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20/06/2024 | FRANCE | N°23/05355

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 20 juin 2024, 23/05355


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 20/06/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 23/05355 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VHGF



Ordonnance (N° 22/00886) rendue le 07 novembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Omer







APPELANTS



Madame [B] [M] épouse [K]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 29]

[Adresse 6]

[L

ocalité 17]



Madame [I] [M] épouse [C]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 29]

[Adresse 22]

[Localité 17]



Madame [O] [M] épouse [Z]

née le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 29]

[Adresse 26]

[Loca...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 20/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/05355 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VHGF

Ordonnance (N° 22/00886) rendue le 07 novembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Omer

APPELANTS

Madame [B] [M] épouse [K]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 29]

[Adresse 6]

[Localité 17]

Madame [I] [M] épouse [C]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 29]

[Adresse 22]

[Localité 17]

Madame [O] [M] épouse [Z]

née le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 29]

[Adresse 26]

[Localité 16]

Monsieur [F] [M]

né le [Date naissance 12] 1966 à [Localité 29]

[Adresse 14]

[Localité 29]

Monsieur [D] [M]

né le [Date naissance 7] 1959 à [Localité 29]

[Adresse 9]

[Localité 29]

représentés par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant.

INTIMÉS

Madame [U] [M] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 29]

[Adresse 21]

[Localité 19]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Virginie Godron-Mannessier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Madame [T] [M] épouse [W]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 29]

[Adresse 11]

[Localité 20]

défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 25 mars 2024 à personne

Madame [Y] [M] épouse [J]

née le [Date naissance 13] 1956 à [Localité 29]

[Adresse 27]

[Localité 15]

défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 21 mars 2024 à personne

Monsieur [X] [M]

né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 29]

[Adresse 23]

[Localité 18]

défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 25 mars 2024 à domicile

DÉBATS à l'audience publique du 18 avril 2024, tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 mars 2024

****

[O] [P], veuve de [X] [M], est décédée le [Date décès 10] 2016, laissant pour lui succéder ses neuf enfants :

- Mme [Y] [M] épouse [J] ;

- Mme [O] [M] épouse [Z] ;

- M. [D] [M] ;

- Mme [B] [M] épouse [K] ;

- Mme [I] [M] épouse [C] ;

- M. [F] [M] ;

- Mme [U] [M] épouse [R] ;

- Mme [T] [M] épouse [W] ;

- M. [X] [M].

Aux termes d'un testament olographe du 7 juillet 2008, déposé au rang des minutes de Me'[E], notaire à [Localité 28], [O] [P] avait légué par préciput à sa fille [U] les biens immobiliers lui appartenant en pleine propriété, ainsi que l'ensemble de son mobilier et de ses meubles meublants.

Il dépend de la succession les biens immobiliers et mobiliers légués, ainsi que des parts sociales détenues dans un groupement foncier agricole et quelques liquidités.

Les héritiers n'étant pas parvenus à s'entendre sur les modalités de partage de la succession de leur défunte mère, MM. [F] et [D] [M] et Mme [O] [M] ont fait assigner leurs frères et soeurs devant le tribunal judiciaire de [Localité 28] par acte du 19 juillet 2022 aux fins, notamment, de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [O] [P], réduire le legs consenti à Mme [U] [M] à concurrence de la portion excessive de la libéralité consentie, condamner celle-ci à rapporter à la succession les sommes par elle recelées à hauteur de 29 500 euros, lui appliquer la peine du recel et attribuer préférentiellement à M. [F] [M] les 42 589 parts sociales du groupement foncier agricole [M] dépendant de la succession.

Par ordonnance d'incident du 7 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de St-Omer a :

- déclaré irrecevables les demandes :

' de réduction formée à l'encontre du legs consenti à Mme [U] [M] épouse [R] ;

' d'indemnisation des héritiers réservataires par Mme [R] à concurrence de la portion excessive de la libéralité consentie par leur mère dans le cadre du testament olographe du 7 juillet 2008, à concurrence de la portion excessive de cette libéralité ;

' visant au paiement de l'indemnité de réduction par priorité en moins prenant et par imputation sur les droits et réserves de Mme [R] ;

' visant à constater que les demandeurs acceptent, si Mme [R] en fait la demande, que la réduction soit exercée en nature conformément à l'article 924-1 du code civil ;

