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30/06/2023 | FRANCE | N°21/00450

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 30 juin 2023, 21/00450


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 881/23



N° RG 21/00450 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQWC



GG/CH







Article 700.2°

























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

15 Mars 2021

(RG 19/00032 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S.U. USP NETTOYAGE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Gabriel RENY, avocat au barreau de PA...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 881/23

N° RG 21/00450 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQWC

GG/CH

Article 700.2°

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

15 Mars 2021

(RG 19/00032 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S.U. USP NETTOYAGE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Gabriel RENY, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

M. [X] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Marie CUISINIER, avocat au barreau de DOUAI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021005342 du 18/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

DÉBATS : à l'audience publique du 17 Mai 2023

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Anne STEENKISTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SASU USP Nettoyage a pour activité le nettoyage des gares et des rames de trains. Elle emploie habituellement plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale de la manutention ferroviaire et travaux connexes.

Elle s'est vue confier le marché de nettoyage «SNCF [Localité 5] TGV et TER» à compter du 01/02/2018, en remplacement de l'ancien titulaire du marché la SARL LABRENNE. Cette dernière société a employé M. [X] [M], né en 1972, du 01/04/2011 au 31/01/2018, le salarié ayant été initialement recruté le 27/12/1999 en qualité d'ouvrier d'encadrement.

Par lettre du 09/01/2018, la SARL LABRENNE a avisé M. [M] de la transmission à la société repreneuse de son dossier en vue de son transfert dans les effectifs de cette dernière. Elle a établi le 07/02/2018 un certificat de travail.

La société USP NETTOYAGE n'a pas repris M. [M]. Le salarié a écrit à l'entreprise entrante pour solliciter son transfert, en dépit du fait qu'il soit arrêté pour accident du travail depuis plus de 7 mois. Il a également saisi la DIRECCTE.

Par requête reçue le 21/02/2019, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Douai d'une demande de résiliation du contrat de travail à l'encontre de la SASU USP NETTOYAGE et de demandes indemnitaires tenant aux effets d'un licenciement nul.

Par jugement du 15/03/2021 le conseil de prud'hommes a :

-dit et jugé que le contrat de travail de M. [X] [M] devait être automatiquement reconduit par la SASU USP NETTOYAGE,

-dit et jugé que M. [X] [M] fait toujours partie des effectifs de la SASU USP NETTOYAGE,

-dit et juge que la SASU USP NETTOYAGE a commis un manquement grave en tentant de contourner les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail sur la reprise automatique des contrats de travail,

-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la SASU USP NETTOYAGE à payer à M. [X] [M] les sommes suivantes :

-5.120,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-669 € à titre d'indemnité de congés payés,

-14.223,49 € à titre d'indemnité de licenciement,

-35.403 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail,

-5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral indépendant,

-1.000 € sur le fondement de l'article 700-2 du code de procédure civile,

-débouté la SASU USP NETTOYAGE de toutes ses demandes,

-dit que conformément à l'article 1231-7 du code civil les condamnations prononcées emporteront intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2019, date de la réception par la SASU USP NETTOYAGE de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour toutes les sommes de nature salariale, et à compter du jour du présent jugement pour toutes les autres sommes, et ce, jusqu'à complet paiement,

-rappelé qu'en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail la présente décision est exécutoire par provision de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du Code du Travail calculée sur la base du salaire moyen des trois derniers mois, soit 2.741 €,

-ordonne à la SASU USP NETTOYAGE de rembourser les organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [X] [M] à hauteur de 6 mois d'indemnité de chômage conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

-condamne la SASU USP NETTOYAGE aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 25/03/2021, la SASU USP NETTOYAGE a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions n° 4 reçues le 11/05/2023, la SASU USP NETTOYAGES demande à la cour de :

-juger son appel recevable, et infirmer le jugement,

Statuant à nouveau :

-débouter M. [X] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, y compris celles formées par voie d'appel incident

A titre subsidiaire :

-limiter aux sommes suivantes :

