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30/06/2023 | FRANCE | N°21/00565

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 30 juin 2023, 21/00565


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 904/23



N° RG 21/00565 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TSSC



GG/CH







700.2°

























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

24 Mars 2021

(RG 18/01237 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [W] [D]

[Adresse 1]

représenté par Me Dominique BIANCHI, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021005358 du 18/05/...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 904/23

N° RG 21/00565 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TSSC

GG/CH

700.2°

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

24 Mars 2021

(RG 18/01237 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [W] [D]

[Adresse 1]

représenté par Me Dominique BIANCHI, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021005358 du 18/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

S.A.S. LA BRENNE

[Adresse 2]

représenté par Me Jacques LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me François PARRAIN, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. USP NETTOYAGE

[Adresse 3]

représenté par Me Gabriel RENY, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 03 Mai 2023

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SARL LA BRENNE et la SASU USP Nettoyage ont pour activité le nettoyage industriel. Elles emploient habituellement plus de 10 salariés et appliquent la convention collective nationale de la manutention ferroviaire et travaux connexes.

La SARL LA BRENNE a engagé M. [W] [D], née en 1987, par contrat à durée indéterminée à temps partiel du 06/02/2012, faisant suite à un contrat de mission, en qualité d'ouvrier. Par avenant du 07/01/2013, le temps de travail a été porté à temps complet.

En raison d'un accident du travail survenu le 05/11/2016, M. [D] a été placé en arrêt de travail.

La SARL LA BRENNE était titulaire pour le compte de la SNCF d'un marché de nettoyage de trains dans les dépôts de [Localité 4] et de [Localité 5], qui a été confié à la SAS USP NETTOYAGE à compter du 01/02/2018.

Par lettre du 09/01/2018, elle a informé M. [D] de la transmission de son dossier à la société repreneuse aux fins de reprise dans ses effectifs. Elle a établi un certificat de travail le 07/02/2018.

Par lettres recommandées du 20/02/2018, M. [D] a écrit à la société USP NETTOYAGE pour transmettre ses documents administratifs pour être «inscrit» au sein de cette société, et transmettre l'avis de prolongation de l'arrêt de travail.

Par lettre du 22/02/2018, la SAS USP NETTOYAGE a retourné l'arrêt de travail en indiquant avoir informé la société LABRENNE que le contrat du salarié n'était pas transférable car il était en arrêt de travail depuis le 05/11/2016.

Le salarié a interrogé à nouveau la SAS USP NETTOYAGE le 05/03/2018, indiquant être affecté à l'activité depuis 2011.

Plusieurs échanges de correspondances sont intervenus entre la société LA BRENNE et la société USP NETTOYAGE, relativement au refus du transfert de plusieurs salariés par cette société, ainsi qu'entre le conseil de M. [D] et la société LA BRENNE.

Par requête reçue le 17/12/2018 M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes à l'encontre de la SARL LA BRENNE, de demandes indemnitaires afférentes à la rupture du contrat de travail qu'il estime nulle ou sans cause réelle et sérieuse.

La SARL LA BRENNE a fait appeler en cause le 31/12/2018 la SAS USP NETTOYAGE.

Par jugement du 24/03/2021 le conseil de prud'hommes a :

-dit qu'en date du 1er février 2018, le contrat de travail de M. [W] [D] a été transféré au sein de la SAS USP NETTOYAGE en application des articles 15 ter et 15 quater de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes,

-jugé que la rupture du contrat de travail de M. [W] [D] est effective au 22 février 2018 et imputable à la SAS USP NETTOYAGE,

-déboute en conséquence M. [W] [D] des demandes formulées au titre de la rupture de son contrat de travail à rencontre de la SAS LABRENNE,

-jugé irrecevables les demandes formulées par la SAS LABRENNE à l'encontre de la SAS USP NETTOYAGE,

-jugé irrecevables car prescrites les demandes formulées par M. [W] [D] au titre de la rupture de son contrat de travail à l'encontre de la SAS USP NETTOYAGE,

