La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2023 | FRANCE | N°21/00186

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 30 juin 2023, 21/00186


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 1012/23



N° RG 21/00186 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOAB



GG/AA





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAMBRAI

en date du

16 Décembre 2020

(RG F 19/00206 -section )



































GROSSE :


>Aux avocats



le 30 Juin 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT:



M. [H] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Philippe JANNEAU, avocat au barreau de DOUAI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021004351 du 22...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 1012/23

N° RG 21/00186 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOAB

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAMBRAI

en date du

16 Décembre 2020

(RG F 19/00206 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT:

M. [H] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Philippe JANNEAU, avocat au barreau de DOUAI

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021004351 du 22/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. YVON PERIN ET [J] [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sté CMY PAYSAGERS

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES

Association UNEDIC AGS - CGEA DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Cathy BEAUCHART, avocat au barreau de CAMBRAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI

DÉBATS : à l'audience publique du 15 Février 2023

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 14Avril 2023 au 30 Juin 2023 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC,pour le Président empêché et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 25/01/2023

EXPOSE DU LITIGE

La SARL CMY PAYSAGERS a une activité d'espaces vert, travaux paysagers et jardinage, est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Douai depuis le 09/02/2016.

Elle a engagé M. [K] [B] par contrat à durée déterminée de 6 mois en qualité de juriste d'entreprise selon contrat du 01/02/2019, à temps partiel de 130 heures par mois, pour une rémunération mensuelle brute de 3.400 €.

Le tribunal de commerce de Douai par jugement du 09/07/2019 a prononcé la liquidation judiciaire de la société CMY PAYSAGERS, représentée à l'audience par M. [B], désigné la SELARL Yvon Perin ' [J] [T] en qualité de mandataire liquidateur, tout en fixant la date de cessation des paiements au 01/02/2019 date d'embauche de M. [B].

Par lettre du 20/11/2019, Me [T] a informé M. [B] du refus de prise en charge de son solde de salaire au motif suivant :

«[...] votre contrat a été conclu le 01/02/2019 pour une durée de six mois alors que la cessation des paiements, fixée au 01/02/2019, dans le jugement d'ouverture de la procédure collective, était déjà effective.

Le CGEA considère donc que votre demande tombe sous le coup des nullités pour la période[...].

L'Unedic, CGEA de [Localité 3], par lettre du 06/12/2019 a confirmé sa position.

Suivant requête reçue le 19/02/2019 M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai en fixation de créances salariales.

Par jugement du 16/12/2020 le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent et a : -prononcé la nullité du contrat de travail conclu entre M. [H] [B] et la SARL CMY PAYSAGERS,

-dit le contrat fictif,

-condamné Monsieur [H] [B] au paiement des sommes suivantes :

-500 € au CGEA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-1.000 € à la SELARL PERIN [T] ès qualités,

-3.000 € au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,

-dit que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la décision,

-débouté M. [H] [B] de toutes ses demandes,

-condamné M. [H] [B] aux dépens.

Par déclaration reçue le 12/01/2021 M. [B] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 21/04/2022, M. [H] [B] demande à la cour de réformer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de CAMBRAI du 16 décembre 2020, et de :

-fixer sa créance au passif de la SARL CMY PAYSAGERS à hauteur de 21.943 € se décomposant comme suit :

-rappel de salaire du 1er février au 31 juillet 2019 à hauteur de 14.300 €,

-indemnité de précarité d'emploi (10 % des rémunérations) à hauteur de 2.040 €,

-indemnités kilométriques à hauteur de 870 €,

-remboursement du péage à hauteur de 193 €,

-dommages et intérêts à hauteur de 1 500 €,

-dire et juger que l'arrêt de la cour d'appel sera opposable à Me [J] [T], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL CMY PAYSAGERS ainsi qu'aux AGS CGEA de [Localité 3] qui devra garantir les créances fixées,

-ordonner, sous astreinte journalière de 20 € par document, la remise de l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail, le bulletin de salaire de juillet 2019 et le solde de tout compte accompagné du règlement y afférent,

-ordonner l'exécution provisoire,

-lui allouer la somme de 21.943 €, une rémunération équivalente de ses salaires en contrepartie du travail qu'il a fourni.

Selon ses conclusions reçue le 13/07/2021 la SELARL Yvon Perrin & [J] [T] prise en la personne de Me [J] [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société CMY PAYSAGERS demande à la cour de :

-in limine litis et à titre principal,

-constater que M. [H] [B] ne saurait se prévaloir de la qualité de salarié,

En conséquence,

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de CAMBRAI en ce qu'il s'est déclaré compétent,

-statuant à nouveau, conformément aux dispositions de l'article 90 du code de procédure civile,

-constater le caractère non salarial des créances,

-dire et juger que les créances éventuelles de M. [B] devaient dès lors être déclarées au passif conformément aux dispositions des articles L.622-24 et suivants du code de commerce,

-constater le défaut de déclaration conformément aux dispositions de l'article L622-24 du code de commerce,

-dire et juger les créances éventuelles de M. [B] comme simplement inopposables à la procédure collective,

-débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de CAMBRAI en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de travail conclu entre M. [B] et la société CMY PAYSAGERS,

En conséquence,

-Le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

-débouter M. [B] de ses demandes de rappel de salaires, remboursement de frais kilométriques et de péages, de dommages-intérêts et de remise sous astreinte des documents de fin de contrat et de la fiche de paie de juillet 2019

En tout état de cause,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [B] à lui verser la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

-condamner M. [B] à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-confirmer l'amende civile d'un montant de 3.000 €,

-le condamner aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux exposés en première instance.

