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07/07/2023 | FRANCE | N°21/01964

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 07 juillet 2023, 21/01964


ARRÊT DU

07 Juillet 2023







N° 880/23



N° RG 21/01964 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6RR



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de calais

en date du

29 Octobre 2021

(RG 20/00027 -section 5)






































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GROSSE :



aux avocats



le 07 Juillet 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Y] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION NORD PAS DE CALAIS...

ARRÊT DU

07 Juillet 2023

N° 880/23

N° RG 21/01964 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6RR

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de calais

en date du

29 Octobre 2021

(RG 20/00027 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 07 Juillet 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION NORD PAS DE CALAIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David GUILLOUET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Mai 2023

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 09 mai 2023

EXPOSE DES FAITS

 

[Y] [G] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société Devos et Ployart à compter du 26 novembre 1981 en qualité de menuisier. Il est entré au service de la société EIFFAGE CONSTRUCTION NORD PAS DE CALAIS à partir du 1er janvier 2010 avec reprise d'ancienneté au 26 novembre 1981. Il était assujetti à la convention collective du bâtiment.

Alors qu'il occupait le poste de chef d'équipe menuisier boiseur, il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 23 décembre 2016. Durant celui-ci, il a déposé le 12 février 2018 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en raison d'une hypoacousie de perception. Elle a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par décision de la Caisse primaire d'assurance maladie, le 29 novembre 2018. Toutefois, par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille a déclaré cette décision inopposable à la société.

Dans le cadre de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a émis le 5 février 2019 un avis d'aptitude du salarié au poste qu'il occupait en l'assortissant des restrictions suivantes : pas de port de charge supérieure à quinze kilogrammes, pas de travaux impliquant un bras au-dessus des épaules (pas de pose de placo plafond, pas de peinture au plafond) et a préconisé l'intervention du SAMETH/CAP emploi.

Compte tenu de ces restrictions médicales, la société EIFFAGE a sollicité du médecin du travail une étude de poste et a dispensé de reprise d'activité le salarié. Celui-ci a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er avril 2019 et a fait l'objet d'une nouvelle visite médicale de reprise le 2 septembre 2019 aux termes de laquelle le médecin du travail a conclu à son inaptitude à occuper son poste en apportant les précisions suivantes :« en capacité d'effectuer des travaux ne nécessitant pas de position bras au-dessus des épaules, pas de port de charge lourde au-dessus de 15 kilogrammes, pas d'exposition prolongée aux nuisances sonores, en capacité d'effectuer des travaux de type administratif, en capacité de suivre une formation ».

Par courrier du 18 décembre 2019, la société a informé le salarié qu'elle ne disposait d'aucun poste à lui proposer et qu'elle consulterait le comité social et économique sur sa situation, le surlendemain.

[Y] [G] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 décembre 2019 à un entretien le 9 janvier 2020 en vue d'un éventuel licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour inaptitude reconnue par le médecin du travail à exercer son emploi de menuisier boiseur et impossibilité de le reclasser dans un autre emploi lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 janvier 2020.

Par requête reçue le 1er avril 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Calais afin de faire constater l'origine professionnelle de son inaptitude, l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 29 octobre 2021, le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande mais a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 16 novembre 2021, [Y] [G] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 09 mai 2023, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 30 mai 2023

 

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 3 février 2022, [Y] [G] appelant, sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser :

- 30459,78 euros net à titre de complément sur l'indemnité spéciale de licenciement

- 6517,62 euros brut à titre de rappel de salaire sur l'indemnité compensatrice de préavis

