Cour d'appel de Douai
Chambre des Libertés Individuelles
soins psychiatriques
ORDONNANCE
mardi 25 juin 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
N° RG 24/00068 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTXY
N° MINUTE : 72
APPELANTS
Mme [U] [A] [M] [F] épouse [Z]
née le 19 Avril 1982 à [Localité 4]
[Adresse 1],
es qualité de représentant légal d'[X] [Z], comparante, assistée de Me Laura BARATA, avocat au barreau de LILLE,
[T] [Z]
né le 23 mai 1980 à [Localité 10] (Italie)
[Adresse 2],
es qualité de représentant légal d'[X] [Z], non comparant représenté par Me Laura BARATA, avocat au barreau de Lille
INTIMES
M. LE PREFET DU NORD
non comparant et non représenté
M. [X] [Z]
né le 02 Mars 2007 à [Localité 6]
actuellement hospitalisé à l'EPSM des [7]
résidant habituellement [Adresse 1], non comparant, représenté par Me Anne Sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME, avocat au barreau de douai
MINISTÈRE PUBLIC
M. le procureur général représenté par Mme Dorothée COUDEVYLLE, substitut général ayant déposé un avis écrit
MAGISTRATE DELEGUEE : Agnès MARQUANT, . présidente de chambre à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché assistée de Fadila HARIOUAT, greffier
DÉBATS : le 24 juin 2024 à 10 h 30 en audience publique
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe le mardi 25 juin 2024, dans le délai prescrit par l'article R 3211-32 al 2 du code de la santé publique (CSP)
ORDONNANCE : rendue à DOUAI par mise à disposition au greffe le mardi 25 juin 2024 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L 3211-12-2, III, al 5, R 3211-41, R 3211-41, IV, al 1 du CSP ;
Vu les avis d'audience, adressés par tout moyen aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le mardi 25 juin 2024 à 11 h 00, conformément aux dispositions de l'article R 3211 -13 sous réserve de l'article R 3211-41-11 de ce même code ;
EXPOSE DU LITIGE
[X] [Z], mineur a été admis en soins psychiatriques sans consentement dans le cadre d'une hospitalisation complète par arrêté du Préfet du Nord du 31 mai 2024 au sein du Centre de soins [9] de [Localité 5] - Etablissement public de santé mentale des [7] de [Localité 3].
Par requête du 4 juin 2024, le Préfet du Nord a saisi le juge des libertés et de la détention de Dunkerque aux fins de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 6 juin 2024, le juge des libertés et de la détention de Dunkerque a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète du patient.
Par courriers recommandés non datés, compostés le 15 juin 2024 et enregistrés au greffe de la cour d'appel le 17 juin 2024 puis par courriel de leur conseil du 20 juin 2024, M [T] [Z] et Mme [U] [F], représentants légaux ont interjeté appel de ladite ordonnance qui leur a été régulièrement notifiée.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 juin 2024.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Suivant avis écrit du 21 juin 2024 transmis par courriel du même jour communiqué aux parties, Mme l'avocate générale sollicite la confirmation de l'ordonnance, compte-tenu de l'état de santé du patient.
M [T] [Z] et Mme [U] [F] poursuivent l'infirmation de la décision. Au soutien de leurs appels, il font notamment valoir qu'ils n'ont pas reçu à temps la convocation devant le premier juge et qu'ils s'opposent au maintien de la mesure qui ne serait pas adaptée à l'état de santé de leur fils.
Lors des débats, Mme [U] [F] expose que son fils aurait besoin d'être dans un établissement adapté, qu'elle n'a pas pu voir son fils depuis mai, n'est pas informée des traitements médicaux dont il fait l'objet. Elle reçoit seulement des informations de l'éducatrice. Elle n'a pas pu rencontrer le médecin, un rendez-vous ayant été annulé le 16 mai 2024.
Suivant conclusions transmises le 22 juin 2024 et reprises oralement, leur conseil soulève les moyens suivants:
- le défaut de convocation des représentants légaux devant le premier juge ,
- l'irrégularité de la requête préfectorale, en l'absence de mention des représentants légaux,
- l'absence d'avis à famille à la suite des arrêtés d'admission et de maintien en soins psychiatriques sans consentement,
- l'absence d'examen somatique du patient,
- le non-respect de la période d'observation,
- l'absence de bien-fondé de la mesure , faisant valoir que les conditions légales de la mesure ne seraient pas réunies, le patient ne compromettant pas la sûreté des personnes ou ne portant pas atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Elle ajoute que le juge des enfants est saisi, une audience étant prévue la semaine suivante. La mère se sent disqualifiée.
