ARRÊT DU
29 Mars 2024
N° 436/24
N° RG 21/01152 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TW3E
GG / SL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'arras
en date du
23 Juin 2021
(RG 19/00243 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 29 Mars 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
Mme [R] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
E.U.R.L. [N]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Daphne WEPPE, avocat au barreau D'arras
DÉBATS : à l'audience publique du 15 Novembre 2023
Tenue par Gilles GUTIERREZ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Serge LAWECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Muriel LE BELLEC
: conseiller faisant fonction de PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Nathalie RICHEZ-SAULE
: CONSEILLER
Le prononcé de la décision a été prorogé pour plus ample délibéré du 26 janvier au 29 mars 2024.
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC,conseiller et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25/10/2023
EXPOSE DU LITIGE
L'EURL [N] qui exerce une activité de boulangerie a engagé Mme [R] [S] née [W] en 1972, par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 22/09/2016, pour une période du 19/08/2016 au 24/02/2017 en qualité d'aide pâtissière, coefficient 155 de la convention collective des entreprises artisanales de boulangerie pâtisserie.
La relation de travail s'est poursuivie pour une durée indéterminée au terme du contrat selon avenant du 23/02/2017.
Mme [S] a été arrêtée au titre d'un accident du travail à compter du 14 juillet 2018.
Par lettre du 24/08/2018, la salariée a indiqué avoir subi des retards de paiement de salaire, et demandé à l'employeur que les formalités soient faites auprès de l'organisme de sécurité sociale pour être indemnisée durant son arrêt de travail.
Par lettre du 17 septembre 2018, Mme [S] a pris acte de la rupture du contrat de travail pour les raisons suivantes :
«Mme [N],
Par la présente, je vous notifie la prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail pour les raisons qui vont suivre.
En effet, je suis entrée au sein de votre Boulangerie Pâtisserie par contrat à durée indéterminée, le 19 août 2016 en qualité d'aide Pâtissier.
Vous avez choisi de me mettre en plus bas des coefficients de la convention collective, soit au niveau 155 afin que mon salaire ne vous impacte pas de charges.
En réalité, comme vous le saviez, mes diplômes auraient dû être de nature à me placer en tant que pâtissier et mon coefficient ainsi que mon salaire, auraient dû être bien au dessus de ce qui apparaît sur mes bulletins de paie.
De la même manière, estimant que vous ne deviez pas payer de charges patronales sur la base de 35 heures, vous m'avez déclarée 86,67 heures par mois, ce qui équivaut à un temps partiel de 20 heures semaine.
Dans les faits, j'ai travaillé entre 35 et 50 heures par semaine, comme le reprennent les plannings que je suis en mesure de vous produire.
Aucune heure complémentaire ne figure sur l'ensemble des mes bulletins de paie et ce, depuis 2016.
Comme vous le savez, j'étais pourtant parfois la seule employée de l'établissement et la seule en novembre/décembre 2017 à s'occuper de la production des brioches et coquilles de fin d'année.
Il paraît étonnant qu'en tant que seule salariée en charge de la production, mon temps réel de travail ne soit qu'à 20 heures par semaine.
En août 2017, la boulangerie a connu un incendie, ce qui a entraîné sa fermeture pour plusieurs mois.
Pour autant, je n'ai pas été rémunérée et aucune demande de chômage partiel ou autre aide n'a été faite afin que je ne subisse pas de perte de salaire.
Suite à mes demandes, vous m'avez rémunéré les mois de septembre et octobre, mais je suis restée sans salaire ni indemnité pour les autres périodes.
Aussi, les conditions de travail sont déplorables et vous ne respectez en aucun (cas) les mesures d'hygiène et de sécurité qui vous incombent.
Je vous rappelle que j'ai travaillé seule et dans des conditions dangereuses lorsque l'établissement était fermé afin de produire les brioches de fin d'année.
L'établissement était supposé être fermé, mais vous m'avez demandé de venir y travailler malgré la dangerosité des lieux.
