ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 971/23
N° RG 21/01220 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXRL
PN/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI
en date du
28 Mai 2021
(RG 19/00199 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
S.A.R.L. ERA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Maryse PIPART, avocat au barreau de CAMBRAI
INTIMÉ :
M. [X] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Sabrina LEBLANC, avocat au barreau de CAMBRAI
DÉBATS : à l'audience publique du 04 Mai 2023
Tenue par Pierre NOUBEL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Lucie FOURNIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Avril 2023
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
M. [X] [N] a été engagé par la société ERA, dirigée par M. [Z] [L], suivant contrat à durée indéterminée en date du 14 juin 1991 en qualité d'ouvrier spécialisé ' découpeur.
Suivant lettre recommandée avec accusé réception du 11 septembre 2019, M. [X] [N] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 20 septembre 2019.
L'entretien s'est déroulé le jour prévu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 2019, M. [X] [N] a été licencié pour faute grave.
Le 5 décembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 28 mai 2021, lequel a :
- dit le licenciement pour faute grave de M. [X] [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en conséquence :
- condamné la société ERA à payer à M. [X] [N], avec intérêt au taux légal:
- 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 17 020,17 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2 008,28 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 200,82 euros brut à titre de congés payés sur préavis,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société ERA aux dépens.
Vu l'appel formé par la société ERA le 13 juillet 2021,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société ERA transmises au greffe par voie électronique le 12 avril 2023 et celles de M. [X] [N] transmises au greffe par voie électronique le 13 avril 2023.
Vu l'ordonnance de clôture du 13 avril 2023,
La société ERA demande :
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- de débouter M. [X] [N] de l'intégralité de ses demandes,
- subsidiairement, de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
M. [X] [N] demande :
- de confirmer le jugement déféré,
- de condamner la société ERA à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la rupture du contrat de travail
Attendu que la société ERA soutient que les griefs reprochés à M. [X] [N] sont d'une part matériellement établis et d'autres part constitutifs d'une faute d'une telle gravité qu'elle empêchait le maintien du salarié dans l'entreprise y compris durant la période de préavis ;
Qu'en réplique, M. [X] [N] fait valoir que les griefs qui lui sont reprochés ne sont pour certains pas constitutifs d'une faute et pour d'autres pas imputables à ses fonctions au sein de l'entreprise, de sorte que la société ERA est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe ;
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité ;
Que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile ;
Que si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Que l'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi ;
Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement datée du 24 septembre 2019 qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, indique en substance que le licenciement est fondé sur trois griefs :
1/ le prêt de camion sans autorisation à la société APC CRESSIN,
2/ une perte financière de 40 000 euros imputable au manque de professionnalisme du salarié,
3/ l'absence de changement d'un joint d'étanchéité sur le réservoir de colle ;
Que le premier grief est exactement libellé comme suit : « Au mois de juillet dernier, lorsque j'étais malade, vous avez favorisé l'agent commercial Indépendant « APC CRESSIN », au détriment de la société ERA.
Vous lui avez prêté également le camion de la société pour aller à [Localité 2], sans me consulter de nouveau au préalable. » ;
Qu'aucun élément n'étaye ce premier grief ;
Que la société ERA reconnaît elle-même travailler régulièrement avec la société APC CRESSIN et avoir déjà prêté son véhicule par le passé à son agent commercial ;
Que M. [X] [N] indique, sans être contredit, qu'il n'était pas le seul salarié présent dans l'entreprise au moment de l'emprunt, qu'aucun n'a réagi, que les clefs du véhicule étaient accrochés dans le bureau, à la disposition de tous, et que par conséquent, si tant est qu'une faute ait été commise, elle ne lui est pas imputable ;
Que le premier grief n'est donc pas établi ;
Attendu que pour étayer le deuxième grief, la société ERA produit un échange de mails avec la société KUNSTSTOFF daté de septembre 2019 alertant la société ERA sur un problème relatif au diamètre intérieur des rôles et d'un défaut de roulage sur la commande 101096, sans apporter davantage d'explications quant au rapport entre ces défauts et le « manque de professionnalisme » allégué de M. [X] [N] ;
Que la société ERA produit également un échange de mails avec la société KUNSTSTOFF daté de décembre 2019 concernant une tentative de négociation des tarifs, et un autre échange de mails avec la société KUNSTSTOFF daté d'août 2020, soit près d'un an après les faits objets du litige, et ayant trait à un calendrier de production ;
Que ces éléments ne permettent pas d'imputer le grief retenu à M. [X] [N] ;
Qu'il en est de même s'agissant des faits rapportés par M. [P] [D], collaborateur comptable, faisant état d'une baisse de chiffre d'affaires à compter de 2020, postérieurement au licenciement du salarié ;
Que par conséquent, ce deuxième grief n'est pas établi ;
Que s'agissant du troisième grief, il résulte des explications des parties que M. [X] [N], qui témoigne d'une ancienneté de 28 ans dans les mêmes fonctions, s'occupait habituellement de l'entretien des machines de l'entreprise ;
Que lorsque de problèmes mécaniques n'étaient être résolus « en interne », l'employeur avait recours à l'intervention de la société de maintenance industrielle du Nord (ci-après la SMIN);
Qu'un changement de joint devait être effectué sur une cuve à colle, ce que ne pouvait ignorer ni l'employeur ni M. [X] [N], tous deux ayant procédé de concert à la commande de la pièce défectueuse au début du mois de juillet ;
Que M. [X] [N] reconnaît ne pas avoir effectué l'opération de maintenance et « avoir laissé le soin de faire changer le joint d'étanchéité par la SMIN » ;
Qu'in fine, la SMIN est intervenue le 9 août 2019 à la demande de l'employeur, alors qu'il avait sollicité M. [X] [N] à plusieurs reprises au cours du mois de juillet sans que celui-ci ne s'exécute sans qu'il explique en temps utile les raisons de son inaction ;
Que ce cependant, compte tenu de l'ancienneté particulièrement importante du salarié et de son absence de passé disciplinaire, cette faute ne suffit pas à justifier la rupture de son contrat de travail ;
Qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Qu'il convient également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ERA à payer à M. [X] [N] 24 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 17 020,17 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ainsi que 2 008,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 200, 82 euros de congés payés y afférents ;
Sur les autres demandes
Attendu qu'outre les sommes allouées au salarié par les premiers juges, il sera alloué 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Qu'a cet égard, l'employeur sera débouté de sa demande ;
Que la société ERA sera condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris,
CONDAMNE la société ERA aux dépens d'appel.
CONDAMNE la société ERA à payer à M. [X] [N] 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL