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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01248

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 30 juin 2023, 21/01248


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 646/23



N° RG 21/01248 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TX3H



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lens

en date du

05 Juillet 2021

(RG 19/00403 -section 2 )







































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.R.L. TRANSPORTS [L] FP

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Patrick VAN CAUWENBERGHE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ :



M. [T] [I]

[Adresse 1]

[Lo...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 646/23

N° RG 21/01248 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TX3H

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lens

en date du

05 Juillet 2021

(RG 19/00403 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. TRANSPORTS [L] FP

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Patrick VAN CAUWENBERGHE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [T] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me David MINK, avocat au barreau de BÉTHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 12 Avril 2023

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 23 Novembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[T] [I] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société TRANSPORTS [L] à compter du 27 juillet 2018 en qualité de chauffeur poids lourds, coefficient 150 M, groupe 6 de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 octobre 2019 à un entretien le 29 octobre 2019 en vue d'un éventuel licenciement à la suite d'une mise à pied conservatoire en date du 15 octobre 2019. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du le 4 novembre 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Le 15 octobre 2019, vous avez refusé de réaliser les ordres de missions donnés par le service affrètement. Il vous a été demandé de charger chez notre client TESSENDERLO à destination de SUEZ [Localité 3]. Cette mission comportait un découcher.

Ne souhaitant pas prendre votre repos journalier sur la route, vous avez laissé le tracteur sur le parking de l'entreprise et êtes rentré chez vous abandonnant votre poste sans vous préoccuper des conséquences de votre attitude

Nous tenons à vous rappeler que vous avez été embauché en tant que conducteur afin de réaliser des transports pour le compte de nos clients et dans le respect des obligations contractuelles.

Vous devez de ce fait exécuter de bonne foi le contrat de travail et les tâches en découlant qui vous ont confiées et planifiées dans le respect de la réglementation.

Cette exécution passe par le respect des directives données par le service affrètement.

Par votre comportement, vous avez transgressé vos obligations contractuelles en décidant de vous-même de ne pas réaliser la prestation de travail et en outrepassant vos obligations contractuelles en vous arrogeant un pouvoir de direction dans l'organisation de la tournée.

La fonction essentielle du conducteur est la conduite d'un poids lourd, le chargement et déchargement et la livraison de la marchandise à nos destinataires ce dont vous aviez conscience au moment de la signature du contrat.

Comme tout conducteur vous êtes amené à prendre des repos journaliers hors du domicile et il ne vous appartient pas de refuser la tournée sous prétexte que vous ne pouvez rentrer chez vous.

L'organisation de nos tournées dépend de nos clients qui nous confient les transports et nous avons pour obligation de les réaliser afin d'éviter tout litige ou mise en cause de notre contrat.

Ce refus a eu pour conséquence l'annulation du transport faute de pouvoir vous remplacer au pied levé. Le client fort mécontent nous a assigné une non-conformité qui n'est pas sans conséquence sur notre future notation dans le cadre de la certification ISO. La rédaction de cette non-conformité peut aboutir pour l'entreprise à une interdiction de site à l'avenir.

Ces faits d'insubordination et d'indiscipline ne datent pas d'aujourd'hui car vous avez été sensibilisé oralement à ce sujet mais ces remarques ont été sans impact sur votre comportement.»

Par requête reçue le 20 novembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lens afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts et de rappels de salaire.

 

Par jugement en date du 5 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société à lui verser :

- 1188,57 euros à titre de rappels de salaires pour la période de juillet 2018 à novembre 2019

- 118,85 euros au titre de l'incidence congés payés

- 542,52 euros à titre de rappels de salaires sur mise à pied conservatoire

- 54,25 euros au titre de l'incidence congés payés

- 2942,91 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 294,29 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 1042,27 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 8828,73 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour les conditions brusques et vexatoires

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et ordonné la remise de bulletins de paye et des documents sociaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Le 20 novembre 2019 la société TRANSPORTS [L] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 23 novembre 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 14 décembre 2022 puis renvoyée au 12 avril 2023

