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07/03/2024 | FRANCE | N°20/04054

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 07 mars 2024, 20/04054


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 07/03/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/04054 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THJB



Jugement (N° 19-003235)

rendu le 08 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTS



Monsieur [W] [H]

né le 10 février 1977 à [Localité 3]

Mademoiselle [G] [D]

née le 10 août 1976 à [Localité 5]<

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[Adresse 1]

[Localité 3]



représentés par Me Arnaud Ducrocq, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉE



La SARL Nord Chauffage Services

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège soc...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 07/03/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04054 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THJB

Jugement (N° 19-003235)

rendu le 08 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [W] [H]

né le 10 février 1977 à [Localité 3]

Mademoiselle [G] [D]

née le 10 août 1976 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par Me Arnaud Ducrocq, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

La SARL Nord Chauffage Services

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Roch Parichet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 janvier 2024, tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 décembre 2023

****

M. [W] [H] et Mme [G] [D] ont fait entreprendre la construction de leur maison d'habitation, sise [Adresse 1] à [Localité 3], dans le courant de l'année 2017. Ils ont, pour cela, fait appel à Mme [Y] [K] et M. [S] [X], architectes, en qualité de maîtres d'oeuvre.

Ils ont confié les lots chauffage et sanitaire à la Sarl Nord Chauffage Services selon trois devis, à savoir :

- des travaux de chauffage comportant la mise en place d'une chaudière à condensation et d'un ensemble plancher chauffant selon devis n°116106 en date du du 16 septembre 2016, pour un montant de 9 736 euros TTC ;

- des travaux de pose de différents équipements sanitaires selon devis 106109 en date du 16 septembre 2016, pour un montant de 10 582,55 euros TTC ;

- des travaux de complément PCBT en épaisseur selon devis 119401 en date du 24 mai 2018 pour un montant de 566,04 euros TTC.

Les travaux relatifs à l'installation de chauffage ont été réglés par les maîtres d'ouvrage.

Cependant, un différend est intervenu entre ceux-ci et la société Nord Chauffages Services concernant le devis de la prestation sanitaire, aboutissant à l'interruption des travaux et à l'évincement de ladite société du chantier alors que la prestation avait été commencée.

La société Nord Chauffage Services ayant sollicité en vain auprès des maîtres d'ouvrage le paiement de la facture L22933 du 24 septembre 2018 de situation d'avancement de chantier qu'elle leur avait adressée, d'un montant de 7 978,57 euros, correspondant aux travaux sanitaires effectués, le tribunal judiciaire de Lille a, par ordonnance rendue le 21 juin 2019 à la requête de cette société, enjoint à M. [W] [H] de payer la somme de 7 683,80 euros au titre de cette facture.

Par déclaration au greffe du 20 août 2019, M. [H] a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance et, conjointement avec Mme [D], intervenante volontaire à l'instance, a sollicité le débouté de la société Nord Chauffage de sa demande et la condamnation à titre reconventionnel de cette dernière à leur verser, entre autres, la somme de 16'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous les préjudices matériels subis du fait de la société Nord Chauffage Services dans le cadre des différents lots qui lui avaient été confiés et celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement du 8 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- constaté l'intervention volontaire aux débats de Mme [G] [D] ;

- déclaré non avenue l'ordonnance d'injonction de payer du 21 juin 2019 ;

et, statuant à nouveau :

- déclaré bien fondée la société Nord Chauffage Services en ses demandes ;

- condamné M. [H] et Mme [D] à lui payer la somme de 7 683,80 euros ;

- déclaré irrecevables et mal fondés ces derniers en leurs demandes reconventionnelles ;

- les en a déboutés ;

- mis à leur charge les dépens et les frais de greffe de la procédure d'injonction de payer.

Par déclaration du 9 octobre 2020, M. [H] et Mme [D] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance d'incident du 16 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

- débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes tendant notamment à l'extension de la mission d'expertise judiciaire confiée à M. [R] [V] suivant ordonnance de référé du 12 janvier 2021 et au sursis à statuer jusqu'au retour du rapport de celui-ci,

- débouté la société Nord Chauffage Services de sa demande de consignation et condamné M.'[H] et Mme [D] aux entiers dépens de l'incident.

Par ordonnance du 14 février 2023, le conseiller de la mise en état a :

- ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport définitif de l'expertise ordonnée le 12 janvier 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, dont le champ a été étendu par ordonnance du 2 mai 2022 du juge chargé du contrôle des expertises;

- dit que l'affaire serait réinscrite au rang des affaires en cours à la demande de la partie la plus diligente sur justification de la décision intervenue devant le tribunal judiciaire de Lille ;

- dit que le sort des dépens suivrait celui de l'appel principal.

