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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01182

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 30 juin 2023, 21/01182


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 1019/23



N° RG 21/01182 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXHK



PN/NB

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

24 Juin 2021

(RG 19/00491)









































GROSSE

:



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [V] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉES :



-S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE

Intervenant volontaire

[Adr...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 1019/23

N° RG 21/01182 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXHK

PN/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

24 Juin 2021

(RG 19/00491)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [V] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

-S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE

Intervenant volontaire

[Adresse 3]

-S.A. SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

[Adresse 3]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Patrick BERJAUD, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 04 Mai 2023

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Lucie FOURNIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [V] [I] a été engagé par la société LLOYD CONTINENTAL (rachetée par la société SWISSLIFE suivant contrat à durée indéterminée en date du 20 juin 1974 en qualité de gestionnaire d'opérations transverses.

Le 15 mai 2019, M. [V] [I] a fait l'objet d'un arrêt maladie.

Par lettre remise en main propre en date du 12 août 2019, M. [V] [I] a fait valoir son droit au départ à la retraite. Le contrat a pris fin le 30 septembre 2019, à l'issu du délai de préavis applicable à sa situation.

Le 10 décembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix afin de contester les conditions d'exécution et de rupture de la relation de travail, et d'obtenir réparation des dommages subis.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Roubaix du 24 juin 2021, lequel a :

- débouté M. [V] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné à payer 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel formé par M. [V] [I] le 8 juillet 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [V] [I] transmises au greffe par voie électronique le 13 juillet 2022 et la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE et la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE transmises au greffe par voie électronique le 2 juin 2022,

Vu l'ordonnance de clôture du 18 août 2022,

M. [V] [I] demande :

- d'infirmer le jugement déféré 

- de déclarer la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE recevable et bien fondée en son intervention volontaire à titre principal

- de prononcer la mise hors de cause de la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE,

- de dire qu'il a été victime de faits de harcèlement moral et condamner la « société SWISSLIFE à lui verser 50.000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de ce chef de préjudice,

- de dire qu'il a été victime de faits de discrimination syndicale et condamner la « société SWISSLIFE » à lui verser 30.000 euros net à titre de dommages et intérêts au titre de ce chef de préjudice,

- d'annuler la lettre d'observation du 3 avril 2019 et condamner la « sociétéSWISSLIFE » à lui verser 3.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

- d'annuler l'avertissement notifié le 7 mai 2019 et condamner la « société SWISSLIFE » à lui verser 3.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

- de dire que la demande de mise à la retraite s'analyse en une prise d'acte de rupture imputable à l'employeur et condamner la « société SWISS LIFE » à lui payer :

- 62.679 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,

- 4.178,60 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents de 417,86 euros bruts,

- 75.214,80 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et de nul effet,

- de débouter la « société SWISS LIFE » de sa demande d'article 700 du code de procédure civile de première instance de 700 euros,

- de confirmer le jugement pour le surplus des demandes,

- de condamner la « société SWISS LIFE » à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le défendeur aux entiers frais et dépens d'instance.

La société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE et la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE demande :

In limine litis,

- de déclarer la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE recevable et bien fondée en son intervention volontaire à titre principal,

- de prononcer la mise hors de cause de la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE.

sur le fond,

- de confirmer le jugement entrepris, et en conséquence :

- de juger que la lettre d'observation notifiée à M. [V] [I] est bien fondée,

- de juger que l'avertissement notifié à M. [V] [I] est bien fondé,

- de juger que M. [V] [I] n'a subi ni harcèlement moral, ni discrimination syndicale,

- de juger que la rupture du contrat s'analyse bien en un départ à la retraite,

- de débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [V] [I] à payer à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur l'intervention de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE et la mise hors de cause de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE

Attendu qu'à ce titre, les parties s'accordent à recevoir l'intervention volontaire de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE et à voir mettre hors de cause la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE ;

Que les demandes seront donc accueillies ;

Sur le courrier du 3 avril 2019 dit « lettre d'observation »

Attendu qu'en application de l'article L 1331-2-1 du code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. » ;

Attendu qu'en l'espèce, l'employeur a envoyé au courrier suivant, date du 3 avril 2019 :

'(')Vous avez rejoint notre entreprise le 20 juin 1974 et vous occupez actuellement un poste de Gestionnaire d'opérations transverses (Classe 3) au sein de la Division Clients et Transformation Digitale, et plus précisément au sein de la Direction des Services (DDS).