Aucun temps de pause ni repos compensateur n'est par ailleurs octroyé.
Enfin et surtout, j'ai été victime le 14 juillet dernier au sein de votre établissement et alors que j'étais à mon poste de travail, d'un accident du travail lequel a entraîné un arrêt de travail de plus de 6 semaines avec rééducation.
Vous avez délibérément refusé de remplir l'attestation nécessaire à la déclaration d'accident de travail.
De même, vous n'avez pas retourné les documents utiles à la CPAM m'empêchant ainsi de percevoir les IJSS.
A ma demande et après insistance, la CPAM m'a accordé le versement de 12 jours d'indemnités sur maintenant près de 2 mois d'arrêt.
L'ensemble de ces faits m'empêche de poursuivre la relation de travail dans de telles conditions.
C'est la raison pour laquelle je prends acte de la rupture de mon contrat comme m'y autorise l'article 1451-1 du code du travail(...) ».
L'employeur a contesté les griefs par lettre du 12/10/2018.
La caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de l'accident du 14/07/2018.
Suivant requête reçue le 10/09/2019, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras de diverses demandes indemnitaires relatives à la requalification du contrat de travail à temps complet, d'une classification conventionnelle à 160 puis 170, à titre de rappel sur les minima conventionnels et du maintien de salaire, à un manquement à l'obligation de sécurité, à la requalification de la prise d'acte en licenciement nul.
Par jugement contradictoire du 23 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :
-dit que la prise d'acte de Mme [R] [W] épouse [S] produit les effets d'une démission,
-débouté Mme [R] [W] épouse [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-condamné Mme [R] [W] épouse [S] à verser à l'EURL [N] une somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant déclaration d'appel du 5 juillet 2021, Mme [S] a interjeté appel de la décision précitée.
Selon ses conclusions d'appelante reçues le 25/10/2023, Mme [S] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
A titre principal, ordonner à la société [N] de lui remettre ses plannings d'intervention sur la période de travail, soit du 19 août 2016 au 17 septembre 2018, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
-dire que la Cour se réserve le droit de liquider la présente astreinte,
-à défaut, condamner la société [N] à lui verser la somme de 10.334,62 euros bruts à titre de rappel de salaire outre les congés payés y afférents de 1.033,46 euros bruts,
A titre infiniment (subsidiaire), condamner la société [N] à lui verser la somme de 3.000 € net à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de pouvoir justifier de ses heures supplémentaires,
A titre subsidiaire, requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
-en conséquence, condamner la société [N] à lui verser la somme de 15.316,51 € brut à titre de rappel de salaire, outre les congés payés y afférents de 1.531,65 € brut,
-condamner la société [N] à lui verser la somme de 9.309,98 € net à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
-dire et juger qu'elle devait bénéficier du coefficient 160, puis 170 de la convention collective applicable,
-en conséquence, condamner la société [N] à lui verser la somme de 480,75 € brut à titre de rappel de salaire sur les minima conventionnels, outre les congés payés y afférents de 48,07 € brut,
-condamner la société [N] à lui verser la somme de 513,85 € brut à titre de rappel de salaire sur le maintien conventionnel de rémunération, outre les congés payés y afférents de 51,38 € brut,
-dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité,
-en conséquence, condamner la société [N] à lui verser la somme de 5.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
-requalifier la prise d'acte de rupture en licenciement nul et de nul effet,
-en conséquence, condamner la société [N] à lui verser les sommes suivantes:
-3.103,16 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents de 310,31 € brut,
-872,76 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,
-9.309,51 € net à titre de dommages et intérêts pour nullité de la rupture du contrat de travail,
-ordonner à la société [N] de lui remettre une attestation Pôle Emploi dûment rectifiée quant au motif de rupture, le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
-dire que la Cour se réserve le droit de liquider la présente astreinte,
-débouter la société [N] de sa demande d'article 700 de première instance,
-confirmer le jugement rendu pour le surplus,
-condamner la société [N] à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner le défendeur aux entiers frais et dépens d'instance.
