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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01288

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 30 juin 2023, 21/01288


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 970/23



N° RG 21/01288 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYJS



PN/NB

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Juillet 2021

(RG 20/00116)







































GROSSE :




aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Y] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Samuel VANACKER, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. PUBLIDISPATCH

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me ...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 970/23

N° RG 21/01288 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYJS

PN/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Juillet 2021

(RG 20/00116)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Samuel VANACKER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. PUBLIDISPATCH

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Sylvie DERACHE-DESCAMPS, avocat au barreau de VAL D'OISE

DÉBATS : à l'audience publique du 11 Mai 2023

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [Y] [K] a été engagé par la société PUBLIDISPATCH suivant contrat à durée indéterminée en date du 27 août 2007 en qualité de chef de site.

La convention collective applicable est celle des transports routiers.

Suivant lettre remise en mains propres le 14 février 2020, M. [Y] [K] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 4 mars 2020.

L'entretien s'est déroulé le jour prévu.

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 17 mars 2020, M. [Y] [K] a été licencié pour faute.

Le 26 juin 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail, outre, entre autres le paiement de la contrepartie de sa clause de non-concurrence.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 21 juillet 2021, lequel a :

- jugé que le licenciement de M. [Y] [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

- jugé que le forfait jours n'est pas opposable à M. [Y] [K],

- débouté M. [Y] [K] de sa demande de dommages et intérêts en ce qu'il n'apporte pas la preuve du préjudice subi,

- débouté M. [Y] [K] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [Y] [K] à verser à la société PUBLIDISPATCH 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux éventuels dépens.

Vu l'appel formé par M. [Y] [K] 23 juillet 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [Y] [K] transmises au greffe par voie électronique le 22 octobre 2021 et celles de la société PUBLIDISPATCH transmises au greffe par voie électronique le 21 janvier 2022,

Vu l'ordonnance de clôture du 20 avril 2023,

M. [Y] [K] demande :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de condamner la société PUBLIDISPATCH à lui payer :

- 81.055,56 euros nette à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 40.527,78 euros nette à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices distincts subis liés au contexte vexatoire de la rupture du contrat de travail,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du non-respect des dispositions relatives au « forfait-jours »,

- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La société PUBLIDISPATCH demande :

- de débouter M. [Y] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, si le licenciement est jugé dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, - de limiter sa condamnation à 20.263,89 euros correspondant à 3 mois de salaire brut moyen,

A titre reconventionnel,

- de condamner M. [Y] [K] à payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pris en cause d'appel, et à supporter la charge des entiers frais et dépens, lesquels comprendront notamment l'intégralité de frais de signification ou d'exécution de la décision à intervenir.

SUR CE, LA COUR

Sur le bien-fondé du licenciement

Attendu que la cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité ;

Qu'elle doit être existante et exacte ;

Que la cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles ;

Que le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte du courrier du 17 mars 2020 que le licenciement de M. [Y] [K] est ainsi motivé :

'Par courrier remis en main propre le 14 février 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui a eu lieu le 04 mars 2020. Au cours de cet entretien, vous avez choisi de ne pas vous faire assister malgré le rappel régulier de vos droits.

Vous êtes entré dans l'entreprise le 27 août 2007 en qualité de Directeur de site, fonction que vous occupez actuellement.

Cette fonction nécessite d'assumer la responsabilité globale d'un site d'exploitation et notamment le management de l'ensemble de ses équipes.

1) Refus de faire évoluer votre management malgré les remises en cause récurrentes par votre Direction et manque de transparence

Nous avons été alertés en 2015 d'une situation de forte crispation sur votre site. Nous avons alors découvert que vous exerciez un style de management autoritaire descendant et que vous imposiez une distance importante avec vos équipes. Par lettre du 29 juillet 2015 nous vous avons indiqué entre autres, qu'un management simple, non rigide, accessible aux collaborateurs est un des préceptes de notre culture d'entreprise. Nous vous avons invité à favoriser une relation directe à un fonctionnement hiérarchique autoritaire et appelé à prendre urgemment de la hauteur afin d'instaurer sur le site un état d'esprit coopératif. II vous a également été demandé de mettre l'accent sur la transparence et la confiance avec vos équipes. Compte tenu de la dimension de votre site et de son faible effectif, ces objectifs étaient parfaitement atteignables.