A la fin du mois de janvier 2019, votre N+2, Monsieur [C] [Z] a connaissance de rumeurs circulant au sujet d'une éventuelle fermeture de la Direction des Services du site de [Localité 4], rumeur qui trouve son origine dans des propos qu'il aurait lui-même tenus.

Monsieur [Z] n'ayant jamais tenu de tels propos, il profite de la réunion « debout» de votre Direction du 7 février 2019 pour clarifier la situation.

En effet, non seulement la DDS de [Localité 4] n'est pas amenée à disparaître, mais en plus cette direction embauche, récupère des activités et les fait évoluer. Monsieur[Z] rappel en outre le rôle transverse de la DDS, puisqu'elle intervient pour l'ensemble des Directions de Swiss Life et qu'à ce titre elle occupe une position stratégique dans l'entreprise.

A ce moment de la réunion, vous prenez la parole pour indiquer que vous êtes à l'origine de cette rumeur mais que néanmoins il ne s'agit pas pour vous d'informations colportées sans fondement mais de votre compréhension de la situation et des informations qui vous ont été présentées lors de précédentes réunions.

Monsieur [Z] s'étonne que ses propos à ce sujet aient pu être interprétés de la sorte et interroge les autres collaborateurs de la DDS présents à la réunion. II s'avère que vous êtes le seul à avoir compris et interprétés les propos de Monsieur [Z] comme annonçant la fermeture de votre Direction sur le site de [Localité 4].

Monsieur [Z] vous demande alors de ne plus, à l'avenir, parler en son nom, surtout pour colporter des informations erronées.

Nous attirons votre attention sur le fait que de telles rumeurs, particulièrement lorsqu'elles concernent la fermeture éventuelle d'un service, peuvent être de nature à générer du stress et de l'inquiétude pour les collaborateurs concernés, ici en l'occurrence vos propres collègues.

En outre, en cas de doute sur les évolutions futures de votre direction, vous aviez tout à fait la possibilité de demander un entretien auprès de votre hiérarchie afin d'obtenir des éclaircissements et des explications. Vous auriez alors pris conscience du décalage entre votre perception de la situation et la réalité et ainsi éviter à Monsieur [Z] de se retrouver dans une situation inconfortable.

Signe que vous avez pris conscience de ce que votre comportement avait été inadapté, vous avez adressé par Skype dès le lendemain à Monsieur [Z] et à Monsieur [R] des messages par lesquels vous sollicitiez de leur part un entretien téléphonique suite à votre « dérapage» et indiquant que vous souhaitiez« sincèrement vous excuser».

Nous déplorons que cet incident ne soit pas un fait isolé puisqu'en date du 15 janvier, lors d'une autre réunion debout de votre Direction à laquelle était en outre invités la direction et des cadres supérieurs des clients internes de la DDS, vous êtes intervenu oralement pour vous plaindre que vous n'aviez pas eu l'information selon laquelle le Service Clients Prévoyance et Santé (SCPS) remerciait la DDS pour son investissement en fin d'année qui avait permis de baisser de manière significative le niveau des stocks.

Or, il s'agit là encore d'une information fausse, votre manager a bien reçu les remerciements du SCPS et en a fait part aux collaborateurs de la DDS, dont vous, par mail en date du 20 décembre 2018.

Vous avez en conséquences là encore livré une information erronée, mettant en cause votre hiérarchie, qui laisse sous-entendre que cette dernière ne partage pas avec ses collaborateurs des remerciements les concernant tous, qu'elle manque de transparence mais surtout de reconnaissance à l'égard de ses collaborateurs, ce qui s'est révélé faux et infondé.

Ces deux incidents, qui se sont succédés de manière relativement rapprochés dans le temps, et qui ont tous les deux eu pour conséquence de mettre votre hiérarchie en porte à faux et dans une situation inconfortable ne sont pas acceptables.

Nous vous rappelons que vous êtes tenu au strict respect des principes édictés parle Règlement intérieur de l'entreprise et le Code de bonne conduite auquel il revoit et notamment en ce que celui -cl impose à chaque collaborateur de collaborer efficacement au sein de l'entreprise dans l'intérêt de celle-ci. ».

Les deux incidents précités ne vont pas dans le sens d'une collaboration efficace au sein de l'entreprise et surtout nuisent à l'intérêt de celle-ci car ils ont pu faire naître de l'inquiétude et de la défiance au sein même des équipes.

