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29/03/2024 | FRANCE | N°21/01049

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 1, 29 mars 2024, 21/01049


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 402/24



N° RG 21/01049 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVVV



NRS/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

18 Mai 2021

(RG 18/01083 -section 5)








































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [W] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Mme [V] [R] (Défenseur syndical)





INTIMÉE :



S.A.S. BECK CRESPEL (ANCIENNEMENT BC2)

[Adresse 1]

[Localité 3]

repr...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 402/24

N° RG 21/01049 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVVV

NRS/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

18 Mai 2021

(RG 18/01083 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [W] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Mme [V] [R] (Défenseur syndical)

INTIMÉE :

S.A.S. BECK CRESPEL (ANCIENNEMENT BC2)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 24 Janvier 2024

Tenue par Muriel LE BELLEC et Nathalie RICHEZ SAULE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Muriel LE BELLEC

: conseiller faisant fonction de

PRESIDENT DE CHAMBRE

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Nathalie RICHEZ-SAULE

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 Janvier 2024

Monsieur [W] [X] a été engagé à compter du 15 octobre 1992 pour exercer les fonctions de fraiseur, qualification 1, coefficient 215 par la société BECK-CRESPEL, société spécialisée dans le secteur d'activité de la mécanique industrielle et notamment dans la fabrication et la distribution de boulonnerie de haute performance, qui emploie plus de 11 salariés. Au dernier état de ses fonctions, le salarié percevait au titre des fonctions une rémunération brute mensuelle de base de 1.690 €.

La convention collective applicable est celle de la convention collective des industries métallurgiques des Flandres (2562 B).

Monsieur [W] [X] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lille des demandes suivantes:

- Temps d'habillage/ déshabillage (¿ heure par jour) 1.845,89 €

- Congés payés y afférents 184,58 €

- Temps de douche (1/4 heure par jour) 1.845,89 €

- Congés payés y afférents 184,58 €

- Prime de 14ème mois 5.553,51 €

- Congés payés afférents au 14ème mois 555,35 €.

- Prime de casse-croûte au titre des congés payés 325,33 €

-Congés payés y afférents 32,53 €

-prime casse-croûte au titre des « événements familiaux » 15,44 €

-congés payés afférents 1,54 €

- Prime de casse-croûte au titre de la maladie 45,99 €

- Congés payés y afférents 4,59 €

- Prime de Casse-croûte au titre des congés d'ancienneté 34,06 €

- Congés payés y afférents 3,40 €

- Dommages et intérêts pour non réalisation de l'entretien de 2ème partie de carrière 4.000 €

- Article 700 du code de procédure civile 250 €

Par jugement en date du 18 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Lille a condamné la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] les sommes de 1 845,49 euros à titre de rappel de la prime de déshabillage/déshabillage et de 184,54 euros au titre des congés payés y afférents. Il a débouté Monsieur [W] [X] de ses autres demandes, a condamné la société BECK-CRESPEL aux dépens ainsi qu'à payer au salarié la somme de 50 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il a débouté la société BECK-CRESPEL de ses demandes reconventionnelles.

Monsieur [W] [X] a interjeté appel des chefs de dispositif du jugement le déboutant de ses demandes et a présenté des demandes additionnelles en cause d'appel.

La société BECK-CRESPEL a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié les sommes de 1 845,49 euros à titre de rappel de la prime de déshabillage/déshabillage, de 184,54 euros au titre des congés payés y afférents et de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 23 février 2022.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 mars 2022, Monsieur [X] demande à la cour de :

-infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lille du 18 mai 2021, en conséquence, condamner l'employeur à payer à Monsieur [W] [X] les sommes suivantes :

- Temps de douche (1/4 heure par jour) 1.845,89 €

- Congés payés y afférents 184,59 €

- Prime de 14ème mois 5553,51 €

- Congés payés afférents au 14ème mois 555,35 €.

