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07/03/2024 | FRANCE | N°21/04719

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 mars 2024, 21/04719


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/03/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/04719 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2KK



Jugement (N° 17/03645)

rendu le 24 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Valenciennes







APPELANTES



L'association syndicale libre 'Hôtel [7]'

prise en la personne de son président en exercice Monsieur [M] [H]

ayant son si

ège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Fabienne Menu, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

assistée de Me Bertrand de Campredon, avocat au barreau de Paris, avocat ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/03/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/04719 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2KK

Jugement (N° 17/03645)

rendu le 24 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANTES

L'association syndicale libre 'Hôtel [7]'

prise en la personne de son président en exercice Monsieur [M] [H]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Fabienne Menu, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

assistée de Me Bertrand de Campredon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Iris Federico, avocat au barreau de Paris

La société Duca

société privée à responsabilité limitée de droit belge

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1] (Belgique)

représentée par Me Guillaume Herbet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Cindy Malolepsy, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

L' association syndicale libre 'Résidence [7]'

prise en la personne de son président [X] [R]

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Jean Thevenot, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

assistée de Me Patrick Bauduin, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Catherine Daumas, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 18 décembre 2023, tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 mars 2024 après prorogation du délibéré en date du 15 février 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 novembre 2023

****

Un programme immobilier de rénovation de l'ancien hôpital général de [Localité 5], classé monument historique, a été lancé au début de l'année 2013, visant à la création de 161 logements (résidence [7]) et d'un hôtel 4 étoiles, avec espaces business, restaurant gastronomique, brasserie et espace bien-être de 1 400 m² avec piscine (hôtel [7]).

Dans le cadre de ce programme, la société privée à responsabilité limitée Duca, marchand de biens, s'est portée acquéreur de l'immeuble et a procédé à la vente des différents lots auprès de multiples investisseurs par l'intermédiaire de la société Advenis.

Ce projet immobilier a fait l'objet d'un permis de construire unique, délivré le 25 janvier 2012 par le maire de [Localité 5] au profit de la société privée à responsabilité limitée financière Vauban, par ailleurs gérante de la société Duca, et d'une autorisation de travaux sur un immeuble classé monument historique délivrée le 11 mai 2012 par le préfet de région.

Deux associations syndicales libres, l'ASL résidence [7] et l'ASL Hôtel [7], ont été créées, regroupant les acquéreurs des lots de chacun des grands ensembles, pour porter la réalisation des travaux et assurer le financement du chantier en qualité de maîtres d'ouvrage, chacune pour sa partie, au fur et à mesure des adhésions des investisseurs aux ASL et du paiement des appels de fonds.

La société Financière Vauban a cédé à titre onéreux aux ASL toutes les études ayant permis d'établir les différents documents constituant les dossiers administratifs et techniques du permis de construire et de l'autorisation de travaux précités.

Dans le cadre d'un marché unique pour la maîtrise d'oeuvre des deux ouvrages, 'résidence' et 'hôtel', chaque ASL a conclu un contrat de contractant général avec la société Aupera, pour la mise en oeuvre de la restauration de sa partie de l'immeuble conformément aux permis accordés, pour un montant de 28 780 296,25 euros TTC pour la partie résidence suivant contrat du 6 juin 2014, et pour un montant de 12 138 379 euros TTC pour la partie hôtel suivant contrat du 28 février 2014, porté par avenants successifs à la somme de 31'909 416 euros TTC au fur et à mesure de l'intégration des nouveaux lots commercialisés dans le champ du marché.

Les différents actes de vente des lots de la partie résidence de ce complexe prévoyaient notamment un engagement du vendeur, la société Duca, en cas d'absence d'acquéreur pour les lots des volumes 2 et 3 concernant l'hôtel et le club de jazz, avant le 31 décembre 2013, de prendre en charge les travaux de réfection de la toiture, des façades et de la cour intérieure afin de permettre leur réalisation, au plus tard, au 31 décembre 2015.

Un litige est survenu entre l'ASL Hôtel et la société Aupera, qui a suspendu son chantier.

Les travaux de l'ASL Résidence ont été réceptionnés séparément de ceux de l'ASL Hôtel, mais avec retard.

