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30/05/2024 | FRANCE | N°23/03242

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 30 mai 2024, 23/03242


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 30/05/2024



****



RENVOI DE CASSATION



N° de MINUTE :

N° RG 23/03242 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U744



Jugement (N° 20/01101) rendu le 1er juillet 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras

Arrêt de la cour d'appel de Douai rendu le 3 février 2022

Arrêt de la Cour de cassation rendu le 7 juin 2023







DEMAN

DEUR A LA DÉCLARATION DE SAISINE



Monsieur [K] [B] exerçant sous l'enseigne Immobilier et Stratégie

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 5] (95)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]



repr...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 30/05/2024

****

RENVOI DE CASSATION

N° de MINUTE :

N° RG 23/03242 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U744

Jugement (N° 20/01101) rendu le 1er juillet 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras

Arrêt de la cour d'appel de Douai rendu le 3 février 2022

Arrêt de la Cour de cassation rendu le 7 juin 2023

DEMANDEUR A LA DÉCLARATION DE SAISINE

Monsieur [K] [B] exerçant sous l'enseigne Immobilier et Stratégie

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 5] (95)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Alexandre Reynaud, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉFENDERESSE A LA DÉCLARATION DE SAISINEI - INTIMÉE

La SARL Edifices de France

agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Samuel Vanacker, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 29 janvier 2024, après rapport oral de l'affaire par Bruno Poupet.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024 après prorogation du délibéré en date du 16 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 janvier 2024

****

Par sentence arbitrale du 15 novembre 2013, M. [K] [B] a été condamné, solidairement avec le GIE Avenir et Patrimoine et la société Financière Vauban, à verser à la société Édifices de France la somme de 1'618'802,43 euros, outre la TVA, ainsi que diverses autres sommes.

Lui-même et la société Financière Vauban ont contesté cette sentence que la cour d'appel de Douai, après avoir déclaré recevable son recours en 2016, a annulée en 2018.

En 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai de 2016, dit n'y avoir lieu à renvoi, déclaré irrecevable le recours en annulation formé par M. [B] et la société Financière Vauban et constaté par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt de 2018.

M. [B] s'est alors vu signifier par la société Édifices de France un commandement aux fins de saisie-vente puis, le 8 septembre 2020, un procès-verbal de saisie-vente sur le fondement de ladite sentence.

Faisant valoir principalement que la sentence arbitrale n'était pas revêtue de l'exequatur, il a contesté ces mesures devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras, lequel, par jugement du 1er juillet 2021, l'a débouté de ses demandes aux fins d'annulation de la saisie-vente, d'indemnisation d'un abus de saisie commis par la société Édifices de France et de nullité et mainlevée de la saisie-vente litigieuse en ce qu'elle porterait sur des biens insaisissables, et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement à la société Édifices de France de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un arrêt du 3 février 2022, la cour d'appel de Douai a confirmé ce jugement en retenant que l'arrêt de la Cour de cassation de 2019 qui avait déclaré irrecevable le recours de M. [B] contre la sentence arbitrale emportait exequatur de celle-ci.

Par arrêt du 7 juin 2023, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa de l'article 1498 alinéa 2 du code de procédure civile, en affirmant que le fait que le recours en annulation de la sentence arbitrale ait été déclaré irrecevable n'avait pas eu pour effet de conférer l'exequatur à la sentence, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 29 janvier 2024, dont le dispositif est identique à celui de ses conclusions du 21 janvier 2024, M. [B] demande à la cour, au visa des articles L. 111-2, L. 111-3, L. 111-7, L. 112-2, L. 121-2, L. 221-1, R. 112-2, R. 221-53 et R. 221-54 du code des procédures civiles d'exécution, des articles 624, 626, 638, 699, 700, 1487, 1488, 1498 et 1499 du code de procédure civile, et de l'article 1315 du code civil, de :

à titre principal,

- annuler la saisie-vente contestée,

- ordonner la mainlevée de celle-ci,

- condamner la société Édifices de France à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

à titre subsidiaire,

- constater l'insaisissabilité de divers biens qu'il énumère et, en conséquence,

- annuler la saisie-vente contestée en ce qui les concerne,

- en ordonner la mainlevée en ce qui les concerne,

en toute hypothèse,

- débouter la société Édifices de France de sa demande de caducité de l'appel et de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 18 janvier 2024, la société Édifices de France demande à la cour, au visa des articles 378 et suivants et 624 et suivants du code de procédure civile, des articles 1101 et suivants du code civil et des articles 1442 et suivants du code de procédure civile, de :

- surseoir à statuer sur les demandes de l'appelant, et en particulier sur la question des effets de la saisie-vente contestée, dans l'attente de la décision que rendra la cour d'appel saisie du déféré de l'appelant contestant l'irrecevabilité de son second recours en annulation, et de l'ordonnance d'exequatur subséquente que rendra la juridiction compétente sur diligences de la société Édifices de France,

- déclarer irrecevable la demande d'infirmation du jugement mentionnée pour la première fois dans les conclusions notifiées le 18 décembre 2023,

- déclarer l'appel caduc,

- à tout le moins, confirmer la décision entreprise,

- dans tous les cas, débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes,

- condamner ce dernier aux dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur

argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Malgré l'ordre dans lequel sont présentées les demandes de la société Édifices de France, la logique veut que soient examinées successivement la demande tendant à voir déclarer l'appel caduc, la demande de sursis à statuer puis, le cas échéant, le fond, à savoir les demandes de confirmation ou d'infirmation du jugement.