- Prime de casse-croûte au titre des congés payés 2325,33 €

-Congés payés y afférents 32,53 €

-Prime casse-croûte au titre événement familial : 15,44 €

-congés payés y afférents : 1,54 €

- Prime de casse-croûte au titre de la maladie 45,99 €

- Congés payés y afférents 4,59 €

- Prime de Casse-croûte au titre des congés d'ancienneté 34,06 €

- Congés payés y afférents 3,40 €

- Dommages et intérêts pour non réalisation de l'entretien 4.000,00 €

Condamner l'employeur à payer à Monsieur [W] [X] au titre de ses demandes additionnelles pour la période allant de novembre 2018 à juin 2021 les sommes suivantes:

-Temps d'habillage/déshabillage 1135,98 euros, et 113,59 euros au titre des congés payés y afférents,

- Temps de douche (1/4 heure par jour) 1135,98 €

- Congés payés y afférents 113,59 €

- Prime de 14ème mois 5789,99 €

- Congés payés afférents au 14ème mois 578,99 euros .

- Prime de casse-croûte au titre des congés payés 192,74 €

- Congés payés y afférents 19,27 €

- Prime de casse-croûte au titre de la maladie 681,31 €

- Congés payés y afférents 68,13 €

- Prime de Casse-croûte au titre des congés d'ancienneté 23,41 €

-Congés payés y afférents 2,34 €

Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lille rendu le 18 mai 2021 en ce qu'il a condamné la société SAS BECK CRESPEL à verser à Monsieur [W] [X] les sommes de 1845,49 € à titre de rappel de prime de temps d'habillage/déshabillage et de 184,54 € ainsi que 50 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dire que les intérêts légaux courent à compter de la saisine du bureau de conciliation pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les créances indemnitaires,

-condamner l'employeur à verser à Monsieur [W] [X] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner l'employeur aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 novembre 2022, la société BECK CRESPEL demande à la cour de :

Réformer la décision en ce qu'elle a condamné la société SAS BECK CRESPEL à verser à Monsieur [W] [X] les sommes de 1.845,89 à titre de rappel de prime de temps d'habillage/déshabillage, 184,58 € à titre d'indemnité de congés payés y afférente et 50 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; rappeler que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le Bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale, et à compter du prononcé de la décision pour les sommes de nature indemnitaire ; débouté la société de ses demandes reconventionnelles au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, ordonné l'exécution provisoire du jugement dans la limite des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail et condamné la société BECK CRESPEL aux entiers frais et dépens.

- confirmer la décision sur le surplus en ce qu'elle a débouté Monsieur [X] de ses autres demandes au titre des temps de douche et congés payés y afférents, de la prime de 14ème mois et congés payés y afférents, des primes « Casse-Croute » sur « les congés payés », « les évènements familiaux », « la maladie », « les congés d'ancienneté » et les congés payés y afférents, et des dommages et intérêts pour absence d'entretiens professionnels

-Statuant à nouveau uniquement sur les points réformés et y ajoutant :

débouter Monsieur [X] de ses demandes au titre du temps d'habillage/déshabillage

A titre subsidiaire, réduire dans les plus amples proportions le montant de la condamnation prononcée au titre de l'indemnisation du temps d'habillage/déshabillage, des congés payés y afférents, et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

-Débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes additionnelles formulées en cause d'appel pour la période de novembre 2018 à juin 2021.

-condamner Monsieur [X] à verser à la société la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile toutes instances confondues, et aux dépens de première instance et d'appel

A titre subsidiaire, réduire dans les plus amples proportions les demandes formulées par le salarié

Il convient de se référer aux dernières conclusions des parties régulièrement notifiées par le RPVA pour l'exposé de leurs moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats a été prononcée par ordonnance du 3 janvier 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 24 janvier 2024 et mise en délibéré au 29 mars 2024.

MOTIFS

Sur les contreparties au temps d'habillage et déshabillage

Il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail que lorsque le salarié est astreint au port d'une tenue de travail, en vertu de dispositions légales, conventionnelles, contractuelles ou du règlement intérieur, et qu'il est tenu de s'habiller et de se déshabiller dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, l'employeur doit lui accorder une contrepartie financière ou en repos.

