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29/03/2024 | FRANCE | N°22/01322

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 29 mars 2024, 22/01322


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 359/24



N° RG 22/01322 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQKG



PN/CH





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

28 Juillet 2022

(RG 19/01005 -section )



































GROSSE :



Aux avocat

s



le 29 Mars 2024



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [G] [Y]

[Adresse 4]

représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉS :



Me [K] [J] es qualité de mandataire liquidateur de la Société MORY DUCROS

[Adresse...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 359/24

N° RG 22/01322 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQKG

PN/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

28 Juillet 2022

(RG 19/01005 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [G] [Y]

[Adresse 4]

représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Me [K] [J] es qualité de mandataire liquidateur de la Société MORY DUCROS

[Adresse 3]

représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. ARCOLE INDUSTRIES

[Adresse 2]

représentée par Me Marie-Alice JOURDE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Marine GESLIN, avocat au barreau de PARIS

CGEA D'ILE DE FRANCE EST

DA et conclusions d'appelant signifiées le 14.12.2022 à personne morale

[Adresse 1]

n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI

DÉBATS : à l'audience publique du 21 Décembre 2023

ARRÊT : Réputé contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 décembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [G] [Y] a travaillé pour le compte de la société MORY dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'employée service litige avec une ancienneté remontant au 7 mai 1987.

Au 31 décembre 2012, la société MORY est devenue la société MORY DUCROS, détenue par la société holding ARCOLE INDUSTRIES.

Par jugement du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert à l'encontre de la société MORY DUCROS une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 6 février 2014, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire et Me [J] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 3 mars 2014, le directeur de la DIRECCTE d'Île-de-France a homologué le document unilatéral élaboré dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique.

Par jugement du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision d'homologation. Par arrêt du 21 octobre 2014, la cour administrative d'appel a confirmé l'annulation de la décision d'homologation. Par arrêt du 7 décembre 2015, le Conseil d'État a rejeté le pourvoi formé par l'administration.

Sur la procédure prud'homale, Mme [G] [Y] a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé réception en date du 4 avril 2014

Le 26 janvier 2015, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de contester son licenciement, de voir reconnaître une situation de co-emploi et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture du contrat de travail.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 28 juillet 2022, lequel a :

- dit que l'existence d'un co-emploi entre les sociétés MORY DUCROS et ARCOLE INDUSTRIES n'est pas établie,

- dit qu'aucune violation de l'obligation individuelle de reclassement n'est établie,

- débouté Mme [G] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes principales et reconventionnelles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Vu l'appel formé par Mme [G] [Y] le 29 septembre 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Mme [G] [Y] transmises au greffe par voie électronique le 12 décembre 2023, celles de Me [J] ès qualités transmises au greffe par voie électronique le 8 mars 2023 et celles de la société ARCOLE INDUSTRIES transmises au greffe par voie électronique le 20 septembre 2023,

Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant réalisée par exploit d'huissier en date du 14 décembre 2022 à l'AGS CGEA d'Ile-de-France Est, laquelle n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu,

Vu l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2023,

Mme [G] [Y] demande :

- d'infirmer le jugement déféré,

- de condamner la société MORY DUCROS à lui payer 91926,12 euros en raison de l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014,

- de condamner in solidum la société MORY DUCROS et la société ARCOLE INDUSTRIES à lui payer 91926,12 euros du fait de la situation de co-emploi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société MORY DUCROS à lui payer 91926,12 euros du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de fixer ces créances au passif de la société MORY DUCROS,

- de dire «le jugement» à intervenir opposable au CGEA d'Ile-de-France Est,

- de condamner la société MORY DUCROS et la société ARCOLE à lui payer chacun 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal,

- de condamner la société MORY DUCROS et la société ARCOLE aux entiers dépens.

Me [J] ès qualités demande :

- de confirmer le jugement entrepris,

- subsidiairement, de juger que Mme [G] [Y] ne peut prétendre qu'à l'indemnité prévue à l'article L.1233-58 du code du travail et de fixer cette indemnité à 11490 euros,

- en tout état de cause, débouter Mme [G] [Y] de sa demande formulée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et statuer ce que de droit sur les dépens.

La société ARCOLE INDUSTRIES demande :

- de confirmer le jugement entrepris,

- de la mettre hors de cause et de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes à son encontre,

- de condamner l'appelant à lui payer 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande formée en application de l'article L. 1233-58 II du code du travail

 

Attendu que selon l'alinéa 5 de l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige,  en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute er décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une  décision ayant procédé  à  la validation de l'accord collectif ou  à l'homologation du  document  unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, le juge octroie à la salariée une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Que cette indemnité est due quel que soit le motif d'annulation de la décision administrative ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi établi dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, laquelle ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse ;

 

Attendu que par jugement du 6 février 2014, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la liquidation de la société MORY DUCROS, avec une poursuite d'activité de trois mois ;

Que les administrateurs judiciaires de l'entreprise ont procédé à l'élaboration d'un document unilatéral, lequel a été soumis à l'information et la consultation du CHSCT et du comité d'entreprise de la société ;

Qu'une demande d'homologation du document unilatéral a été transmise à la DIRECTE, laquelle a homologué le document par décision du 3 mars 2014 ;

Que cependant, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision d'homologation ;

Que suite à un recours contre cette décision, la cour administrative d'appel de Versailles a, par un arrêt du 21 octobre 2014 dit que la décision d'homologation du document unilatéral n'est pas conforme à l'article L 1233- 57- 3 du code du travail ;

