ARRÊT DU
07 Juillet 2023
N° 1080/23
N° RG 20/02435 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLLP
GG/VDO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
01 Octobre 2020
(RG 17/00518 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 07 Juillet 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [P] [H]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Marieke BUVAT, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/009336 du 24/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉES :
Mme [Z] [T] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
n'ayant pas constitué avocat, déclaration d'appel signifiée le 1er mars 2021 à étude
Association ASSOCIATION HUMANITAIRE LE NID DE L'ESPOIR
[Adresse 1]
[Localité 2]
n'ayant pas constitué avocat, déclaration d'appel signifiée le 1er mars 2021 PV659
DÉBATS : à l'audience publique du 03 Mai 2023
Tenue par Gilles GUTIERREZ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angelique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt est prorogé du 26 mai 2023 au 07 juillet 2023 pour plus ample délibéré
ARRÊT : Défaut
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 2 mai 2023
L'association «'le nid de l'espoir'», représentée par Mme [Z] [T] [F] en qualité de présidente, a engagé suivant contrat à durée déterminée à temps partiel du 01/02/2017, pour une durée de 12 mois, dans le cadre d'un «'contrat unique d'insertion d'accompagnement dans l'emploi'CUI/CAE'», M. [P] [H], né en 1983, en qualité d'employé, chargé de communication, pour une durée hebdomadaire de 20 heures en contrepartie d'une rémunération brute de 846 €.
Le salarié a reçu un courriel de Mme [T] [F] du 28/03/2017 lui indiquant mettre fin au contrat le 31/03/2017 «'au bout de deux mois d'essai pour des raisons liées à des difficultés par rapport à l'association'».
Estimant la rupture injustifiée, M. [H] a saisi, par requête reçue le 09/06/2017 le conseil de prud'hommes de Lille de diverses demandes indemnitaires afférentes à l'exécution et à la rupture du contrat, dirigées solidairement contre l'association le Nid de l'espoir et Mme [T] [F].
Par jugement réputé contradictoire du 01/10/2020, le conseil de prud'hommes a :
- constaté que l'association est dissoute et n'est pas juridiquement représentée,
par conséquent,
- déclaré irrecevable l'action de M. [P] [H] en l'intégralité de ses demandes dirigées contre l'association le Nid de l'espoir,
- mis hors de cause Mme [Z] [T] [F] en sa qualité de présidente démissionnaire de l'association le Nid de l'espoir,
- débouté M. [P] [H] du surplus de ses demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses entiers frais et dépens.
Par déclaration reçue le 23/12/2020, M. [P] [H] a interjeté appel de la décision précitée, après décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24/11/2020.
Selon ses conclusions d'appelant reçues le 23/05/2021, M. [H] demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et en conséquence de :
- condamner solidairement l'association Le Nid de l'Espoir et Mme [T] [F] à lui :
- remettre ses fiches de paie des mois de février et mars 2017, un reçu pour solde de tout compte et l'attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,
- payer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de sortie,
- 1.192 € au titre des rappels de salaires pour les mois de février et mars 2017,
- 169,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1.015,20 € au titre de l'indemnité légale de fin de contrat,
- 8.460 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat de travail à durée déterminée.
- outre les dépens et la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant explique que la procédure de rupture n'est pas intervenue régulièrement, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, que l'association le nid de l'espoir a été placée en liquidation judiciaire avant son embauche et n'avait plus d'existence légale, qu'elle a été maintenue de fait, que Mme [T] [F] doit répondre personnellement des agissement de l'association de fait, en tant que mandataire et en raison de sa faute de gestion.
L'association le Nid de l'espoir et Mme [Z] [F], citées en application de l'article 902 du code de procédure civile, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, et à étude, par exploits du 01/03/2020, n'ont pas constitué avocat.
Le conseiller de la mise en état par ordonnance du 18/05/2022 a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur, démarche restée sans suite.
Par arrêt avant dire-droit du 03/03/2023, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 03/05/2023 à 9h00, invité M. [P] [H] à faire valoir ses observations quant aux moyens relatifs à la caducité de la déclaration d'appel, et au défaut de droit à agir de l'association le nid de l'espoir.
M. [H] a adressé ses observations par lettre du 02/05/2023.
La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 02/05/2023.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la caducité de la déclaration d'appel
En application de l'article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
Selon l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
La déclaration d'appel date du 23/12/2020.
Il est justifié de la signification des conclusions d'appelant à Mme [T] [F] et à l'association le nid de l'espoir par exploits des 22/04/2021, dans le délai prévu par les articles 908 et 911 du code de procédure civile précité. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.
Sur la qualité à agir de l'association le nid de l'espoir
L'article 117 du code de procédure civile dispose que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le défaut de capacité d'ester en justice ; le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
L'article 120 du même code dispose que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Le juge peut relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice.
Enfin, l'article 32 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
En l'espèce, il apparaît que l'association «'le nid de l'espoir'» a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif des opérations de liquidation judiciaire simplifiée par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 06/07/2012. Cette association liquidée ne peut donc pas être représentée par Mme [T] [F]. Un mandataire ad'hoc n'a pas été désigné. Elle est donc dépourvue du droit d'ester en justice, c'est-à-dire du droit de défendre. Les demandes à son encontre sont irrecevables. Le jugement est confirmé.
