ARRÊT DU
29 Mars 2024
N° 274/24
N° RG 22/00533 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UG4N
PL/VM
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI
en date du
07 Mars 2022
(RG 20/00148 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 29 Mars 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [I] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Guy DELOMEZ, avocat au barreau de CAMBRAI
INTIMÉES :
S.A.S. RESTOR PHONE, en liquidation judiciaire
S.E.L.A.R.L. PERIN-[L] prise en la personne de Me [N] [L] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS RESTOR PHONE
intervenant volontaire
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Dorothée FIEVET, avocat au barreau de VALENCIENNES
CGEA [Localité 3], intervention forcée
n'ayant pas constitué avocat- assigné à étude le 12/07/2022.
[Adresse 2]
[Localité 3]
DÉBATS : à l'audience publique du 31 Janvier 2024
Tenue par Philippe LABREGERE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Serge LAWECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Philippe LABREGERE
: MAGISTRAT HONORAIRE
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
ARRÊT : Rendu par défaut
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Janvier 2024
EXPOSE DES FAITS
[I] [E] a été embauché dans le cadre d'un contrat d'apprentissage devant se dérouler du 11 septembre 2019 au 31 août 2020, par la société RESTOR PHONE en vue de l'obtention d'un diplôme de techniques de commercialisation.
Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 2020 à un entretien les 18 et 21 janvier 2020 en vue d'un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire. A l'issue de l'entretien qui s'est tenu le 21 janvier 2020, son licenciement pour lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 février 2020.
Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée le 16 janvier 2020 et réception par vos soin le 18 janvier 2020.
Votre entretient a eu lieux le 21 janvier 2020 pour nous expliquer les faits qui se sont déroulés au mois de décembre 2020, après vos explications non clair et non justifié, nous vous informons de notre décision de votre licenciement.
Dès lors, la période non travaillée du 18/01/2020 au 31/01/2020 ne sera pas rémunérée, de plus vos absences non justifié du mois de décembre 2019 et janvier 2020 seront déduit de votre solde de tout compte.
Suite au licenciement, nous vous adresserons par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte, et votre attestation pôle emploi dans les jours à venir par lettre recommandée avec avis de réception. Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception.
Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par LRAR. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement ».
Par courrier recommandé du 15 février 2020 [I] [E] a contesté la mesure de licenciement et a demandé à son employeur d'en préciser les motifs.
Par lettre du 2 mars 2020, son employeur lui a répondu en ces termes :
«Suite à votre demande de justificatif concernant votre licenciement, veuillez trouver ci-joint le relevé de vos absences et retard.
Pour plus d'informations ou si vous souhaitez recevoir les justificatifs d'absences qui nous on était envoyé par votre CFA et qui nous ont permis de vous fournir ce relevé, veuillez nous en faire part par lettre.
De plus si vous avez d'autres questions concernant votre licenciement, veuillez le préciser par lettre et nous vous fournirons l'adresse de notre avocat. »
Par requête reçue le 17 décembre 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement de rappels de salaire et de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 7 mars 2022, le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables la demande de rappel de salaire de 500 euros et de dommages et intérêts de 1000 euros, a condamné la société à verser à [I] [E] 1216,97 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement, a débouté le salarié du surplus de sa demande et l'a condamné aux dépens.
Par jugement du 24 mai 2022, le tribunal de commerce de Douai a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné un liquidateur judiciaire.
Le 8 avril 2022, [I] [E] a interjeté appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance et l'audience des plaidoiries a été fixée au 31 janvier 2024.
Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 5 juillet 2022, [I] [E] appelant sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris et la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la Sté RESTOR PHONE des sommes suivantes nettes de CSG et de CRDS
-1216,97 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement
-9370,20 euros bruts en réparation du préjudice subi correspondant aux salaires qu'il pouvait percevoir jusqu'au terme du contrat en ce compris 223,30 euros correspondant aux absences justifiées
-223,30 euros bruts au titre des retenues injustifiées sur les absences
-937,02 euros bruts au titre des congés payés sur lesdites sommes
-500 euros en restitution de la somme indûment prélevée le 11 décembre 2019
avec intérêts au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil
-1000 euros à titre de dommages intérêts en application de l'article 1240 du code civil
-3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt devant être déclaré opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3].
