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07/07/2023 | FRANCE | N°21/01979

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 07 juillet 2023, 21/01979


ARRÊT DU

07 Juillet 2023







N° 875/23



N° RG 21/01979 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6XX



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

21 Octobre 2021

(RG 19/00319 -section 4 )











































GROSSE :



aux avocats



le 07 Juillet 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. BUT INTERNATIONAL

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Stéphane FREGARD, avocat au barreau de...

ARRÊT DU

07 Juillet 2023

N° 875/23

N° RG 21/01979 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6XX

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

21 Octobre 2021

(RG 19/00319 -section 4 )

GROSSE :

aux avocats

le 07 Juillet 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. BUT INTERNATIONAL

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Stéphane FREGARD, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

M. [U] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Paul HENRY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Mai 2023

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 mai 2023

EXPOSE DES FAITS

 

[U] [O] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2017 en qualité de directeur du magasin, groupe 6 niveau 1 statut de cadre dirigeant, de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement, par la société BUT INTERNATIONAL.

Alors qu'il était affecté à l'établissement de [Localité 5], il a été muté sur le site d'[Localité 4] à compter du 1er juillet 2018. Il a été convoqué par courrier remis en main propre le 30 juillet 2019 à un entretien le 19 août 2019 en vue d'un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 août 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

« Je rappelle que vous avez fait l'objet d'un engagement par la société BUT INTERNATIONAL en date du 4 septembre 2017. Depuis le 1er aout 2018} vous occupiez le poste de Directeur du Magasin d'[Localité 4]. En telle qualité et en tant que cadre dirigeant vous n'ignoriez pas que constitue un des éléments fondamentaux de vos obligations professionnelles la circonstance que vous vous devez, dans le cadre de vos fonctions de responsable d'un site d'exploitation et d'équipes, d'adopter en toute circonstance une attitude exemplaire, tant au niveau du respect des procédures et règles en vigueur dans l'Entreprise que du savoir-être. Vous aviez gravement violé vos obligations professionnelles.

En effet, par courriel interne de la coordinatrice administrative du 29 juillet dernier j'ai été alerté d'agissements de votre part qui ne sont pas admissibles pour un Directeur de Magasin à l'enseigne BUT. Les investigations qui ont été conduites sur le magasin révèlent les faits suivants qui sont passibles d'un licenciement pour faute grave en raison des détournements de marchandises appartenant à l'Entreprise dont vous vous êtes rendu coupable et de la déloyauté dont vous faites preuve à l'égard de l'entreprise qui vous emploie :

Détournement d'un canapé « Malaga d'une valeur de 637,75 € HT »

Le magasin a reçu un canapé Malaga (entrée de cette marchandise le 26/09/2018) en vue de son implantation en surface de vente. Le canapé est arrivé taché et le fournisseur l'a donc échangé avec un produit identique. Dans ce cas de figure, la procédure magasin implique que le produit comportant une malfaçon soit détruit ou retourné au fournisseur. Or, en violation de ces règles, il est avéré que vous avez récupéré le produit pour votre usage personnel, au demeurant en utilisant un véhicule BUT pour l'emmener chez vous tout en vous faisant aider par le personnel du dép6t pour le chargement du canapé dans le véhicule. Alors que le Chef des Ventes s'interrogeait sur l'absence de ce produit en vue de sa restitution au fournisseur, vous lui avez simplement répondu que vous l'aviez pris (sic). Lors de l'entretien préalable vous avez prétendu qu'en ma qualité de Directeur Régional, je vous avais donné l'autorisation orale de prendre ce canapé ce que je conteste avec la plus grande fermeté. D'ailleurs, par la nature même de mes fonctions, il est évident que votre tentative de défense est totalement incongrue et que si vous m'aviez posé la question, il est évident que vous n'auriez certainement pas obtenu quel qu'accord que ce soit sur un tel procédé.

