La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2024 | FRANCE | N°21/06345

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 mars 2024, 21/06345


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 7/03/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/06345 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UANF



Jugement (N° 20/01095)

rendu le 15 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTE



Madame [I] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat c

onstitué

assistée de Me Stanislas Leroux, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant



INTIMÉS



Monsieur [N] [Y]

né le 15 mars 1990 à [Localité 4]

et

Madame [S] [V]

née le 22 novembre 1991 à [Localité 3]

[Adresse 2]...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 7/03/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/06345 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UANF

Jugement (N° 20/01095)

rendu le 15 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [I] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Stanislas Leroux, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [N] [Y]

né le 15 mars 1990 à [Localité 4]

et

Madame [S] [V]

née le 22 novembre 1991 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 23 novembre 2023, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024 après prorogation du délibéré en date du 1er février 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 novembre 2023

****

Par acte du 13 octobre 2017, Mme [I] [Z] a acquis de M. [N] [Y] et Mme [S] [V] une maison d'habitation située [Adresse 1] moyennant 147 000 euros, frais de négociation inclus.

Faisant état de l'apparition de désordres et se prévalant d'une expertise amiable et d'une expertise judiciaire obtenue préalablement en référé, elle a fait assigner les vendeurs devant le tribunal judiciaire de Lille par actes du 15 janvier 2020 afin d'obtenir la résolution de la vente sur le fondement du dol ou, subsidiairement, de la garantie des vices cachés.

Par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal l'a déboutée de ses demandes, l'a condamnée aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'à verser aux défendeurs la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 20 juillet 2022, demande à la cour, au visa des articles 1604, 1116, 1183, 1184, 1641, 1644 et 1645 du code civil, et des articles 1231-1 et 1792 du même code, de l'infirmer et, statuant à nouveau, de :

à titre principal,

- prononcer la résolution de la vente,

- condamner in solidum les intimés, outre à toutes les conséquences de droit liées à cette résolution (restitution du prix et des frais de notaire, et de tous autres frais), à lui verser, en réparation de son préjudice, 10 000 euros au titre du préjudice moral et 3 600 euros au titre du trouble de jouissance,

- dire et juger que la restitution du prix portera intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2017 jusqu'à restitution intégrale des sommes avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- dire que les dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement à intervenir, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions dudit article 1154,

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,

à titre subsidiaire,

- condamner in solidum les intimés à lui payer la somme de 33 902,70 euros, à parfaire, en réparation de son préjudice,

- débouter ces derniers de l'ensemble de leurs demandes,

en tout état de cause,

- les condamner in solidum aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, et à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 17 juin 2022, M. [Y] et Mme [V] demandent pour leur part à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil et de l'article 1604 du même code :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en cas d'infirmation partielle ou totale, de réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par l'appelante et de juger que seuls les travaux obligatoires, tels que préconisés et chiffrés par l'expert judiciaire, devront être pris en charge par les vendeurs,

- en tout état de cause, de condamner l'appelante aux dépens et à leur verser la somme de 5'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le dol allégué

Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges auxquels est assimilée la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Il est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il est constant qu'il ne se présume pas et doit être prouvé.

La sanction des vices du consentement, dont fait partie le dol, est en effet la nullité de l'acte litigieux. Il se déduit de ce que l'appelante demande la résolution de la vente qu'elle en poursuit l'anéantissement et sa demande, en ce qu'elle est fondée sur le dol, ne peut que s'analyser, en réalité, en une demande tendant à voir constater la nullité de la vente.

Les rapports d'expertise versés aux débats confirment l'existence d'infiltrations en différents endroits de la maison de Mme [Z] dont celle-ci soutient qu'elles n'étaient pas visibles lors de ses visites préalables à la vente mais sont apparues rapidement et que, eu égard aux causes attribuées à celles-ci, antérieures à ladite vente, et au constat, par les experts, de reprises de peinture et d'enduit, elles ont été dissimulées par les vendeurs à dessein de la tromper et de la déterminer à contracter, ce que ces derniers contestent.

Selon les attestations de deux agents immobiliers ayant participé aux visites de l'immeuble avant son achat par Mme [Z], la maison était, en apparence, en parfait état et les vendeurs auraient déclaré qu'elle avait été entièrement rénovée, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'elle l'avait été par eux, qui n'y étaient que depuis quatre ans, et qu'ils étaient donc censés avoir personnellement remédié à tout désordre.

