ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 1000/23
N° RG 22/00125 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCOM
AM/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
17 Décembre 2021
(RG 19/00224 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [C] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Alain COCKENPOT, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Juliette DARLOY, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE :
S.A.S. EMKA FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Loïc LE ROY,avocat au barreau de DOUAI
assisté de par Me Sophie FERREIRA DOS SANTOS, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Tom CASIMIR, avocat au barreau de TOURS
DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 Avril 2023
FAITS ET PROCEDURE
Aprés avoir été embauché dans le cadre d'un premier contrat de travail à durée indéterminée, et démissionné le 3 septembre 2014, M. [C] [M] a conclu un nouveau contrat avec la société EMKA FRANCE à effet du 22 septembre 2014 pour occuper un poste de technico-commercial, coefficient 100 position 2 statut cadre de la convention convention collective de la métallurgie des ingénieurs et cadres.
Le salarié a été l'objet de deux avertissements les 28 février et 3 juillet 2018, auxquels il a apporté des réponses.
Le 19 septembre 2018 le salarié a été licencié pour faute grave.
Le 6 mars 2019 le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lille, lequel par jugement du 17 décembre 2021 a dit que le licenciement pour faute grave est justifié et débouté le salarié de ses demandes indemnitaires afférentes, en condamnant la société à payer au salarié la somme de 3254 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière, tout en déboutant ce dernier de sa demande au titre du remboursement de frais professionnels.
Le 27 janvier 2022 le salarié a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 21 avril 2022 par le salarié.
Vu les conclusions déposées le 21 juillet 2022 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 11 avril 2023.
SUR CE
Du licenciement
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d' une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'a eu connaissance de celui-ci que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la poursuite disciplinaire.
En l'espèce il est reproché au salarié 3 faits, tout d'abord un refus d'exécution des tâches dévolues dans le contrat de travail et un emploi d'un ton inapproprié à l'egard de la direction, ensuite une attitude d'insubordination, et une négligence dans le traitement du client ALSTOM et refus de rendre des comptes sur la gestion des dossiers, et enfin la persistance d'une attitude de refus d'exécuter sa mission selon les directives données par la direction générale de l'entreprise.
Le salarié soulève tout d'abord la prescription des faits relatifs au premier grief en faisant valoir que l'employeur a eu connaissance de tels agissements dès le 13 juin 2018.
Toutefois, comme le fait valoir la société, des échanges ont eu lieu à ce sujet au mois de juillet 2018 soit durant la période de prescription, et après la délivrance du dernier avertissement, de sorte que la prescription n'est pas acquise et qu'aucun épuisement du pouvoir disciplinaire lors de la notification de cette dernière sanction ne peut être opposé relativement à ces faits.
En ce qui concerne les reproches formulés dans le cadre de ce premier grief le salarié, qui reconnait dans un mail avoir tardé à répondre à un message du directeur de la société, fait valoir qu'il devait faire face à une charge de travail importante à laquelle s'est ajouté un dossier ne relevant pas de son secteur d'activité, ce à quoi la société répond qu'il s'est toujours occupé de ce dossier, qu'il y a une agence de la société LOGITRADE dans son secteur, qu'il n'a pas répondu à la demande de transmission de la liste des dossiers l'empêchant de traiter cette affaire, qu'il aurait pu échanger à ce sujet.
Il convient tout d'abord de rappeler, qu'outre le fait que la charge de la preuve de la faute grave impute à l'employeur, le comportement de ce dernier doit être pris en compte pour apprécier celui du salarié, au même titre que la situation contractuelle.
Si le contrat de travail indique que la société a la possibilité de changer le secteur du salarié, il n'en demeure pas moins que l'attribution du dossier objet du litige ne s'est pas effectuée dans le cadre d'une telle extension, puisque le salarié ne s'est pas vu confier les autres affaires du département où se situe le siège de la société cliente, qui est le critère devant être pris en compte pour déterminer le secteur et non une seule agence, et ce d'autant que le dossier concerne toute la société.
Par ailleurs le salarié a fait mention de sa charge de travail à plusieurs reprises, et s'il a toujours traité ce dossier une autre alternative a été envisagée qui n'a pas convenu à la cliente.
En effet il a été envisagé de confier le dossier à un autre commercial M. [R], mais la société LOGITRADE par mail du 5 octobre 2017 a indiqué souhaiter continuer à travailler avec M. [M], sans que l'employeur ne justifie du motif ayant présidé à cette décision, et ne s'explique sur l'incidence pour le salarié au niveau de sa charge de travail d'un tel maintien, étant observé qu'elle procède de surcroît par affirmation quant au commissionnement du salarié de ce chef.