Détournement d'un réfrigérateur SAMSUNG deux portes d'une valeur de 416,81 €HT (Réf RT46K 600059)

Le magasin a réceptionné ce réfrigérateur qui présentait un défaut dans sa partie basse. le fait est que vous avez man'uvré pour obtenir un avoir frauduleux sur le produit en procédant de la sorte:

Vous avez usé de votre position hiérarchique pour exiger, de la part de Monsieur [Z] [Y], Hôte SAV, de procéder, début Juillet 2019, à une fausse déclaration de «casse occulte» auprès de la PFL en lui fournissant la photo d'un produit quasi - similaire pour le tromper. Ce stratagème visait à obtenir un avoir sur la valeur du réfrigérateur. De fait, la plaque signalétique a été envoyée à la PFL qui, croyant la procédure régulière sur ce matériel a donc émis un avoir à votre bénéficie d'un montant de 416,81 € HT. Vous avez ensuite détourné le réfrigérateur en l'emportant à votre domicile avec l'aide de l'hôte SAV, Monsieur [Z] [Y] C'est donc par suite de man'uvres frauduleuses et en utilisant l'autorité que vous confère votre fonction de Directeur de Magasin que vous avez détourné le réfrigérateur au préjudice de BUT. D'ailleurs, le 2 Août dernier, alors que la procédure en vue d'un éventuel licenciement était engagée à votre encontre, vous avez rapporté le produit au dépôt et envoyé un courrier à mon attention (avec la Direction des Ressources Humaines en copie), prétendant que «je vous avais demandé de restituer le produit» et que je ne me souvenais plus de «l'autorisation» que vous prétendez vous avoir été donnée. Outre que ce procédé de votre part est bien l'aveu de ce détournement, je m'inscris totalement en faux contre vos mensonges visant uniquement à tenter de vous dédouaner en prétendant que je vous aurai donné une autorisation pour ce procédé. Je note que vous n'hésitez pas à mentir.

Violation des procédures de restitution d'un matelas SIGMAN 140 x 190 :

Il est avéré que vous avez acheté un matelas Sìgma 140X190 au magasin BUT de [Localité 5]. Vous avez, par la suite, signalé ce produit comme défectueux (vous avez déclaré un affaissement sur un côté du produit). Vous avez remis ce matelas au dépôt d'[Localité 4] puis vous en avez repris un autre dans les stocks en violant volontairement la procédure prévue dans ce cas de figure (reprise du produit défectueux, mise en disponibilité, nouvelle vente et paiement de la différence). Non seulement vous avez violé nos procédures internes et de surcroît votre attitude n'a pas manqué d'engendrer un litige avec un client (Monsieur [L]) car le produit que vous pris dans le stock lui était réservé. Vous avez privilégié votre propre intérêt au détriment de la clientèle de BUT alors que vous savez que la réussite de BUT repose sur le «100% client ». Une telle attitude de la part d'un Directeur de site est proprement inadmissible. Vous avez, en outre, tenté de dissimuler vos agissements en validant vous-même l'absence du matelas dans l'inventaire alors que vous emportiez vous-même le produit en étant donc à l'origine de l'écart d'inventaire. Enfin et circonstance aggravante : le matelas que vous avez emporté était plus cher que celui que vous avez restitué et, évidemment, vous n'avez pas payé la différence de prix ce qui constitue une nouvelle manifestation de manque total de probité dans votre comportement au détriment l'enseigne BUT.

Détournement de deux ventilateurs

Il est avéré que le 25 Juillet dernier, vous avez pris 2 ventilateurs sur la surface de vente sous les yeux de 2 témoins. A l'hôtesse de caisse qui vous a alors interrogé sur le paiement des produits, vous lui avez indiqué « je les paierais plus tard » (sic). Or, le 30 Juillet au matin, vous n'aviez toujours pas payé les produits. Entre temps, convoqué à l'entretien préalable pour vos multiples détournements de produits et en pure opportunité, vous avez effectué le règlement après l'entretien au cours duquel je vous ai signifié votre mise à pied conservatoire et votre convocation à entretien préalable. Evidemment cette façon de procéder n'excuse en rien votre comportement mais constitue tout au contraire votre propre aveu du détournement puisque c'est l'engagement de la procédure de licenciement qui vous conduira à vous exécuter sur ce paiement.