L'employeur n'est tenu d'allouer une contrepartie au temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage que si les deux conditions prescrites par ce texte sont réunies, à savoir l'obligation de porter une tenue de travail, et celle de la revêtir et de l'enlever dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

En l'espèce, il est établi que Monsieur [W] [X], tenu de travailler en atelier, était astreint, en vertu du règlement intérieur (article 1.1.3), au port d'une tenue de travail composée d'un bleu de travail et d'un équipement de protection individuelle de sécurité (chaussures de sécurité, gants, bouchon d'oreilles) avant toute intervention sur son poste de travail. Le règlement intérieur précisait que le salarié devait se trouver à son poste en tenue de travail aux heures fixées pour le début et la fin de celui-ci.

Par ailleurs, si l'employeur soutient qu'il n'obligeait pas ses salariés à s'habiller et se déshabiller sur le lieu de travail, mais qu'au contraire ces derniers étaient libres d'effectuer ces opérations où bon leur semblait, il ressort des pièces que Monsieur [W] [X] effectuait en sa qualité de fraiseur des travaux salissant, l'exposant à des projections de fluides de coupe, et vapeurs de ces produits chimiques, que les protections installées sur les machines ne suffisaient pas à éviter en totalité, et qu'il était tenu pour des raisons de sécurité de porter des chaussures spécifiques.

L'obligation pour le salarié de mettre et enlever la tenue sur le lieu de travail résultait des conditions dans lesquelles il exerçait son activité qui lui imposaient pour des raisons d'hygiène et de sécurité de ne pas porter sa tenue de travail à l'extérieur de l'entreprise.

D'ailleurs la société BECK-CRESPEL l'a elle -même admis puisqu'elle a conclu le 4 février 2022 avec les représentants syndicaux CGT et UNSA un accord d'entreprise au terme duquel est prévu au titre de l'habillage/déshabillage une prime d'habillage correspondant à la prise en compte d'un temps d'habillage de 6 minutes par jour travaillé (3 en début, et 3 en fin de poste), payable à compter du mois de mars 2022.

En conséquence, la demande de Monsieur [W] [X] est fondée.

La société BECK-CRESPEL soutient que l'évaluation de la contrepartie financière sollicitée par Monsieur [W] [X] est trop élevée, mais ne propose pas d'autres éléments de calcul. Cependant, compte tenu de l'accord précité qui évalue le temps d'habillage/déshabillage à 6 minutes, il convient de réduire ce temps à la moitié du temps réclamé, et d'octroyer à Monsieur [W] [X] la somme de 922,94 euros à ce titre pour la période allant du mois de septembre 2015 à septembre 2018, et la somme de 92,29 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi que la somme de 568 euros à ce titre pour la période du mois de novembre 2018 au mois de juin 2021, outre la somme de 56,8 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur le rappel de primes pour le temps de douche

L'article R 4228-8 du code du travail prévoit que « Dans les établissements où sont réalisés certains travaux insalubres et salissants, des douches sont mises à la disposition des travailleurs.

La liste de ces travaux ainsi que les conditions de mises à disposition des douches sont fixées par arrêté des ministres chargés du travail ou de l'agriculture et, en tant que de besoin, par le ministre chargé de la santé.

Cette liste déterminant les travaux et les conditions de mise à disposition des douches a été fixée par arrêté du 23 juillet 1947 modifié par arrêté du 6 décembre 1999 » .

Par ailleurs , le décret du 28 juin 2011 dans son article 2, prévoit que « Dans chaque entreprise, la liste des salariés intéressés par les travaux énumérés à l'article 1er (soit ceux pour lesquels les chefs d'établissements sont tenus de mettre des douches journalières à la disposition du personnel effectuant les travaux énumérés aux tableaux I et II annexés à l'arrêt de 1947) sera établie par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, par les délégués du personnel en accord avec le chef d'entreprise ».

L'article 3 du même décret ajoute que « le directeur départemental du travail et de la main-d''uvre pourra, après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut, des délégués du personnel, dispenser le chef d'établissement de l'obligation imposée par l'article 1er, lorsque les travaux visés s'effectueront en appareil clos ».

Enfin, aux termes des dispositions de l'article R 3121-1 du code du travail, « En cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R 4228-8 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif ».