Par ailleurs la société conteste la valeur probante du mail de Mme [O] en faisant valoir qu'il ne s'agit pas d'une attestation et qu'en toutes hypothèses cette salariée de la société LOGITRADE n'est pas intervenue dans le cadre de l'affaire litigieuse.
Toutefois ce mail de satisfaction a été établi alors que cette personne était parfaitement informée du licenciement de M. [M] et de l'insatisfaction de ce dernier, et si la salariée précise qu'elle ne peut parler pour le compte d'un collègue de travail, il n'en demeure pas moins qu'elle a participé à la gestion du dossier.
En effet elle a demandé le 16 mars 2018 quelle est la matière utilisée, ayant dès le mois de décembre 2017 par son courriel du 6 décembre 2017 demandé au salarié s'il avait un retour de sa direction au sujet du dossier.
Il apparait à ce titre que la réalité d'une implication du salarié dans le traitement de ce dossier, avant l'information le 13 juin 2018 de la société de son impossibilité de le prendre en charge jusqu'à son terme faute de disponibilité du temps nécessaire, ressort d'autres pièces de la procédure.
La société conteste la prise en compte de la période antérieure à celle visée dans la lettre de licenciement en indiquant qu'elle fixe les limites du litige et que ses reproches se cantonnent à ladite période.
Néanmoins ces éléments ne sont pas étrangers à la solution du litige en ce qu'ils se rapportent à la charge de travail du salarié et permettent d'appréhender les motifs l'ayant conduit à faire valoir son impossibilité d'exécuter cette tâche, étant observé de surcroit que le retard pris dans le traitement du dossier n'est pas qu'imputable au salarié qui n'a répondu qu'au bout de 15jours, mais aussi au client, le directeur faisant état le 4 mai 2018 de la nécessité pour ce dernier de fournir les plans et échantillons, et à la direction comme l'évoque Mme [O].
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne démontre pas que l'inexécution par le salarié de la tâche demandée constitue un acte d'insubordination comme étant dépourvue de tout motif légitime.
Alors même que le salarié justifie que ce client ne relève pas de son secteur géographique, que le dossier devait être attribué à un autre commercial avant que ledit client ne s'y oppose, qu'aucune modification du secteur n'a été opérée, qu'il s'est plaint de sa charge de travail pour expliquer ses difficultés à traiter le dossier , le conseil de prud'hommes a considéré que le traitement de ce dernier relevait bien de sa compétence et qu'il ne démontrait pas sa surcharge de travail.
Outre le fait que le salarié était soumis à une convention de forfait, qui est source d'obligations pour l'employeur en matière de vérification de l'adéquation de la charge de travail, le juge de première instance n'a pas pris en compte les éléments précités, pourtant de nature à faire naître un doute quant à la réalité d'une insubordination de la part du salarié.
Or ce doute doit profiter au salarié dès lors que l'employeur ne fournit aucun élément permettant de dissiper celui-ci, ce qui est particulièrement le cas en l'espèce puisque la société ne s'explique pas sur les conditions d'attribution de ce dossier et sa conséquence au niveau de la charge de travail du salarié.
Il convient d'ailleurs d'observer, s'agissant du traitement du dossier de la société ALSTOM, qui concerne les 2ème et 3ème griefs, qu'un même constat peut être opéré relativement à des alertes quant à la surcharge de travail et le rattachement à un autre secteur géographique, étant néanmoins précisé que le client, à la différence de l'autre dossier, n'a pas manifesté le désir d'un traitement exclusif par le salarié.
S'agissant du 2ème reproche compris dans le 1er grief, il convient de constater que les mails échangés ne permettent pas de retenir l'emploi d'un ton inapproprié de la part du salarié, étant de surcroît observé que dans la lettre de licenciement l'employeur se réfère à un mail concernant la société ALSTOM, dans lequel le salarié indique " ce retour très mal déplacer " et '' ce sujet dont vous ne maîtrisez pas ''.
Il convient tout d'abord de constater que de tels termes sont très différents de ceux employés par le salarié dans le cadre d'autres courriels, où celui-ci a usé de propos vulgaires pour qualifier notamment le traitement par la société de certains dossiers de clients, ce qui a conduit l'employeur à le sanctionner par un avertissement qui est mentionné dans la lettre de licenciement.
Même si de tels propos constituent une évolution positive dans la formulation par le salarié d'un sentiment d'injustice et d'absence d'aide dans un dossier qu'il a solutionné par ses propres moyens, il n'en demeure pas moins qu'ils sont encore inappropriés et sont constitutifs d'un comportement fautif.