Violation de la procédure de déclaration de TVA sur un achat personnel

Il est également avéré que le 8 Juillet dernier, vous avez acheté un lave-linge (référence CS1402D31) au prix d'achat de 105 € HT (produit déclassé sur la PFL). Au mépris des règles en vigueur sur le logiciel achat du personnel que vous n'avez pas utilisé, vous avez fait un bon à 105 € sans ajouter la TVA. Là encore, vous avez violé la procédure en vigueur et, en outre, placé délibérément BUT dans une situation irrégulière vis-à-vis de l'URSSAF.

Alors que vos actions frauduleuses ont été clairement mises à jour, vous avez tenté de minimiser les faits en recourant à nouveau à des man'uvres qui ne trompent personne. Le 2 Août dernier, alors que la procédure en vue d'un éventuel licenciement avait été engagée à votre encontre, vous avez rapporté le réfrigérateur et une lampe au dépôt et il apparaît que c'est votre fille, intérimaire au magasin d'[Localité 4] en tant que vendeuse PDC qui aurait apposé le tampon de réception, étant précisé qu'un intérimaire n'étant pas salarié, qui plus est exerçant des fonctions de vente, n'est pas habilité à réceptionner de la marchandise au dépôt. Vous avez également envoyé un courrier à mon attention avec la Direction de Ressources Humaines en copie, indiquant que je vous avais demandé «de restituer le produit » et que je ne me souvenais «plus de l'autorisation». Je m'inscris en faux contre ces affirmations mensongères et diffamatoires qui révèlent un piètre système de défense qui ne peut duper personne et surtout pas certains membres du personnel du magasin d'[Localité 4] au vu et au su desquels vous avez agi, persuadé de votre impunité.

L'ensemble de ces faits et circonstances constitue des agissements caractérisant des faits fautifs graves de votre part et ne permettant plus votre maintien dans l'Entreprise y compris pendant le préavis. En outre, votre comportement et vas mensonges manifestent également d'un comportement déloyal vis-à-vis de votre employeur qui ne permet plus votre maintien dans l'Entreprise compte tenu du niveau de vos responsabilités. Cette décision sera effective dès l'envoi de la présente et ne donnera lieu à versement d'aucune indemnité à l'exception de votre indemnité compensatrice de congés payés et met fin par là-même à la mise à pied conservatoire, dont vous faites l'objet depuis le 30 Juillet dernier et qui en conséquence ne vous ne sera pas rémunérée ».

Par requête reçue le 23 décembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras afin d'obtenir un rappel d'heures supplémentaires, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour travail dissimulé et exécution déloyale du contrat de travail.

 

Par jugement en date du 21 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société à lui verser :

- 67759, 54 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires

- 6775, 95 euros au titre des congés payés afférents

- 5802, 52 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire

- 580,25 euros au titre de congés payés y afférents

- 17407, 50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1740,70 euros au titre des congés payés y afférents

- 3263, 92 euros d'indemnité de licenciement

- 20308, 82 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

a débouté le salarié du surplus de sa demande et condamné la société à lui verser 2700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le 19 novembre 2021 la société BUT INTERNATIONAL a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 10 mai 2023, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 31 mai 2023.