Nous vous demandons à l'avenir de vous abstenir de diffuser au sein de votre Direction, mais également au sein de l'entreprise en général, des informations fausses, erronées et ne reposant sur aucun fondement. (')';

Attendu qu'en l'espèce, le courrier susvisé fait suite aux déclarations du salarié au sujet de la fermeture de la direction des services du site de [Localité 4], laquelle n'était pas programmée ;

Qu'en l'espèce, l'employeur démontre la réalité des propos du salarié par le mail de Mme [L], qui fait état lors d'une réunion du 7 février 2019 et par le témoignage circonstancié de son supérieur hiérarchique, M. [K] [R] ;

Que compte tenu de l'impact négatif de ce qui était devenu une rumeur, à laquelle le salarié avait participé, la nécessité d'une mise au point auprès de M. [V] [I] se voyait nécessaire ;

Que le courrier susvisé, au contraire d'un avertissement n'a pas été versé dans son dossier ;

Qu'au surplus, même s'il constitue une mise au point, à aucun moment l'employeur ne fait état de conséquences de ses paroles sur l'avenir de son contrat de travail, ou sur un potentiel changement dans l'exécution la relation contractuelle, alors que la lettre se contente de lui demander, in fine de s'abstenir de diffuser au sein de la direction et de l'entreprise des informations fausses, erronées ou sans fondement ;

Qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le courrier litigieux ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens des dispositions légales susvisées ;

Attendu qu'en outre, l'employeur démontre que les propos tenus par M. [V] [I] n'avaient aucun fondement ;

Que l'envoi de cette lettre n'a pas de caractère fautif ;

Qu'il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts formée par M. [V] [I] à ce titre n'est pas fondée ;

Sur le bien-fondé de l'avertissement du 7 mai 2019

Attendu que par courrier du 7 mai 2019, la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE a notifié un avertissement à M. [V] [I] ;

Attendu qu'en l'espèce, la sanction repose exclusivement sur un grief, aux termes duquel il est reproché à au salarié d'avoir porté des accusations de discrimination syndicale fallacieuses à l'encontre de sa hiérarchie, en affirmant en substance que à l'accès des locaux de la DDS a été refusé à une collègue syndiquée, qui venait récupérer son courrier et qui apparaîtra elle aussi être une salariée protégée ;

Attendu qu'en l'espèce, il apparaît qu'en réalité, l'entreprise a décidé, pour l'ensemble du personnel, de refuser l'accès aux locaux pour des raisons de sécurité du courrier et des informations le contenant, alors que la salariée dont l'appelant fait état pouvait récupérer le courrier qui lui était destiné depuis l'extérieur du local;

Attendu cependant que même si les déclarations du salarié ne reposaient sur aucun fondement, il n'en demeure pas moins que rien ne permet d'établir que celle-ci ait été avancées de mauvaise foi plutôt qu'en raison d'une méconnaissance des pratiques instaurées par la direction en matière de réception de courriers ;

Qu'il s'ensuit que M. [V] [I] ne pouvait pas faire l'objet d'une sanction disciplinaire en raison de ses déclarations, si éloignées de la réalité soient-elles ;

Que dans ces conditions, la demande formée par l'appelant aux fins de voir annuler la sanction dont s'agît est fondée ;

Qu'il y sera donc fait droit ;

Qu'en outre, le préjudice subi par le salarié en raison d'une sanction qui n'avait pas à être prononcée sera réparée par l'allocation de 600 euros ;

Sur le harcèlement moral et la demande de dommages-intérêts y afférents

Attendu que l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ;

Qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour justifier de l'existence d'un harcèlement moral à son préjudice, le salarié fait valoir :

- qu'il a été contraint le 21 septembre 2018, de dénoncer aux CHSCT l'existence d'une palette de cartons en hauteur susceptible de constituer un danger pour le personnel,

- qu'il a dû subir des ordres et contre ordres quant aux conditions d'utilisation de ses heures de délégation, en ce sens que :

- son supérieur hiérarchique, Monsieur [R] a demandé à ce que les heures de délégation soient posées avant leur prise dans la limite « du possible »,

- que toutefois alors qu'il avait respecté les consignes données le même supérieur hiérarchique lui reprochait d'avoir quitté son service sans en informer sa coordinatrice,

- qu'il a été amené à subir ce qu'il qualifie d'humiliation lorsque, en dépit de son ancienneté, l'employeur lui a demandé de suivre une formation sur l'activité dite POCHECO assurée par un jeune salarié,

-que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE lui a fixé des objectifs non réalisables particulièrement sur l'année 2018, alors que les objectifs n'ont pas été réalisés par d'autres collègues et que l'employeur n'a pas pris en compte son temps de délégation,

