République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 04/04/2024
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N° de MINUTE :
N° RG 21/06365 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UAOT
Jugement (N° 20/01421)
rendu le 16 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANT
Monsieur [Z] [V]
né le 17 avril 1998 à [Localité 3] (Sénégal)
de nationalité Sénégalaise
[Adresse 1]
[Localité 2]
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/22/002791 du 16/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai
représenté par Me Yves-Marie Cramez, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉ
Monsieur le procureur général
représenté par Madame Dorothée Coudevylle, substitut général
DÉBATS à l'audience publique du 31 août 2023, tenue par Camille Colonna magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024 après prorogation du délibéré en date du 30 novembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 juillet 2023
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Par acte d'huissier du 17 février 2020, M. [Z] [V] a fait assigner le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille devant ledit tribunal aux fins de voir déclaré, au visa des articles 18 et suivants, 29-3 et 30-2 du code civil, qu'il est de nationalité française.
Par jugement contradictoire du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile avait été délivré, a débouté M. [V] de sa demande tendant à voir faire sommation au ministère public de communiquer la « lettre du ministère de la Justice du 17 février 1993 n° D3/4019 Y 91 R2/IV'», l'a débouté de sa demande de nationalité française, a dit qu'il n'était pas français, a ordonné les mentions prévues à l'article 28 du code civil, a mis les dépens à la charge de M. [V] à recouvrer comme en matière d'aide juridictionnelle et a rejeté toutes demande plus amples ou contraires des parties.
M. [V] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses conclusions notifiées le 16 mars 2022, demande à la cour, au visa des articles 18 et suivants, 29-3 et 30-2 du code civil, de faire sommation de communiquer au ministère public la « lettre du ministère de la Justice du 17 février 1993 n° D3/4019 Y 91 R2/IV'» et, en tout état de cause, de réformer le jugement dont appel, dire et juger qu'il est lui-même français, ordonner la transcription des dispositions des articles 26 et suivants du code civil et condamner tout contestant aux dépens dont distraction au profit de Me Cramez.
Il soutient principalement que, né le 17 avril 1998 à [Localité 3] (Sénégal), fils de feu [A] [V], né le 16 avril 1937 à [Localité 3] et décédé le 15 octobre 2004, il tient sa nationalité française depuis sa minorité de sa filiation paternelle, son père étant de nationalité française.
Il fait valoir premièrement que la filiation est établie dès lors que la copie littérale d'acte de naissance qu'il produit est parfaitement conforme au droit sénégalais, l'exigence de la mention de la « déclaration tardive'» et de son numéro ne concernant pas les déclarations reçues par l'officier d'état civil passé le délai d'un an après la naissance régies par l'article 51 alinéa 6 du code de la famille sénégalais.
Il soutient en deuxième lieu que la nationalité française de M. [A] [V] est prouvée par le certificat de nationalité du 11 mai 1993 ayant été établi par le juge d'instance « au vu de la lettre du ministère de la Justice du 17 février 1993 n° D3/4019 Y 91 R2/IV'», qu'il doit être fait sommation au ministère public de communiquer ou dont il doit être tiré toutes conséquences de l'absence de communication, par la copie de l'acte de naissance de celui-ci du 13 novembre 1996 par l'officier d'état civil du ministère des affaires étrangères de Nantes et par l'absence de toute action négatoire de nationalité, désormais prescrite.
M. [Z] [V] fait valoir en dernier lieu que la résidence effective de M. [A] [V] était en France au jour de l'indépendance de son État d'origine, que sa présence en France en qualité de salarié d'entreprises françaises, non déclaré depuis 1953, puis déclaré à partir de 1960, ressort des certificats de travail produits, que, même si, du fait de la nature des métiers exercés, il ne pouvait pas fixer et déplacer à loisir son domicile familial en France, il avait rompu avec son territoire d'origine alors même que le ministère public ne justifie pas que cette rupture soit requise.
Par ordonnance du 5 janvier 2023 les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Douai du 25 novembre 2022 ont été déclarées irrecevables au visa des articles 909 et 911 du code de procédure civile.