En octobre 2018 nous avons à nouveau été alertés par des arrêts de travail et des départs précipités à cause de la dégradation de vos pratiques managériales. Nous avons appris que votre équipe administrative en était victime et que la qualité du service client s'était dégradée en conséquence. Notre Directeur Général vous a dès lors sommé de veiller à ce que le climat social soit bienveillant et respectueux des personnes.

Le 16 avril 2019, il vous a été adressé un mail de la part de votre supérieur hiérarchique qui vous interpellait une fois de plus sur vos difficultés managériales concernant le service administratif. II vous a de nouveau été reproché votre manque de transparence et de visibilité sur ce qui se passe sur votre site qui est très excentré géographiquement du reste de nos sites et sur lequel nous avons principalement les informations que vous nous transmettez.

Après chacune de nos alertes, vous nous informiez de la bonne marche de votre site et de vos avancées pour améliorer le climat social. C'est pourquoi nous étions loin de nous douter de la situation actuelle sur votre site.

2) Inégalité de traitement de vos équipes instituant un climat conflictuel dans le service administratif

En septembre 2017 nous ne comprenions pas la demande insistante de votre part à notre Directeur Général par laquelle vous souhaitiez augmenter notamment le salaire de Madame [Z] de 3483 à 4000 €. Cela ne nous semblait ni justifié ni cohérent puisque le salaire moyen d'une Account Manager était d'environ 3400 €, que Mme [Z] était déjà au-dessus de ce salaire moyen et que cela aurait représenté une augmentation de plus de 500 €. Nous vous avons donc refusé une telle augmentation.

Le 02 octobre 2017 vous avez eu un entretien avec Mme [X] pour lui proposer d'évoluer afin de prendre le poste de responsable administrative. A cette occasion il avait été convenu que Mme [Z] forme et accompagne le développement de Mme [X] pendant 6 mois. En contrepartie Mme [X] devait recevoir une augmentation qui porterait son salaire à 2200 € puis à 2500 € en cas de confirmation au poste. Mme [Z] devait bénéficier d'une prime pour la formation de 500 € par mois entre octobre 2017 et juin 2018 (300 € sur 6 mois et 1200 € en cas de réussite soit 3000 € au total).

Cependant, avec une grande surprise, nous avons appris le 14 février 2020, lors de notre entretien avec Mme [X], que cette dernière n'avait jamais été formée, qu'elle n'avait jamais pris les fonctions de responsable administrative et qu'elle n'avait jamais souhaité le faire.

Pour autant Mme [Z] a bénéficié de la totalité des primes dont celle en cas de confirmation au poste de responsable administrative pour une formation qui n'a jamais été dispensée et pour un poste qui n'a jamais été confirmé.

Cela démontre de votre part un manque de transparence vis-à-vis de votre direction puisque nous découvrons trois ans après votre message, mais également une différence de traitement entre les salariés du service administratif qui participe à la détérioration du climat social.

Nous comprenons également mieux votre demande directe auprès de notre président pour obtenir une augmentation de votre « garde rapprochée » composée selon vous de Mme [Z] et votre responsable d'exploitation le 6 septembre 2019 au lieu de vous adresser à votre supérieur hiérarchique.

Nous avons appris trois ans après les faits que vous avez usés de mensonge et de détournement des moyens qui vous sont accordés pour verser une prime à Madame [Z]. Nous ne pouvons tolérer de telles pratiques non seulement à notre égard mais également à l'égard des salariés du service administratif qui subisse du fait de votre management une différence de traitement et une détérioration de leur climat social. C'est ainsi que ces agissements participaient a causé le départ de Mesdames [A] et [E].

3) Mise à l'égard de votre responsable administrative et de votre ASC jusqu'à provoquer leurs départs

Le 12 février 2020, Mme [A], assistante service client (ASC de votre service administratif) s'est entretenue avec [C] [L], directrice des ressources humaines, en l'informant que la situation n'était plus tenable et qu'elle souhaitait procéder à une rupture conventionnelle.

Elle nous a signalé que vous ne lui fournissiez pas de travail malgré ses nombreuses relances lors des entretiens (elle estime sa charge de travail à 20 % de son temps de présence), que vous la mettiez à l'écart, elle faisait l'objet de reproches constants.

Cette situation insupportable a tellement stressé Mme [A] elle s'est retrouvée le dos totalement bloqué et épuisé de ses insomnies quotidiennes.