Le rapport d'expertise de M. [V] a été remis le 28 février 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 15 décembre 2023, M. [H] et Mme [D] demandent à la cour, au visa de l'article L. 111-1 du code de la consommation, des articles 9, 40 et 565 du code de procédure civile, des articles 1104, 1112-1, 1217, 1231, 1231-1 du code civil, des articles 1352, 1352-1, 1353 et 1363 du même code, et des articles 1224 et suivants dudit code, de :

- à titre principal, infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes ;

- subsidiairement, prononcer la résolution du contrat lié à la prestation sanitaire et leur donner acte de ce qu'ils mettent à disposition de la société intimée son matériel, à charge pour elle de venir le récupérer ;

- en tout état de cause, débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes et la condamner au paiement des sommes suivantes :

' 28 015,17 euros TTC à titre de dommages et intérêts, tous chefs de préjudices matériels confondus, en réparation des préjudices qu'ils ont subis ;

' 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- la condamner aux dépens, tant de première instance que d'appel, en ce compris les frais d'expertise et à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. .

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 13 décembre 2023, la société Nord Chauffage Services demande à la cour, au visa des articles 570 et 564 du code de procédure civile et des articles 1787 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles des appelants au visa de l'article 750-1 du code de procédure civile ;

Y ajoutant :

- prononcer l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles au visa de l'article 70 du code de procédure civile ;

- prononcer l'irrecevabilité des demandes tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 26 928,11 euros, ainsi qu'à la résolution du contrat lié à la prestation sanitaire, pour être nouvelles en cause d'appel, par application de l'article 564 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné les appelants à lui verser la somme de 7 638,80 euros à l'exception de l'avoir L29657 de 427,82 euros qui pourra être déduit dudit montant ;

- déclaré irrecevables et mal fondés les appelants en leurs demandes reconventionnelles, et les en a déboutés ;

- condamné les appelants à prendre en charge les dépens de l'instance et les frais de greffe de la procédure d'injonction de payer ;

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, à l'exception du coût des travaux de reprise de la chute d'eau pluviale à hauteur de 435 euros, tel que retenu par l'expert, qui pourra venir en compensation avec le solde des travaux ;

- reconventionnellement, condamner solidairement les appelants, outre aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-encore plus subsidiairement sur les dépens, en cas de condamnation, limiter la quote-part prise en charge par ses soins à hauteur de 5%.

Pour le détail de l'argumentation des parties, il sera référé à leurs dernières écritures susvisées par application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 18 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient d'observer que la décision entreprise n'est pas contestée en ce qu'elle a constaté l'intervention volontaire aux débats de Mme [G] [D] et déclaré non avenue l'ordonnance d'injonction de payer du 21 juin 2019, de sorte que ces dispositions sont désormais définitives.

Par ailleurs, si la société Nord Chauffage Services a interjeté appel de la disposition au terme de laquelle le tribunal a déclaré recevoir M. [H] et Mme [D] en leur opposition, elle ne formule plus dans ses dernières écritures de demande d'infirmation de cette disposition. Elle est donc réputée l'avoir abandonnée par application de l'article 954 du code de procédure civile, et cette disposition sera donc nécessairement confirmée.

Sur les fins de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles

* Sur le fondement de l'article 750-1 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 750-1 du code de procédure civile, en application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

En l'espèce, l'article 750-1 précité n'est pas applicable aux demandes reconventionnelles formulées par M. [H] et Mme [D], dont le montant global s'élevait en première instance à 16 000 euros de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de leurs préjudices matériels, outre la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

* Sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, les demandes reconventionnelles formulées par M. [H] et Mme [D] portent sur la réparation de l'ensemble des préjudices matériels qu'ils disent avoir subis en raison de l'exécution défaillante des obligations contractuelles de la société Nord Chauffage Services dans le cadre de l'exécution, non seulement du devis relatif au lot sanitaire, mais également du devis relatif au lot chauffage.

Ces contrats ont été conclus et exécutés dans un même trait de temps, entre les même parties, sur un même chantier, de sorte qu'ils sont rattachés par un lieu suffisant et qu'il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Nord Chauffage Services concernant les demandes reconventionnelles formulées par M. [H] et Mme [D] en première instance.

