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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01092

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 30 juin 2023, 21/01092


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 648/23



N° RG 21/01092 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWBZ



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

26 Mai 2021

(RG F 19/00110 -section 2)







































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. BRADY GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau ...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 648/23

N° RG 21/01092 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWBZ

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

26 Mai 2021

(RG F 19/00110 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. BRADY GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Elodie MOROY, avocat au barreau de LILLE,

INTIMÉE :

Mme [P] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-Christophe PAPET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 12 Avril 2023

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 07 Mars 2023

EXPOSE DES FAITS

 

[P] [K] a été embauchée par la société BRADY GROUPE par contrat de travail à durée indéterminée le 22 mai 2012 en qualité de comptable internationale, avec le statut de technicienne, niveau 5, échelon 1 de la convention collective des commerces de gros.

A la suite de la visite médicale de la salariée organisée à la demande de son employeur, le 6 juillet 2018, en vue de l'attribution d'un siège ergonomique, le docteur [M] [A], médecin du travail, a informé la société de l'incompatibilité temporaire de cette dernière, de la nécessité de soins médicaux et d'une visite avant toute reprise du travail. Elle relatait par ailleurs, dans un courrier manuscrit du même jour adressé à un confrère, les raisons pour lesquelles elle avait conclu à ladite incompatibilité, fondée sur une souffrance psychologique liée au travail. Le 29 août 2018, le docteur [F] [C] a constaté que la salariée souffrait d'une sciatalgie chronique au niveau des vertèbres lombaires.

Dans le cadre de la visite médicale de reprise et à la suite d'une étude de poste organisée le 18 décembre 2018 en présence de la salariée et d'un représentant de la direction des ressources humaines, le médecin du travail a émis l'avis d'inaptitude suivant le 20 décembre 2018 : « Suite à l'avis de pré-reprise du 11/12/18, échange avec l'employeur et étude du poste le 18/12/2018, confirmation de l'inaptitude au poste pour raison médicale. « Mme [K] pourrait occuper le même poste dans un environnement de travail géographiquement différent. Toute formation professionnelle est possible »

Par courrier du 22 janvier 2019, la société, après avoir consulté les délégués du personnel, a proposé à la salariée, au titre de l'obligation de reclassement, un poste de sales-manager de catégorie cadre au sein de l'Etablissement de [Localité 3]. A la suite de son refus transmis par courriel du 30 janvier 2019, cette dernière a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception à un entretien le 11 février 2019 en vue d'un éventuel licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 février 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont l'inaptitude définitive de la salariée et l'impossibilité de son reclassement au sein de l'entreprise en l'absence de poste disponible à la suite de son refus le 30 janvier 2019 de la proposition de poste de sales manager à [Localité 3].

Par requête reçue le 13 mai 2019, [P] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing afin de faire constater la nullité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 26 mai 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société à lui verser :

- 18516 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité au travail

- 6172 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 617 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents

- 24688 euros au titre du licenciement nul

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

ainsi qu'aux dépens.

Le 24 juin 2021, la société BRADY GROUPE a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 7 mars 2023, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 28 mars 2023.

 