Les rapports d'expertises amiables réalisés à l'initiative des assureurs respectifs des parties sont peu fiables en ce qu'ils expriment des conclusions quasi-diamétralement opposées, mais surtout celui que produisent les vendeurs en raison de la subjectivité aussi caricaturale que déplacée de ses avis, ainsi lorsqu'il indique, à propos d'une vidéo réalisée par Mme [Z] montrant de l'eau coulant au goutte à goutte dans le comble, qu'il soupçonne un arrosage au jet sur la toiture ou qu'il conclut qu'«'il s'agit d'une affaire monumentées (sic) de toutes pièces, avec une dégradation intentionnelle du bien pour le faire reprendre au motif d'un prétendu vice'» et qu'«'un suivi étroit sera nécessaire pour mettre en évidence la mauvaise foi certaine du tiers'».

Le rapport de l'expert judiciaire met en évidence des infiltrations ou traces d'infiltrations, d'une part dans le garage, d'autre part dans la salle de bains et les trois chambres situées à l'étage.

En ce qui concerne le garage, il décrit un goutte à goutte constant au milieu de la dalle de béton faisant saillie sur l'extérieur qu'il attribue au mauvais état de la toiture et à une réfection d'une partie de celle-ci, qui se poursuit sur la maison mitoyenne, que M. [Y] a faite lui-même, faute d'avoir obtenu un accord du voisin pour faire réaliser ensemble des travaux, mais non dans les règles de l'art. Le voisin, rencontré par l'expert, lui a indiqué que les fuites à ce niveau étaient anciennes, ce que confirme, selon ce dernier, l'état de décrépitude de cet élément. Les vendeurs soutiennent que ce désordre a été évoqué lors des rencontres préalables à la vente mais quoi qu'il en soit, la description faite par l'expert comme l'ancienneté établie des fuites excluent qu'il n'ait pas été visible lors des visites de la potentielle acheteuse et, par conséquent, une dissimulation, à fortiori intentionnelle, de celui-ci.

S'agissant des quatre pièces de l'étage, l'expert judiciaire a relevé l'existence de traces d'infiltration « quasiment toutes situées en périphérie des souches de cheminée'» ainsi que, dans la chambre côté jardin, une reprise de peinture située à un autre endroit du plafond sans persistance d'une infiltration à cet endroit. Il attribue les infiltrations, dont il précise qu'elles doivent se produire de façon sporadique en fonction des conditions météorologiques, à la fois à un défaut de conception de la toiture, consistant en une pente insuffisante, à la dégradation de celle-ci résultant de sa vétusté, en particulier en ce qui concerne les éléments destinés à assurer l'étanchéité au pied de la cheminée, et à un défaut d'entretien, en précisant qu'il en est visiblement de même dans toutes les habitations contiguës et identiques du rang de maisons concerné, datant des années 60, et de ce que les toitures en question ne sont que difficilement accessibles par les occupants de ces immeubles.

Les vendeurs déclarent n'avoir pas connu d'infiltrations pendant leur occupation de l'immeuble, qui a duré un peu plus de quatre ans, et avoir simplement repeint, dans un souci d'esthétique et non à l'approche de la vente, une tache ancienne isolée située à l'endroit distinct où l'expert signale une reprise dans la chambre sur jardin.

Compte tenu de la météo habituelle dans le Nord, il est peu vraisemblable qu'aucune infiltration à l'endroit sensible désigné par l'expert ne se soit produite pendant l'occupation de l'immeuble par M. [Y] et Mme [V] et l'expert de l'appelante comme l'expert judiciaire font état de reprises, au pluriel.

Toutefois, compte tenu de ce qu'il n'est pas fait état de leur apparence récente (l'expert de l'appelante constate des traces d'enduit « sans pouvoir les dater'»), de ce que, à les supposer récentes, il n'est pas inhabituel, comme l'a fait remarquer le tribunal, de rafraîchir un immeuble ou d'y faire des retouches avant de le vendre pour le rendre plus séduisant sans intention, pour autant, de dissimuler quoi que ce soit, et de ce que l'expert judiciaire qualifie de surcroît les reprises de «'grossières'», ce dont on peut déduire qu'elles étaient visibles par un visiteur attentif, et traduisent simplement, selon son sentiment, une volonté d'entretien et de maintien en état de propreté des embellissements existants, on ne saurait conclure que les vendeurs ont procédé à des travaux de réfection dans l'intention de tromper les acquéreurs potentiels et se sont rendus coupable d'un dol au préjudice de Mme [Z].

