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13/06/2024 | FRANCE | N°21/04099

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 13 juin 2024, 21/04099


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 13/06/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/04099 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYKX



Jugement (N° 20/02216)

rendu le 16 février 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune





APPELANTE



La CRAMA du Nord Est exerçant sous l'enseigne Groupama Nord

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège soci

al [Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Ludiwine Passe, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant



INTIMÉE



La SAS Ve...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 13/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/04099 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYKX

Jugement (N° 20/02216)

rendu le 16 février 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

La CRAMA du Nord Est exerçant sous l'enseigne Groupama Nord

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Ludiwine Passe, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant

INTIMÉE

La SAS Verisure

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son établissement secondaire sis [Adresse 3]

[Localité 6]

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Bruno Thorrignac, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Julia Samonte, avocat au barreau de Paris.

DÉBATS à l'audience publique du 25 mars 2024, tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 après prorogation du délibéré en date du 06 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 mars 2024

****

Le 3 décembre 2011, la société Camping Cars Service, exerçant l'activité principale de vente et réparation de camping-cars et l'activité accessoire de location des mêmes véhicules, a conclu un contrat de télésurveillance et de service auprès de la SAS Securitas Direct, ensuite devenue la SAS Verisure, prévoyant, notamment, un abonnement mensuel à un service de sécurité d'un montant de 60,21 euros TTC par mois.

Le 23 juin 2016, M. [G] [O], gérant de la société Camping Cars Service, a déposé plainte auprès des services de police de [Localité 7] pour des faits de dégradations commis entre le 18 et le 20 juin 2016 dans l'enceinte du parc d'exposition de sa société.

Par exploits des 3 et 12 juin 2020, la compagnie d'assurance Crama du Nord Est, exerçant sous l'enseigne Groupama Nord Est, assureur de la société Camping Cars Service, a fait assigner la société Verisure devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins, notamment, d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 25 351 euros correspondant à la somme qu'elle a versée à la société Périgord VDL, propriétaire du véhicule endommagé.

La société Verisure ne s'est pas fait représenter à l'instance.

Par jugement du 16 février 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a débouté la compagnie d'assurances de l'ensemble de ses demandes et a condamné celle-ci aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 22 juillet 2021, la compagnie d'assurances Crama du Nord Est a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 27 juin 2023, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Verisure, tirée du défaut d'intérêt à agir de la compagnie d'assurance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 1er mars 2024, la compagnie d'assurance Crama du Nord Est demande à la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1142, 1147, 1249 et 1250 du code civil, dans leur ancienne rédaction, et de l'article L. 121-12, alinéa 1er du code des assurances, d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens de l'instance et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Verisure à lui verser la somme de 25 351 euros correspondant à la somme versée au propriétaire du véhicule endommagé ;

- juger que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'exploit introductif d'instance ;

- débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner cette dernière, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser la somme de 1 315,82 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 24 octobre 2023, la société Verisure demande à la cour, au visa de l'article L. 121-12 du code des assurances, à titre principal, de :

- déclarer irrecevables les demandes de la Crama ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes';

- prononcer sa mise hors de cause ;

- à titre subsidiaire, limiter la perte de chance à une part de 15 % du préjudice ;

- à titre très subsidiaire, faire application de la clause limitative d'indemnité et limiter toute condamnation à la somme de 15 000 euros ;

- et en tout état de cause, condamner l'appelante, outre aux dépens, dont distraction au profit de Me Desbouis, à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est référé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 4 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir

* Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 123 du même code ajoute que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En l'espèce, la société Verisure, qui n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter en première instance, est recevable à soulever en appel une fin de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité de l'action de la compagnie Crama du Nord-Est et ce, sans qu'il puisse lui être fait grief de n'avoir pas formé appel incident du jugement contesté en ce que celui-ci, qui a débouté cette compagnie de ses demandes, l'a implicitement mais nécessairement jugée recevable dans ses demandes, le premier juge, qui n'était pas tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée d'un éventuel défaut d'intérêt ou de qualité à agir, n'ayant pas statué sur ce point.

* Sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir

La fin de non-recevoir soulevée par la société Verisure porte sur le défaut de subrogation de la Crama du Nord-Est et, par voie de conséquence, sur son absence de qualité et d'intérêt à agir.

A cet égard, il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 du même code ajoute qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

L'article 1249 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, dispose que la subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui le paie est ou conventionnelle ou légale.

L'article 1251, 3° du même code, dans la même version, précise que la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.

Enfin, en vertu de l'article L121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Il est constant que ce texte n'exige pas que ce payement ait été fait entre les mains de l'assuré lui-même (Cass. Civ. 1ère, 6 janvier 1981, n°79-13.573), celui-ci pouvant intervenir auprès d'un tiers, sur ordre et pour le compte de l'assuré (Cass. Civ. 2ème, 31 mars 2022, n° 20-17.147, P).

Il appartient à l'assureur, qui invoque la subrogation légale prévue à l'article L121-12 du code des assurances, de rapporter la preuve que son payement est intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite, pouvant seule lui conférer la qualité "d'indemnité d'assurance" visée par ce texte et, en conséquence, le subroger légalement dans les droits de l'assuré (Cass. Civ. 1ère, 23 septembre 2003, n° 01-13.924).

En l'espèce, il résulte des conditions particulières et générales du contrat d'assurance 'Garassur-2' n°161415505S0001 en date du 22 août 2014, souscrit par la SAS Camping Cars Services, auprès de la compagnie Crama du Nord-Est, que ce contrat porte notamment sur la garantie 'tous risques' des dommages causés aux véhicules confiés à l'assurée, résultant notamment d'actes de vandalisme et de sabotage.

Parmi les documents contractuels produits figurent également l'ensemble des fascicules et documents d'information visés dans les conditions particulières du contrat, dont le fascicule n° 3350-222834-052013, lequel stipule en son article 1.3.1.7 que 'sont garantis les dommages subis par le véhicule assuré et son contenu, résultant d'un événement assuré, tel que défini précédemment, et causés par des émeutes, mouvements populaires, actes de vandalisme, de malveillance et de sabotage'.

La compagnie Crama du Nord-Est justifie donc qu'elle était tenue d'indemniser les dommages causés aux véhicules confiés à la société Camping Cars Service par ses clients et résultant d'actes de sabotage ou de vandalisme, cette société étant elle-même tenue à l'égard de ses clients, en vertu d'un contrat de dépôt, d'assurer l'intégrité des véhicules qui lui sont confiés, étant précisé qu'il n'est fait état d'aucune limitation ou condition de garantie qui pourrait, en l'espèce, s'opposer à une telle indemnisation.

Il résulte des éléments produits et non contestés que le 23 juin 2016, le gérant de la société Camping Cars Service a déposé plainte pour des faits de dégradation commis entre le 18 et le 20 juin 2016 sur un camping car de marque Renault, chassis n° VF1MAF4SR52582787 stationné dans l'enceinte de son parc d'exposition ; que les services de police ne sont pas parvenus à retrouver le ou les responsables de ces dégradations ; que le véhicule a fait l'objet d'une expertise réalisée par le cabinet Lemaire qui a déterminé qu'il n'était pas économiquement réparable ; que la société Périgord VDL est intervenue auprès de la compagnie Crama du Nord Est pour s'opposer au versement de l'indemnité d'assurance entre les mains de la société Camping cars service dès lors que le véhicule sinistré, qui devait manifestement faire l'objet d'une acquisition par celle-ci, n'était pas encore payé et qu'elle en était toujours propriétaire, suivant facture jointe au courrier ; qu'enfin, la compagnie Crama du Nord-Est a versé à la société Périgord VDL la somme de 25 351 euros, franchise de 1289 euros déduite, au titre de l'indemnité d'assurance pour la réparation du sinistre.