Parmi les tâches énumérées par l'arrêté du 23 juillet 1947 modifié par arrêté du 6 décembre 1999 sont compris les travaux d'usinage comportant un contact permanent avec les fluides de coupe.

Monsieur [W] [X] estime qu'il effectue de tels travaux, visés par l'arrêté du 23 juillet 1947.

Cependant, la société BECK-CRESPEL soutient que les machines sur lesquels il travaille comportent des capots de protection, et qu'il porte un équipement individuel de protection.Or Monsieur [W] [X] ne démontre qu'il resterait en dépit de ces équipements, soumis de manière permanente aux fluides de coupe.

Il n'est en outre pas allégué que conformément au décret précité du 28 juin 2011, son nom figure sur la liste des salariés établie par le comité d'hygiène et de sécurité.

En conséquence, Monsieur [W] [X] sera débouté de ses demandes d'indemnisation des temps de douche.

Sur la prime du 14ème mois

Les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives sont présumées justifiées et qu'il appartient alors à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Il en va différemment lorsque la différence a sa source dans une décision unilatérale de l'employeur ou dans un usage parce que la justification tenant à l'importance reconnue à la négociation collective comme source normative est en ce cas absente.

Dans cette hypothèse, celui qui entend justifier cette différence doit établir qu'elle repose sur des raisons objectives et pertinentes, étrangères à toute discrimination illicite.

En l'espèce, il est établi qu'une prime de 14 ème mois était versée aux cadres mais également à certains agents de maîtrise. En admettant que les cadres ne soient pas placés dans une situation identique aux non-cadres, il incombait alors à l'employeur d'établir que ceux des agents de maîtrise auxquels elle versait la prime étaient dans une situation identique, à l'égard des fonctions accomplies, à celle des cadres et différente de celle des ouvriers et employés qui ne percevaient pas la prime.

En effet, dès lors que le critère d'attribution de cette prime ne tenait pas à la différence entre d'une part, les salariés cadres, agents de maîtrise et d'autre part, les ouvriers, en sorte que le salarié se trouvait, au regard de l'avantage considéré, dans la même situation que celle des salariés auxquels il se comparait, la différence de traitement constatée, devait reposer sur des raisons objectives.

Or , l'employeur ne justifie d'aucune raison objective expliquant cette différence de traitement mais indique que cette prime du 14 ème mois a été supprimée à compter du 1er janvier 2015, plus aucun salarié n'en bénéficiant à compter de cette date, ce qui n'est pas contesté.

Monsieur [W] [X] fait cependant valoir à cet égard que la dénonciation d'un usage n'est régulière que si les représentants du personnel en sont informés, et qu'elle encourt au surplus la nullité si le motif ayant conduit à la décision de dénonciation est illicite ou porte atteinte aux droits des salariés. Cependant il ne ressort pas des pièce que l'usage ait été dénoncé de manière irrégulière, les représentants du personnel ayant signé l'accord de dénonciation, ni pour un motif illicite ou en méconnaissance des droits des salariés, cette preuve ne pouvant résulter de la condamnation antérieure de l'employeur à payer une telle prime à un autre salarié. En conséquence, Monsieur [W] [X] sera débouté de sa demande en paiement de rappel de prime du 14ème mois.

Sur la prime casse-croûte

Prime pendant les congés payés

Monsieur [W] [X] réclame le rappel de la prime casse croûte pendant ses congés payés pendant la période du mois d'octobre 2015 à octobre 2018, et pour la période postérieure au titre de ses demandes additionnelles du mois d'octobre 2018 au mois de juin 2021.

Il n'est pas contesté que la prime casse croûte correspond à la rémunération forfaitaire des temps de pause (20 minutes) en application de l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail.

Cette prime constitue en conséquence un élément de rémunération qui entre dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés. La société BECK-CRESPEL ne le conteste pas mais indique que depuis 2015, la prime casse croûte est prise en compte dans l'indemnisation des congés payés, et que la situation a été régularisée.