-5.120,46 € brut, l'indemnité compensatrice de préavis,

-512,04 € brut, l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

-14.223,49 €, l'indemnité de licenciement,

-7.680,69 €, l'indemnité de licenciement injustifié,

-statuer dans de plus justes proportions sur les demandes suivantes :

-indemnité pour préjudice moral,

-indemnité pour perte de chance de bénéficier de la portabilité de la prévoyance,

En tout état de cause :

-condamner M. [X] [M] à lui verser la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Selon ses conclusions reçues le 24/04/2023, M. [X] [M] demande à la cour de dire et juger recevable et bien fondé son appel incident, de débouter la SASU USP NETTOYAGE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, de confirmer le jugement sauf en ses dispositions concernant l'indemnisation du licenciement, infirmer le jugement de ce chef,

-Statuant à nouveau, :

A TITRE PRINCIPAL :

-condamner la SASU USP NETTOYAGE à lui payer la somme de 54.820 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, soit 20 mois de salaire,

-constater qu'il a été victime de discrimination de la part de la SASU USP NETTOYAGE,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

-juger que la société USP Nettoyage a manqué à son obligation de fourniture de travail,

-juger que la société USP Nettoyage a tenté de contourner les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail sur la reprise automatique des contrats de travail,

-en conséquence, juger que les manquements invoqués sont d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de l'employeur,

-juger que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

-condamner la SASU USP NETTOYAGE à lui payer la somme de 54.820 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 20 mois de salaire,

-condamner la SASU USP NETTOYAGE à lui payer les sommes suivantes :

5 120,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

669 € à titre d'indemnité de congés payés.

14 223,49 € à titre d'indemnité de licenciement.

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral indépendant,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

-juger qu'il existe une perte de chance pour Monsieur [M] quant à la portabilité de sa prévoyance,

-en conséquence, condamner la société USP NETTOYAGE à lui verser la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts,

-condamner la société USP NETTOYAGE à verser directement à Maître Marie Cuisinier la somme de 2.280 € en application de l'article 700, 2° du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

-condamner la société USP NETTOYAGE aux entiers frais et dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 16/05/2023.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la détermination de l'employeur

L'appelante fait valoir l'absence d'application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail, en l'absence de transfert d'une entité économique autonome, et d'élément corporel ou incorporel nécessaire à l'activité, ainsi que l'absence de transfert conventionnel, l'article 15 ter de la convention collective prévoyant une affectation effective à l'activité depuis au moins 6 mois, la jurisprudence entendant cette condition comme une affectation effective, et non simplement administrative ; qu'au moment de la reprise du marché M. [M] avait été en arrêt de travail ou en congés sans solde durant près de 4 mois et demi au cours des 6 derniers mois, et n'avait donc pas été effectivement affecté à l'activité durant les 6 derniers mois avant reprise de celle-ci, son contrat ne pouvant pas dès lors être transféré, que la notion d'activité implique l'accomplissement matériel d'un travail.

L'intimé expose que le marché a été transféré à la société USP NETTOYAGE en sorte qu'il ne figurait plus dans les effectifs de la société LABRENNE, que le transfert résulte de l'application de l'article L1224-1 du code du travail, et des articles 15 ter et 15 quater de la convention collective, que seul son contrat n'a pas été transféré, qu'il y a eu transfert légal d'une entité économique, que tous les salariés affectés à l'entreprise depuis 6 mois doivent voir leur contrat de travail repris, qu'il a 19 ans d'ancienneté.

-Sur le transfert légal

En vertu de l'article L1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Or, en l'espèce le marché de nettoyage de trains de la SNCF a été transféré de la société LABRENNE à la société USP NETTOYAGE. Il ne s'agit donc pas d'une modification de la situation juridique de l'employeur au sens des dispositions précitées, mais de la perte d'un marché qui n'entraîne pas nécessairement transfert légal du contrat de travail, sauf transfert d'une entité économique autonome, à savoir un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre. A cet égard il n'est pas justifié du transfert de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires d'exploitation, en sorte que les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail ne trouvent pas à s'appliquer.

-Le transfert conventionnel

Le débat porte sur la notion «d'affectation à l'activité» au sens de la convention collective.

