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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01272

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 30 juin 2023, 21/01272


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 973/23



N° RG 21/01272 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYID



PN/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

30 Juin 2021

(RG 19/01280 -section 2 )








































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Romain DURIEU, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A. ESTERRA

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par M...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 973/23

N° RG 21/01272 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYID

PN/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

30 Juin 2021

(RG 19/01280 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Romain DURIEU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A. ESTERRA

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Julie DE OLIVEIRA, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Camille FOURNIER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 11 Mai 2023

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [Z] [V] a été engagé par la société RANDSTAD [Localité 3] dans le cadre de plusieurs contrats de travail pour être mis à disposition de la société ESTERRA en qualité d'équipier de collecte à compter du 26 juillet 2017.

Par la suite, cette mise à disposition interviendra par l'intermédiaire de la société Adecco [Localité 3] Industrie.

La relation de travail prendra fin le 20 mars 2019.

La convention collective applicable est celle des activités du déchet.

Le 2 octobre 2019, M. [Z] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin d'obtenir la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et la réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 30 juin 2021, lequel a :

- débouté M. [Z] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné à payer à la société ESTERRA 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les parties à leurs éventuel frais et dépens.

Vu l'appel formé par M. [Z] [V] le 22 juillet 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [Z] [V] transmises au greffe par voie électronique le 11 octobre 2021 et celles de la société ESTERRA transmises au greffe par voie électronique le 10 janvier 2022,

Vu l'ordonnance de clôture du 20 avril 2023,

M. [Z] [V] demande :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a :

- débouté de l'ensemble de ses demandes,

- condamné à payer à la société ESTERRA 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de requalifier les contrats de missions en contrat à durée indéterminée à compter du 26 juillet 2017, et en conséquence,

- de condamner la société ESTERRA à lui payer :

- 1.409,75 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article l. 1251-41 alinéa 2 du code du travail,

- 558,02 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 2.819,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 281,94 euros au titre des congés payés afférents,

- 2.819,47 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1.409,75 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- de condamner la société ESTERRA à payer 2.500 euros au titre de l'article 37 de la loi 10 juillet 1991, ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts par voie judiciaire.

La société ESTERRA demande :

- de confirmer le jugement déféré en toutes de ses dispositions,

- de débouter M. [Z] [V] de ses demandes,

- de le condamner à payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée :

Attendu que l'article L. 1251-5 du code du travail dispose que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale permanente de l'entreprise utilisatrice, quel que soit son motif ;

Qu'aux termes de l'article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission" et seulement dans les cas qu'il prévoit, parmi lesquels, " le remplacement d'un salarié en cas d'absence " et "l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise" ;

Qu'il résulte de l 'article L. 1251-40 du code du travail que dispose que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions légales susvisées, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ;

Qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice, et non au salarié, de justifier de la réalité du motif de recours invoqué et de son caractère temporaire, le recours aux contrats précaires ne pouvant s'inscrire ni dans un accroissement durable et constant d'activité, ni dans le cadre d'une gestion visant à faire face à un besoin structurel de main-d''uvre, étant précisé que la seule mention dans les contrats de mission d'un motif repris à l'article L1251-6 précité est insuffisante à justifier du bien-fondé du recours à une mission de travail temporaire ;

Attendu qu'en l'espèce, même si le salarié ne produit pas au dossier les contrats de mission et l'ont amené à travailler pour le compte de société ESTERRA, il n'en demeure pas moins que celle-ci ne conteste pas avoir eu recours aux services de l'appelant dans le cadre légal régissant les contrats de travail à durée déterminée instaurée au titre d'une relation intérimaire ;

Qu'au surplus, dans le cadre d'un courrier en réponse au salarié du 7 juin 2019, l'employeur a expressément déclaré : " nous rappelons que M. [Z] [V] a commencé son activité professionnelle au sein d'ESTERRA dans le cadre de missions intérimaires déléguées par l'agence de travail temporaire Randstad ('). Il a bénéficié d'une formation en date du 26 juillet 2017 en dehors du poste de travail et d'un accompagnement tutorat le 31 juillet 2017. Il continué à réaliser des missions sur le site de [Localité 6] et [Localité 5] afin de pouvoir aux différents remplacements notre personnel durant son absence, avec des interruptions d'un jour à plusieurs jours chez ESTERRA. (')

Il a terminé ses missions par l'intermédiaire de l'agence temporaire Adecco le 20 mars 2019. " ;

Que cette missive constitue pour tout le moins l'aveu de la situation intérimaire du salarié au sein de l'entreprise ;