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 22 septembre 2021, la société BRADY GROUPE appelante sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui verser 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que, par courriel du 13 août 2018, l'intimée a sollicité une rupture conventionnelle indemnisée sur la base de deux ans de salaire, que compte tenu de ses prétentions démesurées et du motif invoqué, à savoir la non-obtention d'une promotion revendiquée, il n'a pas été accédé à sa demande, que la société a sérieusement recherché un poste de reclassement, qu'en raison des indications du médecin du travail, l'entreprise ne disposait pas de postes à proposer à Roncq, qu'un poste de reclassement de sales manager avec le statut de cadre, sur le site [Localité 3] a pu être identifié, que l'intimée ayant opposé un refus, la société n'avait pas d'autre choix que de procéder à son licenciement pour inaptitude non professionnelle, que les délégués du personnel ont également été sollicités pour analyser la situation, que le licenciement pour inaptitude d'un salarié ne peut être annulé que lorsqu'il est démontré que le harcèlement sexuel ou moral subi est à l'origine de l'inaptitude, que l'intimée invoque une prétendue souffrance au travail, liée à une absence de reconnaissance de ses compétences qui seraient indéniables, que si elle présentait peut-être «des angoisses, un moral moyen depuis septembre 2015», il n'est pas établi que son employeur en serait responsable, que la lecture de ses différents entretiens professionnels ne fait pas apparaitre que l'intimée ait fait état d'un mal être quelconque, qu'elle reconnait elle-même que le médecin du travail n'avait constaté qu'une grande fatigue, lui prescrivant un arrêt de travail d'un mois, que la société n'a jamais constaté de changement dans le déroulement des conditions de travail, que le salaire mensuel brut moyen de l'intimée s'élevait à 3086 euros bruts, qu'elle ne justifie d'aucun élément factuel l'autorisant à revendiquer la somme sollicitée à titre de dommages et intérêts ni d'un préjudice distinct, que les relations contractuelles n'ont été émaillées d'aucun évènement ou incident susceptible de relever d'une violation par l'employeur de l'obligation de sécurité.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 21 décembre 2021, [P] [K] intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui verser 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'elle s'est vu confier la responsabilité du service comptable de la société BRADY Italie à la suite de la reprise en février 2013 de la société italienne par l'appelante, que toutefois elle a été maintenue aux seules fonctions de comptable internationale, agent de maîtrise, que la promesse d'évoluer n'a pas été honorée par son employeur, qu'en janvier 2016 [J] [N], responsable du service comptabilité en France, avait demandé à la direction des ressources humaines qu'elle obtienne la qualification de cadre, qu'un refus a été opposé par cette direction pour des motifs infondés, que malgré ce refus, son employeur a ajouté à ses fonctions, à partir du 1er août 2015, le contrôle de la comptabilité de deux autres sociétés, que la procuration sur tous les comptes bancaires de la société BRADY Italie lui a également ultérieurement été confiée, qu'elle se trouvait dans la position d'un responsable comptable, que sa demande de bénéficier de la qualification de cadre et d'être nommée responsable comptable Italie était parfaitement justifiée, qu'elle s'est sentie tenue à l'écart et non reconnue par sa hiérarchie, que son employeur n'a pas respecté son obligation de préserver sa santé mentale, que l'inertie de ce dernier face à ses demandes de voir évoluer son statut est à l'origine de la détérioration de sa santé mentale ayant conduit à son inaptitude définitive à son poste dans l'entreprise puis à son licenciement, qu'à force de ne pas être reconnue professionnellement, elle a développé un mal être au travail, reconnu par plusieurs professionnels de la santé, que son employeur l'a maintenue à une qualification sous-évaluée par rapport à la réalité de ses responsabilités, qu'il ressort de l'avis du médecin du travail du 18 décembre 2018, émis après étude de poste, qu'elle ne pouvait plus rester dans l'entreprise sans compromettre sa santé, qu'elle a refusé la proposition de poste parce qu'il ne correspondait pas à sa formation de comptable internationale, parlant l'italien et l'anglais, et prévoyait un salaire inférieur au sien, de plus en région parisienne.

 

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que l'intimée ne sollicite que la nullité de son licenciement au motif que son employeur n'avait pris aucune disposition pour préserver sa santé au travail et avait laissé se dégrader sa situation professionnelle l'ayant amenée à être déclarée inapte à son poste ; qu'elle n'émet aucune contestation sur le respect par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement ;

Attendu en application des articles L4121-1 et L1226-2 du code du travail que, pour démontrer que son inaptitude définitive était consécutive à des manquements de son employeur, l'intimée produit un courriel en date du 26 janvier 2016 en langue anglaise adressé à [J] [N], responsable du service comptabilité en France, dans lequel elle dresse la liste des motifs pour lesquels la direction des ressources humaines de la société avait refusé illégitimement sa promotion au poste de manager ; qu'elle argue de l'attribution de responsabilités complémentaires dans le contrôle de la comptabilité, qui relevaient de la qualification de cadre ; qu'elle s'appuie également sur le constat d'une souffrance psychologique au travail dressé dans deux courriers du 6 juillet et du 30 août 2018 par le docteur [M] [A], sur le courrier d'[U] [O], praticien conseil, du 21 novembre 2018 faisant allusion au contexte professionnel dans lequel évoluait la salariée et sur les différentes attestations de [X] [R], psychothérapeute, constatant l'état d'épuisement psychologique caractérisant un burn-out dans lequel avait sombré l'intimée ;