- déclaré recevable l'action en rapport des sommes recelées ;

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure ;

- réservé les dépens ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Mmes [B], [I] et [O] [M], et MM. [F] et [D] [M] (les consorts [M]) ont interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de leurs conclusions remises le 14 mars 2024, demandent à la cour, au visa des articles 778, 815 et suivants, et 921 et suivants du code civil, de l'infirmer partiellement en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes relatives à leur action en réduction du legs consenti à Mme [U] [M], rejeté les demandes plus amples ou contraires et, statuant à nouveau de ces chefs, de :

- déclarer recevables et non prescrites ces demandes ;

- débouter Mme [U] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner cette dernière à leur verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- employer les dépens en frais privilégiés de partage.

Aux termes de ses conclusions remises le 16 février 2024, Mme [U] [M] demande à la cour, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, et de l'article 921 du code civil, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes et les condamner, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le détail de l'argumentation des parties, il sera référé à leurs écritures susvisées par application de l'article 455 du code de procédure civile.

Mmes [T] et [Y] [M] et M. [X] [M] n'ont pas constitué avocat devant la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réduction

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 921, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable au litige, dispose :

« Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès. »

Il est constant que, pour être recevable, l'action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu'à dix ans après le décès à condition d'être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l'atteinte à la réserve (Cass. 1ère civ., 7 février 2024, n°22-13.665).

En l'espèce, [O] [P] veuve [M], disposante, étant décédée le [Date décès 10] 2016, le délai quinquennal pour engager l'action en réduction a expiré le [Date décès 10] 2021.

Il importe dès lors de déterminer si l'action en réduction, engagée par les consorts [M] à l'encontre de Mme [U] [M] par acte d'huissier du 19 juillet 2022, l'a été dans le délai de deux ans à compter de leur découverte de l'atteinte faite à leur réserve.

A cet égard, il résulte des éléments versés aux débats qu'à la suite du décès de [O] [M], Maître [A]-[E] a convoqué ses héritiers, par courrier du 13 septembre 2016, aux fins de lecture en son étude du testament olographe établi par la défunte le 7 juillet 2008.

Le compte rendu, établi par le notaire, de cette réunion qui s'est tenue le 24 septembre 2016 en présence des neuf enfants de [O] [M], relate que celui-ci leur a remis à chacun une photocopie du testament, aux termes duquel la défunte déclarait léguer par préciput et hors part à sa fille [U] : 'les biens immobiliers que je possède en pleine propriété, à savoir ma maison, le jardin, le courtil, le garage, les poulaillers, les petites étables avec l'ensemble du terrain qui m'appartient. Je lègue également par préciput à ma fille [U] l'ensemble du mobilier, meubles meublants m'appartenant.'

Le même document indique encore : 'Maître [E] précise que si le legs dépasse la quotité disponible de la succession, il y a lieu à versement d'une indemnité de réduction. En présence de trois enfants et plus, la quotité disponible est du quart de la succession. En conséquence, [U] pourrait avoir, au niveau financier, le quart de la succession et le neuvième de la réserve héréditaire globale, soit le neuvième des trois quarts.'

Enfin, il précise que la succession se compose ainsi :

- les biens immobiliers légués ;

- les parts en [pleine] propriété que détenait [O] [M] dans le GFA [M], soit 42 589 parts sur 172 553 parts (l'usufruit des autres parts que possédait [O] [P] étant éteint suite à son décès) ;

- au niveau bancaire :

* les soldes des comptes courant (377,40 euros) et LDD (31,27 euros) ouverts dans les livres du [24] ;

* le solde d'un compte courant ouvert dans les livres du [25] (2 456,75 euros) ;

tandis qu'au titre du passif, diverses factures ont été remises au notaire, à savoir le solde de salaire dû à Mme [T] [W] (18,17 euros), l'indemnité de licenciement due à celle-ci (non chiffrée), ses mois de préavis (non chiffrés), les factures d'eau d'un montant de 1 277,55 euros, qui ont cependant fait l'objet d'une réduction compte tenu d'une fuite.