Par actes d'huissier des 29 septembre et 3 octobre 2017, l'ASL Résidence [7] a fait assigner la société Duca et l'ASL Hôtel [7] devant le tribunal de grande instance de Valenciennes aux fins, notamment, d'obtenir l'indemnisation de son préjudice résultant du surcoût qu'elle a dû prendre en charge du fait de la désorganisation du chantier engendrée par les difficultés de financement de la partie 'hôtel' du projet.

Par jugement du 24 juin 2021, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :

- dit que la responsabilité délictuelle de la société Duca ainsi que celle de l'ASL Hôtel [7] étaient engagées à l'égard de l'ASL Résidence [7] ;

- condamné la société Duca à verser à cette dernière la somme de 175 000 euros au titre de son préjudice ;

- condamné l'ASL Hôtel [7] à payer à l'ASL Résidence [7] 10 % de cette somme, soit un montant de 17 500 euros, in solidum avec la société Duca, au titre de son préjudice ;

-débouté la société Duca et l'ASL Hôtel [7] de leurs demandes de condamnation pour procédure abusive ;

- condamné in solidum la société Duca et l'ASL Hôtel [7], outre aux dépens, dont distraction au profit de Me Thevenot, à verser à l'ASL Résidence [7] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

L'ASL Hôtel [7] et la société Duca ont interjeté appel séparément de ce jugement et les deux dossiers ont été joints.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 20 janvier 2023, l'ASL Hôtel [7] demande à la cour, au visa des articles 1240, 1241 et suivants du code civil, des articles 6 et suivants, 16, 32-1 et 700 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- débouter l'ASL Résidence [7] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner cette dernière à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 28 février 2022, la société Duca demande à la cour, au visa des articles 1103, 1240 et 1241 du code civil, et de l'article 32-1 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- débouter l'ASL Résidence [7] de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de Maître Gollain en application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 12 janvier 2023, l'ASL Résidence [7] demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil dans son ancienne rédaction et des articles 1240, 1241 et 1103 du même code dans leur nouvelle rédaction, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Duca et de l'ASL Hôtel [7] mais de le réformer sur le quantum de la condamnation et de :

- les condamner in solidum à lui verser une indemnité de 525 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2017 et capitalisation des intérêts ;

subsidiairement :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

en tout état de cause :

- confirmer le jugement entrepris sur les autres condamnations prononcées ;

- débouter les sociétés appelantes de l'ensemble de leurs demandes ;

- les condamner in solidum à lui verser une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Lefebvre-Thevenot.

Pour le détail de l'argumentation des parties, il sera fait référence à leurs dernières écritures précitées, par application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 27 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminaire

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, si l'ASL Hôtel [7] soulève dans son argumentation un moyen relatif au non-respect du principe de la contradiction par le premier juge, en violation de l'article 16 du code de procédure civile, en ce que celui-ci a retenu à son encontre une faute qui n'avait pas été invoquée par l'ASL résidence, tenant au défaut de recouvrement des appels de fonds auprès de ses membres, lequel aurait été à l'origine d'un manque de trésorerie et du retard de chantier, elle n'en tire pas de conséquences juridiques et ne sollicite pas l'annulation du jugement entrepris, seule l'infirmation de celui-ci étant demandée, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen.

Seront ainsi examinées successivement les responsabilités respectives de la société Duca, vendeur par lots de l'immeuble objet du programme de réhabilitation, et de l'ASL Hôtel [7], regroupant les propriétaires de la partie 'hôtel' du projet, dans le retard de chantier invoqué par l'ASL Résidence [7] à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la responsabilité de la société Duca

Aux termes de l'article 1382 devenu 1240 du code civil depuis le 1er octobre 2016, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 1383 devenu 1241 du même code dispose par ailleurs que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'article 1134, dans son ancienne version reprise pour l'essentiel dans les nouveaux articles 1103 et 1104 du même code, dispose notamment que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il est par ailleurs constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage.

Enfin, en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, il appartient à l'ASL Résidence [7], qui invoque la responsabilité délictuelle de la société Duca en raison du manquement de celle-ci à ses engagements contractuels à l'égard des différents propriétaires des lots, de rapporter la preuve, non seulement dudit manquement, mais encore de son préjudice et du lien de causalité entre celui-ci et la faute alléguée.