* Sur la recevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, les nouvelles demandes reconventionnelles de dommages et intérêts et la demande subsidiaire de résolution du contrat portant sur le lot sanitaire formulées pour la première fois en en cause d'appel par M. [H] et Mme [D] sont recevables dès lors qu'elles tendent soit à faire écarter les prétentions adverses, soit à opposer compensation.

Il convient de débouter la société Nord Chauffage Services de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel de M. [H] et Mme [D].

Sur la demande principale en paiement de facture (lot sanitaire)

* Sur l'existence d'un engagement contractuel

Aux termes de l'article 1101 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

L'article 1102 du même code ajoute que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ; que la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public.

Les articles 1103 et 1104 dudit code disposent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public.

En vertu de l'article 1113, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

L'article 1128 du même code précise que le consentement des parties est nécessaire à la validité du contrat.

Enfin, il résulte des articles 1178 et suivants du code civil qu'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul ; que la nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord ; que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé ; que celle-ci peut être couverte par la confirmation, qui est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ; que cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat ; que la confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat ; que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ; que la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

En l'espèce, si M. [H] et Mme [D] soutiennent, pour s'opposer au paiement de la facture émise par la société Nord Chauffage Services au titre du lot sanitaire, qu'ils n'auraient jamais ratifié le devis à l'origine de la facture, ils ne tirent pas les conséquences juridiques de cette affirmation et ne sollicitent pas la nullité du contrat, se contentant de conclure au débouté de la société de ses demandes et, à titre subsidiaire, à la résolution du contrat, laquelle sanctionne par définition des manquements aux prestations contractuelles convenues entre les parties.

La société Nord Chauffage Services se prévaut, pour le lot sanitaire, d'un devis n°116109 du 16 septembre 2019 établi à leur intention par ses soins, pour un montant total de 10 582,55 euros TTC, portant sur la fourniture et la pose de deux ensembles sanitaires bâti-support WC lave-mains, de deux receveurs de douche, d'une baignoire, de deux meubles lavabo, de l'alimentation et de l'évacuation de ces équipements et d'une descente d'eau pluviale.

Si ce devis n'est en effet pas signé des maîtres d'ouvrage, la société Nord Chauffage Service produit des courriels échangés avec la maîtrise d'oeuvre dans lesquels, en réponse à sa demande du 28 décembre 2017 tendant au paiement de sa facture d'acompte de 30% pour ce devis, celle-ci lui demande diverses modifications du devis (ajout d'un adoucisseur, d'une robinetterie de salle de bain et de modifier les dimensions de la douche).

Par ailleurs, il n'est pas contestable que les travaux ont été réalisés sans que ni la maîtrise d'oeuvre ni les maîtres d'ouvrage ne s'y opposent, ce qui est confirmé par les comptes rendus de chantier versés aux débats par ces derniers, dans lesquels est présenté à chaque fois l'état détaillé de l'avancement des travaux, notamment sur le lot sanitaire.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a relevé que les maîtres d'ouvrage avaient suivi le déroulement des travaux contestés et même demandé la modification d'une facture les concernant en raison d'une erreur du prestataire, le montant de 7 978,57 euros de la facture L22933 de travaux sanitaires éditée le 24 septembre 2018 ayant été ramené à 7 683,80 euros le 11 octobre 2018 à la suite de leurs observations, et enfin que le maître d'oeuvre avait validé les travaux dans un courriel du 11 octobre 2018 en demandant toutefois la rectification de la facture au regard de l'avancement indiqué, qu'elle n'estimait pas correct.

L'ensemble de ces éléments suffisent à démontrer l'existence et l'objet de la relation contractuelle entre les parties, étant précisé toutefois que les échanges de courriels entre la maîtrise d'oeuvre et la société Nord Chauffage Services en début d'année 2019 montrent l'existence d'une crispation entre les parties au sujet du devis que la maîtrise d'oeuvre souhaitait voir rectifier, à la demande de ses clients, en retirant certaines prestations qui n'étaient plus à effectuer.

* Sur la réalisation des prestations

Les parties s'opposent sur la réalisation de la prestation, dont M. [H] et Mme [D] prétendent qu'elle n'est pas complète et ne correspond pas à leurs attentes, et dont la société Nord Chauffage Services explique qu'elle a été interrompue avant son terme en raison du désaccord survenu entre les parties, elle-même ayant fait valoir son exception d'inexécution et les maîtres d'ouvrage dénoncé le contrat par lettre recommandée du 22 mars 2019.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L'article 1223 dudit code prévoit qu'en cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix ; que l'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit ; que si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix.

