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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01286

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 30 juin 2023, 21/01286


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 944/23



N° RG 21/01286 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYJO



AM/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

28 Juin 2021

(RG 19/00151 -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :

Mme [R] [S]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉES :

SAS MOCOURT en liquidation judiciaire



S.E.L.A.R.L. [O] & AS...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 944/23

N° RG 21/01286 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYJO

AM/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

28 Juin 2021

(RG 19/00151 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [R] [S]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

SAS MOCOURT en liquidation judiciaire

S.E.L.A.R.L. [O] & ASSOCIES prise la personne de Me [L] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de la société de la SAS MOCOURT

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Wilfried POLAERT, avocat au barreau de LILLE,S.E.L.A.R.L. SELARL R&D prise en la personne de Me [Y] [P], es qualité d'adminisrateur judiciaire de la SAS MOCOURT

Assigné en intervention forcée le 09-03-23 à personne habilitée

[Adresse 2]

[Localité 6]

n'ayant pas constitué avocat

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

assigné le 13/03/23 à personne habilitée

n'ayant pas constitué avocat

DÉBATS : à l'audience publique du 16 Mai 2023

Tenue par Alain MOUYSSET

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Réputé contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 Mai 2023

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel Mme [R] [S] a été embauchée à compter du 1er février 2010 à raison de 10 heures de travail par semaine par la société MOCOURT, laquelle a été rachetée le 1er janvier 2019.

Le 18 février 2019 la société a convoqué la salariée à un entretien à un éventuel licenciement fixé au 28 février 2019, au cours duquel les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle ont été remis à la salariée.

Par courrier du 11 mars 2019 la société a notifié les motifs du licenciement à la salriée, qui a adhéré le 21 mars 2019 à ce dispositif, étant précisé que l'employeur a proposé préalablement une offre de reclassement que la salariée n'a pas acceptée.

Le 24 septembre 2019 la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Douai, lequel par jugement en date du 28 juin 2021 a débouté la salariée de l'intégralité de ses demande à l'exception de celle en rappel de salaire au titre des minima conventionnels, pour lesquels la société a été condamnée à payer à la salariée la somme de 127,39 euros ainsi que celle de 12,38 euros pour les congés payés afférents, outre la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 23 juillet 2021 la salariée a interjeté appel de ce jugement.

Le 18 janvier 2023 la société a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Douai, lequel a été converti en liquidation judiciaire le 15 mars 2023.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 6 mars 2023 par la salariée.

Vu les conclusions déposées le 28 avril 2023 par la société représentée par la Selarl [O] Aras et associés en sa qualité de mandataire liquidateur.

Vu l'absence de constitution d'avocat par l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 6], bien que régulièrement assignée.

Vu la clôture de la procédure au 10 mai 2023.

SUR CE

Du licenciement

Au terme de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au moment des faits, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusé par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

-1° A des difficultés économiques caractérisées soient par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ses difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés

c)Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus

2°A desmutations technologiques

3°A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité

4°À la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emplois ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1 aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

En l'espèce la salariée soutient qu'il n'existait pas de tension concurrentielle particulière et que parmi les 40 structures que cite l'employeur seules 11 appartiennent au même secteur d'activité, et se prévaut du faible montant de sa rémunération pour affirmer que l'économie réalisée par la société n'était pas de nature à avoir un impact sur sa situation financière.

Elle souligne également que la société a procédé à plusieurs recrutements durant la période visée comme étant révélatrice d'une dégradation de la situation économique de l'entreprise, qui n'est pas réelle dans la mesure où ont été exclus le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exploitation des stations-service, ainsi que les tickets restaurant et bons alimentaires.

Elle précise à ce titre que les marges des distributeurs en matière de vente de carburants sont beaucoup plus importantes que ne l'affirme la société, qui ne se prévaut pas en toutes hypothèses de difficultés économiques significatives et durables correspondant à au moins un trimestre, la baisse de la fréquentation s'étant en outre accompagnée d'une augmentation du panier moyen.

La salariée s'interroge quant à l'utilité du rachat d'une entreprise placée dans la situation économique alléguée par la société.

Elle fait valoir par ailleurs qu'il n'y a pas eu d'incidence sur son emploi, son poste n'ayant pas été supprimé mais seulement son contrat personnel, puisque les fonctions ont été assurées par l'épouse du gérant.

S'agissant de la recherche de possibilités de reclassement, la salariée soutient que la proposition de reclassement n'est pas loyale comme correspondant à un statut inférieur à celui dont elle bénéficiait en tant que comptable.

Toutefois un employeur qui procède à un licenciement économique au motif d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité n'a pas à justifier de l'existence de difficultés économiques mais de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, laquelle peut exister indépendamment d'une situation économique dégradée.

Même si la procédure de licenciement a été diligentée peu de temps après le rachat de la société, il n'appartient pas au juge prud'homal, sauf légèreté blâmable ou fraude, de porter une appréciation sur les choix de gestion de l'employeur et la stratégie mise en oeuvre pour faire face à des difficultés ou à des menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise, peu important à ce titre le montant de la rémunération, qui de par sa suppression peut être une source d'économie, étant précisé que les charges doivent être également prises en compte.

Par ailleurs la société justifie d'une dégradation de sa situation économique, peu important que celle-ci corresponde à l'une des situations visées par article 1233-3 au titre des difficultés économiques, puisque celle-ci s'est positionnée sur le terrain de la nécessaire réorganisation de l'entreprise.

