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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01084

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 30 juin 2023, 21/01084


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 647/23



N° RG 21/01084 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TV6C



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

25 Mai 2021

(RG F20/00120 -section 3)





































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [L] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laetitia BONNARD PLANCKE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉE :



Association CAP AU NORD...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 647/23

N° RG 21/01084 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TV6C

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

25 Mai 2021

(RG F20/00120 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [L] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laetitia BONNARD PLANCKE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE :

Association CAP AU NORD

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 12 Avril 2023

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 07 Mars 2023

EXPOSE DES FAITS

 

[L] [V] a été embauchée par l'association CAP AU NORD, gérant l'établissement dénommé le Manoir de la Canche, en qualité de cuisinière par différents contrats de travail à durée déterminée du 15 décembre 2013 au 30 juin 2014, du 15 au 31 décembre 2015 du 1er mars au 31 octobre 2016, du 20 février au 31 octobre 2017 puis, du fait de sa démission le 29 août 2017, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017.

La salariée a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 février 2019 à un entretien le 8 mars 2019 en vue d'un éventuel licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mars 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Depuis plusieurs mois, vous faites preuve d'un comportement de défiance et d'insubordination, en plus de rendre la vie impossible à certains de vos collègues. J'ai été très patient, entre les discussions, recadrages, avertissements. Rien n'v fait.

Le 4 janvier je vous demandais encore une énième fois de pointer vos entrées et sorties, afin que je puisse contrôler votre temps de travail. À quelques jours de la reprise, j'apprenais par le directeur qui les reprenait pour faire le planning et déterminer les dates de redémarrage, que vous vous étiez bien fichue, une fois de plus, de mes demandes. Vous aviez pointé le 4 janvier à 18 heures et... plus rien. Pas de pointage pour la sortie le 4 janvier, pas de pointage le 5 janvier.

Il s'agit d'un acte d'insubordination caractérisée, qui justifie déjà pleinement votre renvoi.

Mais cela ne s'arrête pas là, j'ai demandé à rencontrer nos fournisseurs, pour faire un point et j'ai appris que vous les harceliez de demandes de cadeaux et exigiez qu'ils vous donnent des marchandises. Cette invitation à corrompre des fournisseurs est tout à fait inadmissible et j'ai appris également que suite au problème de livraison avec l'un des fournisseurs vous avez été encore plus exigeante. Celui-ci refusant de déférer à vos demandes, vous ne lui avez plus passé de commandes.

Vous avez donc usé de vos fonctions pour exercer des pressions sur des nos fournisseurs, afin d'obtenir, en contrepartie des commandes passées, des avantages personnels. Ce comportement de type mafieux n'a aucune place dans notre structure.

Enfin vous n'avez pas hésité à m'écrire le 2 mars, pour indiquer que je vous aurais dit : « vous faites kéké, si vous voulez vous pouvez aller aux prud'homme, ça va vous prendre 4 ans. Une rupture conventionnelle va me coûter 200 euros. » Il s'agit d'un propos mensonger auquel vous avez donné publicité en adressant votre courrier à l'inspection du travail, dans le seul but de nuire à votre employeur et qui caractérise un peu plus encore, si cela était nécessaire, toute la déloyauté dont vous êtes capables.

Je vous ai reçu, cela est juste, pour vous proposer de rompre votre contrat dans le cadre d'une rupture conventionnelle, las de vos querelles, de l'ambiance pesante que vous faites régner et vous ai demandé d'y réfléchir, c'est tout. J'attends que cette rencontre a eu lieu avant que j'apprenne tous les faits qui justifient aujourd'hui votre licenciement. J'ajoute que la gravité des faits qui vous sont reprochés empêche votre maintien dans l'entreprise, y compris pendant une période de délai congé.

Votre licenciement pour faute grave prendra effet à compter de l'envoi de cette lettre.

Vous trouverez ci-joint votre solde de tout compte, votre dernier règlement et bulletin de salaire, votre attestation pôle emploi et votre certificat travail.»

Par requête reçue le 29 octobre 2020, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne sur mer afin d'obtenir des rappels de salaire et de prime, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 25 mai 2021, le conseil de prud'hommes a débouté la salariée de sa demande et l'a condamnée aux dépens.

Le 23 juin 2021, [L] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 7 mars 2023, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 28 mars 2023.

 

Selon ses écritures récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 21 septembre 2021, [L] [V] appelante, conclut à l'irrecevabilité de l'attestation délivrée par [C] [G], à l'infirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la société à lui verser :

-3067,57 euros bruts à titre de rappel de treizième mois

- 529,56 euros bruts à titre de rappel de temps de pause

- 4334,46 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 433,44 euros bruts au titre des congés payés y afférents