L'article 1224 du même code dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1226 dudit code précise que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; que sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

En vertu de l'article 1227, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

En l'espèce, la facture L22933 du 24 septembre 2018, dont la société Nord Chauffage Services réclame le paiement, a été établie en référence au devis n°106109 en date du 16 septembre 2016 précité, mais ne porte que sur la somme de 7 978,57 euros, rectifiée à la somme de 7 683,80 euros à la demande des maîtres d'ouvrage, correspondant à la pose de deux ensembles sanitaires bâti-support WC/lave mains, des deux receveurs de douche, de la baignoire, des meubles lavabo, et de la descente d'eau pluviale, dont la réalisation est indiquée à 100%. Elle mentionne également l'installation d'un adoucisseur dont la réalisation n'a pas été effectuée et dont le coût n'est pas porté sur le total de la facture.

Le procès-verbal de constat effectué le 10 octobre 2018 par Me [U], huissier de justice, mentionne ceci : 'concernant le lot plomberie au rez-de-chaussée, me transportant au niveau du WC, je constate que s'est produite une erreur d'implantation concernant l'arrivée d'eau chaude/eau froide destinée au lave-main. Les toilettes complètes sont manquantes, seul est visible le bâti de fixation. (...) Concernant le bac de douche rez-de-chaussée, le bas est visible mais non monté. Je remarque qu'il manque la totalité des robinetteries. Ces dernières ne sont pas visibles et non présentes sur le chantier. A l'étage, concernant le bac de douche, celui-ci a été préparé mais non carrelé. Il manque l'ensemble des robinetteries, de même il manque les toilettes complètes, sauf bâti de fixation. Manque les vasques en totalité, manque la baignoire en totalité. Ayant parcouru l'ensemble des pièces, je remarque qu'aucun matériel sanitaire quelconque n'est visible sur le chantier, à l'exception d'un bac de douche collecteur non monté.'

Il résulte de l'expertise judiciaire réalisé par M. [V] que l'expert, missionné notamment pour faire le point sur les comptes entre les parties, a rectifié la facture litigieuse en ce sens qu'il convient de :

- retrancher le poste bâti-support WC (p. 1) pour un montant de 694 euros HT, de sorte que le sous-total bâti-support s'établit désormais à 171,87 euros HT au lieu de 1731,74 euros HT ;

- retrancher le poste installation receveur de douche compris paroi et robinet (p.1), pour un montant de 318,88 euros HT, de sorte que le sous-total receveur de douche du bas s'établit désormais à 328,78 euros HT au lieu de 647,66 euros HT ;

- diminuer le poste relatif aux descentes d'eau pluviales qui sont au nombre de deux au lieu de quatre indiqués sur la facture, pour un montant réduit de 713,04 euros HT à 356,52 euros HT, ce qui a d'ailleurs fait l'objet d'un avoir L29657 du 7 mai 2021de la part de la société Nord Chauffage Services, et retrancher le poste relatif à l'isolation de la chute d'eau pluviale, non réalisée, d'un montant de 580 euros HT, de sorte que le sous-total descente d'eau pluviale s'établit désormais à 356,52 euros HT au lieu de 1 293,04 euros HT.

Au vu de l'ensemble de ses rectifications, justifiées par les non-façons relevées par l'expert, le montant total de la facture s'établit désormais à 3 587,90 euros HT, soit 4 305,48 euros TTC au lieu de 7 683,80 euros TTC.

M. [H] et Mme [D] seront en conséquence condamnés à payer à la société Nord Chauffage Services la somme de 4 305,48 euros correspondant aux prestations du lot sanitaire effectivement réalisées par celle-ci.

Par ailleurs, compte tenu des prestations effectivement réalisées, mais également de la volonté commune des parties de cesser leurs relations contractuelles, matérialisée par l'arrêt du chantier par la société Nord Chauffage Services et le courrier de dénonciation du contrat envoyé par les maîtres de l'ouvrage, il convient de prononcer la résiliation du contrat, et non sa résolution, ce qui implique qu'il n'y a pas lieu à restitution réciproque des prestations des parties, par application de l'article 1129 du code civil.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts

Vu l'article 1217 du code civil, précité;

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

M. [H] et Mme [D] sollicitent à titre reconventionnel la condamnation de la société Nord Chauffage Services à leur payer la somme globale de 28 015,17 euros TTC en réparation de leurs préjudices matériels résultant de l'intervention de cette société au titre des différents marchés qui lui avaient été confiés, correspondant à la reprise des travaux de chaufferie et de plomberie inachevés, la pose d'une nouvelle chaudière, à des travaux de reprise de la dalle en béton endommagée par la société Nord Chauffage Services, des travaux de reprise de la douche de l'étage qui n'était pas aux bonnes dimensions, et des travaux de reprise d'une descente d'eaux pluviales.