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 22 février 2022, la société TRANSPORTS [L] appelante, sollicite de la cour l'annulation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimé à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que les «découchers» font partie intégrante de la fonction de conducteur routier, que l'intimé le savait et a signé son contrat de travail en connaissance de cause, qu'il était affecté à des services de transports pour divers clients, qu'à plusieurs reprises il a menacé de ne pas exécuter les missions qui lui étaient confiées, que le mardi 15 octobre 2019, il a, de nouveau, refusé les ordres de mission donnés par le service affrètement, qu'il a fait demi-tour, a abandonné son véhicule sur le parking et, sans se soucier des conséquences, est rentré chez lui, que le temps de conduite pour atteindre Tessenderlo était de 3 heures 30, que le temps de conduite continue de 4 heures 30 n'était pas atteint et la pause de 45 minutes ne se justifiait pas au vu de la situation, qu'il pouvait disposer d'un temps suffisant pour effectuer la dernière livraison, qu'un découcher lui était imposé du fait que le retour ne pouvait être réalisé, qu'en raison de l'abandon de poste de l'intimé, la société n'a pu réaliser la livraison et a subi des pénalités, qu'elle s'est vu assigner une non-conformité par la société Tessenderlo, que le départ de l'intimé de son camion constitue un abandon de poste qui justifie son licenciement pour faute grave, que l'octroi de 1188,57 euros au titre des rappels de salaires pour la période de mai 2018 à novembre 2019 et des congés payés y afférents est dépourvu de fondement.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 21 décembre 2021, [T] [I] sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante d'avoir à lui remettre l'ensemble des fiches de paies et documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir et à lui verser la somme complémentaire de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé soutient qu'il lui est reproché un abandon de poste et un refus de travailler le 15 octobre 2019, que ce jour-là, il a commencé son travail à 5 heures et est arrivé à 9 heures 12 chez le client Suez Eau France, qu'après s'être arrêté au poste de déchargement, il a rencontré un problème d'éclatement du coussin d'air de suspension sur la remorque, qu'il a quitté le site du client Suez à 10 heures 40 puis a effectué une coupure de 45 minutes, que lorsqu'il a appelé l'entreprise, il lui a été demandé de retourner au siège situé à [Localité 4] pour changer de remorque et se rendre à Tessenderlo en Belgique en vue d'un chargement, qu'à son arrivée au siège, il a appris qu'il serait contraint de découcher trois nuits de suite et ce, alors qu'il téléphonait tous les jours pour connaître son planning, qu'il n'effectuait plus de découcher depuis le 21 mai 2019 et ne disposait donc pas de nécessaire de toilettes dans sa cabine, qu'il lui restait 3 heures 27 pour effectuer le voyage vers Tessenderlo d'une durée programmée de 3 heures 30, compte non tenu des conditions de circulation et notamment de la traversée de l'agglomération bruxelloise, qu'il lui a alors été demandé de procéder à l'inventaire de son véhicule afin de récupérer ses affaires et de repartir chez lui, qu'il a quitté l'entreprise à la demande de son employeur à 16 heures, que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, que sur l'année 2018, il n'a pas été payé de 46 heures et 56 minutes, qu'en 2019, il a subi un déficit d'heures de 23 heures et 42 minutes.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article 455 du code de procédure civile que le jugement entrepris comporte bien des motifs puisque, dans ses écritures, l'appelante en conteste la pertinence ; qu'il n'y a donc pas lieu d'en prononcer l'annulation ;

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont le refus opposé le 15 octobre 2019 par l'intimé à son employeur d'effectuer un chargement sur le site de Tessenderlo, se trouvant en Belgique, et nécessitant un découcher, ayant entraîné l'annulation du transport et une assignation de non-conformité la société par le client et un abandon du véhicule ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1er du contrat de travail qu'à l'occasion de l'exécution des ordres de mission remis par le service affrètement l'intimé pouvait être astreint à des repos journaliers hors de son domicile ; qu'il résulte de la chronologie des faits survenus le 15 octobre 2019, dressée par l'intimé, que celui-ci a effectué une livraison le mardi 15 octobre sur le site de la société Suez se trouvant au Pecq et ne l'a quitté qu'à 10 heures 40 ; que selon l'ordre de mission versé aux débats concernant la semaine du 14 au 19 octobre 2019, l'intimé devait se rendre ensuite à Tesserlo en Belgique pour effectuer un chargement de chlorure à destination du site de la société Suez au Pecq ;