Selon ses conclusions reçues le 08/08/2021, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

« Dire partiellement mal jugé »

A titre principal :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que M. [B] avait la qualité de salarié au sein de la société CMY PAYSAGERS

-statuant à nouveau de ce chef, dire et juger que Monsieur [B] n'avait pas la qualité de salarié

-prononcer la mise hors de cause du CGEA de [Localité 3]

-confirmer le jugement entrepris pour le surplus

-débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

-le condamner au paiement d'une amende civile de 3.000 € en application des dispositions de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile

Subsidiairement :

-prononcer la nullité du contrat de travail de Monsieur [B] conclu pendant la période suspecte

-débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A titre infiniment subsidiaire :

-débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

En tout hypothèse :

-le condamner au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile

-le condamner au paiement des entiers frais et dépens de l'instance

Sur la garantie

-dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale

-dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie

-dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles,

-statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS

Par ordonnance du 08/07/2022 le conseiller de la mise en état a déclaré recevables les conclusions transmises le 21/04/2022 par M. [H] [B], sauf le droit de déférer l'ordonnance à la cour par application de l'article 916 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 25/01/2023.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'opposabilité du contrat de travail à la procédure collective

-Sur la fictivité du contrat de travail

L'appelant rappelle avoir été engagé en qualité de juriste d'entreprise ; il indique justifier de la réalité de la relation de travail, qu'initialement l'existence ou la validité du contrat de travail n'a été mise en cause ni par le liquidateur ni par le CGEA.

Le liquidateur expose que le contrat de travail est fictif et s'inscrit dans une tentative de faire supporter des prestations à caractère juridique d'une société tierce par les AGS, que le contrat a été antidaté, que la subordination n'est pas démontrée, que la provenance des somme alléguées à titre de salaire n'est pas justifiée, aucune comptabilité 2019 n'ayant été remise au liquidateur, que la société CMY PAYSAGERS n'avait plus de salariés, ne générait plus aucune activité, disposait pour tout actif que d'un véhicule de faible valeur et devait répondre d'un passif important de plus de 250.000 €, que l'unique « prestation » de travail de M. [B] apparaît avoir été réalisée par l'intermédiaire et sous le couvert d'une société tierce de « conseil pour les affaires » confinant avec l'exercice illégal de la profession d'avocat.

L'Unedic CGEA de [Localité 3] considère que l'emploi est fictif, que M. [B] « n'en est pas à son coup d'essai », étant bien connu des services de l'AGS pour avoir réclamé à plusieurs reprises paiement de diverses créances prétendument salariales suite à la liquidation judiciaire de diverses sociétés dans lesquelles il était, là encore, le seul salarié, que si M. [B] intervient auprès desdites sociétés et notamment de la société CMY PAYSAGERS, afin de les aider dans le cadre d'un «redressement », ce n'est pas dans le cadre d'une relation salariale, mais pour le compte des sociétés de conseil qui ont été ou sont gérées par sa femme , voire sa fille, la société Cabinet [H] désormais clôturée, ou la société CIDJ.

Sur quoi, la cour rappelle que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs; qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'existence d'une activité rémunérée accomplie sous la subordination de l'employeur; que le lien de subordination se caractérise par le pouvoir de l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et enfin, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui en invoque le caractère fictif de supporter la charge de la preuve.

L'appelant produit les pièces qui suivent :

-le contrat de travail du 01/02/2019,

-la déclaration préalable à l'embauche du 20/02/2019,

-les bulletin de paie « clarifiés » de février à juin 2019,

-ses relevés de compte faisant l'encaissement de chèques,

-attestation et lettre de Mme [C] [R] née [W].

Ces éléments caractérisent l'apparence d'un contrat de travail.

Pour démonter sa fictivité, les intimés versent :

-les documents afférents aux précédents sociétés gérées par Mme [R],

-les renseignements afférents à une société CIDJ, dont le gérant est Mme [S] [B], ayant pour activité le conseil pour les affaires et la gestion,

-les références de sociétés ayant fait l'objet de procédures collectives, dans lesquelles M. [B] a été salarié,

-le rapport établi dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

Cependant, si ces pièces tendent à démontrer l'embauche de M. [B] par des sociétés ayant fait l'objet de procédures collectives, clôturées pour insuffisance d'actif, elles sont insuffisantes à démontrer le caractère fictif du contrat de travail de M. [B]. Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que le contrat de travail est fictif. La demande est rejetée.