 

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 11 février 2022, la société BUT INTERNATIONAL appelante sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'intimé à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que le 22 août 2019, elle a adressé à l'intimé une lettre recommandée de notification de son licenciement, que n'étant pas en mesure d'apporter la preuve de l'envoi effectif de ce courrier ni de sa distribution, une nouvelle notification a été adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 août 2019, que l'intimé n'a pas reçu son attestation pôle emploi datée du 22 août 2019 avant la seconde notification du licenciement, que les documents sociaux afférents à la première notification ont été postés le 27 août 2019 et renvoyés avec la seconde notification, que les faits reprochés ne sont pas prescrits, que le directeur régional n'a eu connaissance de la matérialité des détournements qu'à compter du 29 juillet 2019, qu'il a initié la procédure disciplinaire par une convocation à un entretien préalable avec une mise à pied à titre conservatoire remise en main propre à l'intimé le 30 juillet 2019, sur le détournement du canapé « Malaga » d'une valeur de 637, 75 euros, que ce meuble est entré en magasin en septembre 2018, qu'en raison d'un défaut, il est passé en situation de « casse », qu'au lieu de le retourner au fournisseur, l'intimé se l'est approprié, que le directeur régional n'aurait jamais autorisé ce type d'agissements, sur le détournement d'un réfrigérateur de marque Samsung, que l'intimé a retourné le produit quand il a été pris « la main dans le sac », qu'il n'était nullement autorisé à disposer d'un produit défectueux à son seul bénéfice, sur le détournement d'un matelas de marque Sigma, que la réalité des faits est établie par les documents comptables de la société, par la demande d'échange de matelas présentée par l'intimé, qu'il a pris un autre produit présentant la même référence au sein du dépôt d'[Localité 4] alors que celui-là était destiné à un client du magasin d'[Localité 4], que le matelas détourné était en outre d'une valeur plus élevée, sur le détournement de deux ventilateurs, qu'il s'est cru autorisé à prendre des articles dans le magasin sans les payer, sur la violation des procédures déclaratives de TVA, que le motif est caractérisé, que l'intimé a régularisé un contrat de travail lui attribuant la qualité de cadre dirigeant, qui est reconnue régulièrement aux directeurs de magasin, qu'aucun temps de travail en heures n'était mentionné sur les bulletins de salaire, qu'il était éligible au dispositif de retraite complémentaire dit « article 83 », qu'il bénéficiait de la première rémunération du magasin d'[Localité 4], qu'il avait l'entière responsabilité de son point de vente, qu'il recrutait, sanctionnait, voire licenciait, qu'il disposait d'une délégation de pouvoirs très large pour la gestion du magasin, que la structure de sa rémunération traduisait sa qualité de cadre dirigeant, qu'il était président du comité économique et social de l'établissement d'[Localité 4], que la société n'a jamais été animée d'une intention d'exécuter de façon déloyale le contrat de travail, qu'elle ne s'est livrée à aucun travail dissimulé,

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 11 mai 2022, [U] [O] sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, la condamnation complémentaire de la société appelante à lui verser :

- 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire

- 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 34833, 12 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé telle que prévue à l'article L8223-1 du code du travail

- 2700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

la confirmation pour le surplus, les sommes dues devant porter intérêts à compter du jour de la demande en application de l'article 1153-1 du code civil et avec capitalisation.

