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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01235

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 30 juin 2023, 21/01235


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 969/23



N° RG 21/01235 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXZB



PN/NB

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lannoy

en date du

17 Juin 2021

(RG 20/00021)







































GROSSE :
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aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [D] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/02/21/008151 du...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 969/23

N° RG 21/01235 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXZB

PN/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lannoy

en date du

17 Juin 2021

(RG 20/00021)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [D] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178/02/21/008151 du 06/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A. CONTINENTALE PROTECTIONS SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Sebastien TO, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 04 Mai 2023

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Lucie FOURNIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [D] [P] a été engagé par la société QUALIGUARD suivant un contrat à durée indéterminée le 4 février 2012 en qualité d'agent de sécurité. La société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES (ci-après dénommée « société CPS ») a repris son contrat le 1er novembre 2014.

La convention collective applicable est celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 3 février 2020, M. [D] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de soin employeur, en raison de divers manquements à ses obligations.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date 29 janvier 2021, M. [D] [P] a été licencié pour inaptitude non professionnelle.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 17 juin 2021, lequel a :

- débouté M. [D] [P] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- débouté M. [D] [P] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société CPS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toute autre demande différente

- condamné M. [D] [P] aux éventuels dépens d'instance.

Vu l'appel formé par M. [D] [P] le 15 juillet 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [D] [P] transmises au greffe par voie électronique le 22 novembre 2022 et celles de la société CPS transmises au greffe par voie électronique le 14 janvier 2022,

Vu l'ordonnance de clôture du 13 avril 2023,

M. [D] [P] demande :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné aux éventuels dépens de l'instance,

- a considéré qu'il avait été rempli de ses droits au titre de ses temps de pause,

- a estimé qu'il n'avait été rempli de ses droits au regard des heures supplémentaires qu'il réalisait,

- l'a débouté de sa demande au titre du travail dissimulé,

- a considéré que la société CPS n'avait pas manqué à son obligation de sécurité de résultat à son égard,

En conséquence,

- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison du comportement grave de l'employeur et des manquements qu'il a commis (non-paiement des temps de pause, non-paiement de l'intégralité des heures supplémentaires, travail dissimulé, non-respect de l'obligation de sécurité de résultat),

- de juger que la résiliation judiciaire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société CPS au paiement de :

- 23.708 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.985,33 euros à titre de rappels de salaires au titre des temps de pause et 298,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 6.317,40 euros à titre de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 631,74 euros au titre des congés payés afférents,

- 14.224, 8 euros au titre du travail dissimulé, en application de l'article L.8223-1 du code du travail,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

En tout état de cause,

- de condamner la société CPS à payer 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- de condamner « l'Association » aux entiers dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société CPS demande :

- de constater qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En conséquence,

- de débouter M. [D] [P] de l'intégralité de ses prétentions,

- de le condamner à lui payer 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur les rappels de temps de pause

Attendu que la cour constate en tout premier lieu que le salarié ne réclame pas un dédommagement en raison du préjudice constitutif à l'absence de prise de pause mais qu'il réclame un rappel de salaire sur celles qu'il a prises :

Qu'en l'espèce, M. [D] [P] réclame le paiement de 2985,33 euros à titre au motif que ces pauses ne lui ont pas été rémunérées ;

Attendu cependant qu'il est de principe que les pauses auxquelles le salarié est en droit dans le courant de la journée ne sont pas rémunérés :

Que l'employeur fait valoir que les dispositions conventionnelles dont M. [D] [P] se prévaut correspondent en réalité à l'unique situation spécifique des personnels attachés à la sécurité aérienne et aéroportuaire ;

Que dès lors que le salarié ne rapporte pas la preuve que les pauses sont rémunérées pour l'ensemble des bénéficiaires de la convention collective afférente à son contrat de travail, la demande doit être rejetée ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de M. [D] [P] à son obligation de sécurité

Attendu que M. [D] [P] réclame à cet égard le paiement d'une indemnité de 5000 euros :

Qu'il soutient en substance que bien qu'ayant fait l'objet de plusieurs accidents de travail, en raison entre autres d'insultes ou de menaces de mort, l'employeur n'a pas pris des mesures adaptées permettant de préserver sa sécurité et la santé de ses agents ;

Attendu cependant que les pièces produites aux débats font apparaître que les accidents du travail dont le salarié a été victime qui n'ont pas occasionné d'arrêt de travail suffisamment longs, n'avaient pas à donner lieu de visite de reprise ;