L'appelant expose que les motifs du licenciement ne sont pas connus, que le bulletin de paie de janvier 2020 lui a été remis le 18 septembre 2020, soit 8 mois après la mise à pied conservatoire avec le reçu pour solde de tout compte et l'attestation destinée au P'le Emploi sur laquelle pour la première fois il était fait état d'une faute grave, sur les absences et les retards en entreprise, que son maître d'apprentissage, représentant légal de la société, n'en a pas tenu compte puisqu'au 31 décembre 2019, il lui a réglé un salaire complet sans retenues, qu'au sein de la société, il n'existait aucun pointage ni règlement intérieur, qu'il prouve qu'il travaillait au-delà du quota journalier, qu'il n'effectuait presque jamais la pause du midi, tenait souvent seul la boutique et prévenait de ses absences, ce qui ne pouvait provoquer de perturbations, qu'il a toujours accompli son travail avec sérieux et pugnacité, qu'un constat d'huissier démontre qu'il a informé son employeur de son absence, les 26 et 27 décembre, que toutes ses absences au CFA ont été justifiées, qu'il produit un document signé du chef de département lui-même l'attestant, que son licenciement est consécutif aux difficultés économiques rencontrées par la société, que le gérant lui a imposé de lui restituer une somme de 500 euros le 19 décembre 2019 sur le salaire qu'il lui avait versé, prétextant des problèmes financiers, que le préjudice subi correspond à la totalité des salaires qu'il aurait pu percevoir jusqu'au terme normal de son contrat, qu'il est également fondé à réclamer le paiement des jours correspondant aux absences justifiées qui lui ont été défalquées pour 27h30, que la société n'a pas respecté le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l'entretien préalable.
Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 28 juin 2022, le liquidateur judiciaire de la société RESTOR PHONE, intervenant volontaire et appelant incident, sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société à verser 1216,97 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement, et la condamnation de l'appelant au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le liquidateur judiciaire soutient qu'il est bien fondé à intervenir volontairement dans l'instance, que l'appelant sollicitait initialement la condamnation de son employeur au paiement d'indemnités consécutives à un licenciement abusif, qu'il a ajouté deux demandes nouvelles qui ne peuvent être rattachées aux prétentions originaires par un lien suffisant, que l'appelant a été licencié pour une faute grave, que par courrier du 2 mars 2020, la société lui a communiqué un relevé de ses absences et de ses retards, que tant la lettre de convocation à entretien préalable que la lettre de licenciement font état de faits qui se sont déroulés au mois de décembre 2019, que la société a bien indiqué dans sa lettre les motifs du licenciement, que les faits reprochés au salarié sont avérés au regard du relevé d'absences et de retards produit, faisant état d'absences injustifiées pendant la période de formation, à raison de 9 heures pour le mois de décembre 2019 et de 15 heures pour le mois de janvier 2020, qu'ils se retrouvent dans les bulletins de paye de décembre 2019 et de janvier 2020, qu'ils ont perturbé la bonne marche de l'entreprise, qu'un courrier du centre de formation souligne que les absences, notées comme étant justifiées sur le relevé de note, l'ont été indiquées à tort sur le logiciel de gestion, qu'aucun justificatif d'absence n'est versé aux débats pour les absences de décembre 2019, que sur les 78 heures de formation planifiées au mois de décembre 2019, l'appelant a été absent 10,5 heures et sur les 81,5 heures planifiées en janvier 2020, il s'est absenté sans motif 15 heures, que l'article L6221-1 du code du travail impose à l'apprenti de travailler pour l'employeur pendant la durée du contrat et de suivre la formation, à titre subsidiaire, que pour pouvoir prétendre au versement d'une indemnité pour irrégularité de procédure, l'appelant doit démontrer l'existence d'un préjudice qu'il ne justifie pas, qu'il a retrouvé quinze jours après la rupture de la relation de travail un maître d'apprentissage, que les absences étant injustifiées, il ne peut solliciter de rappel de salaire, que les demandes additionnelles doivent être rejetées.