L'EURL [N] selon ses conclusions d'intimée reçues le 19/11/2021, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de condamner Mme [S] au paiement d'une somme de 2.500 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.
La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 25/10/2023.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'exécution du contrat de travail
-sur la demande principale tendant à ordonner la remise de plannings d'intervention sous astreinte :
L'appelante soutient qu'il appartient à l'employeur de lui remettre les plannings et à défaut d'indemniser la perte de chance de prouver les heures supplémentaires non rémunérées, qu'elle n'a jamais été en possession des plannings mais relevait ses horaires, qu'il appartient à l'employeur de tenir un suivi des horaires en vertu des articles D3171-8 et D3171-14 du code du travail.
L'intimée explique que la salariée exige la remise de plannings alors qu'elle a indiqué les avoir en sa possession.
Sur quoi, l'appelante fonde sa demande de production de pièces sur les dispositions des articles 11 alinéa 2 et 142 du code du procédure civile, selon lesquelles :
-si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime,
-les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139.
Toutefois, cette demande s'inscrit dans un litige relatif à une demande en paiement d'heures complémentaires. Si l'employeur est en effet tenu de justifier des horaires accomplis par la salariée, il n'en reste pas moins qu'en vertu des articles 6 du code de procédure civile et L3171-4 du code du travail, il appartient au préalable à celle-ci de produire des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
La demande de production des plannings ne peut donc pas avoir pour effet de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve et à l'obligation d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions. La cour relève, à l'instar du premier juge, que Mme [S] fait état dans sa lettre de prise d'acte des plannings. La demande de production de pièces n'est donc pas fondée et doit être rejetée. Le jugement est confirmé.
-Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Mme [S] fait valoir des heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées, en se fondant sur plusieurs attestations (Mme [U], Mme [V]), en rappelant la lettre de prise d'acte selon laquelle elle a travaillé entre 35 et 50 heures, qu'elle n'avait pas à formuler de réclamations préalables, que les heures ont été justifiées par son emploi.
La lettre de prise d'acte du 17 septembre 2018 de l'appelante mentionne qu'elle a travaillé entre « 35 et 50 heures par semaines, comme le reprennent les plannings que je suis en mesure de produire ».
Elle invoque les attestations de plusieurs témoins :
-Mme [U] qui indique que Mme [S] travaillait beaucoup, que sa patronne l'appelait le soir même pour préparer les pains surprises, qu'elle partait pour 22h10 et rentrait à 23 heures, qu'elle n'arrêtait pas, et même pendant les fêtes n'avait aucun jour de repos,
-Mme [V] qui déclare que Mme [S] faisait plus de 20 heures par semaine, par moment plus de 50 heures par semaine car sa patronne lui demandait de travailler,
-M. [Y] qui indique avoir travaillé à la pâtisserie en présence de Mme [S] pour préparer les fêtes de Noël courant novembre 2016 de 6h à 19h.
En vertu des articles L3171-2 et L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
En l'espèce, il ressort de l'examen des pièces de Mme [S] que cette dernière produit en pièce 39 un décompte récapitulatif de ses horaires pour la période du mois de septembre 2016 au mois de novembre 2017, reprenant son décompte manuscrit. Ajouté aux attestations précitées qui font état d'un dépassement régulier de la durée convenue de travail de 20 heures, et au calcul de sa créance chiffrée, il s'ensuit que Mme [S] produit des éléments suffisamment précis pour pouvoir être débattus contradictoirement par l'employeur et produire ses propres éléments.