Cependant, il ressort des bulletins de versées aux débats que la prime casse- croûte n'a pas été versée pendant les jours de congés payés de sorte que Monsieur [W] [X] est bien fondé en sa demande. La société BECK-CRESPEL sera condamnée à lui payer la somme de 325,33 euros pour la période d'octobre 2015 à octobre 2018, outre 32,53 euros, et la somme de 192,74 euros pour la période de novembre 2018 à juin 2021, outre 19,27 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la prime sur congé pour événement familial

Dès lors que la prime casse croûte est un élément de la rémunération du salarié, elle doit être prise en compte dans l'indemnisation des congés payés, congés pour événement familial inclus. En conséquence, il convient de faire droit à la demande du salarié et de condamner la société BECK-CRESPEL au paiement de la somme de 15,44 euros au titre de a prime casse croûte sur les congés pour événements familiaux, outre la somme de 1,54 euros au titre de congés payés afférents.

Sur la prime casse croûte pendant les congés maladie

La convention collective des industrie métallurgiques des Flandres prévoit en son article 10.2.10 qu'en cas d'arrêt maladie, ou accident du travail, le salarié reçoit la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait continue de travailler pendant 45 jours. De même il n'est pas conteste que l'accord d'annualisation du temps de travail de l'entreprise prévoit la garantie de la rémunération comme si le salarié avait travaillé.

Dès lors qu'il est établi que la prime casse croûte fait partie intégrante de la rémunération du salarié, celle-ci doit donc lui être versée pendant les congés maladie du salarié. Or, il ressort des bulletins de salaires versés aux débats que tel n'a pas été le cas. En conséquence, il convient de faire droit à la demande du salarié, et de condamner la société BECK -CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] à ce titre la somme de 304,55 euros sur la période d'octobre 2015 à octobre 2018, outre 30,45 euros au titre des congés payés y afférents, et la somme de 681,13 euros pour la période postérieure, outre la somme de 68,13 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la prime casse-croûte sur congés d'ancienneté

Dès lors qu'il ressort des bulletins de salaires de paie que la prime de casse croûte n'a pas été versée au salarié de manière systématique pendant les jours de congés du salarié, et notamment pendant ses congés ancienneté, il sera fait droit à la demande du salarié, et la société BECK-CRESPEL sera condamnée à payer à Monsieur [W] [X] la somme de 29,96 euros à ce titre, outre la somme de 2,99 euros au titre des congés payés afférents sur la période d'octobre 2015 à octobre 2018, et la somme de 23,41 euros au titre des demandes additionnelles sur la période postérieure, et la somme de 2,34 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance du fait de l'absence d'entretien professionnel

L'article L6315-1 du code du travail prévoit que :

« A l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.

Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité, d'un congé parental d'éducation, d'un congé de proche aidant, d'un congé d'adoption, d'un congé sabbatique, d'une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l'article L. 1222-12, d'une période d'activité à temps partiel au sens de l'article L. 1225-47 du présent code, d'un arrêt longue maladie prévu à l'article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l'issue d'un mandat syndical. Cet entretien peut avoir lieu, à l'initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.

II- Tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d'apprécier s'il a :

1° Suivi au moins une action de formation ;

2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l'article L. 6323-13.

Pour l'application du présent article, l'effectif salarié et le franchissement du seuil de cinquante salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

III. ' Un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d'abondement par l'employeur du compte personnel de formation des salariés. Il peut également prévoir d'autres modalités d'appréciation du parcours professionnel du salarié que celles mentionnés aux 1° à 3° du II du présent article ainsi qu'une périodicité des entretiens professionnels différente de celle définie au I.

(...) ».

L'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 modifié par l'avenant du 20 juillet 2005 prévoit également un entretien professionnel et un bilan de compétences dans les termes suivants : article 1.1.1 « pour lui permettre d'être acteur de son évolution professionnelle, tout salarié ayant moins de deux ans d'activité dans une même entreprise bénéficie , au minimum tous les deux ans , d'un entretien professionnel réalisé par l'entreprise conformément aux dispositions d'accord de branche ou d'entreprise conclu, en la matière ou à défaut dans les conditions définies par le chef d'entreprise sur la base des principes suivants/ l l'entretien professionnel a pour finalité de permettre à chaque salarié d'élaborer son projet professionnel à partir de ses souhaits d'évolution sans l'entreprise , de ses aptitudes et compte tenu des besoins de l'entreprise ;

-de favoriser non seulement la personnalisation du parcours de formation, et le recours aux nouvelles technologies éducatives mais aussi la formation en situation professionnelle (') ». Il est également prévu qu'après 20 ans d'exercice professionnel et en tout état de cause, à compter de son 45ème anniversaire, le salarié ayant au moins un an d'ancienneté bénéficie d'un bilan de compétences hors du temps de travail s'il le demande.