Du fait de ce paiement intervenu entre les mains du tiers sinistré au nom de son assuré, la société Camping cars service, la compagnie Crama du Nord-Est se trouve subrogée de plein droit dans les droits de son assuré à l'encontre du responsable du sinistre, de sorte qu'elle a bien qualité et intérêt à agir à l'encontre de la société de surveillance Verisure, pour réclamer l'indemnisation du préjudice causé à son assuré par les éventuels manquements de cette société à ses obligations contractuelles.

L'action de la société Crama du Nord-Est à l'encontre de la société Vérisure doit donc être déclarée recevable.

Sur la responsabilité de la société Verisure, anciennement dénommée Sécuritas direct

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part

L'installateur d'un système de surveillance, s'il n'est pas tenu de rendre toute intrusion ou tout cambriolage impossible, est néanmoins débiteur d'une obligation de résultat concernant le déclenchement des signaux d'alarme mis en place en cas d'effraction mais également de la transmission à distance aux fins éventuelles de l'intervention d'un agent de sécurité ou des forces de l'ordre.

La société Verisure était ainsi tenue d'une obligation de résultat quant au bon fonctionnement de l'installation ( Cass. 1ère civ., 6 juillet 2016, n°15-21.767).

Il est constant que le manquement à une obligation de résultat emporte à la fois présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué par le client et une présomption de faute (1ère Civ., 16 février 1988, n 86-14.918, Bull. n 42 ; 20 juin 1995, n °93-16.381, Bull. n° 263 ; 8 décembre 1998, n 94-11.848, Bull. n° 343; 21 mars 2006, n° 04-12 312).

Cette présomption de causalité s'applique à l'installateur de systèmes de surveillance, tenu, en cas de cambriolage, de réparer la perte de chance subie par son client (Com. 14 décembre 1981, n 80-10.547, Bull. n 443 ; 1 ère civ., 6 octobre 1998, n° 96-15.660, Bull. n 276).

Selon l'article 1148 du code civil, seule la cause étrangère peut exonérer de sa responsabilité le débiteur d'une obligation de résultat, à la condition qu'elle soit fortuite ou présente les caractères de la force majeure.

**

En l'espèce, il résulte des conditions particulières du contrat de télésurveillance et de services souscrit par la société Camping cars service auprès de la société Securitas, devenue Verisure, le 3 décembre 2011, qu'il porte sur l'installation, la maintenance d'équipements de télésurveillance, leur connexion à un centre de télésurveillance et la fourniture d'un service de télésurveillance, sans souscription à l'option 'service d'interventions privées', moyennant un abonnement mensuel de 32 euros, avec engagement sur 36 mois.

Parmi les équipements installés figurent notamment 4 kits détecteur extérieur avec images positionnés sur les façades avant et arrière du bâtiment de l'entreprise, ainsi que des détecteurs d'intrusion et de mouvement positionnés à l'intérieur du bâtiment.

Aux termes de l'article 2 des conditions générales, 'le contrat de service de télésurveillance souscrit par le client consiste en cas d'alarme telle qu'une intrusion, autoprotection, fumée (si détecteur installé), agression ou urgence et/ou en fonction des services souscrits à :

- entrer en contact téléphonique ou en interphonie avec le site client pour vérifier l'identité et le code d'identification de l'interlocuteur qui répond au contre-appel (...) ; si la réponse est erronnée ou si personne ne répond, au contre-appel téléphonique, la société devra joindre téléphoniquement les personnes désignées par le client dans la fiche de consignes ;

- mettre en oeuvre les instructions du client indiquées sur la fiche de consignes (...). Si le client a souscrit l'option interventions privées et si aucune de ces personnes ne peut être jointe, la société mandate sans délais sur les lieux télésurveillés un agent de sécurité chargé de lui rendre compte des éventuels signes extérieurs d'effraction ou d'une éventuelle présence humaine ou animale ;