Pour justifier des horaires de la salariée, l'intimée produit plusieurs attestations :
-M. [I] indique qu'un lien d'amitié s'était créé entre Mme [S] et Mme [N], que Mme [S] se permettait de faire ses propres horaires de travail, qu'elle était en retard en raison de ses enfants, mais ne rattrapaient jamais, Mme [N] l'ayant prise en pitié, qu'elle quittait souvent son poste de travail pour revenir ensuite, qu'elle était constamment sur son portable en travaillant en dépit des remarques de l'employeur, qu'elle demandait à Mme [N] de disposer du laboratoire pour la réalisation d'essais personnels de pâtisserie, qu'elle faisait des pâtisseries de week-end à base de mousse et non des pâtisseries de semaine, qu'elle n'est pas venue travailler pendant trois semaines sans motif tout en étant rémunérée,
-plusieurs attestations de Mme [F], irrégulières en la forme puisque ne comportant pas la mention de l'article 202 du code de procédure civile indiquant qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales, dont il ressort qu'il faut toujours reprendre Mme [S], qu'elle utilise son téléphone, qu'elle a toujours raison, que la patronne avait trop de compassion et ne lui mettait jamais d'avertissement, qu'elle a travaillé du 08/01/2018 au 23/03/2019 en tant que chef pâtissière et était responsable de Mme [W] ([S]), que Mme [N] ne leur a jamais fait faire d'heures supplémentaires, que la société n'en avais pas besoin par rapport à la production, qu'elle ne garde pas un bon souvenir de Mme [W].
Ces éléments sont toutefois insuffisants à justifier du temps de travail de la salariée. Si Mme [N] conteste dans sa lettre du 12/10/2018 toute heure complémentaire, et indique qu'il ne faut pas confondre temps de présence et temps de travail effectif, il n'en reste pas moins que c'est à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Les éléments produits tendent à critiquer le comportement et les qualités professionnelles de Mme [S], toutefois sans justification utile des horaires effectuées.
Dans ces conditions, la cour dispose des éléments suffisants pour accueillir le rappel de salaire au titres des heures supplémentaires non rémunérées, étant pris en compte l'absence d'explications sur un temps de présence excédant le temps de travail effectif, pour les montants de 3.113,55 € et 311,36 € de congés payés afférents.
Le jugement est infirmé. Ces sommes seront mises à la charge de l'EURL [N].
La cour n'est pas saisie d'une demande de requalification à temps complet du contrat de travail, celle-ci étant subsidiaire à celle relative aux heures complémentaires. Les dispositions du jugement sont donc définitives sur ce point.
-sur l'indemnité pour travail dissimulé :
L'appelante explique que le comportement de l'employeur est nécessairement volontaire compte-tenu de la petite taille de l'entreprise.
L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié. L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Les bulletins de paie ne font état d'aucune heures complémentaires. Toutefois, l'existence d'un litige relatif au volume d'heures complémentaires est insuffisant à caractériser à lui seul l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé. La demande est donc rejetée, et le jugement est confirmé.
-Sur la demande de rappel de salaire pour les minima conventionnels :
L'appelante indique bénéficier d'une formation de CAP en pâtisserie, que de ce fait elle devait bénéficier du coefficient 160, puis 170 après un an d'ancienneté, qu'elle a travaillé comme pâtissière, qu'elle assurait le tutorat des aides pâtissiers, que l'employeur avait connaissance de son diplôme qui d'ailleurs était mentionné sur son curriculum vitae, qu'elle a travaillé comme chef pâtissière avant et après la période travail à l'EURL [N].
L'intimée réplique que la salariée ne l'a jamais informée de son diplôme, raison pour laquelle elle a ensuite embauché une pâtissière (Mme [F]), qu'à l'époque les produits étaient achetés et non fabriqués sur place, que le salariée a accepté un emploi d'aide pâtissier, que les avenants conventionnels ne sont pas produits.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
La convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 prévoit les classifications suivantes :
-coefficient 155 : personnel de fabrication sans CAP, personnel de fabrication titulaire du BEP,
-coefficient 160 : personnel de fabrication titulaire d'un CAP ou du CQP « Tourier »,
-coefficient 170 : personnel de fabrication titulaire d'un CAP ou d'un CQP « Tourier » après 1 an au coefficient 160 (').
