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29/03/2024 | FRANCE | N°21/00950

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 1, 29 mars 2024, 21/00950


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 374/24



N° RG 21/00950 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TU6R



MLB/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

18 Mai 2021

(RG 19/00156 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [D] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Aurélie BERTIN, avocat au barreau de LILLE





I...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 374/24

N° RG 21/00950 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TU6R

MLB/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

18 Mai 2021

(RG 19/00156 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [D] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Aurélie BERTIN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A. SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Patrick BERJAUD, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Thomas YTURBE, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 10 Janvier 2024

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Muriel LE BELLEC

: conseiller faisant fonction de

PRESIDENT DE CHAMBRE

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Nathalie RICHEZ-SAULE

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 23 Février 2024 au 29 Mars 2024 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Décembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS

 

M. [C], né le 29 mai 1969, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2003 en qualité de chargé de mission par la société Swisslife Assurance et Patrimoine.

Il occupait en dernier lieu l'emploi de conseiller commercial.

Confronté à une grave maladie, le salarié a alterné à compter de mars 2015 des périodes d'arrêts de travail et de travail à temps partiel thérapeutique.

Il a cessé de percevoir des indemnités journalières le 30 novembre 2017 et s'est vu attribuer, par décision de la caisse primaire d'assurance maladie en date du 13 novembre 2017, une pension d'invalidité deuxième catégorie à effet du 1er décembre 2017.

Le salarié n'a pas repris le travail.

Le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste le 25 juillet 2018 en précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

M. [C] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 août 2018 à un entretien le 10 septembre 2018 en vue de son éventuel licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 septembre 2018.

 

Par requête reçue le 9 septembre 2019, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer pour voir juger que son licenciement est nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 18 mai 2021 le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement de M. [C] motivé par une inaptitude physique rendant impossible tout reclassement sous peine d'être préjudiciable à sa santé, débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, débouté les parties en leur demande d'article 700 du code de procédure civile et laissé aux parties la charge de leurs dépens respectifs.

Le 4 juin 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

 

Par ses conclusions reçues le 7 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [C] sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement entrepris, juge son licenciement nul à titre principal, sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire et condamne la société aux sommes de :

- 120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

- 25 626,88 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis

- 2 562,68 euros au titre des congés payés s'y rapportant

- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en tout état de cause.

 

Par ses conclusions reçues le 4 septembre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Swisslife Assurance et Patrimoine sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris, juge en conséquence que le licenciement de M. [C] n'est pas nul et que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence la reçoive en toutes ses demandes et, y faisant droit, déboute M. [C] de l'ensemble de ses demandes et le condamne à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

  

La clôture de la procédure a été ordonnée le 20 décembre 2023.

  

MOTIFS DE L'ARRET

 

Sur la demande de nullité du licenciement

M. [C] fait valoir que la société Swisslife Assurance et Patrimoine n'a été prévenante avec lui que tant qu'elle espérait son retour prochain, changeant d'attitude à compter de son placement en invalidité, qu'elle a décidé de le licencier en raison de son état de santé dès qu'elle a appris son placement en invalidité en novembre 2017, qu'elle a anticipé l'avis du médecin du travail en lui retirant toute possibilité de reprendre effectivement une activité de conseiller telle qu'il l'occupait avant le diagnostic de sa maladie, répartissant de manière définitive sur ses collègues de travail ou des agents indépendants le portefeuille client dont il avait antérieurement la charge et retirant une partie de son secteur de prospection à compter de juin 2018 sans l'en informer ni obtenir son accord comme auparavant, que la visite de reprise à la suite de laquelle l'avis d'inaptitude a été rendu n'a pas été organisée conformément aux prescriptions légales, qu'en effet il avait informé la société Swisslife Assurance et Patrimoine de son classement en invalidité deuxième catégorie et lui avait fait savoir qu'il n'envisageait pas dans l'immédiat de reprendre son activité, son état de santé ne le lui permettant pas, que la société Swisslife Assurance et Patrimoine n'avait donc aucune raison de le convoquer à une visite de reprise plus de sept mois après avoir été avertie de son classement en invalidité de seconde catégorie, que cette visite n'avait pour but que de couvrir les actes préparatoires à la rupture en considération de son état de santé.

La société Swisslife Assurance et Patrimoine répond qu'elle a toujours manifesté son soutien au salarié, que malgré ses absences prolongées elle n'a pas réparti le large portefeuille clientèle qui lui était confié, réglant les problèmes au coup par coup, qu'elle a organisé la visite médicale de reprise après que le service paie a transmis à la direction, le 20 juin 2018, l'information de la déclaration d'invalidité de M. [C], que cet avis d'inaptitude n'a pas été contesté, que la notion d'acte préparatoire au licenciement concerne le congé maternité, que l'avis du défenseur des droits auquel le salarié fait référence n'est pas transposable à sa situation et n'a pas d'autorité juridique, qu'il est impossible pour un employeur d'organiser un faux licenciement pour inaptitude puisque celui-ci est basé sur des éléments médicaux, que toutes les actions entreprises avant la rupture du contrat de travail de M. [C] et avant même que la direction ait connaissance de son invalidité n'étaient que des mesures provisoires qui n'auraient pas empêché le salarié de réintégrer ses fonctions si son état de santé s'était amélioré, que M. [C] n'a pas été remplacé avant son licenciement, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir organisé une visite de reprise, que de plus l'appelant ne l'avait pas informé de manière claire de sa volonté de ne pas reprendre le travail et ne fournissait plus d'arrêts de travail, de sorte qu'elle était obligée d'organiser la visite de reprise.

En vue de démontrer que son licenciement aurait été préparé à la suite de son placement en invalidité, M. [C] produit des captures d'écran relatives à huit clients, ainsi que les messages que lui a adressés M. [S] les 13 et 24 juillet 2018, en vue d'échanger avec lui après avoir récupéré une partie de son portefeuille.

M. [V], directeur régional, indique avoir joué « aux pompiers de service » pendant trois ans en évitant tout transfert des contrats de M. [C]. Il précise avoir demandé à M. [C] en 2018 l'autorisation de reprendre la moitié de son secteur de prospection sans toucher au portefeuille, que le salarié l'a accepté et que Mme [F] a été recrutée le 25 juin 2018 à cette fin et ne fait que prospecter. Il ajoute que 68 contrats de M. [C] ont été cédés à M. [S] le 1er juillet 2018 sur les 1052 contrats de son portefeuille, soit de l'ordre de 6 %.

Ainsi, la société Swisslife Assurance et Patrimoine n'a pris que des mesures conservatoires et limitées pour pallier l'absence de M. [C]. Ces mesures n'auraient pas été de nature à empêcher le salarié de reprendre effectivement son activité s'il n'avait pas été déclaré inapte. Elles n'avaient pas pour objet de pourvoir à son remplacement définitif et ne pouvaient en tout état de cause influer sur l'avis du médecin du travail.

En application des articles R.4624-31 et R.4624-32 du code du travail dans leur version alors applicable, dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail.

L'employeur n'est pas tenu d'organiser une visite de reprise si le salarié manifeste sa volonté de ne pas reprendre le travail. Pour autant, il n'est pas interdit à l'employeur informé du classement en invalidité deuxième catégorie de son salarié de faire procéder à la visite de reprise dans l'hypothèse où celui-ci manifeste sa volonté de ne pas reprendre le travail.

En l'espèce, M. [C] a informé le service paie de la société, en la personne de Mme [W], de la notification de sa pension d'invalidité, le 27 novembre 2017.

La société n'a pas saisi à ce moment le médecin du travail pour l'organisation de la visite de reprise. Elle produit pour expliquer cette situation, qu'elle qualifie elle-même de fautive, le mail du 20 juin 2018 par lequel Mme [W] a fait suivre à Mme [O], manager direction, la notification de pension d'invalidité de M. [C]. Mme [O] a immédiatement fait suivre ce mail à Mme [R], chargée de développement RH avec le commentaire : « inadmissible ». Le service de santé au travail a prévu le 22 juin 2018 une première visite de reprise après maladie, plusieurs fois reportée jusqu'à celle du 25 juillet 2018, à l'issue de laquelle M. [C] a été déclaré inapte à son poste.

Au contraire de ce que M. [C] conclut, son message du 27 novembre 2017 à Mme [W] ne comporte aucune précision selon laquelle il n'envisageait pas de reprendre immédiatement son activité professionnelle. Il a tout au plus indiqué à Mme [R] le 24 juillet 2018, soit après l'organisation de la visite de reprise, qu'il n'en comprenait pas l'objet comme n'étant pas en mesure de reprendre à ce jour, et à Mme [W], le 27 juillet 2018, soit après la visite de reprise, que cette visite l'inquiétait car elle lui avait précisé : « maintien dans les effectifs malgré mon invalidité cat 2 ».

Le moyen de M. [C] selon lequel la société Swisslife Assurance et Patrimoine a commis une faute en organisant la visite de reprise alors qu'il l'avait informée de sa volonté de ne pas reprendre le travail dans l'immédiat est donc dépourvu de fondement tant en fait qu'en droit.

Le licenciement intervenu à la suite de la déclaration d'inaptitude de M. [C] ne présente donc pas de caractère discriminatoire lié à l'état de santé du salarié et ne saurait être déclaré nul en application des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes de ce chef.

Sur la demande tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse

Au soutien de sa demande, M. [C] expose que la lettre de licenciement ne fait pas référence à l'avis des délégués du personnel ou du CSE, que l'employeur avait pourtant l'obligation de consulter. Il ajoute que la dispense de recherche de reclassement ne pouvait porter que sur l'établissement considéré en raison de la compétence territoriale limitée du médecin du travail à l'établissement auquel il est rattaché, que l'employeur n'était pas dispensé de toute recherche de reclassement et devait à tout le moins solliciter un complément d'avis sur la portée de la dispense dont elle bénéficiait.

La société Swisslife Assurance et Patrimoine répond que la teneur de l'avis d'inaptitude, que M. [C] n'a pas contesté, la dispensait de toute recherche de reclassement dans l'entreprise et le groupe et de toute consultation du CSE.

Il résulte de l'article L.1226-2 du code du travail que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4 , à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, et que cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

Selon l'article L.1226-2-1 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement et n'a pas l'obligation de consulter le comité social et économique.

En l'espèce, le médecin du travail a déclaré M. [C] inapte à son poste le 25 juillet 2018 en précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l'absence de toute mention restreignant la portée de l'obstacle à tout reclassement dans un emploi à l'établissement d'affectation, la société Swisslife Assurance et Patrimoine était bien dispensée de rechercher le reclassement du salarié et de consulter le comité social et économique. Le jugement est donc également confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

 

Confirme le jugement déféré, sauf sur les dépens.

 

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Condamne M. [C] aux dépens de première instance et d'appel.

le greffier

Serge LAWECKI

le conseiller désigné pour exercer

les fonctions de président de chambre

Muriel LE BELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00950
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;21.00950 ?
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