Que le salarié était concomitamment déclaré apte à son poste ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de dire que l'appelant ne caractérise pas de façon circonstanciée en quoi l'employeur a manqué à son obligation de sécurité ;

Qu'il sera donc débouté de sa demande ;

Sur les heures supplémentaires

Attendu que selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié;

Qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

Que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments;

Que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées;

Qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant;

Attendu qu'à cet égard, M. [D] [P] réclame le paiement de 6317,40 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, pour la période du 3 avril 2017 10 novembre 2019 ;

Qu'il se prévaut d'un décompte faisant apparaître les heures qu'il prétend avoir réalisées de façon hebdomadaire ;

Que ce décompte est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement, particulièrement au regard des plannings quotidiens qu'il verse aux débats ;

Attendu que pour s'opposer à la demande, la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES se prévaut de l'existence au sein de l'entreprise d'un système de modulationdu temps de travail issu d'un accord collectif relative à la réduction du temps de travail du 21 décembre 2000, révisé par avenant du 22 décembre 2008 puis du 21 décembre 2013 ;

Qu'il est soutenu à ce titre que ce dispositif, mis en 'uvre antérieurement à la loi du 20 août 2008, et partant applicable au contrat de travail du salarié, a pour effet de déroger aux règles légales en termes d'heures supplémentaires, pour fixer leur majoration à hauteur de 10 %, dans le cadre d'un système par lequel le seuil de déclenchement de ces heures s'effectue au-delà de 151,67 heures mensuelles et 1607 heures par an ;

Que l'employeur en déduit que les heures supplémentaires ayant été payé à M. [D] [P] dans ce cadre, sa réclamation n'est pas fondée, d'autant que certaines périodes prises en compte par le salarié ne peut donner lieu à majoration, celle-ci correspondant à des périodes d'inactivité ;

Attendu que l'avenant à l'accord relatif à la réduction du temps de travail du 21 décembre 2000 a été institué au sein de la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES afin d'instaurer un système de modulation du temps de travail, dans le cadre d'un horaire de travail annualisé, de telle sorte que « les heures effectuées au-delà et en deçà de l'horaire effectif moyen de référence se compensent arithmétiquement »;

Que c'est ainsi que le taux des heures supplémentaires a été fixé à 10 %, par dérogation aux règles légales ;

Qu'il est prévu des périodes de basse activité et des périodes de haute activité ;

Qu'il se déduit de l'économie générale des dispositions conventionnelles susvisées, que la fixation du taux des heures supplémentaires à un niveau très nettement inférieur à celui de droit commun s'explique par la prise en compte des efforts liés aux périodes de haute activité compensée en quelque sorte par le moindre niveau de la période de basse activité ;

Attendu qu'en l'espèce, l'examen des plannings produits par l'employeur lui-même font très clairement apparaître que tout au long de l'année, le salarié a vu son temps de travail se situer dans un cadre quasiment identique ;

Que c'est ainsi que la durée de travail a été fixée sur une base de 7 heures quotidiennes, en dehors de quelques « pointes journalières » isolées de 9 heures ;

Que l'employeur se s'explique pas en outre pourquoi il a procédé à des réductions de quotient horaires, alors le salarié était en situation d'accident du travail (période du 14 au 30 novembre 2019 par exemple) ;

Qu'en outre, M. [D] [P] fait observer qu'il a tenu compte des périodes non travaillées dans le cadre de ses décomptes ;

Attendu que dans ces conditions, force est de constater que les éléments produits par les parties permettent de considérer que l'employeur s'est contenté d'attribuer au salarié un taux de 10 % aux heures supplémentaires du au salarié, sans pour autant que celui-ci ait vu son activité se développer dans le cadre des périodes et des périodes basses définies dans le cadre de l'accord du 21 décembre 2000 ;

Que dans ces conditions, c'est à juste titre que M. [D] [P] revendique le paiement d'heures supplémentaires ;

Qu'au vu des explications fournies et des éléments de preuve produits par chacune des parties, ainsi que des déductions opérées par le salarié, les demandes formées par ce dernier seront accueillies ;

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (...)' et qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du même code : ' En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.' ;

Attendu que les éléments produits par M. [D] [P], tout particulièrement s'agissant de l'utilisation des termes de l'accord conventionnel relatif au temps de travail ne suffisent pas à caractériser en quoi l'employeur a eu l'intention de se soustraire à ses obligations issues des dispositions légales susvisées ;