Nous avons appris que Mme [A] vous avait déjà fait part de sa volonté de quitter l'entreprise en décembre 2020 mais que vous leur n'avez dissuadé.

Le 12 février 2020, lorsque Mme [A] vous a annoncé son souhait de quitter la société vous avait organisé une réunion avec l'équipe en urgence afin de mettre les choses à plat. Lors de cette réunion vous avait adressé de nombreux reproche à Madame [A] sur le regarde toute l'équipe administrative. Devant cette pratique inacceptable, Madame [E] révolté craqué et a également annoncé son départ. Nous avons reçu sa lettre le lendemain.

Mme [A] est aujourd'hui en arrêt prolongé depuis le 13 février 2020 et nous a confirmé son souhait de départ. Nous avons malheureusement appris que ce n'était pas la seule salariée qui souhaitait quitter l'entreprise du fait de votre comportement.

En effet, Madame [E] nous a remis sa rupture de période d'essai en vous reprochant de l'avoir mis à l'écart du reste de l'équipe, de l'avoir privée des informations nécessaires à l'exécution de ses missions, de l'avoir décrédibilisée devant l'ensemble de l'équipe et de l'avoir privée de l'accès aux logiciels indispensables pour le bon exercice de ses missions.

Après son arrivée, il a fallu plus de deux mois pour obtenir l'accès aux différents services de l'entreprise : le 25 octobre, elle n'avait toujours pas accès à la boîte mail opérationnel 3 (qui la boîte commune aux services administratifs ) (') malgré de nombreuses relances auprès de vous. De même, elle nous a rapidement réclamé des informations sur les clients que vous ne lui avez pas communiqués. Elle a dû faire elle-même les démarches pour obtenir des accès notamment aux listes communes pour la communication de mails. Force est de constater que vous avez tenu cette salariée à l'écart et n'avait pas organisé son intégration. Vous ne lui avez pas fourni les éléments nécessaires pour la bonne exécution de ses missions.

Par conséquent, le manque d'intervention volontaire face à ses demandes répétées et légitimes ont provoqué un réel sentiment de mépris chez Mme [E]. Vous avez émis à l'égard de son parcours d'intégration Mme [Z], la plus à même de lui donner des informations clients. Vous vous justifiez en indiquant à Madame [E] avoir souhaité « tenir à l'écart » Madame [Z] car lors des précédents recrutements de responsable administrative, ça se « passait mal » qu'elle « intervenait trop ». Mme [Z] nous a confirmé cette information le 14 février ce qui n'a pas manqué de nous surprendre.

En septembre, face aux demandes insistantes de Madame [E], vous avez finalement proposé d'organiser une réunion avec Mme [Z] pour présenter des clients. Cette réunion n'a jamais eu lieu. Il a fallu qu'elle vous relance à plusieurs reprises pour que finalement vous l'autoriser à aller voir Mme [Z]. Ce n'est que début décembre que ce premier point a eu lieu. Il n'y en a eu malheureusement jamais eu d'autres.

Votre attitude démontre votre volonté de faire de la rétention d'information à différents niveaux. Madame [E] vous l'a signalé à plusieurs reprises mais vous n'avez eu aucune réaction.

En outre, le 31 janvier 2020, Madame [E] a contacté Madame [L] afin d'avoir accès au logiciel Smart que vous n'avez pas daigné lui octroyer, malgré ses multiples demandes. Nous avons pu lui créer un accès le 5 février, soit cinq mois après son arrivée. Pourtant ce logiciel est indispensable pour avoir cette visibilité sur les demandes d'absences, de congés et la gestion des heures de ses équipes. Vous avez continué à manager l'équipe en direct en laissant à l'écart Madame [E].

Enfin, en qualité de Directeur de site depuis des années, vous savez pertinemment que les débriefes mensuels du COMOP auprès de vos N-1 sont obligatoires, or il a été constaté que Madame [E] n'a eu qu'un seul débriefe au mois d'octobre et n'avais donc pas accès aux informations stratégiques pour l'exercice de ses fonctions.

D'autre part, vous avec empêché Mme [E] d'exercer pleinement ses fonctions de management.