-que M. [V] [I] a dû subir des sanctions injustifiées par deux fois, alors qui lui était reprochée par ailleurs, à tort, courant 2019 d'avoir tenu des propos désobligeants à l'égard de la coordinatrice, d'avoir organisé un pot en présence d'alcool sans autorisation préalable de la hiérarchie,

Que selon ses propres termes et aux termes de ses conclusions, M. [V] [I] M. [V] [I] fait état de cinq types de faits répétés au cours de la relation de travail à savoir :

- avoir été contrôlé strictement dans le cadre de son activité professionnelle,

- lui imputer des sanctions disciplinaires et des menaces de sanction disciplinaire totalement justifiées sur une courte période,

- lui imposer des objectifs irréalisables,

- lui donner des ordres et contre ordres dans le seul but de le pousser à la faute,

- de l'humilier en lui imposant une formation par une personne moins qualifiée que lui-même ;

Attendu que ces éléments, examinés dans leur ensemble, constituent des indices laissant présumer que M. [V] [I] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;

Qu'il appartient donc à ce dernier de l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que s'agissant du reproche relatif au contrôle excessif du salarié dans son activité professionnelle, il résulte des pièces produites par l'employeur que s'agissant des objectifs à atteindre, ceux-ci avaient été avalisés par le salarié dans le cadre d'un entretien individuel ;

Qu'alors que l'employeur démontre, par la production de tableaux précis, que les objectifs étaient atteints par 8 collaborateurs sur 10, que le salarié n'a pas été en mesure de les atteindre, alors même qu'en raison de cette situation, M. [V] [I] a fait l'objet d'un suivi qui n'avait aucun caractère insultant ;

Que Monsieur [R] concluait, à l'issue d'un entretien organisé le 10 janvier 2019 destiné à clarifier nos objectifs « vos managers et moi-même restons à votre écoute si des interrogations subsistent et que le 16 janvier suivant, le même supérieur hiérarchique déclaré : » vous pouvez constater qu'à ce jour, vous êtes en retard sur l'objectif principal mais il reste du temps pour y remédier. Restant à votre disposition pour tout complément d'information (') ;

Qu'ainsi l'employeur démontre que non seulement le suivi de l'activité du salarié s'avérait utile mais que ce suivi s'est opéré dans un cadre conforme un management dénué de toute injonction excessive ;

Que le fait d'avoir demandé à un jeune collègue de « reformer » M. [V] [I] a un domaine pour lequel ces objectifs n'étaient pas complètement atteints se voit justifié par la nécessité de voir le salarié s'améliorer dans un domaine où il faisait preuve d'une certaine faiblesse ;

Que s'agissant de l'information donnée aux CHSCT concernant la présence d'objets en hauteur, le fait que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE ait fait observer, sans remettre en cause le rôle du comité, qu'il eut été plus utile de s'adresser directement l'employeur afin de gagner du temps et de remédier à une situation potentiellement dangereuse, constitue une remarque qui se justifie par une nécessité d'efficacité, comme il en ressort notamment d'un mail de Madame [Y] [B] du 21 novembre 2018 ;

Que pour ce qui est des prétendus changements opérés dans le cadre de la déclaration des heures de délégation, l'employeur démontre que les souhaits exprimés par Monsieur [R] dans ce cadre répond exactement aux exigences et prescriptions prévues dans le cadre de l'accord d'entreprise relatif à l'exercice du droit syndical, signé par un certain nombre de représentants syndicaux, que l'intimée justifie avoir déposé, en ce compris s'agissant des modalités d'information par le biais d'un moyen informatique, alors même que la demande visant à ce que la hiérarchie soit, lorsque cela est possible, avertie des absences en raison d'heures de délégation se voit justifiée par les nécessités d'organisation et de bon fonctionnement de l'entreprise ;

Qu'il s'ensuit que l'employeur démontre que les instructions données au salarié n'étaient en rien destiné à le déstabiliser mais répondaient au strict besoin du bon fonctionnement de l'entreprise, alors qu'il rapporte la preuve, par la production de mails que contrairement aux affirmation de M. [V] [I] les témoignages de satisfaction de la clientèle lui étaient transmises au même titre que ses collègues,

Qu'enfin, s'il apparaît que l'employeur a fait 'uvre d'agressivité envers certains de ses collègues, agressivité pour laquelle il a été amené à s'excuser, aucune pièce ne permet de considérer que l'employeur ait fait 'uvre d'un autoritarisme excessif ou de propos insultants ou humiliants ;

Que la cour a constaté que non seulement le courrier du 3 avril 2019 ne constitue pas une sanction mais qu'il se voyait justifié par des motifs extérieurs à tout harcèlement ;