L'intimé soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse puisqu'il a réceptionné une attestation Pôle Emploi datée du 22 août 2019 mentionnant que la rupture du contrat de travail était motivée par un licenciement pour faute grave et n'a reçu la lettre de licenciement datée du 30 août 2019 que le 4 septembre 2019, que n'est versée aux débats aucune preuve d'envoi ni de distribution d'un premier courrier de licenciement qui lui aurait été adressé le 22 août 2019, que l'attestation Pôle Emploi a été incontestablement établie antérieurement à la rupture du contrat de travail, qu'il s'agit d'une irrégularité substantielle de la procédure de licenciement, que la lettre de licenciement ne comporte pas l'en-tête de la société BUT INTERNATIONAL, que son signataire, présenté comme directeur régional, n'est même pas relié à la société, qu'un unique fait est précisément daté dans la lettre de licenciement, qu'aucun fait antérieur au 30 mai 2019, date de la transmission de la convocation à l'entretien préalable, ne peut lui être reproché, que la société lui reproche un détournement d'un canapé, tout en précisant que les faits se sont déroulés le 26 septembre 2018, soit près d'une année avant le licenciement, sur le détournement d'un canapé de modèle Malaga, d'une valeur de 637, 75 euros hors taxes, que la société n'en apporte pas la preuve, qu'en outre ce grief est prescrit et l'appelante reconnaît que ce produit était défectueux car tâché et était destiné à être détruit, sur le détournement d'un réfrigérateur d'une valeur de 416,81 euros hors taxes, que [Z] [Y] est seul signataire du bon de destruction que l'intimé aurait pu remplir de lui-même et régulariser, que son nom n'apparaît pas dans l'historique des mouvements de l'article, sur la violation des procédures de restitution d'un matelas, que rien ne prouve qu'il aurait emporté un matelas d'une valeur supérieure au détriment du client [L], qu'en réalité il avait acheté deux matelas «Sigma», que l'un des deux s'étant avéré défectueux, un bon du service après-vente avait été émis le 22 mai 2019, qu'il a fait ensuite l'acquisition d'un matelas de remplacement, sur les deux ventilateurs et le non-respect de la procédure déclarative de TVA, qu'aucune pièce n'est versée aux débats pour justifier ces griefs, que l'inventaire général du magasin d'[Localité 4] placé sous sa direction a été clôturé à environ - 500 euros alors que celui de [Localité 6] clôturait à, environ, - 32 000 euros, que cette situation démontre qu'il n'existait pas de pratiques illicites relatives au stock et aux produits du magasin, que la lettre de licenciement ne fait mention que d'un événement, daté du 26 septembre 2018, que le détournement du réfrigérateur de marque Samsung aurait eu lieu au début juillet 2019, que l'écoulement d'un délai de près de trente jours avant la mise en 'uvre de la procédure de licenciement exclut que la société puisse invoquer l'existence d'une faute grave, qu'il a démissionné du poste qu'il occupait au sein de la société Conforama depuis dix ans, pour venir travailler chez l'appelante, qu'il ne lui a jamais été adressé le moindre reproche tout au long de sa carrière professionnelle, qu'il a subitement été licencié à l'âge de 58 ans, que les sommes qu'il réclame sont justifiées, que les conditions de la rupture de la relation de travail ont été particulièrement brusques et vexatoires, que le déroulement des événements révèle une volonté manifeste de son employeur de se séparer de lui de façon brutale, qu'il ne participait pas, en sa qualité de directeur du magasin d'[Localité 4], à la direction de l'entreprise BUT, qu'il ne percevait pas l'une des plus hautes rémunérations de l'entreprise, qu'il avait besoin de la confirmation de son directeur régional pour les embauches, que celui-ci devait donner son autorisation pour la mise en 'uvre des procédures de rupture conventionnelle, qu'il ne disposait donc pas des prérogatives d'un cadre dirigeant, que de ce fait, il aurait dû être soumis au régime de droit commun en termes de durée du travail, soit l'exécution de 35 heures de travail hebdomadaire, qu'il a systématiquement travaillé plus de 35 heures, que l'absence de contrôle du temps de travail par la société lui a nécessairement causé un préjudice puisque ce mode d'organisation a permis à l'appelante d'omettre intentionnellement de mentionner les heures exactes de travail, qu'elle s'est livrée à une exécution déloyale du contrat de travail et à du travail dissimulé.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L1232-6 du code du travail qu'il résulte des pièces versées aux débats que, si une lettre de licenciement a bien été rédigée le 22 août 2019, il n'apparaît nullement qu'elle ait jamais été envoyée à l'intimé ; que sur le bordereau produit, susceptible de constituer la preuve de la distribution du courrier, ne figure aucune mention relative à la présentation de celui-ci ni même au coût de l'envoi ; que donc seule doit être prise en compte la seconde lettre de licenciement produite, datée du 30 août 2019 et régulièrement adressée à l'intimé par lettre recommandée avec accusé de réception ; que ce dernier n'indique pas la date à laquelle il prétend avoir réceptionné l'attestation Pôle emploi portant la date du 22 août 2019 et ne démontre pas qu'il l'ait reçue antérieurement à la lettre de licenciement du 30 août 2019 remise le 4 septembre 2019 ; qu'en conséquence la rupture de la relation de travail est bien consécutive à l'envoi de cette dernière ;