Que suivant arrêt du 7 décembre 2015, le conseil d'État a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ;

 

Qu'il s'ensuit que compte tenu de l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral, les dispositions légales susvisées permettent à la salariée de revendiquer une indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et ce quel que soit le motif retenu par le juge administratif pour procéder à cette annulation ;

 

Que par conséquent, la cour a les éléments suffisants compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, (ses bulletins de salaire faisant apparaître un salaire de base mensuel de l'ordre de 1753 euros, alors que Me [K] [J] es qualité fait état d'un salaire de 11490 euros sur 6 mois dans sa demande subsidiaire) de son âge (pour être né en 1963), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, pour fixer le préjudice à 24.400 euros ;

 

Sur le co-emploi

 

Attendu qu'en application de l'article L. 1221-1 du code du travail, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être  qualifiée de co-employeur du  personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette  société  dans la  gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière ;

Attendu qu'en l'espèce, la salariée demande en second lieu à voir condamner in solidum la société MORY DUCROS et la société ARCOLE INDUSTRIES, en raison de leur situation de co-emploi au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

 

Qu'il soutient à cet égard qu'il existait une immixtion de la part de la société ARCOLE INDUSTRIES dans la gestion économique et sociale de la société MORY DUCROS ;

Qu'il fait valoir que «Monsieur [D] [M], directeur général et son équipe, à savoir cinq salariés au total ont été amenés à diriger la société MORY DUCROS moyennant rémunération et que «cette relation dépasse toutes relations normales entre une société mère et sa fille et dénote de manière patente que la société ARCOLE INDUSTRIES était la seule décisionnaire» ;

Que tout en soutenant que la société MORY DUCROS s'est immiscée dans la gestion sociale de la société MORY DUCROS, l'appelant se prévaut d'un courrier de sollicitation de poste de reclassement signé par M. [D] [M] ;

 

Que pour sa part, la société ARCOLE INDUSTRIES fait valoir en substance qu'il n'existe aucun lien de subordination entre elle-même et la partie appelante, qu'il n'est produit aux débats aucune preuve de sa prétendue immixtion dans la gestion du personnel de la société MORY DUCROS, alors que celle-ci était dotée d'entités de gestion propres en la personne l'existence d'un lien capitalistique entre elle-même et sa filiale MORY DUCROS ne suffit pas à établir l'existence d'un co-emploi entre les deux entités ;

 

Attendu que pour appuyer sa demande, outre des considérations sur la notion de co-emploi au regard de jurisprudences pour lesquelles les parties n'étaient pas concernées, l'appelant se contente de produire une seule pièce utile ;

Que ce document est un courrier en date du 6 février 2014, à l'en-tête de MORY DUCROS, signé par M. [D] [M], directeur général et M. [O] [X] administrateur judiciaire, aux termes duquel la société ARCOLE INDUSTRIES est interpellée afin qu'elle signale ses postes disponibles, dans une hypothèse de licenciement pour motif économique ;

Que cependant, ce document ne saurait suffire à lui seul à caractériser une immixtion marquée voire permanente de la société ARCOLE INDUSTRIES dans la gestion économique et sociale de la société MORY DUCROS, alors que celle-ci justifie que la société MORY DUCROS était dotée d'entités de gestion propres, en la personne, entre autres, d'un directeur comptable, d'un directeur des ressources humaines et d'un responsable juridique et qu'un lien capitalistique entre une société mère et sa filiale est insuffisant pour constituer une situation de co-emploi ;

 

Qu'il s'ensuit que la preuve de l'existence d'une situation de co-emploi entre la société ARCOLE INDUSTRIES et la société MORY DUCROS n'est rapportée ;

 

Que par conséquent, les demandes formées par l'appelant à l'encontre de la société ARCOLE INDUSTRIES ne sauraient prospérer ;

 

Sur les demandes formées par Mme [G] [Y] visant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse

 

Attendu qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, l'appelant demande :

- la condamnation in solidum de la société ARCOLE INDUSTRIES au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la condamnation de la société MORY DUCROS au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l'obligation individuelle de reclassement,

 

Que cependant, l'indemnité prévue à L. 1233-58, II, du code du travail, qui répare le préjudice résultant pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement, ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi ;

Que dès lors que cette indemnité a été accordée l'appelant n'est pas fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, visant à réparer le même préjudice ;

Qu'il sera donc débouté de ses demandes à cet égard ;

Sur la garantie de l'AGS

Attendu que la présente décision est opposable à l'AGS, tenue à garantie dans les limites et plafonds prévus par la loi ;

Sur les demandes formées par Mme [G] [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'à cet égard, la demande formée par Mme [G] [Y] sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris hormis en ce qu'il a dit que l'existence d'un co-emploi entre la société MORY DUCROS et la société ARCOLE INDUSTRIES n'est pas établie,

STATUANT à nouveau sur le surplus et y ajoutant,

MET la société ARCOLE INDUSTRIES hors de cause,

FIXE la créance suivante de Mme [G] [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la société MORY DUCROS à :

- 24.400 à titre de dommages intérêts en application de l'article L. 1233-58, II, du code du travail,

DIT la présente décision opposable à l'AGS (CGEA d'Ile de France-Est), tenue à garantie dans les limites et plafonds prévus par la loi,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE Me [K] [J] es qualités aux dépens.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 22/01322
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.01322 ?
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