qu'ayant averti son employeur des problèmes rencontrés par sa remorque dont un coussin d'air de la suspension avait éclaté, celui-ci lui a donné comme instructions de passer au siège de la société à [Localité 4] pour changer de remorque et se rendre ensuite sur le site de Tessenderlo ; qu'il est manifeste que, dès réception de ces instructions, l'intimé n'entendait pas les exécuter ; que notamment, il n'explique pas les raisons pour lesquelles il avait effectué une pause de 45 minutes à son arrivée dans l'entreprise alors qu'il n'avait pas atteint un temps de conduite de 4 heures 30 et n'avait conduit selon sa chronologie que durant 2 heures 16 minutes ; que compte tenu de la distance séparant le siège de la société et le lieu de chargement et des différentes opérations auxquelles était astreint l'intimé, ce dernier se trouvait forcé d'immobiliser son véhicule après 20 heures et de respecter une coupure de 9 heures conduisant à un découcher ; que cette obligation s'inscrivait dans le cadre de son contrat de travail ; que toutefois, il n'est pas contesté que la décision d'imposer un découcher au salarié a été prise le 19 octobre ; que ce dernier n'en avait plus effectué depuis le 20 mai 2019 ; que de ce fait, pris à l'improviste, il ne détenait ni linge de rechange ni trousse de toilette ; que la société n'établit nullement qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de substituer l'intimé et que l'inexécution de la prestation commandée a entraîné les effets décrits dans la lettre de licenciement ; que l'appelante ne produit par ailleurs aucune pièce de nature à démontrer que l'intimé avait adopté précédemment un comportement similaire et été sanctionné pour de tels faits ; qu'elle ne communique pas non plus le moindre élément de preuve de nature à confirmer ses affirmations selon lesquelles l'intimé aurait laissé son tracteur sur le parking et décidé, de sa propre initiative, d'abandonner son lieu de travail pour revenir à son domicile alors que le salarié prétend avoir été invité par son employeur à vider les lieux après un inventaire du véhicule ; qu'il s'ensuit que si le refus opposé par l'intimé à se conformer aux instructions de son employeur était fautif, la mise en 'uvre d'une procédure de licenciement était disproportionnée par rapport aux faits commis ;

Attendu qu'il n'existe pas de discussion sur le montant du rappel de salaire, par suite de la mise à pied conservatoire devenue sans fondement, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement, alloués par les premiers juges, l'appelant n'en contestant que le principe ;

Attendu en application de l'article L1235-3 du code du travail qu'à la date de son licenciement, l'intimé était âgé de 54 ans et jouissait d'une ancienneté inférieure à deux années au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle plus de dix salariés ; que sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 2819 euros ; qu'il ne communique aucun élément de preuve de nature à établir qu'il a subi un préjudice par suite de la perte de son emploi ; qu'il convient en conséquence d'évaluer l'indemnité due par suite du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 2820 euros ;

Attendu que l'intimé ne démontre pas que son licenciement soit survenu dans des conditions vexatoires ou humiliantes ;

Attendu, sur le rappel de salaire, que l'intimé produit un tableau détaillé faisant apparaître, pour la période du 30 juillet 2018 au 27 septembre 2019, le nombre d'heures de travail accomplies chaque jour n'ayant pas donné lieu à rémunération ; que lui seraient dues, pour l'année 2018, 46 heures 56 et pour l'année 2019, 23 heures 42 ; que la société se borne dans ses écritures à affirmer que les revendications de l'intimé étaient dépourvues de fondement, sans apporter le moindre élément de preuve de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié ; que les premiers juges ont exactement évalué le rappel de salaire dû ;

Attendu qu'il convient de confirmer la remise par la société appelante d'un bulletin de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes sans assortir toutefois cette obligation d'une astreinte ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

CONDAMNE la société TRANSPORTS [L] à verser à [T] [I] 2820 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE [T] [I] de sa demande du chef de licenciement dans des conditions brusques et vexatoires,

ORDONNE la remise par la société TRANSPORTS [L] d'un bulletin de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes,

 

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris

ET Y AJOUTANT,

 

CONDAMNE la société TRANSPORTS [L] à verser à [T] [I] 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

V. DOIZE

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01248
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01248 ?
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