- 651,76 euros brut au titre des congés payés y afférents

- 78211,44 euros net sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant expose que l'avis d'inaptitude qui a abouti à son licenciement avait au moins partiellement pour origine une maladie professionnelle, que la société avait nécessairement été informée de la reconnaissance de maladie professionnelle dont il a bénéficié pour ses problèmes de surdité, qu'il a également présenté des problèmes de manutention, ne pouvant plus effectuer de port de charge ni de travaux au-dessus du plan des épaules, que le médecin du travail a pris en considération la surdité reconnue comme maladie professionnelle pour rendre l'avis d'inaptitude émis le 2 septembre 2019, que son inaptitude a donc pour partie une origine professionnelle, que, même après 2010, date de son intégration au sein de la société EIFFAGE CONSTRUCTION NORD PAS DE CALAIS, il a continué à être exposé à des bruits importants, que les attestations d'anciens collègues de travail le confirment, que son contrat de travail est resté strictement identique depuis le premier jour de son embauche, que la reconnaissance de la maladie professionnelle par la Caisse primaire d'assurance maladie instaure une présomption de lien entre l'arrêt de travail et les conditions de travail, que la maladie déclarée est manifestement en lien avec ces dernières, qu'aucun élément n'est produit aux débats afin de justifier que l'activité d'agrément de l'appelant, à savoir la chasse, serait à l'origine de son hypoacousie, que le fait que l'inaptitude soit constatée après un arrêt de travail pour maladie n'interdit pas que l'inaptitude puisse être en lien avec une maladie professionnelle préalablement déclarée, que lors de la rupture de son contrat de travail, l'appelant a exclusivement perçu l'indemnité légale de licenciement et non l'indemnité spéciale de licenciement, qu'il a également droit à une indemnité compensatrice de préavis, nonobstant sa maladie ou son incapacité de travailler, qu'il appartient à l'employeur de justifier de la consultation du comité social et économique lors d'une réunion du 17 décembre 2019, que les éléments produits sont insuffisants pour le démontrer, que la société doit également justifier de la réalité de ses recherches de reclassement, que par courrier du 18 décembre 2019, aucun poste n'a pu être proposé à l'appelant, alors qu'il avait été déclaré apte à des postes de type administratif et était en capacité de suivre une formation, que la société est un groupe travaillant avec 11140 collaborateurs, qu'elle ne justifie pas d'une recherche loyale et personnalisée de reclassement, que l'appelant avait bénéficié d'un plan d'actions diligenté par la SAMETH dont l'intimée n'a pas tenu compte,

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 29 avril 2022, la société EIFFAGE CONSTRUCTION NORD PAS DE CALAIS sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que l'inaptitude de l'appelant n'a pas une origine professionnelle, que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est inopposable à la société, que le salarié n'a pas contracté sa maladie lors de l'exercice de son activité au sein de celle-ci, qu'il n'est pas démontré que l'hypoacousie de perception qui l'affecte soit à l'origine du constat de son inaptitude par le médecin du travail le 2 septembre 2019, que la société n'était donc pas tenue de lui faire bénéficier des règles applicables aux salariés en arrêt de travail pour une maladie professionnelle lors de la rupture du contrat de travail, qu'elle a respecté son obligation de reclassement en recherchant des solutions au sein du groupe auquel elle appartenait, qu'il était impossible de reclasser l'appelant au regard de ses compétences et de ses souhaits et en particulier de son refus de mobilité au sein d'une autre filiale du groupe, qu'elle a bien consulté le comité social et économique de l'unité économique et sociale, que les informations nécessaires ont été portées à la connaissance des représentants du personnel, que le licenciement de l'appelant est fondé et régulier, que l'origine professionnelle de la maladie n'étant pas démontrée, les demandes de l'appelant doivent être rejetées, que compte tenu de son ancienneté de plus de vingt ans, il ne peut prétendre, au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à une indemnité comprise entre trois et vingt mois de salaire, qu'il ne démontre pas l'existence d'un préjudice à hauteur du montant sollicité.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu que le 23 décembre 2016, l'appelant a fait l'objet d'un arrêt de travail initial pour maladie ; que cet avis n'est toutefois pas versé aux débats ; que durant cet arrêt de travail, il a présenté le 12 février 2018 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle consécutive à une hypoacousie ; que par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille a déclaré la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de l'appelant, en date du 29 novembre 2018 de la Caisse primaire d'assurance maladie inopposable à la société intimée ; que dans le cadre de la visite médicale de reprise organisée le 5 février 2019, le médecin du travail a conclu à l'aptitude du salarié en proposant diverses mesures en vue de l'aménagement du poste de travail, consistant en des limitations des ports de charge et des postures à l'occasion de travaux ; que ces restrictions se trouvaient sans rapport avec l'hypoacousie dont souffrait le salarié ; qu'il a été dispensé d'activité en raison de l'ambiguïté de l'avis du praticien et de la nécessité d'une intervention du Service d'aide au maintien de l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) préconisée par le médecin du travail ; que dans le cadre du plan d'action en vue du maintien de l'appelant dans son emploi, rédigé le 1er mars 2019, ce service a constaté que, du fait des restrictions émises par le médecin du travail relatives au port de charges et au travail au-dessus du plan des épaules, la reprise d'activité du salarié apparaissait compliquée ; que celui-ci a fait l'objet d'un nouvel avis d'arrêt de travail pour maladie le 28 mars 2019 ; qu'à la suite d'une nouvelle visite médicale de reprise organisée le 2 septembre 2019, le médecin du travail, après une étude du poste et des conditions de travail le 28 août 2019, a conclu à l'inaptitude de l'appelant à son poste de travail et a mentionné des indications complémentaires en vue de son reclassement reprenant celles qu'il avait précédemment émises, préconisant en outre que le salarié ne soit pas exposé de façon prolongée à des nuisances sonores ; qu'aucun arrêt de travail n'était fondé sur une maladie professionnelle ; que les restrictions émises par le médecin du travail concernaient principalement les ports de charge et le travail au-dessus du plan des épaules ; que l'étude réalisée par la SAMETH ne retenait que ces seules restrictions susceptibles d'interdire la reprise de son poste par l'appelant ; que le médecin du travail ne concluait pas à l'interdiction totale de toute exposition du salarié à des nuisances sonores ; que la société a donc légitimement considéré que l'inaptitude de ce dernier n'avait pas une origine professionnelle ; qu'en conséquence à l'occasion de son licenciement, il ne pouvait revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L1226-16 du code du travail ;

