de l'immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 2] et dit que les parties restaient soumises à la donation avec charge consentie par acte authentique du 6 novembre 1922 et à la convention du 9 février 1963 organisant la mise à disposition de l'immeuble de remplacement. Il considère que ladite donation est devenue caduque par l'effet de la destruction de l'immeuble qui en était l'objet pendant la guerre et que la convention du 9 février 1963 ne contient aucun terme, de sorte qu'elle doit pouvoir être résiliée à tout moment sous réserve du respect d'un préavis raisonnable.
L'association CDHS conclut pour sa part à la confirmation des dispositions contestées, faisant valoir que le seul terme stipulé à l'acte de donation de 1922 puis dans la convention du 9 février 1963 est la dissolution de l'association et qu'à défaut de survenance de ce terme, le centre hospitalier ne peut mettre fin à la disposition gratuite de l'immeuble litigieux.
Sur ce
Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Il importe, pour la solution du litige, de déterminer la convention liant les parties.
L'acte de donation de 1922 n'est pas versé aux débats.
Cependant, il résulte de l'extrait du registre des délibérations du conseil d'administration du centre hospitalier d'[Localité 2] en date du 30 juillet 1962 que :
'L'Oeuvre du Pas-de-Calais dévasté était propriétaire de la maison [Adresse 3]. Cette oeuvre a été dissoute en 1922. Avant sa dissolution, elle a disposé de cette maison par acte notarié du 6 novembre 1922 se résumant comme suit : Le Pas-de-Calais dévasté fait donation entre vifs aux Hospices civils d'[Localité 2] de la maison [Adresse 3], à charge pour lesdits Hospices de mettre cette maison à la disposition du Comité départemental d'hygiène sociale tant que durera cette oeuvre.
Cette charge a été exécutée par les hospices, mais ladite maison a été détruite par faits de guerre en 1940. L'acte de donation de 1922 posait en principe que les hospices devenaient pleins propriétaires à compter du jour de l'acte, en vertu de quoi les dommages de guerre afférents à l'immeuble [Adresse 3] leur ont été attribués.
D'autre part, depuis la destruction de cet immeuble, le comité d'hygiène a été privé du droit de jouissance dont il bénéficiait aux termes de l'acte de 1922.
Il appartenait à la commission administrative des hospices de déterminer d'accord avec le Comité d'hygiène ses obligations envers celui-ci.
L'acte de 1922 est sujet à interprétation.
Il vient d'abord à l'esprit que le Comité d'hygiène a sur ledit immeuble un véritable usufruit et que la commission des hospices peut lui opposer l'article 619 du code civil ainsi conçu': 'l'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans.'
Dans ce cas, le droit du comité d'hygiène se réduirait à la date où la reconstruction fut possible et le 6 novembre 1952.
Mais cette interprétation se heurte aux termes de la donation :
'Les Hospices d'[Localité 2] auront la pleine propriété et jouissance de l'immeuble donné à compter de ce jour... En outre, comme condition sine qua non de la présente donation sans laquelle elle n'eut point été faite, il est formellement stipulé que les Hospices d'[Localité 2] devront mettre la maison donnée à la disposition du Comité départemental d'hygiène sociale et de préservation antituberculeuse tant que durera cette oeuvre. Dans le cas où le Comité départemental cesserait d'exister, les Hospices reprendront la libre jouissance dudit immeuble'.
Dans ces conditions, il peut être valablement soutenu qu'il s'agit d'une donation avec charges au profit du Comité d'hygiène, lequel d'après la jurisprudence est qualifié pour en réclamer l'exécution.'
Le procès-verbal fait ensuite état de la nécessité d'éviter un litige entre les parties et propose l'achat par le Comité d'hygiène d'une maison sise [Adresse 4] au prix de 90 000 francs dont il serait remboursé par les Hospices, moyennant quoi les deux parties se déclareraient quittes et se donneraient mutuellement décharge de toutes obligations qu'elles pourraient avoir l'une envers l'autre quant à la perception par les Hospices des dommages de guerre afférents au [Adresse 3] et à la non-jouissance de cet immeuble par le Comité depuis sa destruction.