-débouté en conséquence M. [W] [D] des demandes formulées au titre de la rupture de son contrat de travail à l'encontre de la SAS USP NETTOYAGE,

-débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Par déclaration reçue le 26/04/2021, M. [W] [D] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses dernières conclusions reçues le 07/04/2023, M. [D] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

-constater qu'il n'a pas été procédé à son licenciement,

-constater qu'il était en situation d'arrêt maladie ayant pour origine un accident de travail au moment de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur,

En conséquence,

-dire et juger la rupture du contrat de travail nulle,

A titre subsidiaire

-dire et juger la rupture du contrat de travail sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence

-statuer sur la qualité d'employeur responsable de la rupture de son contrat de travail entre la société LA BRENNE et la société USP NETTOYAGE,

-condamner la société LA BRENNE, et subsidiairement la société USP NETTOYAGE, au règlement d'une somme de 4.665,37 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents de 466,53 €,

-condamner la société LA BRENNE, et subsidiairement la société USP NETTOYAGE, au versement de la somme de 4.082,20 € au titre de l'indemnité de licenciement,

-condamner la société LA BRENNE, et subsidiairement la société USP NETTOYAGE, au règlement d'une somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résulté de la nullité ou, à titre subsidiaire, de l'absence de cause réelle ni sérieuse du licenciement en application des dispositions de l'article L1226-15 du code du travail,

-enjoindre l'employeur désigné par la juridiction de lui remettre une attestation Pôle emploi en bonne et due forme, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la décision à intervenir,

-dire et juger que la cour se réserve la faculté de liquider ladite astreinte,

-condamner la société LA BRENNE, et subsidiairement la société USP NETTOYAGE, au règlement d'une somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 outre les entiers frais et dépens,

-dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine de la juridiction.

La SARL LA BRENNE selon ses dernières conclusions reçues le 26/04/2023 demande à la cour de :

-dire et juger M. [D] recevable en son appel mais mal fondé en l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société LA BRENNE,

-confirmer en conséquence la décision entreprise en toutes ses dispositions et débouter M. [D], de ses demandes formées contre la société LA BRENNE dans le cadre de son appel,

-à titre infiniment subsidiaire et si par impossible la cour de céans devait infirmer la décision entreprise et juger que le contrat de travail de M. [D] n'a pas été transféré à la société USP NETTOYAGE,

-réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités au titre de la nullité du licenciement (ou de l'absence de cause réelle et sérieuse) et débouter M. [D] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-condamner la société USP NETTOYAGE à garantir et à tenir quitte et indemne la société LA BRENNE de l'intégralité des sommes en ce comprises les charges sociales patronales auxquelles elle serait condamnée,

En tout état de cause

-débouter la société USP de ses demandes formées à l'encontre de la société LA BRENNE,

-condamner la société USP à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L2262-12 du fait du préjudice moral subi et résultant d'un non-respect par la société USP NETTOYAGE de ses obligations conventionnelles,

- Et solidairement avec M. [D], à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions reçues le 21/04/2023, la SAS USP NETTOYAGE demande à la cour de :

-débouter M. [W] [D] de ses demandes dirigées contre la société USP Nettoyage,

-débouter la société La Brenne de ses demandes dirigées contre la société USP Nettoyage,

-confirmer le jugement entrepris du 24 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Lille en ce qu'il déboute M. [D] et la société La Brenne de leurs demandes contre la société USP Nettoyage,

-condamner la société La Brenne à lui verser la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société La Brenne en tous les dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 03/05/2023.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la détermination de l'employeur

L'appelant explique que le contrat de travail était suspendu, que l'affectation à l'activité doit être effective, que la société LA BRENNE ne pouvait pas rompre le contrat de travail, qu'il s'agit d'une forme de discrimination en raison de l'état de santé, que les sociétés LA BRENNE et USP NETTOYAGE se renvoient la qualité d'employeur, que la cour devra statuer sur ce débat et décider laquelle des deux sociétés est responsable de la rupture du contrat de travail.