Il résulte des documents versés aux débats que si le programme de réhabilitation de l'ancien hôpital [7] à [Localité 5] a fait l'objet d'un permis de construire unique, en date du 25 janvier 2012, d'une autorisation de travaux sur monuments historiques unique en date du 11 mai 2012 et d'un marché de maîtrise d'oeuvre unique pour les deux versants du projet, à savoir la partie hôtel et la partie résidence, ce sont bien deux contrats de contractant général distincts qui ont été signés respectivement par l'ASL Hôtel [7] le 28 février 2014 et l'ASL Résidence [7] le 6 juin 2014, prévoyant des budgets distincts devant être financés par chaque ASL au moyen d'appels de fonds auprès des propriétaires de lots et des calendriers distincts, même si les travaux devaient être réalisés en parallèle et aboutir à une réception unique.

Le contrat conclu par l'ASL Hôtel [7] le 28 février 2014 prévoyait un délai de réalisation des travaux de 30 mois, tandis que celui conclu par l'ASL Résidence [7] le 6 juin 2014 prévoyait un délai de 27 mois, ces délais n'incluant cependant pas les jours d'intempérie, prévisibles ou non, ni les jours de congés légaux du personnel des entreprises intervenant dans l'opération.

Il n'est pas discuté que le chantier a pris du retard, pour diverses raisons sur lesquelles il sera revenu par la suite, et que les deux volants du projet ont finalement été réceptionnés séparément, en octobre 2017 par l'ASL Résidence [7] dont les travaux étaient achevés, et plus tard pour l'ASL Hôtel [7], dont les travaux ont connu une période de ralentissement à partir de septembre 2017 puis de suspension en raison d'un différend entre l'ASL Hôtel et la société Aupera chargée de la maîtrise d'oeuvre, occasionné notamment par les difficultés de financement de la partie hôtel du projet en raison de la non-commercialisation de l'ensemble des lots par la société Duca.

Or celle-ci s'était engagée, dans le cadre des contrats de vente conclus avec les différents acquéreurs des lots de la partie 'résidence' du programme, dans les termes suivants :

'Conditions particulières

Observation importante concernant l'hôtel et le club de jazz (volumes 2 et 3)

Le vendeur déclare :

- que ces lots seront affectés à un usage d'hôtel, spa, brasserie, restaurant, club de jazz conformément aux autorisations de travaux précitées, devenues définitives ;

- que l'exploitation de ces lots en hôtel est un élément déterminant du projet dans sa globalité';

- qu'il s'est engagé à mettre à la disposition du groupe SLIH les murs de l'hôtel - travaux terminés - à compter du second semestre 2015, pour une mise en activité de l'exploitation en hôtel au moins 4* ;

- être actuellement en discussion avec un investisseur pour lui céder dans les meilleurs délais les murs de l'hôtel. Cette vente ne se réalisera que si l'éventuel acquéreur apporte toutes les assurances bancaires suffisantes pour l'obtention du financement nécessaire aux travaux lui incombant ;

- que les travaux sur la toiture et les façades de l'hôtel devront être achevés au second semestre 2015.

En conséquence de ce qui précède, le vendeur s'engage expressément, dans l'hypothèse où un ou plusieurs investisseurs pour la totalité des volumes deux et trois susvisés n'auraient pas été trouvés avant le 31 décembre 2013, à prendre en charge les travaux de réfection de la toiture, des façades et de la cour intérieure, prévus dans la DUP en ce qu'ils concernent lesdits volumes afin qu'ils soient réalisés au plus tard le 31 décembre 2015. (Mis en gras par la cour)

En cas de vente totale ou partielle desdits volumes à un ou plusieurs investisseurs avant le 31 décembre 2015, le présent engagement devra être repris par ces derniers, le vendeur conservant son engagement à hauteur des lots non encore vendus.'