Sur la demande de condamnation solidaire à l'encontre de Mme [Z] [T] [F]
L'appelant fait valoir que l'association a été de fait maintenue, qu'il n'est pas justifié de la démission de Mme [T] [F], qu'elle doit répondre des manquements commis à titre personnel.
En sa qualité de mandataire de l'association, son président engage sa responsabilité dans les conditions de l'article 1992 du code civil, qui dispose : «le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.
Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire'».
Il s'ensuit que la responsabilité du président d'une association ne peut être engagée que si une faute détachable de ses fonctions peut être retenue contre lui.
En l'espèce, le débat porte au préalable sur la détermination de l'employeur. Il appartient en effet au juge de qualifier la nature de la relation de travail au regard de la réalité des conditions d'exécution de l'activité quelque soit la dénomination que les parties ont donné à leur convention.
Il a été vu que l'association le nid de l'espoir a fait l'objet d'une liquidation simplifiée dont les opérations ont été clôturées le 06/07/2012. Cette association sans personnalité morale ne pouvait donc pas valablement engager M. [H] le 01/02/2017 au terme d'un contrat unique d'insertion.
Force est de constater que ce contrat a été signé par Mme [T] [F] en qualité de «'présidente'». C'est également cette dernière qui par courriel du 28/03/2017 a rompu le contrat de travail du salarié, toujours en se qualifiant de présidente, et en indiquant avoir découvert «'que l'association n'existe plus par jugement du tribunal'». C'est également Mme [T] [F] qui a procédé au paiement d'une avance («'bonjour [P], Madame [F] vient de faire le virement sur ton compte'; voici la PJ ci-dessous'», courriel du 07/03/2017).
Il s'ensuit que l'employeur de M. [H] n'est pas l'association le Nid de l'espoir, mais Mme [T] [F] qui s'est comportée comme l'employeur du salarié, la demande à son encontre étant recevable, sans solidarité avec l'association le nid de l'espoir qui n'a pas intérêt à agir. Surabondamment, cette dernière a commis une faute en persistant à se présenter comme présidente d'une association dont elle ne pouvait ignorer qu'elle avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire simplifiée. Elle engage donc sa responsabilité à l'encontre de M. [H].
Sur les demandes indemnitaires
-Sur l'exécution du contrat de travail
L'appelant indique que les salaires de février et mars 2017 n'ont pas été payés, sauf une avance de 500 €. Il appartient à l'employeur de justifier du paiement du salaire ce qui n'est pas fait. En conséquence, la demande en paiement de la somme de 1.192 € de rappel de salaires pour les mois de février et mars 2017 sera accueillie.
-Sur la rupture du contrat de travail
En vertu de l'article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La rupture du contrat de travail par courriel du 28/03/2017 par Mme [T] [F] «'au bout de deux mois d'essai pour des raisons liées à des difficultés par rapport à l'association'» est abusive, le contrat de travail stipulant une période d'essai de un mois.
Faute de justification d'une faute grave en vue d'une rupture anticipée, la procédure disciplinaire n'ayant pas été respectée, la rupture est abusive.
Il convient d'accueillir la demande en paiement de dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu'au terme du contrat, soit la somme de 8.460 € conformément à l'article L1243-4 du code du travail.
L'indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation en application de l'article L1243-8 du code du travail, égale à 10 % de la rémunération brute versée au salarié. Cette indemnité s'établit à la somme de 1.015,20 €.
L'indemnité compensatrice de congés payés s'établit à la somme de 169,20 €, le calcul du salarié n'étant pas critiquable.
Mme [Z] [T] [F] sera condamnée au paiement de ces sommes.
-Sur la remise des documents de fin de contrat
Il convient d'enjoindre à Mme [T] [F] de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt, le présent arrêt valant solde de tout compte.
Le présent arrêt étant rendu en dernier ressort, il n'est pas nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte.
Il n'est pas justifié d'un préjudice en lien avec l'absence de remise des documents de fin de contrat. La demande est rejetée.
Sur les autres demandes
Par infirmation, Mme [T] [F] supporte les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [H] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt de défaut rendu en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lille du 01/10/2020, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande à l'encontre de l'association le Nid de l'espoir, et en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande d'indemnité de 1.000 € pour défaut de remise des documents de fin de contrat,
Statuant à nouveau, y ajoutant,
Dit que Mme [Z] [T] [F] est l'employeur de M. [P] [H],
Dit que la rupture du contrat de travail est abusive,
Condamne Mme [Z] [T] [F] à payer à M. [P] [H] les sommes qui suivent':
-1.192 € de rappel de salaires pour les mois de février et mars 2017,
-8.460 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,
-1.015,20 € d'indemnité de fin de contrat,
-169,20 € d'indemnité compensatrice de congés payés,
Enjoint à Mme [Z] [T] [F] de remettre à M. [P] [H] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne Mme [Z] [T] [F] aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
P/ LE PRESIDENT empêché, le conseiller
Muriel LE BELLEC