Ainsi que le fait valoir l'appelante, il appartient à l'employeur de s'assurer de l'adéquation entre la qualification retenue au contrat de travail et les tâches réellement accomplies, d'autant que la convention collective opère une distinction entre les salariés titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle et ceux ne le détenant pas, ou disposant d'autre diplômes.
La cour relève que la salariée justifie d'un relevé de notes la déclarant admise pour la session de juin 2013 au CAP de pâtisserie. De plus, les propres éléments de l'intimée démontrent que la salariée exerçait des fonctions de pâtissière (attestation de M. [I]), outre un sms relatif à la mauvaise confection d'une tarte à la crème. Enfin, il ne ressort d'aucun élément du dossier que la salariée se serait contentée de décongeler des composants de pâtisserie pour les vendre. La demande de classification au coefficient 160, puis au coefficient 170 doit être accueillie, la salariée justifiant des avenants applicables au soutien de sa demande de rappel de salaire, qui ne sont pas utilement contestés. Le jugement est infirmé. Il convient d'allouer à Mme [S] les sommes de 480,75 € brut outre la somme de 48,07 € de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour les minima conventionnels.
-Sur le maintien de salaire durant l'arrêt de travail :
L'appelante fonde sa demande sur l'article 37 de la convention collective applicable.
L'intimée conteste le calcul de la salariée et le taux horaire applicable.
L'article 37 de la convention collective institue une garantie de maintien de salaire au cas d'un arrêt de travail consécutif à une maladie ou à un accident, professionnel ou non, pris en charge par la sécurité sociale, à partir du 1er jour d'indemnisation par la sécurité sociale et pendant 180 jours. L'indemnisation est égale à 90 % du salaire brut moyen des 3 derniers mois précédant l'arrêt de travail à l'exclusion des primes présentant un caractère exceptionnel et des gratifications, et sous déduction des indemnités journalières brutes versées par la sécurité sociale.
L'appelante s'est fondée sur l'avenant n° 116 du 16 janvier 2017 relatif au salaire horaire minimum au 1er janvier 2017, qui prévoit un salaire de 10,23 €.
Le salaire moyen s'établit à 885,92 € brut, le montant garanti étant de 797,33 € par mois. Compte-tenu de la rupture du contrat le 17/09/2018, la période à indemniser s'étend à 63 jours (accident du 14 juillet), soit 1.674,39 €.
Compte-tenu des sommes perçues au titre des indemnités journalières (1.191,56€), des sommes versées par l'employeur au titre du maintien de salaire (118,36 +140,31+112,15 =370,82 €), il subsiste un solde de 112,01 € en faveur de la salariée outre 11,20 € de congés payés. Le jugement est infirmé et ces sommes sont mise à la charge de l'EURL [N].
-sur le respect de l'obligation de sécurité :
L'appelante invoque le délai tardif de la déclaration d'accident du travail, faite après une lettre de mise en demeure le 24/08/2018, ce qui a entraîné un retard de prise en charge, que la boulangerie a connu une fermeture en raison d'un incendie, que pour autant elle a été contrainte d'intervenir en novembre 2016 dans des conditions dangereuses, qu'elle a été amenée à travailler durant les fêtes de fin d'année sans repos pendant plusieurs jours.
L'intimée réplique que les attestations versées par la salariée ne sont pas crédibles, que la boulangerie a été refaite à neuf en juin 2017.
L'employeur prend, en application de l'article 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En conséquence la responsabilité de l'employeur est engagée sauf à prouver : la faute exclusive de la victime ou l'existence de circonstances relevant de la force majeure, imprévisibles, irrésistibles et extérieures.
Il suffit que l'employeur manque à l'une de ses obligations en matière de sécurité pour qu'il engage sa responsabilité civile même s'il n'en est résulté ni accident du travail ni maladie professionnelle. Pour satisfaire à son obligation de résultat l'employeur doit vérifier : les risques présentés par l'environnement de travail, les contraintes et dangers liés aux postes de travail, les effets de l'organisation du travail, la santé des salariés, les relations du travail.
La simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur. Mais encore faut-il que la victime apporte la preuve de l'existence de deux éléments : la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur (ou son préposé substitué) auquel il exposait ses salariés ; l'absence de mesures de prévention et de protection.
Les attestations produites par la salariée sont insuffisantes à établir qu'elle a travaillé durant la fermeture de la boulangerie en raison d'un incendie, d'autant qu'elle invoque le mois de novembre 2016 alors que le sinistre est survenu en août 2017. S'agissant de la déclaration d'accident du travail, la cour relève que la salariée a avisé son employeur le 14/07/2018. En revanche, la déclaration n'a pas été faite le 17/08/2018 comme l'indique l'appelante, mais le 22/07/2018 et reçue par la caisse le 23/07/2018 qui en a accusé réception le 17/08/2018, un délai complémentaire d'instruction étant nécessaire, ce qui a entraîné un retard de prise en charge qui n'est pas imputable à l'employeur. En revanche, l'employeur n'apporte aucune justification relativement à la période de fin d'année 2017 pour justifier des horaires de la salariée et du respect de son droit au repos dont la preuve lui incombe. Il en résulte nécessairement un préjudice pour la salariée, qui sera réparé par la somme de 500 € de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé. L'EURL [N] est condamnée au paiement de cette somme.
Sur la rupture du contrat de travail
Il découle de l'article L1231-1 du code de travail que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Seul un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail est de nature à justifier la prise d'acte. Il incombe au salarié d'établir la réalité des faits qu'il invoque à l'appui de sa prise d'acte.
En l'espèce, les griefs de la salariée sont établis s'agissant de l'absence de paiement d'heures supplémentaires, d'un rappel de salaire au titre des minima conventionnels et de la garantie conventionnelle, et de l'obligation de sécurité. Ces griefs sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'EURL [N]. Dès lors que le contrat de travail de Mme [S] se trouvait suspendu en raison d'un accident du travail, la rupture produit les effets d'un licenciement nul. Le jugement est infirmé.
Sur les conséquences indemnitaire de la rupture
Sur la base d'un salaire moyen de 885,92 €, l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois s'établit à la somme de 1.771,84 €.
L'indemnité légale de licenciement s'établit à la somme de 498,33 €.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du salaire moyen de Mme [S], de son âge (48 ans), de son ancienneté (2 ans et un mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application des article L1226-13 et L1235-3-1 du code du travail, une somme de 5.297,52 € à titre d'indemnité pour licenciement nul.
L'EURL [N] sera condamnée au paiement de ces sommes.
Sur les autres demandes
Il sera enjoint à l'EURL [N] de remettre à la salariée une attestation France travail conforme au présent arrêt, et un bulletin de paie récapitulatif, conformes au présent arrêt. Une astreinte n'est pas nécessaire.
Par dispositions infirmatives, l'EURL [N] supporte les dépens de première instance et d'appel.
Par mêmes dispositions infirmatives, il est équitable d'allouer à Mme [S] une indemnité de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de ses frais.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de production de plannings, et celle relative au travail dissimulé,
Infirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau, y ajoutant,
Dit que la prise d'acte de rupture du contrat du travail aux torts de l'EURL [N] produit les effets d'un licenciement nul,
Condamne l'EURL [N] à payer à Mme [R] [S] les sommes qui suivent :
-3.113,55 € et 311,36 € de congés payés afférents de rappel de salaire pour les heures complémentaires,
-480,75 € bruts outre 48,07 € de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour les minima conventionnels,
-112,01 € outre 11,20 € de congés payés de rappel de salaire au titre du maintien de salaire conventionnel,
-500 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
-498,33 € d'indemnité légale de licenciement,
-1.771,84 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 117,18 € de congés payés afférents,
-5.297,52 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,
Enjoint à l'EURL [N] de remettre à Mme [R] [S] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation France travail conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne l'EURL [N] à payer à Mme [R] [S] une indemnité de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'EURL [N] à payer à Mme [R] [S] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE CONSEILLER
faisant fonction de président de chambre
Muriel LE BELLEC