Elle s'était par ailleurs engagée, dans le cadre des compromis de vente des lots, à ce que l'ensemble des travaux soit achevé au plus tard le 8 février 2017 et, en toute hypothèse, à ce que l'ensemble des travaux sur les parties communes générales pour les lots de l'hôtel, notamment la toiture, les façades et la cour intérieure, soit réalisé au plus tard le 31 décembre 2015.

Il n'est pas contesté que l'ensemble des lots de la partie 'hôtel' du projet n'avait pas trouvé acquéreur au 31 décembre 2013.

Or, la société Duca ne justifie pas avoir satisfait à son engagement, contenu dans les actes de ventes des lots individuels de la partie résidence, de prendre à sa charge la quote-part des lots non vendus dans le coût des travaux relatifs aux parties communes générales de la partie hôtel, notamment la toiture, les façades et la cour intérieure, dont il n'est pas contesté qu'ils n'étaient pas réalisés au 31 décembre 2015.

Par courrier recommandé du 3 novembre 2016, l'ASL résidence a rappelé à la société Duca son engagement donné lors d'une réunion du 26 octobre précédent, conformément à ses obligations contractuelles vis-à-vis des acquéreurs, de prendre en charge les dépenses nécessaires à la finition des travaux concernant le clos, le couvert et les VRD (sic) afin de compenser l'absence des recettes devant provenir de la vente des 22 lots de l'hôtel encore invendus.

Par courrier recommandé du 23 décembre 2016, elle l'a mise en demeure d'avoir à fournir sans délai ce financement évalué à la somme de 3 675 750 euros TTC par le contractant général, la société Aupera.

Dans un courrier adressé à l'ASL Résidence le 13 mars 2017, la société Duca indique qu'en sa qualité de propriétaire de 9 lots encore libres sur la partie hôtel de l'immeuble, elle s'engage à prendre à sa charge les travaux relatifs à ces lots pour un montant de 3 700 000 euros HT, et ce afin de livrer au plus vite le chantier, la date de livraison étant fixée au 15 juillet 2017. Elle précise ensuite les modalités de ce financement, indiquant que 1,2 million d'euros lui sont dus par la société Aupera, qu'elle a acquis pour plus de 130 000 euros de luminaires pour l'hôtel et les logements et que le solde de 2,37 millions d'euros sera versé directement par ses soins aux entreprises en se substituant à la société Aupera après réception des travaux, réserves levées.

Parallèlement, au vu des difficultés de trésorerie de l'ASL Hôtel, l'ASL Résidence [7] a obtenu de la société Aupera et de ses autres partenaires une livraison séparée de la partie résidence du programme, laquelle a été effective en octobre 2017, l'ASL Résidence ayant accepté, suivant avenant n°1 du 25 octobre 2017, de verser au contractant général un montant forfaitaire de 525 000 euros pour la prise en compte des surcoûts supportés par celui-ci en raison de l'allongement du chantier, étant précisé que le chantier devait contractuellement être réceptionné le 28 août 2016 hors jours d'intempéries et de congés annuels, ce qui impliquait une réception prévisible en fin d'année 2016.

Cependant, si l'ASL Résidence [7] soutient qu'elle a subi un préjudice financier du fait de ce surcoût, elle n'établit pas le lien de causalité exclusif entre le retard de chantier à l'origine de celui-ci et les difficultés de financement de la partie 'hôtel' du programme liées à l'absence de commercialisation de certains lots et au non-respect, par la société Duca, de ses engagements contractuels de prendre en charge la quote-part de ces lots dans le financement de la restauration des parties communes du projet 'hôtel', alors que les deux chantiers étaient financés par des apports financiers distincts effectués par des personnes morales différentes (les deux ASL alimentées par les appels de fonds de leurs adhérents respectifs) et que l'ASL Résidence a obtenu la réception de ses lots en septembre/octobre 2017 nonobstant le fait que le chantier de la partie 'hôtel' n'était pas encore terminé.