En ce qui concerne les deuxième et troisième griefs, qui se rapportent au traitement du dossier de la société ALSTOM, il apparaît tout d'abord au regard de mails échangés à la fin du mois d'août 2018 entre le salarié et une représentante de cette société, que le dossier a au final trouvé une solution adéquate.
Par ailleurs l'existence d'un processus interne selon lequel toute demande technique doit être adressée à la direction générale ou à la direction technique France avant d'être transmise à celle située en Allemagne, n'est pas établie bien que l'employeur affirme qu'elle a fait l'objet de réunions ou de notes de service, dont la réalité n'est pas établie.
L'attestation de la responsable administrative des ventes n'est pas de nature à pallier la carence probatoire de la société, dans la mesure où ses déclarations ne sont pas corroborées par des éléments objectifs pourtant invoqués par l'employeur, et ce même si l'existence d'un lien de subordination avec la société ne prive pas de ce seul fait ce témoignage de toute force probante.
Quant au traitement au fond du dossier si un retard doit être constaté, pour autant il est, au-delà de l'ajout de ce dossier à la charge de travail du salarié, la conséquence de plusieurs éléments, comme la difficulté pour le service technique en Allemagne de trouver une solution idoine, étant précisé à ce titre qu'un des membres de l'équipe s'est excusé en faisant valoir qu'il avait commis une erreur quant à la prise en compte d'une norme.
Il apparaît même qu'après discussion avec un autre membre de ce service, ayant sollicité auprès du salarié un délai pour examiner sa proposition, que celle-ci a été finalement retenue, étant observé de surcroît que la société cliente a également tardé à fournir certains échantillons.
S'il est exact que certains mails n'ont pas été transmis en copie au directeur général de la société française, il n'en demeure pas moins d'une part que certains d'entre eux l'ont été à d'autres membres de cette dernière et que le service technique allemand avait la faculté de le faire, ce qui s'est produit pour le mail du 13 juillet 2018.
Il convient par ailleurs d'observer que l'employeur fait état de l'importance de ce client pour la société, mais qu'il ne justifie pas pour autant de la recherche d'une solution pour pallier ce qu'il considère comme une carence du salarié, qui a traité le dossier en aidant même le service tecnique allemand.
Il ressort de ces éléments que le conseil de prud'hommes, qui ne pouvait pas retenir un manque d'implication du salarié dans ce dossier mais seulement un retard dans son traitement ne lui étant que pour partie imputable, n'a pas pris en compte l'aboutissement de ce dossier, le rôle du salarié dans la découverte d'une solution idoine, étant précisé que ce dernier peut se prévaloir d'un mail d'une salariée de l'entreprise faisant état de sa satisfaction en incriminant le directeur de la société allemande à qui elle affirme avoir demandé d'aider le salarié, ce qui établit qu'elle a participé à la gestion de ce dossier contrairement aux allégations de l'employeur dénuées de tout fondement.
Les seuls faits que la société peut reprocher au salarié résident dans l'emploi d'un ton encore en partie inapproprié dans un seul mail, une absence d'envoi en copie de certains mails, et une part de responsabilité dans le retard pris pour le traitement du dossiet ALSTOM, qui a eu des conséquences limitées puisque la difficulté a été résolue grâce en grande partie au salarié.
Il importe de souligner à ce titre que la société formule des reproches au salarié dans le traitement de dossiers ne relevant pas de son secteur géographique, et sans justifier que la charge de travail en découlant a été prise en compte par celle-ci, alors même que le salarié a invoqué une surcharge de travail pour justifier son retard ou son imposibilité de traiter un dossier.
La société s'est contentée de lui demander de fournir la liste des dossiers traités, alors même qu'elle est censée en connaître la majeure partie et qu'elle doit avoir un rôle dynamique dans la vérification d'une charge de travail adéquate, au regard notamment de l'existence d'une convention de forfait.
Par ailleurs le termes utilisés par le salarié et pouvant être qualifiés d'inappropriés ne l'ont été que dans un seul mail, et ne peuvent être associés à une absence totale de modification de son comportement, en ce qu'ils dénotent l'abandon de termes vulgaires et agressifs inadmissibles, et qu'ils sont l'expression d'un sentiment d'injustice pour partie justifié au regard des éléments précités.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les fautes imputables au salarié ne sont pas constitutives d'une cause suffisamment sérieuse de licenciement, de sorte que le jugement entrepris doit être infirmé.