Le conseil représentant [X] [Z], absent pour motif médical, sollicite l'infirmation de l' ordonnance et la levée de la mesure, s'en rapportant aux moyens soulevés par les representants légaux.
La préfecture du Nord et le directeur de l'établissement n'ont pas comparu, ne se sont pas fait représenter et n'ont pas adressé d' observations écrites.
MOTIFS,
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Selon l'article L. 3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission.
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
L'arrêté préfectoral d'admission en soins psychiatriques sans consentement doit être spécialement motivé par l'autorité décisionnaire au regard des critères d'admission prévus par la loi et des éléments disponibles au jour de la décision. Il incombe au préfet sous le contrôle du juge, de caractériser les troubles observés par le médecin qui ont pour conséquence de compromettre la sûreté des personnes ou l'ordre public. Si l'obligation de motivation incombe au premier chef à l'autorité décisionnaire, il est admis que satisfait à l'exigence de motivation, la décision administrative qui procède par référence à un certificat médical suffisamment circonstancié pour répondre aux critères d'admission légaux, dès lors que celui-ci est annexé à la décision.
Au visa de l'article L 3216-1 du code de la santé publique, "l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet."
En l'espèce, l'arrêté préfectoral du 30 mai 2024 à 17 heures se fonde sur les constatations médicales du même jour du Docteur [I], médecin pédiatre au centre hospitalier de [Localité 6], non psychiatre, conformément aux exigences légales précitées qui n'imposent pas de recourir à un médecin psychiatre extérieur à l'établissement d'accueil dès lors que le médecin auquel il est fait appel pour la rédaction du certificat médical circonstancié exerce au sein de l'établissement en qualité de médecin non psychiatre.
Ce médecin a constaté que le patient était suivi pour un trouble du spectre autistique avec déficience intellectuelle et hétéro-agressivité.
Force est de constater que ces éléments médicaux qui font état d'une pathologie chronique ne caractérisent pas de façon circonstanciée et précise l'existence actuelle chez le patient lors de cet examen médical de troubles mentaux de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public. Il n'établit pas que le maintien des soins psychiatriques contraints avec hospitalisation complète constitue une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade.
L'admission du patient en hospitalisation complète ne répond donc pas aux exigences de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique et ne peut résulter des documents médicaux et admninistratifs ultérieurs.
Ainsi, l'avis motivé du 21 juin 2024 du Docteur [P] relève que le patient se trouve hospitalisé pour la troisième fois depuis février 2024. Il décrit un comportement agressif et intrusif depuis plusieurs mois qui a épuisé son environnement familial et professionnel. Si le service de psychiatrie adultes n'est pas adapté, il permet seul de contenir le patient, dans l'attente du résultat du réajustement du traitement psychotrope.Il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dans l'attente de la mise en place d'un parcours de soins avec une dimension médicosociale.
Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise et de lever la mesure d'hospitalisation complète, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire,
DÉCLARONS les appels enregistrés sous les numéros RG 24/68 et RG 24/69 recevables et ORDONNONS leur jonction sous le numéro de RG 24/68
INFIRMONS l'ordonnance,
STATUANT À NOUVEAU,
ORDONNONS la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète du mineur [X] [Z],
LAISSONS les dépens la charge de l'État.
Fadila HARIOUAT,
Greffier
[V] [J],
Présidente de chambre
rU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 72 DU 25 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 8]) :
- Mme [U] [A] [M] [F] épouse [Z], M. [T] [Z] : représentants légaux d'[X] [Z]
- Maître Laura BARATA
- Maître Anne-Sophie AUDEGOND
- M. LE PREFET DU NORD
- M. le procureur général
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert au requérant et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
''''
- copie au Juge des libertés et de la détention de DUNKERQUE
- communication de la décision au tiers demandeur, le directeur de l'établissement de santé, le cas échéant
Le greffier, le mardi 25 juin 2024
N° RG 24/00068 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTXY
COUR D'APPEL DE DOUAI
Service : Chambre des libertés indivuduelles
Référence : N° RG 24/00068 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTXY
à l'audience publique du mardi 25 juin 2024 à 11 H 00
Magistrat : Agnès MARQUANT, . présidente de chambre
Mme [U] [A] [M] [F] épouse [Z]
M. LE PREFET DU NORD
Occultations complémentaires : ' OUI ' NON
' Appliquer les recommandations d'occultations complémentaires
Complément ou substitution aux recommandations de la Cour de cassation :
Décision publique : ' OUI ' NON
Signature