Aucun élément de valorisation, à la date du décès de [O] [M], des biens immobiliers qu'elle a légués à sa fille [U] et des parts en pleine propriété qu'elle détenait dans le GFA [M] et qui constituent l'essentiel des actifs de la succession, n'est versé aux débats, de même qu'aucun projet d'état liquidatif, reprenant les éléments actifs et passifs de la succession et les droits respectifs des héritiers et de la légataire, n'a été établi et porté à la connaissance des héritiers.

En outre, le caractère conditionnel de la rédaction de l'information délivrée aux héritiers le 24 septembre 2016, selon laquelle 'si' le legs devait dépasser la quotité disponible de la succession, il y aurait lieu à versement d'une indemnité de réduction, ne permet pas d'affirmer que les héritiers aient été avisés, à cette occasion, d'une atteinte effective portée à leur réserve.

Or, ce n'est que par courrier du 17 mai 2022 de son notaire, Me [S], que Mme [U] [M] a demandé à entrer en possession de son legs et à achever les opérations de liquidation-partage de la succession de [O] [M]. Son notaire a ainsi adressé à la même date un courrier à Maître [V], notaire chargé des opérations de succession, l'informant de ce qu'il avait établi une attestation de propriété immobilière, lui demandant d'achever le partage du surplus des biens dépendant de la succession, notamment les parts de GFA, et de lui faire connaître la situation active et passive de la succession au décès de la défunte.

Si l'attestation immobilière établie en 2022 par Me [S] évalue le bien immobilier objet du legs litigieux, pour la perception de la contribution de sécurité immobilière, à la somme de 150 000 euros, cette attestation a été établie par le notaire de la légataire de manière non contradictoire et sans que soient précisés les éléments entrant en ligne de compte pour cette valorisation, alors qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier en date du 28 novembre 2023, établi à la demande de la légataire, que ce bien immobilier consiste en un bâtiment à usage d'habitation de type ferme avec des dépendances, dans un état relativement vétuste.

De plus, aucune valorisation des parts de GFA actualisée à la date du décès de [O] [M] n'est versée aux débats, de sorte qu'il n'est toujours pas possible, à ce stade de la procédure, de déterminer si le legs litigieux a effectivement porté atteinte à la réserve.

Dans ces conditions, en l'absence de preuve de la connaissance qu'ont pu ou auraient dû avoir les consorts [M] de l'atteinte portée à leur réserve par l'effet du legs litigieux, le délai de prescription de deux ans de leur action en réduction n'a pu commencer à courir.

Dès lors, l'action en réduction introduite par les consorts [M] par acte du 19 juillet 2022, soit dans le délai maximum de dix ans du décès de la défunte, n'est pas atteinte par la prescription et doit être déclarée recevable, de même que les demandes subséquentes, la décision entreprise étant ainsi infirmée.

Sur les autres demandes

Les dépens de l'incident seront employés en frais privilégiés de partage.

Par ailleurs, le caractère familial du litige commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes respectives formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes :

' de réduction formée à l'encontre du legs consenti à Mme [U] [M] épouse [R] ;

' d'indemnisation des héritiers réservataires par Mme [U] [M] à concurrence de la portion excessive de la libéralité consentie par leur mère dans le cadre du testament olographe du 7 juillet 2008, à concurrence de la portion excessive de cette libéralité ;

' visant au paiement de l'indemnité de réduction par priorité en moins prenant et par imputation sur les droits et réserves de Mme [U] [M] ;

' visant à constater que les demandeurs acceptent, si Mme [U] [M] en fait la demande, que la réduction soit exercée en nature conformément à l'article 924-1 du code civil ;

et réservé les dépens ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes :

' tendant à la réduction du legs consenti à Mme [U] [M] épouse [R]';

' d'indemnisation des héritiers réservataires par Mme [U] [M] à concurrence de la portion excessive de la libéralité consentie par leur mère dans le cadre du testament olographe du 7 juillet 2008, à concurrence de la portion excessive de cette libéralité ;

' visant au paiement de l'indemnité de réduction par priorité en moins prenant et par imputation sur les droits et réserves de Mme [U] [M] ;

' visant à constater que les demandeurs acceptent, si Mme [U] [M] en fait la demande, que la réduction soit exercée en nature conformément à l'article 924-1 du code civil ;

Dit que les dépens de l'incident seront employés en frais privilégiés de partage ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 23/05355
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.05355 ?
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