Il ressort du dossier qu'il a été satisfait à la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 29-3 alinéa 1er du code civil dispose que toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français.
L'article 30 du même code précise que la charge de la preuve pèse sur celui dont la nationalité est en cause, sauf à ce qu'il soit titulaire d'un certificat de nationalité française.
M.'[Z] [V] n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, c'est à lui qu'il appartient d'apporter la preuve de ce qu'il bénéficie de cette nationalité, ce qui exclut qu'il soit fait sommation au ministère public de produire quelque pièce que ce soit à cette fin.
Aux termes de l'article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un au moins des parents est français.
M. [Z] [V] revendiquant la nationalité française par filiation, il lui incombe de justifier à la fois de sa filiation à l'égard de celui dont il se dit le fils et de ce que celui-ci était de nationalité française.
L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toute vérification utile, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondant pas à la réalité.
Selon l'article 51 alinéa 4 du code de la famille sénégalais « lorsqu'un mois et quinze jours se sont écoulés depuis une naissance sans qu'elle ait fait l'objet d'une déclaration, l'officier d'état civil peut néanmoins en recevoir déclaration tardive pendant le délai d'une année à compter de la naissance à condition que le déclarant produise à l'appui de sa déclaration un certificat émanant d'un médecin ou d'une sage-femme ou qu'il fasse attester la naissance par deux témoins majeurs. En en-tête de l'acte dressé tardivement doit être mentionné : 'inscription de déclaration tardive' [...]'».
L'appelant se dit né le 17 avril 1998 à [Localité 3] (Sénégal) de [A] [V], né le 16'avril 1937 à [Localité 3] et y décédé le 15 octobre 2004, lui-même de nationalité française.
Il produit pour en justifier une copie littérale de son acte de naissance de laquelle il ressort que celui-ci mentionne sa naissance le 17 avril 1998 à [Localité 3] de M. [A] [V] né le 16 avril 1937 à [Localité 3], retraité, domicilié à [Localité 3] et Mme [X] [T], née le 10 mai 1952 à [Localité 3], ménagère, domiciliée à [Localité 3], et a été dressé le 3 juillet 1998 sur déclaration de son père. Au paragraphe « mentions marginales'», figure : «'Ord. n°356/TDK du 28-06-2006. Ord. n°92/TDK du 17-06-2006 portant 'déclaration tardive' et complément des mentions omises'».
Dans la mesure où la déclaration de la naissance de [Z] [V] le 17 avril 1998 est intervenue le 3 juillet 1998, soit plus d'un mois et quinze jours après la naissance mais moins d'un an après celle-ci, les dispositions précitées de l'article 51 alinéa 4 du code de la famille sénégalais s'appliquent, exigeant qu'en tête de l'acte dressé tardivement soit portée la mention « inscription de déclaration tardive'».
Or, cette mention n'apparaît pas sur le document soumis à la cour.
L'ordonnance n°356/TDK du 28-06-2006 n'est pas produite et seule une ordonnance n°92 du 17 juin 2010 du tribunal départemental de Kanel figure au dossier. Outre la discordance concernant l'année entre cette ordonnance, 2010, et celle visée par la mention marginale reprise à la copie de l'acte de naissance, 2006, cette décision ordonne la rectification d'erreurs commises concernant l'identité de la mère, sans traiter de l'absence de la mention requise relative à la « déclaration tardive'».
Dès lors, l'acte présenté ne peut se voir reconnaître la force probante prévue à l'article 47 du code civil et la filiation dont M. [Z] [V] se prévaut à l'égard de M. [A] [V] n'est pas valablement établie.
Sa demande ne peut donc prospérer et ce n'est qu'à titre d'observation que la cour mentionne que, de surcroît, les premiers juges ont démontré par une motivation n'appelant pas de critique qu'il n'était pas davantage établi que M. [A] [V] ait pu conserver la nationalité française lors de l'indépendance du Sénégal.
Il appartient à l'appelant, partie perdante, de supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour
constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
confirme le jugement entrepris,
condamne M. [Z] [V] aux dépens.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Bruno Poupet