Attendu toutefois que l'intimée ne produit aucune pièce de nature à établir que l'état d'épuisement qu'elle relate serait imputable à son employeur ; qu'à la demande d'[Y] [V], manager au service des ressources humaines, le docteur [M] [A] lui a répondu le 5 décembre 2019 que son courrier du 30 août 2018 adressé à un confrère et dont une copie avait été remise à la salariée, ne constituait pas un certificat médical attestant des faits ; que le courriel de l'intimée du 26 janvier 2016 n'est qu'une manifestation de son mécontentement de ne pas avoir obtenu une promotion ; que les différents ordres de virement et procurations qu'elle produit ne sont destinés qu'à démontrer qu'elle était investie de responsabilités attribuées à un cadre et qu'elle exerçait en réalité les fonctions de responsable comptable alors qu'elle n'occupait qu'un emploi d'agent de maitrise ; que leur lecture ne permet pas de déceler une quelconque souffrance au travail qui serait la conséquence de l'attribution de taches ne relevant pas de ses compétences ; que des entretiens annuels d'évaluation versés aux débats, il apparait que l'intimée n'a jamais fait part d'une surcharge de travail ; que le mécontentement qu'elle a manifesté lors de l'entretien le 17 septembre 2015 avec [J] [N], son supérieur hiérarchique, ne concernait que son statut de consultant international qui, selon ses observations transcrites, ne correspondait pas à son travail quotidien ; qu'à cette occasion, elle revendiquait le statut de cadre se fondant sur ses responsabilités en matière de comptabilité de sociétés implantées en Italie, en Espagne et au Portugal ; que toutefois, les pièces produites ne sont pas de nature à démontrer que du fait de son travail quotidien, l'intimée pouvait légitiment revendiquer le poste de chef comptable international, qui selon l'entretien de reprise d'activité du 16 mai 2017 supposait notamment au préalable différentes formations internes et une formation externe qualifiante qui n'avaient toujours pas été suivies ; qu'il résulte des échanges communiqués par la société que la salariée a contacté [Y] [V], le 26 juin 2018, en vue d'obtenir une chaise adaptée à son état, du fait qu'elle souffrait d'une sciatique ; qu'à cette occasion, elle n'a nullement fait état de la souffrance qu'elle éprouvait à son travail ; que le jour même, [Y] [V] a sollicité l'organisation d'une visite médicale de l'intimée en vue de l'attribution d'une chaise ergonomique ; que la salariée ne s'est plainte de sa situation que lors de la transmission à [W] [G], du département finances, le 13 août 2018, d'un arrêt de travail ; que dans son courriel, elle expliquait son état par le stress subi, sa charge de travail et une absence de reconnaissance, proposant par la même occasion une rupture conventionnelle indemnisée à hauteur de deux années de salaire, solution qu'elle retenait la plus avantageuse compte tenu des difficultés qualifiées de dégâts, susceptibles d'être rencontrées par le département du fait de son arrêt de travail qu'elle prédisait dores et déjà durable ; qu'en réalité, les problèmes rencontrés par l'intimée se limitaient à une incompatibilité d'humeur avec [J] [N], comme le démontre son courriel du 15 octobre 2018 adressé à [B] [H] ; qu'en effet elle assurait à celle-ci que [J] [N] était la cause de son malaise et de sa perte de confiance ; qu'elle lui proposait de reprendre son travail à la condition d'être affectée dans un autre service et d'être éloigné de ce dernier ; que toutefois, aucune pièce versée aux débats ne démontre l'existence d'une situation conflictuelle entre l'intimée et son supérieur hiérarchique ; que par ailleurs, le reclassement qui lui était proposé le 22 janvier 2019 et refusé par la salariée correspondait exactement aux souhaits exprimés par cette dernière et aux restrictions émises par le médecin du travail puisqu'il consistait en un poste de sales manager avec le statut de cadre, ne supposant plus de contact avec [J] [N], puisqu'il se trouvait à [Localité 3] ;

Attendu qu'il n'est pas établi que la société ait manqué à son obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé de l'intimée ; qu'en conséquence l'inaptitude définitive de cette dernière à son emploi ne peut être imputable à l'appelante ; que le licenciement étant fondé sur cette inaptitude et l'impossibilité de reclasser la salariée est légitime ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTE [P] [K] de sa demande,

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

V. DOIZE

LE PRESIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01092
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01092 ?
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