A son arrivée, vous avez expliqué à Mme [E] qu'il fallait compléter le fichier des prestations additionnelles au quotidien. Début septembre, cette dernière à découvert des complétions quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles selon les préférences de son équipe. Elle vous en a parlé et vous lui avez indiqué qu'il fallait imposer à l'équipe une mise à jour quotidienne. Elle l'a alors indiqué à son équipe et a constaté une réaction violente de désaccord de la part de Mme [X]. Mme [E] vous a alors fait part de cette réaction suite à quoi vous êtes allé voir le service, avez écouté Mme [X] et avez décrété que chacun pouvait faire avec sa propre méthode. En agissant de la sorte vous avez décrédibilisé Mme [E] devant son équipe et ne lui avez montré aucun soutient de votre part. Vous n'avez jamais éclaircie la situation, ce qui l'a réellement mise à mal.

En outre, lorsque Mme [E] a mis en place des « one to one» avec les membres de son équipe, elle s'est rendue compte que Mme [X] rédigeait un compte rendu détaillé de ce rendez-vous. Elle vous en a parlé pour recueillir votre point de vue. A sa plus grande stupéfaction, vous lui avez demandé de cesser ces réunions car selon vous ce n'était pas 'corporate'. Par cette réaction vous ne permettez pas à Mme [E] d'effectuer les tâches pour lesquelles elle a été engagée et l'empêchez notamment de manager ses équipes.

Enfin, vous n'invitez pas aux réunions avec les clients Mme [E] alors que vous conviez certains membres de son équipe. Pour exemple : en novembre lors de la réunion Promod et en janvier avec le client Nocibé vous ne l'avez pas convié. Le 09 janvier à nouveau avec le Client Promod, vous ne l'aviez ni informé ni convié alors que vous aviez convié Mme [X]. Devant sa demande insistante vous avez fini par accepter qu'elle vous accompagne mais vous ne lui avez donné aucun document ni aucune information sur les personnes présentes lors de la réunion. Ce manque de considération évident conduit à décrédibiliser fortement Mme [E] et notre société devant les clients, mais empêche également Mme [E] de remplir ses fonctions

Finalement [D] [E] a demandé la fin de sa période d'essai le 13 février 2020 notamment pour les raisons suivantes :

- contexte et ambiance difficiles et lourds au sein de l'équipe;

- manque de soutien et d'interaction de sa hiérarchie;

- manque de communication de sa hiérarchie (une seule réunion résumant le COMOP depuis le 19/08/19) ;

- du manque d'intégration : pas d'invitation aux réunions avec les clients alors que l'assistante [V] était invitée;

- de l'absence de volonté de fonctionner avec un Responsable Administratif ni de la Direction, ni des assistantes.

Nous considérons que votre comportement envers Mme [E] l'a poussé au départ et que ce dernier est de votre responsabilité.

Le 13 février 2020 les représentants du personnel nous ont interpelés sur la situation qui venait d'éclater sur votre site. lls nous ont indiqué que ce n'était pas la première fois que des problématiques de management de votre part leurs étaient remontées et qu'ils craignaient le départ de mesdames [E] et [A].

Le 14 février 2020 Mme [L] et M. [R], Directeur des Opérations, se sont rendu sur votre site. Mme [L] a organisé un entretien avec toute l'équipe administrative. Lors de cet entretien l'équipe a dénoncé une ambiance délétère au sein du service a l'unanimité et déploré le départ de mesdames [E] et [A]. (')

En synthèse vous avez causé le départ de deux collaborateurs, vous avez installé une ambiance délétère au sein du service administratif et ce, malgré nos rappels récurrents afin que vous amélioriez le climat social du service. Ces faits, au regard de vos responsabilités, portent nécessairement un préjudice aux intérêts de l'entreprise.

Lors de votre entretien, nous vous avons exposé les faits reprochés et nous avons recueilli vos commentaires. Après un délai de réflexion et étude de vos explications, vous ne nous laissez pas d'autre choix que de procéder à votre licenciement pour faute simple.

En conséquence, la date de première présentation de ce courrier marquera le début de votre préavis d'une durée de 3 mois que nous vous dispensons d'effectuer. Votre indemnité compensatrice de préavis vous sera versée durant cette période.

Nous vous rappelons que votre contrat de travail comporte une clause de non-concurrence que nous vous demandons de respecter. Vous n'êtes donc pas en mesure de travailler pour un concurrent de notre société pour une durée d'un an et ce sur le département 59 et l'Ile de France (départements 75, 91, 92, 93, 94, 95, 77).