La société LA BRENNE expose que le fait qu'un salarié soit absent pendant une période supérieure à 6 mois n'empêche pas le transfert du contrat de travail compte tenu de la rédaction de l'article 15 ter et quater de la convention collective de la manutention ferroviaire, qui a été négociée par les partenaires sociaux dans le but de garantir l'emploi des salariés affectés sur un marché lorsque deux sociétés de nettoyage se succèdent dans l'exécution de ce marché, qu'elle n'a pas licencié M. [D], les documents ayant été délivrés dans le cadre du transfert, que la convention collective ne prévoit qu'une affectation au marché, alors que la convention collective de la propreté prévoit en outre une condition de présence, que les notions de marché et d'activité son identiques, que la société USP NETTOYAGE est devenue à compter du 01/02/2018 l'employeur de M. [D], qu'elle doit assumer l'intégralité de ses obligations d'employeur à son égard, ce dernier ayant accepté le transfert du contrat de travail.

La société USP NETTOYAGE fait valoir l'absence de transfert légal, ainsi que l'absence de transfert conventionnel, l'article 15 ter de la convention collective prévoyant une affectation effective à l'activité depuis au moins 6 mois, la jurisprudence entendant cette condition comme une affectation effective, et non simplement administrative, que la convention collective doit être appliquée à la lettre, que la notion d'activité renvoie à un travail, qu'il ne s'agit pas d'un marché, que l'interprétation ne saurait varier selon les situations, que le contrat ne pouvait pas dès lors être transféré, que la notion d'activité implique l'accomplissement matériel d'un travail, que M. [D] n'a pas donné son accord au transfert.

-Sur le transfert légal

L'appelant n'invoque pas un transfert légal, en sorte qu'il n'y a pas à répondre sur ce point à l'argumentation de la SAS USP NETTOYAGE.

-Le transfert conventionnel

Le débat porte sur la notion «d'affectation à l'activité» au sens de la convention collective.

Il convient de rappeler qu'une convention collective si elle manque de clarté doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet, et en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

L'article 1 de l'avenant n° 14 du 10 mars 2008 portant révision des articles 15 ter et quater de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970, alors applicable, stipule :

«Article 15 ter

Continuité des contrats en cas de changement de titulaire de marché en tout ou partie

Au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public, en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordre, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existant au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent, des salariés non-cadres du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois, sera assurée chez l'employeur entrant.

A charge pour ce dernier d'assurer les obligations légales et conventionnelles, notamment financières en matière de gestion des effectifs et d'organisation du travail dans le cadre du nouveau contrat.

L'entreprise sortante aura par ailleurs à régler aux salariés transférés les salaires et les sommes à périodicité autre que mensuelle, au prorata du temps passé par celui-ci dans l'entreprise, y compris le prorata de l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée et des indemnités de congés payés qu'il a acquis à la date du transfert.

L'entreprise sortante adhérente à une caisse de congés payés devra remettre aux salariés les certificats d'emploi justifiant de leur droit à congés conformément à la législation en vigueur (1)».

L'article 15 quater prévoit, sur demande écrite de l'entreprise sortante, la communication sous quinze jours par l'entreprise sortante, des documents suivants :

-la liste du personnel affecté sur le marché attribué contenant au minimum : nom et prénom du salarié, numéro de sécurité sociale, adresse, horaire mensuel sur le chantier, coefficient, ancienneté au sens de l'article 15 bis de la convention collective nationale, date de naissance, lieu de naissance, mandat ou protection particulière ;

-les 6 dernières fiches de paye de chaque salarié ;

-la dernière fiche d'aptitude médicale de chaque salarié ;

-la copie des contrats de travail et avenants au contrat de travail ;

-la copie des titres autorisant le travail sur le territoire français s'il y a lieu ;

-la copie des accords d'entreprise, d'établissement ou de site applicables au marché attribué, le nombre d'heures disponibles au titre du droit individuel à la formation.