La différence entre les chiffres avancés par la société et ceux mis en avant par la salariée s'explique par la prise en compte ou non de l'activité de la station-service, dont cette dernière se prévaut pour affirmer que le chiffre d'affaires a augmenté.

S'il est exact que cette dernière activité a sensiblement augmenté, pour autant elle ne constitue pas le coeur du métier de l'entreprise qui intervient sur le marché du hard discount , et les allégations de la salariée quant à sa rentabilité ne sont pas corroborées par l'article de '' presse '' qu'elle produit, qui permet seulement d'observer que les marges ne sont pas inexistantes comme cela est parfois soutenu.

Cette augmentation, comme celle très réduite du panier moyen, nettement inférieure à 1 %, ne doit pas masquer la baisse du chiffre d'affaires se rapportant à l'autre activité de la société, même si elle n'est pas totalement linéaire.

Il importe de préciser que les allégations de la salariée relativement à des tickets restaurant ne reposent sur aucun élément objectif, et qu'en toute hypothèse un encaissement reporté de tels modes de paiement ne pourrait concerner qu'une faible période d'activité alors que la dégradation s'inscrit sur une période plus longue.

La trajectoire ressortant des données comptables mises en exergue par la société est générale en ce que elle ressort également d'une baisse de fréquentation du magasin au sein duquel la société exerce son activité, ce que la salariée se contente de remettre en cause en affirmant qu'elle est passagère.

Il importe de préciser à ce titre que cette trajectoire de dégradation de la situation économique de la société a perduré au-delà du licenciement de la salariée, puisque celle-ci a été l'objet d'une procédure collective ayant abouti à sa liquidation judiciaire.

Il convient de rappeler que le juge a la faculté en matière de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité de prendre en compte l'évolution de la situation de cette dernière après le licenciement pour apprécier la réalité de menaces sur ladite compétitivité.

Il apparaît également que la salariée procède à une délimitation du secteur d'activité de la société trop restreinte, en ce qu'elle exclut parmi les 40 entreprises citées par l'employeur les trois quart en retirant des structures comme des hypermarchés, alors même que la société fait valoir à juste titre que face à la menace du secteur du hard discount ces derniers ont commencé à s'intéresser à ce marché, dont il convient de préciser qu'il a vu le jour pour concurrencer celui de telles structures.

Or en présence d'une baisse de fréquentation s'inscrivant dans le temps, la société était légitime à constater une perte de parts de marché sur son secteur d'activité, à vouloir procéder à une réorganisation afin que cette situation ne s'accentue pas, laquelle devait passer notamment par la réalisation d'économies, étant observé que la légitimité de son appréciation a été malheureusement confortée par l'évolution postérieure de la société.

S'agissant de l'absence alléguée de la suppression du poste de travail de la salariée, il convient de constater qu'aucun salarié n'a été recruté pour occuper les fonctions de comptable, les recrutements opérés concernant le poste proposé à la salariée à titre de reclassement et pourvu de manière régulière mais discontinue par le biais de contrat à durée déterminée, ce que la société explique par la nécessité de remplacer des salariés absents.

Il convient par ailleurs de rappeler que la suppression d'un emploi est effective lorsque la répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise ou lorsque celles-ci sont exécutées par un associé ou l'épouse de ce dernier.

Or en l'espèce la comptabilité a été confiée à la présidente de la société également épouse du gérant, étant observé que le positionnement de la salariée aboutit à rendre impossible tout licenciement économique lorsque les missions d'un salarié subsistent après la rupture de son contrat de travail, ce qui est très souvent le cas s'agissant de tâches relevant de la comptabilité.

En ce qui concerne le reclassement, la société était dans l'obligation d'effectuer la proposition du poste vacant au moment du licenciement, même si la nature du contrat de travail était différente et le statut moins élevé au regard des dispositions de la classification de la convention collective, de sorte qu'aucune déloyauté ne peut être retenue de ce chef.

Par ailleurs il convient de constater que la société n'appartenait pas à un groupe au sens du périmètre de reclassement défini au regard de liens capitalistiques qui font défaut en l'espèce.

Il convient au regard de l'ensemble de ces éléments de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté la salariée de ses demandes indemnitaires subséquentes à la reconnaissance de l'absence d'une telle cause.

De la demande en rappel de salaire au titre des minima conventionnels

S'il convient de confirmer le jugement entrepris quant au principe de l'octroi d'un rappel de salaire au titre des minima conventionnels, pour autant il y a lieu de réduire le montant de la somme due dans la mesure où doit être prise en compte la date de l'arrêté d'extension des différents avenants et non celle de ce dernier, puisque l'employeur n'était pas membre de l'une des organisations signataires.

Le rappel de salaire se limite à la somme de 6,56 euros outre celle de 0,65 euros pour les congés payés afférents.

De l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Des dépens

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant du rappel de salaire et des congés payés afférents octroyés à Mme [R] [S] au titre des minima conventionnels,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,

Fixe la créance de Mme [R] [S] dans la procédure collective de la société MOCOURT à la somme de 6,56 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 0,65 euros pour les congés payés afférents qui sera inscrite sur l'état des créances déposées au greffe du commerce conformément aux dispositions de l'article L. 621-129 du code de commerce:

Précise que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majoration,

Dit la présente décision opposable à l'AGS CGEA de [Localité 6] dans les limites prévues aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

Dit que l'obligation de l'AGS CGEA de [Localité 6] de faire l'avance de la somme ci-dessus énoncée ne pourra s'exécuter que sur présentation d' un relevé par le mandataire judiciaire,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Valérie DOIZE Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 21/01286
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01286 ?
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