Attendu que, si la lettre de licenciement ne comporte pas d'en-tête au nom de la société, elle a été néanmoins signée par [M] [E], en sa qualité de directeur régional, cette signature étant en outre complétée par le nom et la qualité de son auteur ; que l'intimé le connaissait nécessairement puisque ce dernier était également le signataire, en tant que représentant de la société, du contrat de travail conclu le 4 septembre 2017 ; que la lettre de licenciement n'est donc pas irrégulière ;

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont le détournement par le salarié d'un canapé, d'un réfrigérateur et de deux ventilateurs, la violation de la procédure de restitution d'un matelas et de celle relative à la déclaration de T.V.A. sur un achat personnel ; que ces motifs sont donc précis ;

Attendu sur le non-respect de la procédure de déclaration de la T.V.A. à l'occasion de l'achat d'un lave-linge, que la société ne produit aucune pièce ni ne développe pas le moindre argumentaire dans ses conclusions pour caractériser ce grief, se bornant à se référer à la lettre de licenciement ;

Attendu que pour caractériser le détournement du matelas, la société produit un bon de livraison de trois colis dénommés « New Malaga », reçus le 6 décembre 2018 au magasin BUT d'[Localité 4] et sur lequel figurent deux mentions manuscrites, dont seule celle intitulée « SAV » est lisible, un bon de justification de sortie sans date pour mise au rebut de trois produits dont un canapé « Malaga » en raison de leur qualité et un historique de l'article faisant apparaître qu'il aurait été mis à la casse le 11 octobre 2018 puis aurait fait l'objet d'une rétrocession le 23 octobre 2018 ; qu'il règne une telle incohérence dans les pièces produites, tant sur les dates de livraison et de mise au rebut du matelas que sur sa récupération par l'intimé qu'il est impossible de déduire de leur seule lecture que les faits allégués sont établis ; que par ailleurs l'appelante rapporte dans la lettre de licenciement que l'intimé se serait prévalu d'un accord verbal du directeur régional pour justifier la prise de possession de ce produit ; que le silence de l'intimé dans ses écritures sur la véracité d'une telle version ne saurait suppléer à l'absence de tout élément de preuve tant sur l'appropriation par ce dernier du matelas que sur l'irrégularité de celle-ci ;

Attendu, s'agissant de la violation de la procédure de restitution d'un matelas, que la société verse aux débats un bon de commande par l'intimé le 18 mai 2018, auprès du magasin de [Localité 5], de deux matelas de marque Sigma de dimension 90x190 et 140x190, d'un sommier et de pieds en cylindre pour un montant total de 1265 euros, réglés le lendemain, d'une demande d'échange, sous la forme d'un bon de commande du service après-vente, émis le 23 juillet 2019 par [Z] [Y] employé au dépôt d'[Localité 4], du matelas de 140x190 du fait d'un affaissement au côté ainsi qu'une liste des écarts de l'inventaire annuel au 17 juin 2019 faisant notamment apparaître un solde négatif de 313,98 euros afférent à un matelas de marque Subtil se trouvant au dépôt d'[Localité 4] ; que si des mystères demeurent sur l'incohérence des mentions figurant sur le bon établi par [Z] [Y], puisque le matelas en cause aurait été commandé le 22 mai 2019 alors que cette opération semble être survenue un an auparavant, il n'apparaît nullement qu'à la suite de l'échange, le matelas de marque Subtil aurait été attribué à l'intimé ni que ce matelas était destiné à un client ni enfin qu'il en serait résulté un litige avec ce dernier ;