En l'espèce Monsieur [W] [X] soutient qu'il n'a jamais bénéficié d'une entretien professionnel relatif à son parcours professionnel, tandis que l'employeur affirme que le salarié a bénéficié d'entretien distincts de « progrès » et de « carrière et formation » en 2016 et 2019. Il ressort des pièces versées aux débats que les entretiens dont se prévaut l'employeur sont des entretiens d'évaluation du salarié et les seuls compte-rendus de carrière versés aux débats sont des questionnaires que le salarié a remplis concernant son appréciation de l'ambiance et de l'environnement du travail par une note et non des compte-rendus d'entretien professionnel d'évolution de carrière.

Du fait de l'absence de ces entretiens professionnels, Monsieur [W] [X] n'a pas été informé des possibilité d'évolutions de carrière et a subi, du fait de ce défaut d'information, un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les intérêts légaux

Il convient de rappeler que les intérêts légaux courent à compter de la saisine du bureau de conciliation pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les créances indemnitaires.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l'issue du litige, la société BECK-CRESPEL sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BECK-CRESPEL à payer au salarié une somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure. Il n'est pas inéquitable de condamner la société BECK-CRESPEL à payer à la salarié une somme supplémentaire de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

-confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [W] [X] de ses demandes au titre de la prime de douche, et au titre de la prime du 14ème mois, en ce qu'il a condamné la société BECK-CRESPEL aux dépens, ainsi qu'à payer au salarié une somme de 50 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lille du 18 mai 2021 pour le surplus,

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] au titre de la prime habillage/deshabillage la somme de 922,94 euros à ce titre pour la période allant du mois de septembre 2015 à septembre 2018, et la somme de 92,29 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi que la somme de 568 euros à ce titre pour la période du mois de novembre 2018 au mois de juin 2021, outre la somme de 56,8 euros au titre des congés payés y afférents,

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] au titre de la prime casse-croûte pendant les congés payés la somme de 325,33 euros pour la période d'octobre 2015 à octobre 2018, outre 32,53 euros, et la somme de 192,74 euros pour la période de novembre 2018 à juin 2021, outre 19,27 euros au titre des congés payés afférents,

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] au titre de la prime casse-croûte pendant les congés payés pour événement familial, la somme de 15,44 euros, outre la somme de 1,54 euros au titre de congés payés afférents.

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] au titre de la prime casse-croûte pendant les congés maladie, la somme de 304,55 euros sur la période d'octobre 2015 à octobre 2018, outre 30,45 euros au titre des congés payés y afférents, et la somme de 681,13 euros pour la période postérieure, outre la somme de 68,13 euros au titre des congés payés afférents,

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] au titre des congés payés sur ancienneté la somme de 29,96 euros à ce titre, outre la somme de 2,99 euros au titre des congés payés afférents sur la période d'octobre 2015 à octobre 2018, et la somme de 23,41 euros au titre des demandes additionnelles sur la période postérieure, outre la somme de 2,34 euros au titre des congés payés y afférents.

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de l'employeur concernant l'organisation d'entretiens professionnels,

-rappelle que les intérêts légaux courent à compter de la saisine du bureau de conciliation pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les créances indemnitaires.

-condamne la société BECK-CRESPEL à payer à Monsieur [W] [X] la somme supplémentaire de 250 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamne la société BECK-CRESPEL aux dépens d'appel

le greffier

Serge LAWECKI

le conseiller désigné pour exercer

les fonctions de président de chambre

Muriel LE BELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 1
Numéro d'arrêt : 21/01049
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;21.01049 ?
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