Cette délibération n'ayant cependant pas reçu l'approbation préfectorale, une nouvelle délibération du conseil d'administration du centre hospitalier en date du 15 octobre 1962 a décidé de l'acquisition de l'immeuble par le centre hospitalier et de sa mise à la disposition de l'association CDHS en contrepartie de la prise en charge par celle-ci des impositions, de son entretien, de toutes réparations, et de son aménagement et autres frais le cas échéant, la jouissance de l'immeuble devant revenir au centre hospitalier en cas de dissolution de l'association.
L'arrêté préfectoral du 27 novembre 1962 a déclaré d'utilité publique l'acquisition par le centre hospitalier d'[Localité 2] de l'immeuble, autorisé le vice-président de la commission administrative du centre hospitalier à en faire l'acquisition au nom de l'établissement moyennant le prix de 90 000 francs financé par des crédits budgétaires et indiqué que les conditions de mise à disposition de l'immeuble au profit du Comité d'hygiène sociale du Pas-de-Calais seraient celles fixées par la commission administrative du centre hospitalier dans sa délibération du 15 octobre 1962 précitée.
Puis, par convention bilatérale signée entre les parties le 9 février 1963, le centre hospitalier a mis à disposition de l'association CDHS l'immeuble lui appartenant sis [Adresse 4] à [Localité 2].
Si cette convention vise en préliminaire 'la donation consentie (...) par l'Oeuvre du Pas-de-Calais dévasté (...) aux Hospices civils d'[Localité 2], (...) d'une maison sise à [Adresse 3], à charge pour lesdits Hospices civils de la mettre à la disposition du Comité d'hygiène sociale et de préservation antituberculeuse tant que durera cette oeuvre' et expose dans ses considérants 'que cet immeuble a été détruit par faits de guerre, que son emplacement a été compris dans une zone de remembrement puis aliéné pour l'édification d'immeubles d'habitation dans le cadre du plan d'urbanisme', et qu'il est nécessaire 'de mettre un nouvel immeuble à la disposition du Comité départemental d'hygiène sociale', le centre hospitalier ayant acquis à cet effet l'immeuble sis [Adresse 4], aucune des dispositions de cette convention n'indique que les parties entendent maintenir entre elles les effets de la donation de 1922.
Ladite donation, qui opérait un transfert de la pleine-propriété du bien sis [Adresse 3] au profit des hospices d'[Localité 2], comportait une charge aux termes de laquelle les hospices devaient réserver la jouissance du bien à l'association CDHS du Pas-de-Calais tant que celle-ci existerait.
Ce droit de jouissance permettait donc à l'association de bénéficier de l'usufruit du bien.
Cependant, il résulte de l'article 617 du code civil que l'usufruit s'éteint :
- par la mort naturelle et par la mort civile de l'usufruitier ;
- par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
- par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ;
- par le non-usage du droit pendant trente ans ;
- par la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi.
L'article 624 du même code dispose par ailleurs que si l'usufruit n'est établi que sur un bâtiment, et que ce bâtiment soit détruit par un incendie ou autre accident, ou qu'il s'écroule de vétusté, l'usufruitier n'aura le droit de jouir ni du sol ni des matériaux.
Il n'est pas discuté en l'espèce que l'immeuble objet de la donation a été détruit par faits de guerre en 1940 et que le terrain sur lequel il était bâti a été cédé après la guerre dans le cadre d'une opération de remembrement urbain.
Or, l'usufruit de l'association CDHS s'étant éteint du fait de la destruction de l'immeuble, sans que l'association puisse réclamer des droits de jouissance relatif au terrain sur lequel il était bâti, en application de l'article 624 susvisé, les hospices d'[Localité 2] n'étaient plus tenus, à compter de la date de cette destruction, de garantir cette jouissance, nonobstant l'article 2 de la convention de 1963 qui dispose que les parties 'se déclarent quittes de toutes obligations réciproques résultant de la donation susvisée et notamment de la privation de jouissance depuis la démolition par faits de guerre de l'immeuble [Adresse 3].'
Dès lors, la convention d'occupation de 1963 conclue entre les parties doit s'analyser en une convention autonome, distincte de la donation de 1922, et c'est elle qui régit les obligations réciproques des parties.