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont débouté cette dernière de sa demande sur ce fondement.

Sur la garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1643 précise qu'il en est tenu même s'il ne les a pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne serait obligé à aucune garantie.

En vertu de l'article 1644, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Aux termes de l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le contrat de vente litigieux comporte une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés, dont l'application suppose que les vendeurs n'aient pas eu connaissance des vices susceptibles d'être découverts.

Ainsi que cela a été dit supra, les infiltrations dans le garage ne pouvaient pas ne pas être vues par les visiteurs et ne peuvent donc constituer un défaut caché.

En revanche, si les « reprises » effectuées au premier étage étaient décelables, elles pouvaient être crues, dans une maison dont l'aspect était satisfaisant et dont il était dit qu'elle avait été entièrement rénovée, comme n'étant que des stigmates de dommages passés, de sorte que le mauvais état de la toiture, notamment autour de la cheminée, et la persistance d'infiltrations sporadiques dans les plafonds des chambres, qui ne s'est manifestée qu'après la vente, sont assurément un défaut caché.

M. [Y] et Mme [V], s'ils pouvaient ne pas en connaître les causes techniques faute d'avoir accédé à la toiture ou fait appel à un professionnel, n'ignoraient pas ce défaut et ne peuvent se prévaloir à ce sujet de la clause d'exonération suvisée.

Cependant, ainsi que l'a relevé le tribunal, ce défaut ne rend pas l'immeuble impropre à son usage et cette juridiction a pu légitimement estimer que, pouvant être réparé par des travaux dont le coût a été estimé par l'expert à 3825 euros TTC, soit seulement 2,7 % du prix d'achat, il ne pouvait être considéré comme diminuant l'usage de l'immeuble dans des conditions telles que l'appelante, si elle l'avait connu, ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, étant observé que l'expert a distingué ces travaux, qualifiés d'obligatoires, des travaux de réfection de la toiture qu'il a seulement conseillés sans faire état d'une urgence. Le fait même que les vendeurs, dont on a retenu qu'ils ne pouvaient pas ne pas avoir connu les infiltrations litigieuses durant leur séjour de quatre ans dans l'immeuble, n'aient pas estimé devoir y faire remédier tend à confirmer que la gêne pouvant en résulter était limitée et Mme [Z] ne verse aucune pièce, devant la cour, démontrant qu'il en irait aujourd'hui différemment. Enfin, si cette dernière critique la motivation des premiers juges en faisant valoir qu'au regard de ses revenus modestes, le coût de réfection est considérable pour elle, la gravité du défaut ne peut s'apprécier qu'à partir d'éléments objectifs et non de cette circonstance subjective.

L'absence de vice caché au sens de l'article 1641 précité qui en définit les critères exclut tant la résolution de la vente qu'une indemnisation, demandée à titre subsidiaire.

Sur l'obligation de délivrance

Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend, la délivrance s'entendant de la remise d'une chose conforme aux stipulations du contrat.

C'est à mauvais escient que Mme [Z] invoque ce fondement devant la cour à titre très subsidiaire dès lors que l'immeuble dont elle a pris possession est bien celui sur lequel porte le contrat de vente et qu'elle n'explique pas à quelles stipulations contractuelles l'existence de défauts qu'elle qualifie elle-même de vices cachés constituerait un manquement.

***

Il y a donc lieu de confirmer le jugement.

Il incombe à l'appelante, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile et il est équitable qu'en application de l'article 700 du même code, elle indemnise les intimés des autres frais qu'ils ont exposés pour assurer la défense de leurs intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour

confirme le jugement entrepris,

déboute Mme [I] [Z] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens et au paiement à M. [N] [Y] et Mme [S] [V], ensemble, d'une indemnité de 1500 euros par application de l'article 700 susvisé.

Le greffier Le président

Delphine Verhaeghe Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/06345
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.06345 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award