Le salarié a droit en conséquence au paiement d'une indemnité de préavis d'un montant de 13 188 euros outre la somme de 1318,80 euros pour les congés payés afférents au regard des dispositions de la convention collective, ainsi que d'une indemnité de licenciement à hauteur de 4349,33 euros.
En ce qui concerne les dommages et intérets pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement il convient de rappeler que l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
Aux termes de l'article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail si les organismes mentionnés à l'article huit de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou tout autre forme de réparation considérée comme appropriée.
L'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, au titre du droit à la protection en cas de licenciement, prévoit qu'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, fondée sur la nécessité de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
À cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.
En l'espèce le salarié soutient que son indemnisation doit être effectuée sur la base des dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, celles de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, comme si les dispositions de l'article L. 1235-3 n'étaient pas conformes aux précédentes.
Toutefois, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige en particuliers.
Par ailleurs, dès lors que le terme adéquat, figurant dans l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, doit être compris comme réservant aux États parties une marge d'appréciation, il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1253-3 du code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
Au regard de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, de l'effectif de cette dernière, de cette qualification et de sa capacité à retrouver un emploi qui en découle, des circonstances de la rupture il convient de lui allouer la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit également être infirmé quant à l'octroi de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure dans la mesure où ces derniers ne se cumulent pas avec ceux octroyés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De la demande en rappel de salaire au titre de l'inopposabilité de la convention de forfait
Il convient tout d'abord de constater que le débat relatif à la possibilité d'imposer au salarié une convention de forfait au regard des dispositions de la convention collective n'a pas d'incidence sur la solution du litige, dans la mesure où la société ne démontre pas le respect tant de ces mêmes dispositions que de celles à caractère légal en matière notamment de suivi de la charge de travail du salarié.
Outre le fait que les témoins ne peuvent attester que de la réalité de leur propre suivi, il apparait qu'aucun compte rendu d'entretien n'est fourni relativement à la situation de M. [M], qui a pourtant alerté son employeur sur sa situation notamment dans le cadre du traitement de deux dossiers importants.
Par voie de conséquence la convention de forfait n'est pas opposable au salarié qui peut revendiquer le bénéfice de l'application de la législation sur les heures supplémentaires.
Or en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir effectuées afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail réalisées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments, étant précisé qu'il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances s'y rapportant.
En l'espèce le décompte fourni par le salarié est suffisamment précis pour permet à l'emptre à l'employeur d'y répondre ce qu'il fait d'ailleurs en invoquant plusieurs éléments.
Il apparaît tout d'abord que le salarié ne justifie pas de la prise en compte des temps de pause pour se restaurer.
Il convient ensuite de constater que le salarié, qui exerce son activité sur plusieurs départements, est rattaché au terme du contrat de travail au siège de la société, où il se rendait de manière régulière.
Les temps consacrés aux déplacements pour se rendre du domicile au lieu du travail ne constituent pas un temps de travail effectif, et ne peuvent donner lieu qu'à l'octroi d'une compensation financière distincte d'un rappel d'heures supplémentaires.
Par ailleurs l'employeur se prévaut des mentions figurant sur des documents du salarié pour faire observer qu'aucun rendez-vous n'y figure certains jours.
Si le travail du salarié ne se limite pas à de tels rendez-vous, il n'en demeure pas moins qu'il n'a fait référence à aucune mention complémentaire pour ces journées litigieuses.
Il y a lieu au regard de l'ensemble de ces éléments de limiter à la somme de 13650,25 euros le montant du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre la somme de 1365,02 euros pour les congés payés afférents.
De la demande en dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
Si le conseil de prud'hommes a pris à juste titre en compte le fait que le salarié a bénéficié dans le cadre de son précédent emploi et la même année que son embauche par la présente société d'une visite médicale d'embauche, et d'un deuxième rendez-vous en 2016 avec les services de la médecine du travail, pour autant il n'a omis l'existence d'une absence de suivi quant à la charge de travail du salarié, qui lui a causé un préjudice spécifique au-delà du défaut d'opposabilité de la convention de forfait.
Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point, et d'allouer au salarié la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts.
De l'application des des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande condamner la société à payer au salarié la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,
Dit le licenciement de M. [C] [M] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société EMKA FRANCE à payer à M. [C] [M] les sommes suivantes :
-13 188 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1318,80 euros pour les congés et afférents
-4349,33 euros au titre de l'indemnité de licenciement
-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-13 650,25 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires outre la somme de 1365,02 euros pour les congés payés afférents
-800 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
-2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société EMKA FRANCE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Valérie DOIZE Marie LE BRAS