Qu'il appartient donc à l'intimée de rapporter la preuve de la réalité des motifs ayant conduit à faire appel à ce type de mission dans le cadre d'une durée déterminée ;

Attendu qu'en l'espèce, l'intimée soutient que pour la période d'août 2017 à mars 2018, l'appelant a été amené à remplacer un certain nombre de salariés, notamment pendant leurs congés payés dans les cadres d'un glissement de poste ;

Que toutefois, s'il est soutenu que le salarié a remplacé divers salariés entre le 10 août et le 29 août 2017, force est de constater que les contrats de mise à disposition pour la période considérée ne portent que sur la journée du 8 août 2017, ayant trait à un accroissement temporaire d'activité, sans que l'intimé ne produise d'autres documents ne serait-ce que sur les périodes d'août 2017, dans le cadre du remplacement de salariés allégué ;

Qu'en outre, les documents dont se prévaut société ESTERRA ne portent pas la mention pas la mention du salarié remplacé ni sa qualification ;

Que s'il est fait état d'accroissement temporaire d'activité ne serait-ce que sur les contrats portant sur les périodes du 8 août 2017 au 9 août 2017 et du 31 juillet 2017 au titre de 31 juillet 2017, la seule mention de l'existence d'une formation au tutorat ne suffit pas à caractériser le motif annoncé dans le cadre des contrats de mise à disposition produits, soit un surcroît d'activité, dont la réalité n'est en pas caractérisée ;

Qu'enfin, de façon générale, s'agissant des contrats de mission " Adecco ", l'accroissement lié à la mise en place des bennes supplémentaires n'est pas démontré par aucune pièce, alors que " le manque de volontariat " ne constitue pas à lui seul un motif de surcroît d'activité ;

Qu'il en résulte que les contrats de mission étaient destinés à pourvoir durablement des emplois que M. [Z] [V] a occupés successivement liés à l'activité normale et permanente de la société ESTERRA, peu important l'existence de périodes de non emploi du salarié entre ses missions, lesquelles se sont échelonnées sur une durée de plus de 19 mois ;

Que dans ces conditions, c'est à bon droit que le salarié revendique la requalification de l'ensemble de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée, avec effet au 31 juillet 2017 ;

Que le jugement déféré est infirmé à cet égard ;

Sur les conséquences financières de la requalification en CDI et de la rupture du contrat de travail

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L1251-41 du code du travail et compte tenu de la requalification des contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée, M. [B] est bien fondé à obtenir une indemnité de requalification laquelle ne peut être inférieure à un mois de salaire ;

Que la demande sera donc accueillie ;

Attendu que dans la mesure où les différents contrats de mission du salarié ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée, la société ESTERRA ne pouvait unilatéralement mettre un terme à la relation contractuelle sans mettre en 'uvre préalablement une procédure de licenciement ;

Que par voie de conséquence, la rupture de la collaboration professionnelle intervenue à l'issue de la mission achevée le 20 mars 2019 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de notification écrite des motifs de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que lorsqu'une entreprise utilisatrice un recours au salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions relatives au cas de recours au travail temporaire, il peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice des droits correspondants à un contrat à durée indéterminée prenante effet au premier jour de sa mission ;

Qu'il peut prétendre à une indemnité de préavis qui s'ajoute à l'indemnité de précarité ;

Que dans ces conditions, la demande, dont le quantum n'est pas remis en cause, sera accueillie à ce titre ;

Que compte tenu de la rémunération de M. [Z] [V] et de son ancienneté, il en sera de même s'agissant de la demande au titre de l'indemnité de licenciement ;

Attendu que la cour a les éléments suffisants compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, pour fixer le préjudice à 2819 euros, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail ;

Sur les dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure :

Attendu que M. [Z] [V] réclame des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, lesquels ne se cumulent toutefois pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Qu'il doit donc être débouté de cette demande ;

Sur la demande formée par M. [Z] [V] en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Attendu qu'à cet égard, la demande sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT à nouveau,

REQUALIFIE les contrats de missions accomplis par M. [Z] [V] au sein de société ESTERRA en contrat de travail à durée indéterminée,

DIT que la rupture de ce contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société ESTERRA à payer à M. [Z] [V] :

- 1409,75 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 558,02 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 2819,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 281,94 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2819 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

DÉBOUTE M. [Z] [V] de ses plus amples demandes,

CONDAMNE la société ESTERRA aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRÉSIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/01272
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01272 ?
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