A cet égard, l'article 1er de cette convention dispose que 'le centre hospitalier d'[Localité 2] met à la disposition du Comité départemental d'hygiène sociale un immeuble lui appartenant sis [Adresse 4] à [Localité 2].'
L'article 3 ajoute que 'le Comité départemental d'hygiène sociale aura la charge des impositions afférentes au nouvel immeuble dont la jouissance lui est concédée, de son aménagement, de toutes réparations et autres frais le cas échéant, y compris l'assurance incendie (...).'
Une telle convention de mise à disposition s'analyse en un prêt à usage sans terme défini, l'article 4 ne faisant que préciser qu'en 'cas de dissolution du Comité départemental d'hygiène sociale, le centre hospitalier d'[Localité 2] reprendrait, sans formalité, la libre jouissance de l'immeuble concédé', sans que l'hypothèse de la dissolution du Comité départemental à une date indéterminée puisse être considérée comme le seul terme possible de la convention, compte tenu du principe de prohibition des engagements perpétuels, reconnu par la jurisprudence et consacré par les articles 1210 et 1211 du code civil, tels qu'ils résultent de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Or il est constant que le contrat à exécution successive dans lequel aucun terme n'est prévu n'est pas nul, mais constitue une convention à durée indéterminée que chaque partie peut résilier unilatéralement, à condition de respecter un juste préavis (Cass. 1ère civ., 18 janvier 2000, n°98-10378 ; Cass. Com, 31 mai 1994, n° 92-12.548).
En l'espèce, le directeur du centre hospitalier d'[Localité 2] a tout d'abord informé l'association CDHS de son intention de mettre fin au contrat de mise à disposition à titre gratuit de l'immeuble par courrier du 21 décembre 2017, expliquant que cette décision serait effective fin 2018 et proposant un relogement à l'association, puis par courrier du 20 mars 2018 répondant au recours gracieux formé par le CDHS à l'encontre de sa décision.
Il a ensuite notifié à l'association CDHS, par acte d'huissier de justice du 27 juin 2019, sa décision de mettre un terme à la convention de mise à disposition conclue le 9 février 1963 avec un préavis de six mois expirant le 27 décembre 2019, cette notification valant congé pour la date indiquée.
Il résulte de ces éléments que le centre hospitalier a bien résilié la convention en respectant un juste préavis, de sorte que le congé, dont la régularité formelle n'est par ailleurs pas contestée, doit être considéré comme valable.
L'association CDHS étant devenue occupante sans droit ni titre de l'immeuble à compter du 28 décembre 2019, il convient d'ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, ainsi que sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1 500 euros par mois, calculée à partir du montant des loyers facturés par le CDHS à ses sous-locataires, à compter du 28 décembre 2019 et jusqu'à complète libération des lieux.
Sur les autres demandes
L'association CDHS sera tenue aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle sera par ailleurs condamnée à payer au centre hospitalier d'[Localité 2] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté l'association CDHS du Pas-de-Calais de sa demande d'annulation des décisions prises par le directeur du Centre hospitalier d'[Localité 2] les 21 décembre 2017, 20 mars 2018 et du congé signifié le 27 juin (et non 'décembre' comme indiqué par erreur) 2019 ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que les rapports des parties sont régis uniquement par la convention de mise à disposition à titre gratuit du 9 février 1963 ;
Constate la validité du congé délivré le 27 juin 2019 par le directeur du Centre hospitalier d'[Localité 2]'à l'association Comité départemental d'hygiène sociale du Pas-de-Calais, portant sur l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 2], à effet au 27 décembre 2019 ;
Dit qu'à compter du 28 décembre 2019, l'association Comité départemental d'hygiène sociale du Pas-de-Calais est devenue occupante sans droit ni titre de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 2] ;
Condamne l'association Comité départemental d'hygiène sociale du Pas-de-Calais à payer au centre hospitalier d'[Localité 2] une indemnité d'occupation de 1 500 euros par mois à compter du 28 décembre 2019 et jusqu'à complète libération des lieux ;
Ordonne son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec l'aide de la force publique si besoin est, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision';
Condamne l'association Comité départemental d'hygiène sociale du Pas-de-Calais aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
La condamne à payer au centre hospitalier d'[Localité 2] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande à ce titre.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet