La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/02423

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 20 juin 2024, 23/02423


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 20/06/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 23/02423 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5LT



Ordonnance incident (N° 21/05070)

rendue le 14 avril 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille







APPELANTS



Madame [L] [Z] épouse [B]

née le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 22]

[Adresse 7]r>
[Localité 1]



Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 10] 1998 à [Localité 23]

[Adresse 19]

[Localité 20]



Madame [U] [D]

née le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 23]

[Adresse 19]

[Localité 20]



Madame [...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 20/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/02423 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5LT

Ordonnance incident (N° 21/05070)

rendue le 14 avril 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Madame [L] [Z] épouse [B]

née le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 22]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 10] 1998 à [Localité 23]

[Adresse 19]

[Localité 20]

Madame [U] [D]

née le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 23]

[Adresse 19]

[Localité 20]

Madame [A] [Z] épouse [D]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 23]

[Adresse 19]

[Localité 20]

représentés par Me Sylvie Lhermie, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assistés de Me Frédéric Soirat, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

Madame [W] [F] veuve [Z]

née le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 24]

[Adresse 18]

[Localité 23]

représentée par Me Christophe Pauchet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 avril 2024, tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 après prorogation du délibéré en date du 13 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 mars 2024

****

[N] [Z] est décédé à Lille le [Date décès 3] 2020, laissant pour lui succéder :

- ses deux filles, Mmes [L] [Z] et [A] [Z] épouse [D], issues de son union avec [T] [O], prédécédée ;

- sa seconde épouse, Mme [W] [F], séparée de biens.

[N] [Z] avait rédigé un testament olographe le 1er mai 2012, léguant à son épouse l'usufruit de différents biens immobiliers dépendant de sa succession, ainsi que la propriété des avoirs bancaires figurant sur l'un de ses comptes et sur le compte commun des époux.

Par ailleurs, aux termes d'une donation-partage reçue par Me [S], notaire à [Localité 23], le 31 mai 2012, le défunt avait fait don à ses filles de la nue-propriété, tout en s'en réservant l'usufruit mais sans en prévoir la réversion, des biens suivants :

- à Mme [L] [Z] :

- la totalité d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 16], à [Localité 23], cadastré section NZ [Cadastre 9] ;

- la totalité d'un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé [Adresse 17], à [Localité 23], cadastré section NZ [Cadastre 8] ;

- à Mme [A] [Z] épouse [D] :

- la totalité d'un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé [Adresse 13], à [Localité 23], cadastré section NZ [Cadastre 11] ;

- la totalité d'un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé [Adresse 15], à [Localité 23], cadastré section NZ [Cadastre 12].

Enfin, aux termes d'un second testament olographe en date du 9 juin 2016, [N] [Z] avait confirmé le testament daté du 1er mai 2012, tout en ajoutant un additif par lequel il léguait en pleine propriété à son épouse tous les lots de copropriété dont il était propriétaire dans l'immeuble situé au [Adresse 21] à [Localité 23], ce legs devant être exécuté en priorité.

Par déclaration du 18 février 2021, Mme [A] [Z] a renoncé à la succession de [N] [Z], de sorte que ses deux enfants, M. [J] [D] et Mme [U] [D], viennent désormais en représentation de leur mère à la succession de [N] [Z].

**

Par actes en date des 6, 17 août et 2 décembre 2021, Mme [W] [F] a fait assigner Mme [L] [Z], M. [J] [D], Mme [U] [D] et Mme [A] [Z] (les consorts [Z]-[D]) devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins, notamment, de constater que l'acte de donation-partage établi le 31 mai 2012 est grevé d'une erreur matérielle en ce qu'il a intégré, parmi les biens donnés, l'immeuble situé [Adresse 15] en lieu et place de celui situé [Adresse 14] dont était également propriétaire M. [Z], et d'ordonner la rectification de cette erreur.

Aux termes de ses dernières conclusions au fond notifiées le 5 septembre 2022, Mme [W] [F] veuve [Z] s'est désistée de sa demande tendant à la rectification de l'erreur matérielle portant sur l'acte de donation-partage établi le 31 mai 2012 mais demande au tribunal de constater que cet acte est grevé d'une telle erreur et de condamner solidairement Mmes [L] et [A] [Z] à lui payer la somme de 1 005 576,45 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui occasionne leur refus de rectifier l'erreur matérielle affectant l'acte.

Par ordonnance d'incident du 14 avril 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les consorts [Z]-[D] et, en conséquence, déclaré Mme [F] recevable à agir, rejeté les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réservé le sort des dépens et renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure, avec injonction aux parties d'avoir à se prononcer sur le principe d'une mesure de médiation.

Les consorts [Z]-[D] ont interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de leurs dernières conclusions remises le 6 mars 2024, demandent à la cour de l'infirmer et, statuant à nouveau, sur le fondement des dispositions des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil, de :

- déclarer irrecevable comme prescrite la demande en réparation formulée par l'intimée et, en conséquence, rejeter ladite demande ;

- déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande en réparation de l'impossible préjudice qu'aurait causé une prétendue erreur matérielle figurant dans la donation-partage du 31 mai 2012 et, en conséquence, rejeter la demande de Mme [F] ;

- déclarer irrecevables, pour défaut de qualité pour défendre, les demandes initiale et nouvelle de l'intimée en ce qu'elles sont dirigées contre M. [J] [D] et Mme [U] [D] et, en conséquence, rejeter les demandes de Mme [F] en ce qu'elles sont dirigées contre ceux-ci';

- condamner l'intimée, outre aux dépens de première instance, à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- y ajoutant, condamner Mme [F], outre aux dépens d'appel, à leur verser la somme de 3'500 euros en application des dispositions dudit article 700 au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 21 mars 2024, Mme [F] demande à la cour, au visa des articles 31 et suivants du code de procédure civile et des articles 887, 1144 et 2224 du code civil, abstraction faite des demandes de 'donner acte', 'dire et juger' et de 'constater que' qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner Mme [L] [Z] et Mme [A] [D]-[Z], outre aux dépens, à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le détail de l'argumentation des parties, il sera référé à leurs écritures susmentionnées, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 25 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

A titre liminaire, il convient de préciser que, contrairement à ce que laisse entendre le dispositif des conclusions des appelants, la critique de l'ordonnance entreprise ne porte pas sur le rejet de la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [Z]-[D] tirée du défaut de qualité de Mme [F] à demander la réparation du préjudice que lui causerait le refus de Mmes [L] et [A] [Z] de rectifier l'erreur matérielle dont serait grevée la donation-partage du 31 mai 2012, lequel n'est pas discuté dans les motifs des conclusions d'appelant et ne sera donc pas abordé, mais sur le rejet des fins de non-recevoir tirées de la prescription de la demande de Mme [F] et du défaut de qualité à défendre de M. [J] [D] et Mme [U] [D].

Sur la prescription

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est constant que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance (Cass. Civ. 1ère, 11 mars 2010, n°09-12.710'P ; Cass. Civ. 3ème, 26 octobre 2022, n°21-19.898, P)

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats qu'après avoir légué à son épouse, par testament olographe en date du 1er mai 2012, l'usufruit d'un ensemble immobilier sis [Adresse 15] à [Localité 23], cadastré section NZ [Cadastre 12], [N] [Z] a consenti la donation de la nue-propriété de cet immeuble à sa fille [A], en s'en réservant l'usufruit mais sans en prévoir la réversion, suivant acte de donation-partage reçue par Maître [V] [S], notaire à [Localité 23], le 31 mai 2012.

Or, en vertu de l'article 1038 du code civil, toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emporte la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l'aliénation postérieure soit nulle, et que l'objet soit rentré dans la main du testateur.

La donation-partage du 31 mai 2012 a donc eu pour effet de révoquer le legs, qu'avait fait [N] [Z] à son épouse, de l'usufruit du bien sis [Adresse 15] à [Localité 23].

La circonstance que [N] [Z] ait par la suite rédigé un second testament olographe le 9 juin 2016, par lequel il confirmait le testament daté du 1er mai 2012 tout en y ajoutant qu'il léguait désormais en pleine propriété, et non plus en usufruit, le bien immobilier sis [Adresse 21] à [Localité 23] à son épouse, est sans incidence sur la révocation du legs initialement consenti sur l'immeuble du [Adresse 15], celui-ci étant, du fait de la donation-partage, sorti du patrimoine de [N] [Z] au moment où celui-ci a rédigé son second testament.

Or, c'est bien à la date de la donation-partage du 31 mai 2012 que s'est réalisé le dommage consistant, pour Mme [F], en la révocation du legs qui lui était consenti du fait de l'erreur matérielle qu'elle allègue, et non pas, comme l'a indiqué par erreur le premier juge, au décès de son époux marquant la naissance de son droit né de l'usufruit qui lui était légué, ce legs ayant été révoqué et n'ayant pu, par conséquent, donner naissance à un droit d'usufruit sur l'immeuble.

Par ailleurs, Mme [F] ne démontre pas qu'elle n'a pas eu connaissance de l'existence et du contenu de la donation-partage litigieuse avant qu'elle ne lui ait été révélée, ainsi qu'elle l'allègue, au moment du décès de son époux et de l'ouverture de la succession.

Dans ces conditions, la demande de Mme [F] tendant à l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de l'erreur matérielle qu'elle allègue, formée pour la première fois dans ses conclusions au fond du 21 juillet 2022, est atteinte de prescription.

Elle doit en conséquence être déclarée irrecevable.

Sur la qualité à défendre de M. [J] [D] et Mme [U] [D]

L'article 30 du code de procédure civile dispose que l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée ; que pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention.

L'article 31 dudit code ajoute que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 précise qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

La cour constate que Mme [F] ne formule aucune demande à l'encontre de M. [J] [D] et de Mme [U] [D] qui, en leur qualité de tiers à la donation-partage contestée par Mme [F], n'ont aucun intérêt à faire valoir.

Il convient de déclarer Mme [F] irrecevable en son action introduite à leur encontre.

Sur les autres demandes

Mme [F] sera tenue aux entiers dépens de première instance, de l'incident et de l'appel.

Le caractère familial du litige commande le rejet des demandes formées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme la décision entreprise,

Dit que la demande en réparation formée par Mme [W] [F] à l'encontre de Mmes [L] et [A] [Z] est atteinte par la prescription,

en conséquence,

Déclare Mme [W] [F] irrecevable en son action en réparation formée à l'encontre de Mmes [L] et [A] [Z],

Déclare irrecevable l'action formée par Mme [W] [F] à l'encontre de M. [J] [D] et Mme [U] [D] en l'absence d'intérêt à défendre de ces derniers,

Condamne Mme [W] [F] aux entiers dépens de première instance, de l'incident et de l'appel,

Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 23/02423
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.02423 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award