Attendu en application de l'article L1226-2 du code du travail que selon l'ordre du jour de la réunion du conseil économique et social de l'entreprise prévu pour la réunion du 17 décembre 2019, au point 10 figurait la consultation de ses membres sur les possibilités de reclassement de l'appelant déclaré inapte à son poste de travail ; que le procès-verbal de la réunion fait apparaître que la totalité des membres identifiés dans le document a émis un avis favorable au constat selon lequel le reclassement de l'appelant au sein de la société s'avérait impossible ;

Attendu que, selon les réponses écrites apportées le 5 novembre 2019 au questionnaire qui lui avait été soumis par son employeur en vue de son reclassement, l'appelant a déclaré ne disposer d'aucune connaissance en informatique, mais seulement dans la conduite d'engins, comme des nacelles et des manitous, et de véhicules légers, ne pas avoir acquis de compétences susceptibles d'être transférées dans un nouvel emploi, ne pas être mobile géographiquement, ne pas accepter un reclassement dans une autre filiale du groupe, une affectation à un poste de qualification inférieure ni une baisse de sa rémunération ; que compte tenu de telles restrictions, la société ne pouvait se livrer à des recherches de reclassement qu'en son sein et non auprès des autres sociétés du groupe ; qu'il n'est pas contesté que la liste produite par l'intimée puisse être considérée comme un extrait du registre du personnel reflétant la situation exacte de l'entreprise, en termes d'entrée et de sortie de l'ensemble du personnel, pour la période correspondant à celle durant laquelle la société devait se livrer à des recherches de reclassement ; que cette liste fait apparaître la seule vacance de postes de responsables dans les secteurs du commerce, du développement foncier ou des achats, et de gestionnaire du matériel ; que l'ensemble de ces postes ne correspondait pas aux compétences acquises par l'appelant ; que la société n'était pas tenue, au titre de son obligation de reclassement, d'assurer à l'appelant une formation initiale qui lui faisait défaut pour occuper les postes disponibles en son sein  ; qu'au demeurant, il apparaît qu'elle s'est bien livrée à compter du 25 octobre 2019 à de multiples recherches sérieuses de reclassement auprès des sociétés du groupe avec lesquelles une permutation pouvait s'avérer possible en raison de leur organisation, de leur activité ou du lieu d'exploitation et qu'aucune réponse positive ne lui est parvenue ; qu'il s'ensuit que le licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement de l'appelant est justifié ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE [Y] [G] aux dépens.

LE GREFFIER

V. DOIZE

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01964
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.01964 ?
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