En contrepartie, vous bénéficierez d'une indemnité compensatrice de non-concurrence égale à deux mois de salaire brut qui vous sera versée à hauteur d'un douzième par mois pendant douze mois. '

Attendu que dès le 17 août 2007, date de son embauche, l'employeur a confié à M. [Y] [K] la mission de directeur du site ;

Qu'à cet effet, nonobstant le lien hiérarchique qu'il l'attachait au directeur général et au président de la société, il avait en charge de la direction effective du site de [Localité 4], pour laquelle il était amené à gérer le fonctionnement quotidien ;

Que l'employeur lui avait confié délégation de pouvoir en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

Que dans le cadre de ces échanges par mail, M. [Y] [K] se désignait en qualité de « directeur de site », sans pour autant qu'il ait été amené à contester ce titre ;

Que celui-ci organisait son temps de travail librement ;

Que les documents produits démontrent que le salarié était titulaire, de façon très autonome du pouvoir de diriger au quotidien le fonctionnement de l'établissement dont il avait la charge ;

Attendu que dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a, à plusieurs reprises, donné à l'appelant un certain nombre d'instructions sur la façon dont il devait gérer le personnel de son établissement :

Que c'est ainsi que, constatant, dans le cadre d'un courrier du 29 juillet 2015, l'existence, dans un dossier particulier, d'un déficit de communication, la société PUBLIDISPATCH a précisé ses attentes en termes de style de management, lequel devant être empreint de simplicité et d'accessibilité envers les collaborateurs, dans le cadre des relations directes dénuées de rigidité ;

Que par un mail du 18 octobre 2018, constatant l'existence de départs des collaborateurs jugés précipités, le directeur général de l'entreprise rappelait au salarié l'importance du respect de la considération du personnel, élément sur lequel il ne « transigerait pas » ;

Qu'à cette occasion, il était demandé de veiller à l'accueil et la formation des nouveaux embauchés dans le cadre d'un climat général certes exigeant mais également bienveillant et pour le moins respectueux des personnes ;

Que dans le cadre d'un courrier électronique du 23 avril 2019, le directeur des opérations France de l'entreprise lui a notifié, une feuille de route deux instructions précise, à savoir :

- recrutement d'une responsable des services administratifs,

- management du bon climat social ;

Que ces directives générales sont parfaitement compatibles avec la mission de chef de site/directeur de site confiée à l'appelant :

Attendu cependant que dans le cadre d'un long courrier électronique du 13 février 2020, Mme [P] [A], récente recrue, a contacté la direction des ressources humaines de l'entreprise pour lui faire état des difficultés qu'elle rencontrait au sein de l'établissement d'[Localité 4] ;

Qu'il en ressort que son temps de travail était particulièrement sous-exploité ;

Qu'elle faisait état d'une absence d'activité à hauteur de 5h30 par jour, cette inactivité générant chez elle du stress et de la tension;

Qu'elle souligne la détresse qu'elle ressent face à cette situation ;

Que s'agissant d'une autre collègue, récemment recrutée, Mme [D] [E], Mme [A] fait état d'une alliance formée au sein de l'équipe afin de, suivant ses termes, de la détruire ;

Que dans le cadre d'un courrier du 3 février 2020, Mme [D] [E] a avisé son employeur qu'elle comptait mettre fin à sa période d'essai en soulignant :

- un contexte une ambiance difficile et lourde au sein de son équipe

- les difficultés de fonctionner sainement du fait d'un manque d'informations, d'un manque de respect, d'échanges difficiles, et de remontées d'information pas automatiques,

- des personnes réfractaires au changement de son service,

- d'une coopération inexistante avec la KAM ([H]), proche collaboratrice du salarié,

- de l'absence d'invitation aux réunions avec les clients (« j'ai dû demander pour assister à la réunion avec Promod qui venait sur site début janvier alors que mon assistante [O] était invitée »)

- de l'absence de volonté au sein du site de fonctionner avec un responsable administratif ;

Qu'en outre, dans le cadre du même courrier Madame [E] a précisé que « hier après-midi [Y] [[K]] m'a demandé de rentrer chez moi vers 15 heures en me disant qu'il me tiendrait au courant le soir à 18 heures, il m'a envoyé un SMS me demandant de rester chez moi ce jour et qui me tiendrait informer des modalités » ;