- 1083,61 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 26006,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose qu'elle n'a fait l'objet d'aucune mise à pied à titre conservatoire, que son licenciement est survenu trois semaines après sa convocation à l'entretien préalable, que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis, qu'elle avait présenté sa démission du fait du poste à responsabilités qu'elle occupait, qui ne correspondait plus à son poste de second de cuisine, qu'elle n'a jamais eu l'intention de frauder, que son employeur n'explique pas les raisons pour lesquelles il n'a pas produit la feuille de pointage du cuisinier, que la feuille de pointage de [H] [E], serveuse, suscite des interrogations, qu'elle ne connaît pas [C] [G], que l'attestation de celle-ci n'est pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile, qu'elle était titulaire de nombreux diplômes, que son curriculum vitae démontre son expérience.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 17 décembre 2021, l'association CAP AU NORD sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que l'appelante était employée à compter de septembre 2017 en qualité de responsable de cuisine avec le statut d'agent de maîtrise niveau D et bénéficiait d'un treizième mois, que la société a dû la recadrer à l'occasion de l'entretien annuel du 15 octobre 2018 en raison de différents manquements, que l'appelante s'était engagée à ne plus effectuer de ventes illicites sur le parking de l'établissement, que la société a dû organiser une nouvelle réunion de recadrage le 4 janvier 2019, que l'appelante n'effectuait quasiment aucun pointage, qu'au regard du compte rendu des heures de pointage des autres salariés, elle était la seule à s'en affranchir, que du 15 décembre 2018 au 15 janvier 2019, elle n'a réalisé qu'un seul pointage, le 4 janvier 2019, que l'association s'est trouvée dans l'impossibilité de comptabiliser les heures de travail de l'appelante, qu'elle a détourné des fournitures à son profit, que l'association a été informée par [C] [G], fournisseur, que l'appelante conditionnait la prise de commandes à la livraison de marchandises à son profit, que le fournisseur a refusé ce marchandage et a préféré perdre le client, que le licenciement est bien fondé sur une faute grave, que l'appelante a perçu son treizième mois d'un montant de 2167,23 euros, que déjeunant par commodité sur place, elle ne se trouvait pas à la disposition de son employeur durant le temps de pause.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ;

Attendu qu'il résulte des écritures de l'appelante que, tout en sollicitant dans le dispositif de ses conclusions le versement de rappels de prime de treizième mois et de temps de pause, celle-ci n'invoque aucun moyen à l'appui de ses prétentions puisqu'elle n'en fait pas état dans le contenu de ses conclusions ; qu'au demeurant, l'intimée établit que l'appelante avait bien perçu le treizième mois dont elle revendique le paiement et qu'ayant fait le choix, par simple commodité, de déjeuner sur place avec le personnel, elle n'était pas placée, pendant ce temps, à la disposition de son employeur ;

Attendu en application des article L1333-2 et L1333-3 du code du travail qu'il n'est pas nécessaire, pour que la faute grave soit constituée, qu'une mise à pied conservatoire soit ordonnée préalablement ; qu'il suffit que la sanction infligée par l'employeur intervienne au plus tard dans un délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ; que ce délai a bien été respecté en l'espèce ;

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont des omissions de pointage postérieurement au 4 janvier 2018, des tentatives de corruption de fournisseurs, la tenue de propos mensongers sur son employeur ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'appelante était employée en qualité de responsable de cuisine depuis le 1er septembre 2017 ; qu'à ce titre il n'est pas contesté qu'elle effectuait des commandes ; que ce de fait, elle se trouvait directement en contact avec les fournisseurs de l'établissement ; qu'elle entretenait bien des rapports commerciaux, en particulier avec [C] [G] appartenant au groupe Pomona spécialisé dans la distribution livrée de produits destinés aux professionnels de la restauration et des commerces spécialisés de proximité ; que le font apparaître le courriel de promotion de différents produits, adressé par cette dernière le 4 juin 2018 à la direction de l'établissement et à l'appelante sur son courriel personnel, et les différentes factures émises en mai et juin 2018 par le groupe Pomona à destination de l'association intimée en règlement de commandes de produits alimentaires variés ; que l'appelante ne peut donc prétendre qu'elle ne connaissait pas [C] [G] ; qu'il résulte de l'attestation signée par cette dernière que l'appelante conditionnait la prise de commande à la remise de produits pour son profit personnel ; que le témoin ajoute que l'appelante avait accru ses exigences postérieurement au 27 mai 2018, date de l'incendie d'un entrepôt du groupe ; que [C] [G] ayant refusé ce nouveau marchandage, elle n'avait plus bénéficié de nouvelles commandes prises par l'appelante au nom de l'établissement ; qu'il résulte enfin de cette attestation que l'intimée n'a eu connaissance de ces malversations que le 25 février 2019 à la suite d'un contact de [C] [G] avec un membre de l'association, M. [W] ; que l'appelante ne conteste pas l'absence de toute commande au profit du groupe Pomona postérieurement au mois de juin 2018 ; qu'elle se borne à objecter que l'attestation produite était irrecevable car ne se trouvant pas en conformité avec les exigences de l'article 202 du code de procédure civile et de l'article 441-7 du code pénal ; que la référence à l'article 441-7 du code pénal est dépourvue de toute pertinence, s'agissant des dispositions réprimant pénalement l'usage d'une attestation inexacte ; que l'appelante ne précise pas dans ses écritures quelles seraient les dispositions du code de procédure civile qui ne sont pas respectées ; qu'au demeurant les irrégularités susceptibles d'affecter l'attestation ne sont pas de nature à nuire à sa force probante ; que les faits fautifs commis par l'appelante sont caractérisés et justifient à eux seuls le licenciement ; qu'ils rendaient bien impossible le maintien de l'appelante dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

DIT n'y avoir lieu à rejet de l'attestation signée par [C] [G],

CONFIRME le jugement déféré,

 

ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE [L] [V] à verser à l'association CAP AU NORD 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [L] [V] aux dépens.

LE GREFFIER

V. DOIZE

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01084
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01084 ?
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