* Sur le coût de la reprise des travaux de chaufferie et de plomberie inachevés

Il résulte de la facture émise par la société [P] le 15 avril 2019, d'un montant total de 17'533,20 euros, que celle-ci comporte des travaux de plomberie et sanitaire correspondant aux travaux laissés inachevés par la société Nord Chauffage Services.

Cette facture apparaît partiellement justifiée, sauf en ce qui concerne le coût de l'adoucisseur d'eau (1600 euros HT, soit 2 210 euros TTC), qui n'avait pas été facturé aux appelants.

La société Nord Chauffage Services sera en conséquence condamnée à leur payer la somme de 5846,8 euros (8 056,80 euros - 2 210 euros) au titre des travaux d'achèvement de son chantier.

* Sur la pose d'une nouvelle chaudière

La facture du lot chauffage a été intégralement réglée par M. [H] et Mme [D] qui se plaignent cependant de ce que la chaudière prévue et posée par la Sarl Nord Chauffage Services est inadaptée à leur logement, ainsi que le confirme l'expert en page 56 de son rapport, celui-ci indiquant que ladite chaudière est 'incompatible avec les données stipulées dans la fiche technique du fabricant et inadaptée à la maison 02".

M. [P], plombier chauffagiste intervenu sur le chantier à la suite de la société Nord Chauffage Services s'exprime à cet égard ainsi : 'lorsque j'ai commencé mon intervention, il y avait une chaudière Dietritch modèle Nanéo. J'ai alerté Mme [H] et M. [A] sur le fait que cette chaudière non équipée de ballon d'eau chaude, ne serait pas en mesure de produire à la fois le chauffage et l'eau chaude sanitaire pour la superficie de la maison. Cette chaudière était simplement fixée au mur, elle n'était ni raccordée au plancher chauffant, ni raccordée pour évacuation en toiture.'

Le procès-verbal de constat réalisé le 5 mars 2019, par Me [U], huissier de justice, confirme au sujet de cette chaudière que 'les alimentations en eau ne sont pas raccordées, la tubulure d'évacuation du gaz n'est pas raccordée (...), le fourreau gaz qui doit être étanche ne l'est pas'.

En outre, le 'rapport de contrôle d'une installation intérieure gaz' établi le 5 septembre 2018 par un contrôleur Qualigaz indique : 'revêtement protecteur PLT en partie absent ou endommagé (risque de corrosion)'; 'l'installation présente un défaut d'étanchéité en aval du robinet de commande d'un appareil'; 'installation non alimentée en gaz le jour du contrôle : mise en service non faite. Les essais de fonctionnement n'ont pas été réalisés' ; 'faire vérifier la position u terminal de l'appareil étanche par le fabricant ou son représentant' ; 'Conclusion : anomalie constatée ; les travaux devront être réalisés au plus tôt et l'attestation retournée au plus tard le 4 décembre 2018 ; Fermeture de gaz totale de l'installation, index du compteur ou jauge de réservoir en %, et pose d'une étiquette de condamnation'.

Il s'ensuit qu'en plus d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil quant à l'adaptation du matériel qu'elle s'apprêtait à poser au domicile de ses clients, la société Nord Chauffage Services a également manqué à son obligation de bon achèvement des travaux, et ce alors que la facture de ses travaux de chauffage lui avait été réglée dans son intégralité.

La responsabilité de la société Nord Chauffage Services doit être engagée à ce titre et elle doit être condamnée à payer à M. [H] et Mme [D] la somme de 5 477,41 euros TTC au titre du remplacement de la chaudière par une chaudière adaptée au domicile.

* Sur les travaux de reprise de la dalle en béton endommagée

Il résulte du constat d'huissier du 10 octobre 2018 que la société Nord Chauffage Services a occasionné les dommages suivants à la dalle en béton de la maison de M. [H] et Mme [D] : 'la dalle a été cassée pour effectuer un passage de tuyauterie au bon endroit' ; 'je constate que la dalle a été cassée en raison d'une mauvaise implantation d'origine concernant les amenées de gaz et eau froide.'