Que les conditions managériales dans lesquelles évoluaient les salariés se voient confirmés par les attestations circonstanciées d'autres salariés de l'entreprise, notamment celle de Mme [T] [F], qui souligne qu'une collaboratrice proche de l'appelant, Mme [H] [Z] a fait preuve à son égard d'un comportement de rétention d'formation, ayant eu , selon le témoin , pour effet de la discréditer auprès de son équipe ;

Que selon Mme [F] le comportement jugé humiliant de M. [Y] [K] l'a contrainte à alerter le médecin du travail ;

Que Mme [M] [G], autre salariée l'entreprise fait état du comportement de M. [Y] [K] à l'égard de [H] [Z] qui s'est vue privilégiée ;

Que cette affirmation se voit confirmée par d'autres pièces, qui démontrent une volonté de l'appelant de la privilégier par une tentative d'octroi d'augmentations disproportionnées au regard de la situation de ces autres collègues, ou par d'achat d'un véhicule de fonction mis à sa disposition ;

Que les difficultés de communication de M. [Y] [K] envers ses subordonnés se voient confirmés par le mail de Mme [E] en date du 4 mars 2020, aux termes duquel elle fait état de l'absence de fluidité de M. [Y] [K] et de [H] [Z] en termes de communication ;

Que M. [I] [S], salarié depuis une dizaine d'années sur le site de [Localité 4] souligne la volonté de [H] [Z] de gérer les services administratifs de façon « monopolistique » ;

Attendu que même si le site dont M. [Y] [K] avait la charge a pu obtenir de bons résultats en termes financiers, il n'en demeure pas moins que les témoignages et les pièces produites par l'employeur démontrent clairement que, malgré les souhaits clairement exprimés par sa hiérarchie, le salarié a laissé se développer, avec son assentiment, une politique managériale ayant abouti à une insuffisance marquée d'information et de relations entre sa direction et le reste de l'entreprise, et ce  en contradiction complète avec les directives de son employeur ;

Que cette situation pour effet de générer une très net sentiment de mal de malaise, qui a eu pour effet de favoriser, au moins en partie, le départ de deux collaborateurs ;

Que quelques attestations produites par le salarié ne suffisent pas à contredire la matérialité de ces circonstances ;

Que l'ensemble de ces éléments la conséquence d'un grave manquement du salarié :

- aux instructions qui avaient été données,

-à ses obligations de chef d'établissement, chargé de la gestion et du bon fonctionnement de ses équipes ;

Que nonobstant l'ancienneté de M. [Y] [K], son comportement était d'une gravité telle qu'il rendait impossible le maintien de son contrat de travail ;

Que dès lors, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont considéré son licenciement comme étant fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point ;

Que par voie de conséquence, M. [Y] [K] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que M. [Y] [K] réclame le paiement de 40 527,78 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère vexatoire de la rupture de son contrat de travail ;

Que s'il apparaît que M. [Y] [K] a fait l'objet d'une dispense de préavis, les éléments rapportés par l'appelant ne suffisent pas à démontrer que les conditions de son départ ont eu pour effet de lui faire quitter l'entreprise dans des conditions impropres à son statut et à son ancienneté ;

Qu'à défaut de rapporter la preuve d'une faute de l'employeur à cet égard, M. [Y] [K] doit être débouté de sa demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait du non-respect des dispositions relatives au « forfait jour »

Attendu que M. [Y] [K] réclame le paiement de 2000 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'illicéité de la convention de forfait jours application situation professionnel ;

Que toutefois, à supposer même que cet accord illicite ou inopposable, la cour constate que M. [Y] [K], qui ne réclame pas d'heures supplémentaires, ne caractérise pas en quoi cette situation lui a causé un quelconque préjudice ;

Que la demande sera donc rejetée;

Sur les demandes formées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'à cet égard, les demandes formées par les parties seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris hormis en ce qu'il a condamné M. [Y] [K] à payer à la société PUBLIDISPATCH 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

STAUANT à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société PUBLIDISPATCH aux dépens,

DEBOUTE la société PUBLIDISPATCH de sa demande formée en première instance au titre de ses frais de procédure,

DEBOUTE les parties de leurs demandes formées en cause d'appel au titre de leurs frais irrépétibles.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/01288
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01288 ?
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