L'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 3], assignée en intervention forcée par acte signifié le 12 juillet 2022 et qui a fait connaître par courrier du 29 juillet 2022 qu'elle ne se présenterait pas, n'a ni constitué avocat ni conclu.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que la SELARL Yvon PERIN-[N] [L] prise en la personne de [N] [L] ayant été nommé en qualité de liquidateur judiciaire, il convient de lui donner acte de son intervention volontaire au sein de la procédure ;
Attendu en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;
Attendu que les premiers juges ont déclaré irrecevables sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts présentées par l'appelant au motif qu'elles ne se rattachaient pas à la demande initiale par un lien suffisant ; que l'appelant se borne à solliciter l'infirmation du jugement entrepris sans exposer dans ses écritures de moyen sur leur recevabilité ;
Attendu sur le rappel de salaire au titre des absences injustifiées que compte tenu de la date de notification de la mise à pied conservatoire, il convient de ne tenir compte que des absences constatées jusqu'au 16 janvier 2020 ; que le liquidateur judiciaire de la société communique un premier récapitulatif des absences de l'appelant constatées par le conseil régional du 10 au 16 décembre 2019 et du 13 au 28 janvier 2020 soit un total de 10,5 heures en 2019 et 15 heures en 2020 ; que sur l'année 2019 seule l'absence constatée le 3 décembre 2019 a été considérée comme justifiée ; que toutefois selon le rectificatif transmis le 29 septembre 2021, il apparaît que toutes les 19 heures d'absence du mois de décembre avaient été finalement reconnues ; que sur l'année 2020 toutes celles constatées ont été jugées injustifiées ; qu'il résulte du bulletin de paye délivré pour le mois de janvier que l'employeur a retenu la somme totale de 229,39 euros par suite des absences survenues entre le 3 décembre 2019 et le 17 janvier 2020 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que seules les trois heures d'absence du 17 janvier 2020 devaient donner lieu à une retenue ; qu'il s'ensuit que la société était redevable d'un reliquat de salaire d'un montant de 205,03 euros et de 20,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
Attendu en application des articles, L1232-1 et L1235-2 et du code du travail que l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement les motifs sur lesquels est fondée cette mesure, à charge de les préciser, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans le délai fixé à l'article R1233-13 dudit code ;
Attendu qu'il résulte de la lettre de licenciement qu'aucun motif n'y est exposé ; qu'il n'est fait référence qu'à la mise à pied conservatoire faisant état de faits survenus au mois de décembre 2019 sans autre précision, au défaut de clarté des explications fournies par le salarié et de justifications de ce dernier, qui ne peuvent être assimilés à des motifs ; qu'il s'ensuit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu en application de l'article L1243-4 du code du travail que la rupture anticipée du contrat d'apprentissage en dehors des cas prévus à l'article L6222-18 dudit code ouvre droit à l'appelant à des dommages et intérêts d'un montant égal au moins à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat ; que compte tenu d'une rémunération mensuelle brute de 1216,97 euros, l'appelant aurait dû percevoir du 16 janvier au 31 août 2020 la somme de 9146,80 euros, compte tenu de ce que la mise à pied conservatoire notifiée le 16 janvier 2020 était devenue sans objet ;
Attendu qu'aucune disposition légale n'assimilant à une période de travail effectif la période de travail non effectuée en raison de la rupture anticipée du contrat de travail, aucune indemnité compensatrice de congés payés n'est due ;
Attendu en application de l'article L1235-32 dernier alinéa du code du travail que le salarié ne peut prétendre à une indemnité fondée sur une éventuelle irrégularité de la procédure que lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
Donne ACTE à la SELARL Yvon PERIN-[N] [L] prise en la personne de [N] [L] de son intervention volontaire en qualité de liquidateur judiciaire de la société RESTOR PHONE,
REFORME le jugement déféré
FIXE la créance de [I] [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société RESTOR PHONE à la somme de :
-9146,80 euros bruts en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat d'apprentissage
-205,03 euros bruts au titre des retenues injustifiées
-20,50 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
DÉBOUTE [I] [E] du surplus de sa demande,
DÉCLARE l'arrêt opposable au Centre de Gestion et d'Étude AGS de [Localité 3],
DIT qu'il ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail que dans les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L3253-17, L3253-19 à L3253-21 et D3253-2 dudit code ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,
MET les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société RESTOR PHONE.
LE GREFFIER
S. LAWECKI
LE PRÉSIDENT
P. LABREGERE