Attendu toutefois, sur le détournement de deux ventilateurs, qu'il résulte du courriel en date du 29 juillet 2019 de [G] [S], coordinatrice administrative, que le 25 juillet 2019, avec un lampadaire, l'intimé avait emporté deux ventilateurs FT40A chacun d'une valeur de 29,90 euros, et qu'il ne les avait pas réglés ; que les affirmations du témoin sont en outre vraisemblables puisque dans son courrier du 3 août 2019, l'intimé a reconnu également s'être approprié le lampadaire au motif qu'il était défectueux ; que ce dernier se borne à prétendre dans ses écritures qu'aucune pièce n'était versée aux débats pour justifier ce grief alors qu'il est nommément accusé de vol par [G] [S] ; que ces faits ne sont pas prescrits puisque, selon le témoin, ils se sont produits le 25 juillet 2019 ; que ce grief est donc caractérisé ;

Attendu, sur le détournement du réfrigérateur de marque Samsung d'une valeur de 416,81 euros hors taxes, que par courrier en date du 3 août 2019, adressé à [M] [E], directeur régional, l'intimé a reconnu s'être approprié également ce produit et a communiqué par ailleurs le bon de restitution ; que pour justifier son comportement, il alléguait le fait que ces produits avaient été considérés comme défectueux par le service après-vente et qu'il avait pensé avoir reçu l'autorisation de [M] [E] d'en disposer, se prévalant d'un usage au sein de la société selon lequel les salariés qui se trouvaient en situation financière difficile, pouvaient disposer des marchandises défectueuses ; que toutefois, il apparaît que le directeur régional n'avait pas donné son accord à un tel détournement puisque, dans son courrier, l'intimé le présumait ; que la tolérance qu'invoque ce dernier n'est nullement démontrée ; que bien au contraire, il résulte du courriel précité de [G] [S] qu'une telle pratique n'était nullement autorisée, comme le rappelait un questionnaire auquel elle se référait ; que bien plus, il résulte de l'attestation rédigée le 31 juillet 2019 par [Z] [Y], employé au service après-vente du magasin d'[Localité 4], que celui-ci affirme avoir été invité par l'intimé à constituer un faux dossier en vue d'envoyer à la casse le réfrigérateur au motif qu'il présentait des dommages importants alors qu'il n'avait subi qu'un léger enfoncement sur la partie frontale ; qu'en outre il avait recouru à des photographies d'un autre produit défectueux pour justifier le dommage ; qu'à l'appui de telles affirmations, est communiquée la reproduction photographique du réfrigérateur endommagé ayant servi au dossier constitué par le témoin ; qu'il est manifeste qu'il s'agit d'un article différent puisqu'il ne comporte qu'une porte alors que le réfrigérateur en était muni de deux ; que sont versés également aux débats le bon établi et signé par [Z] [Y], hôte S.A.V, attestant la destruction d'un réfrigérateur de marque Samsung modèle RT 46K6000S9, la demande d'accord de retour de ce produit pour le motif suivant : «caisse HS non vendable» et l'historique du produit faisant apparaître notamment l'indisponibilité de son déstockage au 10 juillet 2019 ; que ce grief est fondé sur des faits non couverts par la prescription puisque [M] [E], supérieur hiérarchique direct de l'intimé, n'en a eu connaissance qu'à l'occasion de la réception le 29 juillet 2019 du courriel de [G] [S] ; qu'il est également caractérisé et pourrait à lui seul justifier le licenciement de l'intimé pour faute grave compte tenu des conditions dans lesquels les faits reprochés ont été commis et en particulier du subterfuge employé s'apparentant à une véritable tromperie commise avec la complicité d'un salarié sur lequel il avait autorité ;