Il convient de rappeler qu'une convention collective si elle manque de clarté doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet, et en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

L'article 1 de l'avenant n° 14 du 10 mars 2008 portant révision des articles 15 ter et quater de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970, alors applicable, stipule :

«Article 15 ter

Continuité des contrats en cas de changement de titulaire de marché en tout ou partie

Au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public, en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordre, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existant au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent, des salariés non-cadres du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois, sera assurée chez l'employeur entrant.

A charge pour ce dernier d'assurer les obligations légales et conventionnelles, notamment financières en matière de gestion des effectifs et d'organisation du travail dans le cadre du nouveau contrat.

L'entreprise sortante aura par ailleurs à régler aux salariés transférés les salaires et les sommes à périodicité autre que mensuelle, au prorata du temps passé par celui-ci dans l'entreprise, y compris le prorata de l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée et des indemnités de congés payés qu'il a acquis à la date du transfert.

L'entreprise sortante adhérente à une caisse de congés payés devra remettre aux salariés les certificats d'emploi justifiant de leur droit à congés conformément à la législation en vigueur (1)».

L'article 15 quater prévoit, sur demande écrite de l'entreprise sortante, la communication sous quinze jours par l'entreprise sortante, des documents suivants :

-la liste du personnel affecté sur le marché attribué contenant au minimum : nom et prénom du salarié, numéro de sécurité sociale, adresse, horaire mensuel sur le chantier, coefficient, ancienneté au sens de l'article 15 bis de la convention collective nationale, date de naissance, lieu de naissance, mandat ou protection particulière ;

-les 6 dernières fiches de paye de chaque salarié ;

-la dernière fiche d'aptitude médicale de chaque salarié ;

-la copie des contrats de travail et avenants au contrat de travail ;

-la copie des titres autorisant le travail sur le territoire français s'il y a lieu ;

-la copie des accords d'entreprise, d'établissement ou de site applicables au marché attribué, le nombre d'heures disponibles au titre du droit individuel à la formation.

Il ressort des bulletins de paie du salarié que le salarié a été en situation de congés payés, son contrat étant par la suite suspendu soit en raison d'arrêts de travail pour maladie, soit en raison de congés sans solde, les bulletins faisant apparaître des absences injustifiées.

La suspension du contrat de travail en raison d'arrêts maladie consécutifs à un accident de travail a perduré en l'absence de visite de reprise. Toutefois, il ne peut en être tiré comme conséquence que M. [M] n'a pas été effectivement affecté à «ladite activité depuis au moins 6 mois».

En effet, la notion d'activité telle qu'entendue par la convention collective, s'analyse comme la tâche résultant d'un contrat commercial ou d'un marché public, attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, étant observé que l'article 15 quater prévoit la communication au nouveau titulaire du marché de «la liste du personnel affecté sur le marché attribué». En d'autres terme, l'activité est la tâche confiée au titulaire du marché.

Or, M. [M], nonobstant la suspension du contrat de travail, était bien affecté à la mission transférée à la société USP NETTOYAGE, concernant le client SNCF ([Localité 5] TGV et TER). Il n'est pas douteux que le verbe transitif «affecter» qui signifie, dans cette acception, «placer quelqu'un, par une décision consécutive à un examen de la situation, dans un emploi, dans une fonction spécialisés», s'applique à la situation du salarié. En effet, il n'est ni allégué, ni a fortiori justifié, que M. [M] a été en charge d'une activité autre que celle confiée au nouveau titulaire du marché, la société USP NETTOYAGE.

L'analyse de l'appelante reviendrait en d'autres termes à appliquer à la relation de travail, une condition de présence effective, là où la convention collective ne prévoit qu'une affectation à l'activité, c'est à dire à la tâche confiée à la société USP NETTOYAGE. En conséquence, le contrat de travail de M. [M] a été transféré à la société USP NETTOYAGE ainsi que l'a retenu le premier juge. Le jugement est en conséquence confirmé.