- communiquer, suivant les options et/ou équipements du client, les données de sécurité enregistrées par la société à partir des équipements de sécurité ;

- informer les services publics compétents en cas de levée de doute avérée ;

- joindre téléphoniquement le client ou à défaut les personnes désignées par lui dans la fiche de renseignements individuels et rendre en compte, en cas de nécessité, de la situation constatée ;

- prendre, avec le client ou si celui-ci ne peut être joint, en relation avec l'une des personnes mandatées par lui, toutes les mesures d'urgence nécessaires à la sauvegarde des lieux protégés, notamment la fermeture et la condamnation des issues en cas d'effraction, et en assurer si nécessaire le gardiennage.

Le client, s'il ne peut être joint au moment du sinistre est, dans ce cas, expressément réputé avoir mandaté la société pour prendre ces mesures et agir en ses lieu et place en 'bon père de famille.'

La fiche de consignes de télésurveillance jointe au contrat comporte les coordonnées du contact de proximité, à savoir le directeur technique du site, en possession des clés, et prévoit, au titre des mesures de sauvegarde, 'qu'en cas d'effraction ou d'anomalie constatée sur place, Securitas direct prendra les mesures simples, urgentes et raisonnables de sauvegarde des locaux, pour le compte du client (appel aux services de gardien, serrurier, vitrier...)', avec une mention manuscrite indiquant que le choix de ces prestataires est laissé à Sécuritas direct, et, au titre des observations et mentions particulières, la mention manuscrite suivante : 'toujours prévenir le directeur technique et intervenir pour sécuriser les lieux'.

Il résulte par ailleurs de la fiche intitulée 'procédures de télésurveillance Sécuritas direct', à laquelle il est fait référence dans l'article 4 des conditions générales du contrat que 'dans le cas d'un déclenchement d'un détecteur extérieur, un contre appel sera effectué afin d'en informer le client. Si ces déclenchements se répètent, les contacts de proximité seront informés et si ces appels n'aboutissent pas (répondeur, absence, non lecture de sms, non rappel du client...), la procédure s'interrompt. Cette information n'est donnée qu'à titre indicatif.'

Si l'option 'interventions privées', qui est décrite dans les conditions générales comme un 'déplacement sur les lieux protégés d'un agent de sécurité appartenant à une société d'intervention privée' pour procéder à une visite extérieure des locaux protégés, n'a pas été souscrite par la société Camping car services, il se déduit des conditions générales ci-dessus reprises que l'obligation de la société de télésurveillance d'intervenir pour prévenir le directeur technique et sécuriser les lieux en cas d'anomalie n'est pas conditionnée à une intervention sur place et qu'en cas d'anomalie repérée par le système de télésurveillance, la société Sécuritas doit mettre en oeuvre ces mesures.

Or, il résulte du procès-verbal de dépôt de plainte effectué par M. [G] [O], gérant de la société Camping cars services, le 23 juin 2016 que le '18 juin 2016 vers 19 heures, la concession a été fermée, un véhicule camping car a été positionné devant le portail pour bloquer les accès au parc d'exposition et l'alarme du parking a été activée. Le 20 juin 2016 vers 13 heures, j'ai constaté que le poteau en métal du parking client qui maintenait la chaîne fermée avait été couché et le cadenas avait disparu. La clôture électrique qui protège le parking exposition a été dégradée.' Après avoir décrit les dégradations subies par le camping-car sinistré, il ajoute que 'la société Véritas a eu un déclenchement le 19 juin 2016 vers 7h34 mais comme il n'a rien vu sur les clichés photos, il n'a pas envoyé d'agent de sécurité'.