Que la demande formée par M. [D] [P] à ce titre sera donc rejetée ;

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [D] [P]

Attendu la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur est prononcée en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit ;

Attendu qu'en l'espèce, la cour a constaté que pendant de nombreuses années, l'employeur a prétendu se prévaloir d'un accord conventionnel relatif à la modulation du temps de travail de M. [D] [P] sans pour autant en faire application en termes de périodes de haute et de basse activité, alors que finalement c'est l'économie même de ce dispositif qui justifiait la minoration des heures supplémentaires à hauteur de 10 % ;

Que, comme le fait justement observer le salarié, aucune compensation, ne pouvait être faite au titre des heures supplémentaires qui lui étaient dues, seul élément justifiant la fixation du taux horaire des heures supplémentaires à un montant moindre ;

Que cette situation, qui a perduré jusqu'à l'issue de la relation contractuelle, constitue un grave manquement de l'employeur, en ce sens qu'il n'a pas appliqué correctement les normes conventionnelles propres à l'entreprise ;

Que ce manquement est d'une gravité telle qu'il rendait impossible le maintien du contrat de travail de M. [D] [P] ;

Qu'il s'ensuit que la relation contractuelle doit être résiliée aux torts de l'employeur, avec effet au 29 janvier 2021;

Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur l'application de l'ordonnance du no 2017-1387 du 22 septembre 2017

Attendu que M. [D] [P] remet en cause l'application des dispositions de l'article L.1235-3 du code civil dans sa version applicable ce jour et réclame à ce titre 23 708 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu cependant que selon l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux;

Qu'il en résulte notamment que cette indemnité, pour un salarié ayant une année complète d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, est comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut;

Attendu que s'agissant de la conventionalité de ce texte au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'il convient de distinguer entre ce qui est d'ordre procédural et ce qui est d'ordre matériel, cette distinction déterminant l'applicabilité et, le cas échéant, la portée des garanties de l'article 6 de la Convention, lequel, en principe, ne peut s'appliquer aux limitations matérielles d'un droit consacré par la législation interne (CEDH, 29 novembre 2016, Paroisse gréco-catholique Lupeni et autres c ; Roumanie, no 76943/11);

Que dès lors, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l'indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu'elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1 précité.

Que s'agissant de la compatibilité de l'article L. 1235-3 du code du travail avec l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, selon la partie II de ce dernier texte : « Les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes ci-après;

[...]

Article 24 ' Droit à la protection en cas de licenciement En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée;

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial »;

Attendu qu'eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers;

Que selon l'article 10 de la Convention internationale du travail no 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne :

« Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. »

Le terme 'adéquat' doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation;

Attendu qu'en droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise.

Que lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.

Que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l'article L.1235- 3-1 du même code ;

Qu'il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d'un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention no 158 de l'OIT;

Qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 1235-3 du code du travail tel qu'applicable ce jour ont vocation à s'appliquer en l'espèce ;

Attendu que la cour a les éléments suffisants compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (l'employeur ayant porté sur les bulletins de salaire de l'appelant une somme de 2370,80 euros à titre d'appointements sans autre précision, notamment sur les bulletins de paie de janvier 2018 à décembre 2019), de son âge (pour être né en 1973), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise (pour avoir été engagé en février 2012 ) et de l'effectif de celle-ci, pour fixer le préjudice à 12.000 euros en application des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail ;

Sur les demandes formées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'à cet égard, il sera alloué à M. [D] [P] 2.500 euros pour l'ensemble de la procédure ;

Qu'à ce titre, la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES sera déboutée de sa demande ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris hormis en ce qu'il a :

- débouté M. [D] [P] de sa demande au titre de rappel de salaire sur pauses, de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de sa demande au titre du travail dissimulé,

STATUANT à nouveau sur les autres points,

PRONONCE la résiliation du contrat de travail de M. [D] [P] aux torts de la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES, cette résiliation équivalente à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec effet au 29 janvier 2021,

CONDAMNE la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES à payer à M. [D] [P] :

- 6317,40 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 631,74 euros au titre des congés payés y afférents,

- 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES aux entiers dépens,

CONDAMNE la société CONTINENTALE PROTECTION SERVICES à payer à M. [D] [P] :

-2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/01235
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01235 ?
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