Il est constant qu'au changement de titulaire du marché le 01/02/2018, le contrat de travail de M. [D] est suspendu en raison de l'accident du travail du 05/11/2016. Toutefois, il n'en reste pas moins que le salarié était affecté à «ladite activité depuis au moins 6 mois».

En effet, la notion d'activité telle qu'entendue par la convention collective, s'analyse comme la tâche résultant d'un contrat commercial ou d'un marché public, attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, étant observé que l'article 15 quater prévoit la communication au nouveau titulaire du marché de «la liste du personnel affecté sur le marché attribué». En d'autres termes, l'activité est la tâche confiée au titulaire du marché.

Or, M. [D], nonobstant la suspension du contrat de travail, était bien affecté depuis au moins six mois à la mission transférée à la société USP NETTOYAGE, concernant le client SNCF ([Localité 4] TGV et TER). Il n'est pas douteux que le verbe transitif «affecter» qui signifie, dans cette acception, «placer quelqu'un, par une décision consécutive à un examen de la situation, dans un emploi, dans une fonction spécialisés», s'applique à la situation du salarié. En effet, il n'est ni allégué, ni a fortiori justifié, que M. [D] a été en charge d'une activité autre que celle confiée au nouveau titulaire du marché, à savoir la société USP NETTOYAGE.

L'analyse de l'appelante reviendrait en d'autres termes à appliquer à la relation de travail, une condition de présence effective, là où la convention collective ne prévoit qu'une affectation à l'activité, c'est à dire à la tâche confiée à la société USP NETTOYAGE.

Enfin, la convention collective ne prévoit pas l'établissement d'un avenant. M. [D] a accepté le transfert du contrat puisqu'il a transmis le 20/02/2018 les documents nécessaires à la SAS USP NETTOYAGE en vue de sa poursuite, que par lettre de la même date il a transmis l'avis de prolongation du contrat de travail ; enfin qu'il a demandé le 05/03/2018 les éléments justifiants qu'il n'était pas «transférable» rappelant que la convention collective prévoit une affectation à l'activité à laquelle il concourt depuis 2011.

En conséquence, le contrat de travail de M. [D] a été transféré à la société USP NETTOYAGE ainsi que l'a retenu le premier juge. Le jugement est en conséquence confirmé.

Sur la contestation du licenciement

L'appelant explique que sa demande n'est pas prescrite, que la rupture du contrat de travail est nulle ou à défaut sans cause réelle et sérieuse, qu'il a été tenu compte de son état de santé.

La société USP NETTOYAGE fait valoir la prescription des demandes, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes à l'encontre de la société LA BRENNE, laquelle l'a fait ensuite appeler en cause, les demandes du salarié n'ayant été formulées que le 25/09/2019 soit plus d'un an après la rupture du contrat de travail.

La société LA BRENNE considère que la rupture du contrat de travail ne lui est pas imputable.

-Sur la prescription

L'article L1471-1 du code du travail dispose :

«Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5».

La société USP NETTOYAGE est mal fondée à faire valoir la prescription de l'action engagée dans la mesure où il est constant qu'aucune rupture n'a été notifiée au salarié.

En outre, M. [D] sollicite la nullité de la rupture du contrat de travail, et évoque la prise en compte de son état de santé, en sorte qu'il se prévaut de faits de discrimination qui échappent au délai de prescription précité.

Enfin, les prétentions de M. [D] à l'encontre de la SAS USP NETTOYAGE se rattachent par un lien suffisant à sa demande initiale au sens de l'article 70 du code de procédure civile, dans la mesure où elles sont relatives au transfert du contrat de travail. Il convient d'infirmer le jugement. La demande est recevable.

-Sur la discrimination

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article L1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend victime d'une discrimination de présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [D] verse notamment les lettres de la SA USP NETTOYAGE lui indiquant :

-le 22/02/2018 : «Vous nous avez adressé votre prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 14 mars 2018 suite à votre accident du travail du 05 novembre 2016.

Nous vous retournons cet arrêt ainsi que vos documents administratifs qui sont à transmettre à votre employeur la Ste LABRENNE.