C'est donc parce que le système de sécurité installé, incluant des détecteurs extérieurs permettant la prise d'images, n'a pas permis de constater l'anomalie consistant en l'intrusion d'une ou plusieurs personnes malintentionnées sur le site de l'entreprise, après effraction du portail d'entrée, que le directeur technique de l'établissement, à qui un message a semble-t-il été laissé sur son téléphone, n'a pas été alerté de la nécessité de se déplacer et qu'en conséquence, le dommage a pu se produire alors qu'il aurait pu être évité ou interrompu.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a estimé que cette carence caractérisait un dysfonctionnement certain du système d'alarme anti-intrusion mis en place par la société Verisure anciennement dénommée Securitas Direct, de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de son obligation de sécurité de résultat.

Sur l'indemnisation du préjudice

* Sur la preuve du préjudice

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En application de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il est constant que tout rapport amiable peut valoir, à titre de preuve, dès lors qu'il a été soumis à la libre des discussion des parties ; que néanmoins, hormis le cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci.

En l'espèce, si le véhicule sinistré a été examiné une première fois par l'expert le 22 juin 2016, il résulte des éléments versés aux débats que la société Sécuritas Direct, pourtant régulièrement convoquée par courrier recommandé reçu le 26 août 2016, aux opérations d'expertise diligentées par le cabinet Lemaire le 21 septembre 2016, ne s'est pas présentée, de sorte que l'expert a rendu son rapport définitif le 26 septembre 2016, concluant que le véhicule n'était pas économiquement réparable.

Il résulte du dépôt de plainte de M. [O] et des photographies prises par l'expert, venant conforter les constatations de celui-ci que le déflecteur chauffeur a été brisé, le montant de porte forcé par pesée, qu'à l'intérieur, le cache volant a été arraché ainsi que les fils et le neiman cassé, que le ou les auteurs ont utilisé l'extincteur situé dans le camping-car et l'ont vidé dans la cabine et l'espace de vie.

L'expert, qui a relevé que de nombreux éléments avaient été contaminés par la poudre d'extincteur, entraînant une oxydation importante, a estimé la valeur du véhicule avant sinistre à 32 890 euros HT et, après sinistre, à 7 500 euros TTC, de sorte qu'il n'est pas économiquement réparable.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice subi par la Crama du Nord-Est subrogée dans les droits de la société Camping cars service est suffisamment caractérisé.

Cependant, le préjudice résultant du manquement contractuel de la société Securitas Direct à ses obligations dans le cadre de son contrat de télésurveillance ne peut consister qu'en une perte de chance d'éviter le sinistre intervenu, qu'il convient d'évaluer à 80 % de l'indemnité d'assurance versée.

Par ailleurs, la société Vérisure (anciennement Securitas Direct) entend se prévaloir, à titre très subsidiaire, de la clause limitative de responsabilité stipulée dans les conditions générales du contrat souscrit de télésurveillance conclu avec la société Camping cars services, aux termes de laquelle, sauf cas de faute lourde de la société de télésurveillance, sa responsabilité est, de convention expresse, limitée à un plafond d'indemnisation de 15 000 euros pour un même sinistre.

Contrairement à ce que soutient la Crama du Nord-Est, cette clause lui est bien opposable dès lors que c'est au titre de sa subrogation dans les droits de Camping cars services qu'elle agit à l'encontre de la société Verisure sur le fondement de la responsabilité contractuelle de cette dernière.

La société Verisure sera en conséquence condamnée à payer à la compagnie Crama du Nord Est la somme de 15 000 euros, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les autres demandes

La société Verisure, qui succombe en appel, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle sera par ailleurs condamnée, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la Crama du Nord-Est la somme de 1 315,82 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, et celle de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Elle sera enfin déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS Verisure, anciennement dénommée Securitas direct, à payer à la Crama du Nord-Est exerçant sous l'enseigne Groupama Nord-Est, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

La condamne aux dépens de première instance ;

La condamne à payer à la Crama du Nord-Est la somme de 1 315,82 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Y ajoutant,

La condamne aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à la Crama du Nord-Est la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

La déboute de sa demande formée sur le même fondement.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/04099
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;21.04099 ?
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