La dalle a ainsi été volontairement cassée par la société Nord Chauffage Services à la suite d'erreurs d'implantation des réseaux qui lui étaient imputables, à la fois dans le sas des toilettes et dans l'arrière-cuisine (buanderie).

Cette société a tenté de reprendre ce désordre, mais M. [H] et Mme [D] lui reprochent de ne pas avoir effectué cette reprise dans les règles de l'art.

Il résulte en effet du rapport d'expertise (p. 43) que cette reprise a été effectuée au moyen d'un bouchement au mortier avec une finition différente de la dalle principale (lissée quartz). L'expert conclut que la 'réservation y compris le sas d'environ 1,20m² est à reprendre en surface avec une finition similaire à la dalle principale (lisse quartz)'.

La responsabilité de la société Nord Chauffage Services doit être engagée pour ce désordre. Néanmoins, le devis de reprise de la dalle versé par M. [H] et Mme [D] porte sur la pose d'un béton ciré sur 63 m², dans le hall, la cuisine, le séjour, les WC et la buanderie, pour un montant total de 12 895,96 euros TTC, ce qui est sans commune mesure avec l'étendue limitée du désordre avéré, qualifié de mineur par l'expert.

En l'absence d'un devis adapté, les appelants seront déboutés de leur demande de ce chef.

* Sur les travaux de reprise de la douche de l'étage

Il résulte du rapport d'expertise (p. 28) que le dimensionnement de la douche de l'étage n'a pas été respecté en raison d'une modification apportée lors des travaux avec la suppression d'un espace non défini pour l'affecter à la gaine technique.

L'expert a évalué la reprise de ce désordre à la somme de 1 150 euros TTC (p. 64), au paiement de laquelle il y a lieu de condamner la société Nord Chauffage Services.

* Sur les travaux de reprise d'une descente d'eaux pluviales.

Il résulte enfin du rapport d'expertise (p.49) qu'une descente d'eaux pluviales doit être reprise dans son intégralité, étant à l'origine d'un phénomène de fuite et de ruissellement ayant entraîné des moisissures et de la condensation dans l'angle supérieur de l'une des chambres. Ce désordre est qualifié de 'majeur' par l'expert qui a évalué le coût de sa reprise à 435 euros TTC (p.64).

La société Nord Chauffage Services ne conteste pas ce désordre.

Au vu de ces éléments, elle sera condamnée à payer à M. [H] et Mme [D] le coût de ces travaux.

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La société Nord Chauffage Services sera ainsi condamnée à payer aux appelants la somme totale de 12 909,21 euros (5 846,8 +5 477,41 + 1 150 + 435) au titre des travaux de reprise des désordres dont elle est à l'origine.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte des artilces 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de la société Nord Chauffage Services ayant dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de ses droits par celle-ci n'étant pas suffisante à caractériser l'existence d'un abus au sens des dispositions susvisées de sorte qu'il y a lieu de débouter les appelants de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Compte tenu de l'issue du litige, la société Nord Chauffage Services sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris 20% des frais d'expertise, qui concernaient par ailleurs d'autres entreprises, ainsi qu'à payer à M. [H] et Mme [D] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré bien fondée la société Nord Chauffage Services en ses demandes ;

- condamné M. [H] et Mme [D] à lui payer la somme de 7 683,80 euros ;

- déclaré irrecevables et mal fondés ces derniers en leurs demandes reconventionnelles ;

- les en a déboutés ;

- mis à leur charge les dépens et les frais de greffe de la procédure d'injonction de payer.

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Déboute la Sarl Nord Chauffage Services de ses fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles de M. [W] [H] et Mme [G] [D] ;

Déboute M. [W] [H] et Mme [G] [D] de leur demande de résolution du contrat de prestations sanitaires conclu avec la Sarl Nord Chauffage Services mais prononce la résiliation de ce contrat ;

Condamne M. [W] [H] et Mme [G] [D] à payer à la Sarl Nord Chauffage Services la somme de 4 305,48 euros TTC au titre de la facture L22933 du 24 septembre 2018';

Condamne la Sarl Nord Chauffage Services à payer à M. [W] [H] et Mme [G] [D] la somme de 12 909,21 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres ;

Déboute M. [W] [H] et Mme [G] [D] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Nord Chauffage Services aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris 20% des frais d'expertise judiciaire ;

La condamne à payer à M. [W] [H] et Mme [G] [D] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles';

La déboute de sa demande formée sur le même fondement.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04054
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;20.04054 ?
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