Il ressort par ailleurs du procès-verbal d'assemblée générale de l'ASL Hôtel [7] en date du 15 avril 2016 que l'architecte a expliqué le retard des travaux non seulement par des problèmes de trésorerie, soulignant que le chantier de l'hôtel avait démarré 8 mois après celui des logements mais de façon séquencée afin de tenir compte de la trésorerie disponible, obligeant la maîtrise d'oeuvre à refaire ses plannings à plusieurs reprises et à étirer les travaux afin d'éviter l'arrêt du chantier, mais également par la désorganisation de la société Aupera en début de chantier et par la nécessité d'effectuer des travaux complémentaires en raison de la survenance de difficultés non prévisibles, telles que la présence fluctuante de nappes d'eau sous l'immeuble, la découverte de la présence d'amiante, la nécessité de consolider le campanile davantage que prévu initialement, la radioactivité du paratonnerre, ces travaux complémentaires ayant également justifié la refonte des plannings.

Enfin, il résulte du document établi par la société Aupera pour justifier des surcoûts de chantier réclamés à ses contractants que ceux-ci ne concernent que la période antérieure à octobre 2017, période de réception des différents lots de la partie résidence, et qu'elle a réparti leur charge entre l'ASL Hôtel et l'ASL Résidence en fonction de leurs superficies respectives, l'ASL Hôtel devant assumer plus du double des surcoûts imputés à l'ASL Résidence, ce dont il se déduit que l'ASL Résidence n'a payé que les surcoûts correspondant à sa quote-part.

Au vu de ces éléments, le lien de causalité entre la faute contractuelle alléguée de la société Duca à l'égard de ses acquéreurs et le préjudice financier subi par l'ASL Résidence du fait du surcoût généré par l'allongement du chantier n'étant pas démontré, il convient de débouter l'ASL Résidence de sa demande tendant à voir condamner la société Duca à prendre en charge ce surcoût, la décision entreprise étant infirmée en ce qu'elle avait partiellement fait droit à cette demande à hauteur de 175 000 euros.

Sur la responsabilité de l'ASL Hôtel [7]

Vu l'article 1382 devenu 1240 du code civil précité,

Comme il a été démontré précédemment, l'allongement de la durée du chantier est imputable à plusieurs causes incluant des difficultés de trésorerie de la partie 'hôtel' du projet, des problèmes d'organisation de la société Aupera en début de chantier et la nécessité d'effectuer des travaux complémentaires non prévus initialement.

Ces difficultés de trésorerie sont elles-mêmes liées essentiellement au retard dans la commercialisation des lots de la partie hôtel du projet, ce dont le premier juge a justement relevé que l'ASL Hôtel [7] ne pouvait être tenue pour responsable.

Or, quand bien même le procès-verbal d'assemblée générale de l'ASL Hôtel [7] du 15 avril 2016 fait état d'un retard de 1,5 million d'euros dans le recouvrement des appels de fonds de ses adhérents, tout en précisant qu'il s'agit de 'petits soldes', ce que le premier juge a estimé comme constitutif d'une faute de nature délictuelle de l'ASL Hôtel, il n'est pas démontré que les surcoûts supportés par l'ASL résidence résultent exclusivement du retard du chantier de la partie hôtel alors que ces deux chantiers ont finalement pu être dissociés et réceptionnés séparément et que l'ASL Hôtel s'est vu imputer par la société Aupera sa propre quote-part dans les surcoûts liés au retard de chantier.

Au vu de ces éléments, il convient d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de débouter l'ASL résidence [7] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de l'ASL Hôtel [7].

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de l'ASL résidence [7] ayant dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de ses droits par celle-ci n'étant pas suffisante pour caractériser l'existence d'un abus au sens des dispositions susvisées de sorte qu'il y a lieu de débouter l'ASL Hôtel [7] et la société Duca de leurs demandes de dommages et intérêts respectives pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Défaillante en appel, l'ASL résidence [7] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à l'ASL Hôtel [7] et à la société Duca la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera par ailleurs déboutée de sa propre demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Déboute l'ASL Résidence [7] de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, formées tant à l'encontre de la Sprl Duca qu'à l'encontre de l'ASL Hôtel [7],

Déboute la Sprl Duca et l'ASL Hôtel [7] de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne l'ASL Résidence [7] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté pour Maître Herbet de recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

La condamne à payer à l'ASL Hôtel [7] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne à payer à la Sprl Duca la somme de 3 000 euros sur le même fondement,

La déboute de sa propre demande sur le même fondement, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/04719
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.04719 ?
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