Sur la demande de résiliation du contrat de travail

L'appelante soutient que le salarié a été absent pour des motifs de congés sans solde, ses absences étant dues pour moins de la moitié à son état de santé, lesquelles n'ont pas été déterminantes, que deux autres salariés n'ont pas été repris (M. [U] et M. [R]), qu'elle a souhaité se conformer aux décisions de justice qui l'ont condamnée alors que précédemment elle se contentait de vérifier que les salariés de l'entreprise sortante avaient été affectés administrativement, que si une faute était retenue, il en serait fini du système juridique français basé sur le droit écrit qui serait absorbé par le système britannique basé sur l'équité, que le salarié a été de fait licencier 01/02/2018, sa contestation étant prescrite, enfin à titre très subsidiaire, que le grief est ancien, et que la résiliation ne pourrait intervenir que le 01/02/2018 M. [M] n'ayant jamais été à son service.

L'intimé fait valoir une discrimination en raison de son état de santé, que la société USP NETTOYAGE a refusé de le reprendre en raison de l'accident du travail, que l'employeur a refusé de lui donner du travail, qu'il s'agit de manquements graves justifiant la résiliation et produisant les effets d'un licenciement nul.

Sur ce, en application des articles 1224 du code civil et L.1231-1 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur en rendant la poursuite impossible.

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

L'intimé fait valoir deux griefs tirés d'une discrimination et de l'absence de fourniture de travail à compter du 01/02/2018.

S'agissant du premier grief, aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article L1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend victime d'une discrimination de présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [M] verse notamment :

-la lettre du 09/01/2018 de la société LABRENNE l'informant du transfert à la société USP NETTOYAGE,

-une lettre du 30/04/2018 du salarié à la société USP NETTOYAGE lui rappelant les dispositions conventionnelles applicables,

-une lettre de la DIRECCTE du 11/05/2018, l'inspecteur du travail indiquant être intervenu auprès de la société USP NETTOYAGE,

-ses bulletins de paie et une attestation de paiement des indemnités journalières faisant apparaître une indemnisation du 06/09/2017 au 30/10/2017, puis du 22/01/2018 au 26/01/2018, pour maladie et des arrêts au titre de l'accident du travail du 09/09/2016 du 10/09/2016 au 31/07/2017.

Il s'ensuit que le salarié a été arrêté en raison d'un accident du travail, que par la suite il a été arrêté pour maladie ordinaire, ainsi que dans le cadre de congés sans solde. M. [M] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de la santé.

Il incombe au vu de ces éléments à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au préalable, le dispositif des dernières conclusions de l'appelante ne comporte aucune fin de non recevoir tirée de la prescription saisissant la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile. La cour n'est pas plus saisie d'une demande de fixation de la date de la résiliation judiciaire.

La société USP NETTOYAGE admet avoir tenu compte pour l'essentiel des absences du salarié au titre de congés sans solde, et s'être conformée aux décisions de justice intervenues dans d'autres litiges l'opposant à d'autres salariés.

Il ne s'agit cependant pas là d'une justification objective dans la mesure où la société USP NETTOYAGE a eu connaissance des arrêts de travail du salarié pour maladie, raison pour laquelle elle a estimé que le salarié avait été absent durant la période de 6 mois antérieur au transfert de l'activité.

En outre, il convient de relever que la société USP NETTOYAGE produit plusieurs décisions l'opposant à d'autres salariés (notamment : ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Paris du 19/09/2014, arrêt de la cour d'appel de Paris du 21/05/2015) concernant l'application des dispositions litigieuses.

Or, la société USP NETTOYAGE pouvait saisir le comité de conciliation prévu par l'article 3 de l'avenant n° 21 du 23/07/2013, aujourd'hui abrogé, lequel article stipule :

«Les litiges survenant à titre exceptionnel entre employeurs (sortant et entrant [s]) à l'occasion de l'application articles 15 ter, notamment des dispositions de l'alinéa 2, sont soumis à un comité de conciliation créé au sein de la branche qui sera chargé d'établir une recommandation selon les modalités ci-dessous précisées[...]», étant précisé qu'il ressort de la lettre de la DIRECCTE du 11/05/2018 précitée, que l'inspecteur du travail a rappelé à l'employeur les dispositions de l'article 15 quinquies de la convention collective. Les faits de discrimination sont en conséquence avérés.