En effet, nous avons informé la Ste LABRENNE que votre contrat de travail n'était pas transférable car vous êtes en arrêt de travail depuis le 05 novembre 2016[...]» ;

-le 22/03/2018 : «votre contrat n'est pas transférable, car les dispositions de la convention collective imposent une affectation réelle du salarié à son poste de travail ainsi que la réalisation effective de prestation de travail [...]».

Il s'ensuit que M. [D] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de la santé.

Il incombe au vu de ces éléments à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société USP NETTOYAGE considère ne pas être l'employeur de M. [D], mais n'apporte aucune justification objective à la prise en compte de l'état de santé du salarié. En conséquence, le refus par la société USP NETTOYAGE de poursuivre le contrat de travail, alors qu'elle savait que M. [D] avait accepté son transfert, puisqu'il avait demandé à intégrer son effectif, manifeste la volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail, au 22/02/2018 date de la lettre manifestant son refus, cette rupture étant nulle, puisque prenant en compte l'arrêt de travail du salarié.

Sur les conséquences de la rupture

Au regard des bulletins de paie versés antérieurement à l'arrêt de travail (mars, avril, juin, juillet, août et septembre 2016), et compte tenu des observations de la SAS USP NETTOYAGE, la moyenne des salaires doit être fixée à la somme de 2.088,56 €.

L'indemnité de licenciement, compte-tenu d'une ancienneté de 6 ans et 10 mois, doit être fixée à la somme de 3.567,95 €.

L'indemnité compensatrice de préavis de deux mois s'établit à la somme de 4.177,12 € bruts, outre 417,71 € de congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, dans un contexte de discrimination en raison de l'état de santé, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (31 ans), de son ancienneté, et des conséquences de la rupture à son égard, le salarié ne précisant pas quelle a été sa situation postérieurement à celle-ci, il y a lieu de lui allouer, en réparation de son préjudice une somme de 14.700 € à titre d'indemnité pour licenciement nul.

La société USP NETTOYAGE sera condamnée au paiement de ces sommes.

Les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS USP NETTOYAGE de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SARL LA BRENNE

LA SARL LA BRENNE sollicite des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L2262-12 du code du travail. Elle ne justifie toutefois pas du préjudice moral allégué, qui ne peut résulter du seul manquement de la SAS USP NETTOYAGE à ses obligations conventionnelles. La demande est rejetée.

Sur les autres demandes

Il sera enjoint à la SAS USP NETTOYAGE de remettre à M. [D] une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt, une astreinte n'étant pas nécessaire.

La société USP NETTOYAGE supporte les dépens de première instance et d'appel, les dispositions de première instance étant infirmées.

Il convient d'allouer à Maître Dominique Bianchi, avocat au barreau de Lille, une indemnité de 1.000 € par application de l'article 700, 2° du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL LA BRENNE.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que le contrat de travail de M. [W] [D] a été transféré à la SAS USP NETTOYAGE et que la rupture du contrat de travail est imputable à la SAS USP NETTOYAGE,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déboute la SAS USP NETTOYAGE de sa fin de non recevoir,

Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la SAS USP NETTOYAGE à payer à M. [W] [D] les sommes qui suivent :

-3.567,95 € d'indemnité de licenciement,

-4.177,12 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis, outre 417,71 € de congés payés afférents.

-14.700 € d'indemnité pour licenciement nul,

Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS USP NETTOYAGE de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt,

Enjoint la SAS USP NETTOYAGE de remettre à M. [W] [D] une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Déboute la SARL LA BRENNE de sa demande de dommages-intérêts,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne la SAS USP NETTOYAGE à payer à Maître Dominique Bianchi, avocat au barreau de Lille, une indemnité de 1.000 € par application de l'article 700, 2° du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle,

Déboute la SARL LA BRENNE et la SAS USP NETTOYAGE de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS USP NETTOYAGE aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier

Valérie DOIZE

Pour le Président empêché

Muriel LE BELLEC, Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 21/00565
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00565 ?
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