Sur la demande tendant à voir déclarer l'appel caduc

Les conclusions de l'intimée comportent une section intitulée « Sur la caducité de la déclaration d'appel et à tout le moins la nécessaire confirmation du jugement du 1er juillet 2021'».

Cependant, cette section, après la reproduction in extenso sur six pages (23/28) de différents articles du code de procédure civile et d'arrêts de la Cour de cassation, se conclut uniquement par l'affirmation que le jugement ne peut qu'être confirmé dès lors que M. [B] n'aurait pas demandé l'infirmation de celui-ci dans ses premières conclusions.

La caducité évoquée n'est donc nullement motivée ni, par conséquent, démontrée et la demande tendant à sa constatation ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande de sursis à statuer

M. [B] a exercé parallèlement à la présente procédure un second recours contre la sentence arbitrale litigieuse et, au stade de l'appel, a formé un déféré contre l'ordonnance par laquelle le conseiller de la mise en état d'une autre section de la cour de céans, saisie de ce recours, a déclaré celui-ci irrecevable.

La société Édifices de France, pour obtenir qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'issue de ce déféré, expose de manière sibylline que « au terme de cette procédure, [elle] sera en mesure d'exécuter la sentence ou, à tout le moins d'en solliciter l'exequatur ; préalablement à cette issue, toute procédure d'exequatur, au regard du comportement procédurier de M.'[B], n'aurait que peu d'intérêt dans la mesure où elle serait contestée tant sur la forme que sur le fond'; afin d'éviter une nouvelle procédure et les frais y afférents pour Édifices de France, la sagesse impose d'attendre l'issue du déféré'».

Or, ce déféré est insusceptible de conduire à attribuer rétroactivement à la sentence un caractère exécutoire qu'elle n'avait pas à la date de la saisie et d'avoir une quelconque influence sur la solution du présent litige qui s'impose au regard d'un arrêt parfaitement clair de la Cour de cassation.

Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer.

Sur le fond

En premier lieu, il résulte de la combinaison des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement, faute de quoi la Cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. En outre, l'article 910-4 du même code dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que l'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

L'intimée soutient que la cour, au cas présent, ne peut que confirmer le jugement dès lors que l'appelant, dans le dispositif des premières conclusions qu'il lui a remises après l'avoir saisie en application de l'arrêt de la Cour de cassation, n'a pas demandé l'infirmation du jugement.

Cependant, il résulte de la combinaison des articles 910-4, 954 alinéa 3 et 1037-1 dudit code que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ; qu'ainsi, la cassation de l'arrêt n'anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure et que la cour d'appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d'appel initialement saisie ; que par conséquent, le principe de concentration des prétentions résultant de l'article 910-4 s'applique devant la cour d'appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l'appelant mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé (Cass. Civ. 2, 12/01/2023, n° 21-18.762).

Or, par le dispositif de ses premières conclusions, remises le 5 octobre 2021, dans le cadre de l'instruction du dossier ayant abouti à la décision cassée, M. [B] demandait expressément l'infirmation du jugement, de sorte que, cette demande étant réitérée par le dispositif de ses dernières conclusions, susvisées, la cour est bien saisie d'une demande d'infirmation, peu important que cette demande ait été omise dans des conclusions intermédiaires.

Le moyen soulevé par l'intimée est donc inopérant.

En second lieu, il n'est pas contesté que la sentence arbitrale sur laquelle sont fondés le commandement et la saisie-vente dont la validité est contestée n'a pas fait l'objet d'une exequatur. Il est désormais acquis au débat que l'irrecevabilité du recours en annulation de ladite sentence prononcée par la Cour de cassation par arrêt du 26 septembre 2019 n'a pas eu pour effet de conférer l'exequatur à celle-ci. La sentence n'est donc pas exécutoire.

C'est par conséquent à tort que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras, jugeant le contraire, a débouté M. [K] [B] de sa demande d'annulation de la saisie-vente comme de ses demandes annexes et l'a condamné aux dépens, de sorte que son jugement doit être infirmé et qu'il y a lieu de déclarer nulle la saisie-vente litigieuse et d'en ordonner la mainlevée.

Ladite saisie-vente, en ce qu'elle a été pratiquée de manière abusive, puisqu'en l'absence de titre exécutoire, et a rendu illégalement et durablement indisponibles les nombreux biens de M. [B] sur lesquels elle a porté, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle, a causé à celui-ci un préjudice indéniable qui justifie de faire droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10'000 euros.

Sur les demandes accessoires

Il incombe à l'intimée, partie perdante, de supporter la charge des dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Il est en outre équitable qu'en application de l'article 700 du même code, elle indemnise l'appelant des autres frais qu'il a été contraint d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour

infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

déclare nulle la saisie-vente signifiée le 8 septembre 2020 à M. [K] [B] à la requête de la société Édifices de France et en ordonne la mainlevée,

déboute ladite société de ses demandes,

la condamne à payer à M. [K] [B] la somme de 10'000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

la condamne également aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à M. [B] d'une indemnité de 10'000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 23/03242
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.03242 ?
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