Il est en outre établi que la société USP NETTOYAGE n'a pas fourni de travail à M. [M], le grief étant établi. Ce grief n'est pas ancien, et ses effets ont persisté dans le temps, dans la mesure où le salarié justifie du dépôt de sa demande de surendettement (01/03/2019) peu de temps après la saisine du conseil de prud'hommes et qu'il justifie en outre durant cette période de la perception de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Ces faits constituent des manquements suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de la société USP NETTOYAGE, la résiliation produisant les effets d'un licenciement nul compte-tenu des faits de discrimination en raison de la santé du salarié.

En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

En l'espèce, la société USP NETTOYAGE n'a pas matérialisé son refus de poursuivre la relation de travail. Elle n'établit pas que le salarié ne se tenait pas à sa disposition alors que le salarié lui a écrit le 30/04/2018 pour lui rappeler l'application de la convention collective.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail de M. [M].

Sur les conséquences de la rupture

Les faits de discrimination en raison de la santé ont entraîné pour le salarié un préjudice distinct dont la réparation a été justement appréciée par le premier juge qui l'a fixée à la somme de 5.000 € de dommages-intérêts. Le jugement est confirmé.

La moyenne des salaires doit être fixée à la somme de 2.560,23 €, déduction faite de la somme de 542,31 € à titre de complément maladie. Le paiement des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas sollicité.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 14.223,49 €, et l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 5.120,46 €.

L'intimé n'explique pas le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés qu'il sollicite. Le jugement est infirmé. La demande de 669 € au titre de l'indemnité de congés payés est rejetée.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (46 ans), de son ancienneté (19 ans et deux mois), de la situation de chômage, et des conséquences de la rupture à son égard, M. [M] ayant retrouvé un emploi mais temporaire, il y a lieu de lui allouer, en réparation de son préjudice une somme plus exactement fixée à 38.400 € à titre d'indemnité pour licenciement nul.

La société USP NETTOYAGE sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur la portabilité de la prévoyance

M. [M] indique en se fondant sur les dispositions de l'article L911-18 du code de la sécurité sociale que la portabilité de la prévoyance doit être indiquée dans le certificat de travail et qu'il subit une perte de chance.

La société USP NETTOYAGE indique qu'il n'est pas justifié du préjudice.

Sur ce, en application de l'article L911-8 du code de la sécurité sociale, les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L.911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes[...].

S'il est établi que la société USP NETTOYAGE n'a pas établi de certificat de travail, il ressort du certificat de travail établi par la société LABRENNE que cette société a informé le salarié du maintien des garanties offertes par le contrat de prévoyance. Il n'est pas justifié par ailleurs d'un préjudice résultant du manquement de la société USP NETTOYAGE. La demande est rejetée.

Sur les autres demandes

La société USP NETTOYAGE supporte les dépens d'appel les dispositions de première instance étant confirmées.

Il convient d'allouer à Maître Marie Cuisinier, avocat au barreau de Douai, une indemnité de 2.000 € par application de l'article 700, 2°) du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, les dispositions de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions sur l'indemnité de congés payés, sur l'indemnité pour licenciement nul, et sur la moyenne des salaires,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Condamne la SASU USP NETTOYAGE à payer à M. [X] [M] la somme de 38.400 € d'indemnité pour licenciement nul,

Déboute M. [X] [M] de sa demande d'indemnité de congés payés,

Fixe la moyenne des salaires à la somme de 2.560,23 €,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne la SAS USP NETTOYAGE à payer à Maître Marie Cuisinier, avocat au barreau de Douai, une indemnité de 2.000 € par application de l'article 700, 2°) du code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle,

Condamne la SASU USP NETTOYAGE aux dépens d'appel.

Le Greffier

Valérie DOIZE

Pour le Président empêché

Muriel LE BELLEC, Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 21/00450
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00450 ?
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