Attendu cependant que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ;

Attendu en l'espèce que le directeur régional de la société a été informé des faits fautifs commis par l'intimé lors de la réception du courriel transmis le 29 juillet 2019 par [G] [S] ; que la mise en 'uvre de la procédure de licenciement de ce dernier a été engagée dès le 30 juillet 2019 lors de la remise en main propre de sa convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire ; que la gravité des faits reprochés justifiait la mise à pied conservatoire ;

Attendu que l'intimé n'apporte aucun élément de fait de nature à démontrer que son licenciement soit survenu dans des conditions brutales, humiliantes ou vexatoires ;

Attendu en application de l'article L3111-2 du code du travail, que sont considérés comme cadres dirigeants ceux auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ;

Attendu qu'il résulte du contrat de travail que l'intimé a été embauché avec le statut de cadre dirigeant ; qu'il percevait la rémunération la plus élevée de l'établissement ; qu'il jouissait d'une grande liberté dans la direction et la gestion de celui-ci qui constituait une entité économique autonome ; qu'il résulte de ses attributions définies en annexe au contrat de travail qu'il était chargé du pilotage de son magasin dans les secteurs du management, du commerce et de la gestion ; qu'il n'avait pour seul objectif que la réalisation du résultat opérationnel défini dans le budget prévisionnel ; que dans ce but, il bénéficiait d'une délégation du directeur régional en date du 1er juillet 2018 lui attribuant les pouvoirs nécessaires pour organiser la mise en place de la politique économique, publicitaire et informative du magasin ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu, sur la base d'un seul courriel adressé le 26 juillet 2019 directement à [M] [E] par une salariée, apparemment extérieure à la société selon son adresse mail, en vue de la validation d'un devis pour la location durant deux jours de quatre bornes à selfie, que l'intimé ne disposait pas d'autonomie dans la prise de décisions alors que par ailleurs le contexte entourant la commission des faits fautifs qui lui sont reprochés démontre l'exact contraire ; que selon l'article 1er du titre I de l'accord collectif relatif à la structuration de la représentation du personnel conclu le 7 juin 2018, l'établissement distinct que constituait le magasin se caractérisait par une autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; que ses attributions lui conféraient expressément le droit d'embaucher et de débaucher le personnel ; que le seul courriel, adressé personnellement le 4 juillet 2019 à [M] [E] par l'intimé dans lequel il lui demandait de valider une rupture conventionnelle ne suffit pas à démontrer qu'il ne disposait en réalité d'aucun pouvoir alors que par ailleurs est communiqué un contrat de travail qu'il a conclu le 1er août 2018 avec [W] [K], en sa qualité de directeur de magasin représentant de la société ; que s'il apparaît des deux autres courriels en date des 28 mai et 9 juillet 2019 que le directeur régional avait été amené à intervenir à l'occasion de quatre embauches pour l'été, motivées par un surcroît d'activité, il n'est nullement démontré qu'il ne s'agissait pas d'une situation isolée alors que par ailleurs [P] [C], qui a participé aux échanges de courriels en qualité de gestionnaire paie, adressait directement à l'intimé et non à [M] [E] ses préconisations en matière d'embauches de ce type, démontrant par là même que l'intimé continuait de disposer d'un pouvoir dans ce domaine ; qu'enfin ce dernier ne conteste pas qu'il disposait d'une totale autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, se contentant d'affirmer qu'il travaillait plus de 35 heures par semaine ;

Attendu que l'intimé ayant bien le statut de cadre dirigeant, il ne saurait revendiquer ni le paiement d'heures supplémentaires ni le versement d'indemnités au titre du travail dissimulé et de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la société appelante les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

ET STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTE [U] [O] de sa demande,

LE CONDAMNE à verser à la société BUT INTERNATIONAL 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

V. DOIZE P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01979
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.01979 ?
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