Que la notification de l'avertissement du 7 mai 2019 ne suffit pas à lui seul à caractériser l'existence d'un harcèlement au préjudice du salarié ;

Qu'il en est de même du reproche relatif à la présence d'alcool lors d'un pot ;

Qu'il s'en déduit, au vu de l'ensemble de ces éléments, que l'employeur démontre que les agissements invoqués par M. [V] [I] ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que M. [V] [I] doit donc être déboutée de ses demandes à ce titre ;

Sur la discrimination syndicale

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L1132-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison notamment de son âge ;

Qu'il résulte, en outre, de l'article L1134-1 du même code que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Qu'ainsi, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ;

Attendu que la demande, M. [V] [I] fait valoir, aux termes de ses conclusions relatives aux « faits de discrimination syndicale » (page 49 paragraphe C des écritures du salarié) :

- qu'il s'est vu imposer dans le cadre de son activité représentative, des ordres et contre ordres dans le cadre de l'utilisation de ses heures de délégation,

-qu'il a subi un avertissement injustifié le 7 mai 2019,

Que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale au préjudice du salarié ;

Que toutefois, la cour a constaté précédemment que l'employeur n'a pas imposé d'ordres contre ordres dans le cadre de l'utilisation des heures de délégation de M. [V] [I], alors même que les instructions qui avaient été données sont conformes aux accords d'entreprise conclus au sein de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE ;

Attendu que cependant, la cour a constaté que même si la déclaration du salarié relatif à la prise de courrier correspondait simplement à une pratique applicable à l'ensemble du personnel, il n'en demeure pas moins que le fait de sanctionner les propos M. [V] [I], salarié protégé, sans établir de façon caractérisée sa mauvaise foi, est constitutif d'un acte discrimination, justifiant à cet égard l'octroi de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur les demandes afférentes à la demande de mise à la retraite de M. [V] [I]

Attendu que le départ à la retraite et d'une démission motivée par la liquidation par le salarié de ses pensions de retraite ;

Qu'en l'espèce, par courrier reçu le 12 août 2019, M. [V] [I] a notifié à l'employeur son départ à la retraite en ces termes :

« J'ai l'honneur de vous informer de ma décision de faire valoir mes droits à retraite. Mon départ, compte tenu du préavis d'un mois à respecter, prendra effet à partir du 1er octobre 2019. » ;

Que ce courrier n'est assorti d'aucune réserve, pas plus qu'il n'a été accompagné d'un document explicitant les griefs envers l'employeur, pour lesquels cette retraite a été posée ;

Que l'examen des pièces produites au soutien du litige font apparaître que finalement seul un élément a pu être retenu à l'encontre de l'employeur, à savoir un avertissement injustifié intervenu le 7 mai 2019 ;

Qu'il apparaît que tout au long de sa carrière, M. [V] [I] a vu son salaire augmenté régulièrement, sans même qu'il ait été soutenu que sa position de salarié protégé ait eu une quelconque incidence sur le déroulement de sa carrière ;

Que dans ces conditions, il y a de considérer que M. [V] [I] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de l'employeur à son égard et sa décision de prendre la retraite, pas plus qu'il n'est justifié que les seules fautes reconnues à l'encontre de M. [V] [I], un avertissement injustifié constitutif à lui seul de discrimination syndicale soient d'une gravité suffisante pour rendre sa rupture du contrat de travail imputable à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE ;

Qu'en conséquence, M. [V] [I] doit être débouté de ses demandes de dommages intérêts pour violation du statut protecteur, de licenciement nul et de nul effet, et d'indemnité compensatrice de préavis ;

Sur les demandes formées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'à cet égard, il sera alloué à 1.300 euros ;

Qu'à ce titre, la partie intimée sera déboutée de sa demande ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

DECLARE recevable l'intervention volontaire de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE,

MET la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE hors de cause,

CONFIRME le jugement entrepris hormis en ce qu'il a :

- débouté M. [V] [I] de ses demandes au titre de l'avertissement et de la discrimination syndicale,

- condamné M. [V] [I] à payer à société SWISSLIFE 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT à nouveau sur ces points,

ANNULE l'avertissement notifié le 7 mai 2019,

CONDAMNE la société SWISSLIFE à payer à M. [V] [I] :

- 600 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

-1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE la société SWISSLIFE aux dépens,

CONDAMNE la société SWISSLIFE à payer à M. [V] [I] la somme de 1.000 euros au titre de ses frais de procédure.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/01182
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01182 ?
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