-Sur la nullité du contrat de travail

L'appelant expose que la date de cessation des paiements a été fixée sans motivation, alors que la date de cessation d'activité est le 31/05/2019, qu'il a effectué des déplacements, la mise à jour des contrats de sous-traitance, clients et fournisseurs, les relations avec le cabinet d'expertise comptable JTM AUDIT CONSEIL, la mise à jour de la facturation au regard de la TVA, le secrétariat juridique de la société avant de préparer la déclaration de cessation des paiements de l'entreprise et d'assister à l'audience du tribunal de commerce du 09/07/2019, que l'exercice comptable précédant laissait apparaître un résultat excédentaire, que la lettre du 09/03/2020 de Mme [R], gérante de la société, démontre que le contrat de travail n'a pas comporté pour la SARL CMY PAYSAGERS des obligations excédant notablement celles du salarié, enfin et subsidiairement qu'il est fondé à obtenir une rémunération équivalente de ses salaires en contrepartie du travail qu'il a fourni pour le compte de la SARL CMY PAYSAGERS.

Les intimés rappellent que le déséquilibre se trouvera caractérisé s'il est démontré que la rémunération ne pouvait pas être assumée par le débiteur au moment de la souscription du contrat, que tel est le cas en l'espèce puisque la société CMY PAYSAGERS ne développait plus aucune activité, n'avait plus de salariés et que la nature et l'étendue du passif déclaré permet de comprendre d'ailleurs que ses finances étaient obérées depuis plusieurs mois, enfin qu'en cas de nullité du contrat de travail le demandeur ne peut prétendre au paiement de créances salariales.

Les moyens invoqués par M. [B] au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il est ajouté que l'article L.632-1, I, du code de commerce, dans sa rédaction applicable, dispose que :

« Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :

(...) 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie[...] ».

Il appartient au liquidateur qui se prévaut du caractère déséquilibré du contrat de travail conclu pendant la période suspecte d'en justifier, le déséquilibre devant s'apprécier in concreto, et dès la conclusion du contrat.

Aux termes de l'article 1104 du code civil, le contrat commutatif est défini comme celui dans lequel chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle. Un contrat est commutatif lorsque l'avantage que chacune des parties en retire est susceptible d'être évalué par elles au moment de la conclusion de l'acte.

La date de cessation des paiements a été fixée au 01/02/2019 par le tribunal de commerce. La conclusion du contrat de travail de M. [B] le même jour est intervenu durant la période suspecte.

Il ressort du rapport établi dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire que l'actif de la société CMY PAYSAGES est constitué d'un véhicule de marque Ford d'une valeur de 2.000 €, le passif étant provisoirement chiffré à 259.402€.

En dépit d'une progression du chiffre d'affaires en 2017, l'exercice s'est soldé par une perte comptable de 28.897 € en raison de la présence à l'actif de charges comptables non prises en compte de 64.522 €, ce qui permet de relativiser la situation positive en fin d'année 2017. En toute hypothèse le bilan démontre l'absence de paiement à la MSA de l'ordre de 131.000 € fin janvier 2018, la société devant en outre 80.000 € au titre de la TVA.

La situation de la société CMY PAYSAGERS était donc obérée lors de la conclusion du contrat de travail. Ne pouvant faire face à ses charges courantes, et ayant conscience de la dégradation de sa situation financière, elle ne pouvait pas s'engager pour le recrutement d'un juriste d'entreprise en télétravail, résidant en région parisienne, entraînant une charge de masse salariale de 20.400 €, qui n'a d'ailleurs pas été réglée en totalité. Cette charge nouvelle ne pas plus se justifier par l'assistance qu'indique avoir porté M. [B] à l'entreprise qui a fait l'objet d'un redressement fiscal, la prise de contact avec l'administration fiscale incombant à la gérante, ou à son avocat éventuel, tout comme la prise de rendez-vous avec un expert-comptable ou la comparution à l'audience du tribunal de commerce. Enfin, à lire la lettre de Mme [R] du 09/03/2020, certaines des tâches confiées à M. [B] relèvent plus d'une fonction de secrétariat (tri de trois sacs remplis de documents concernant la société). Le domaine d'activité de la société CMY PAYSAGERS et son étendue ne justifient en aucun cas le recrutement d'un juriste d'entreprise.

Il s'ensuit que les obligations de l'employeur excédaient notablement celles du salarié, dans la mesure où un déséquilibre significatif existaient entre les prestations respectives des parties, comme l'a relevé à juste titre le premier juge.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité du contrat de travail signé entre M. [H] [B] et la SARL CMY PAYSAGERS, M. [B] étant débouté de sa demande de fixation au passif de créances salariales à titre de rappel de salaire, d'indemnités de précarité d'emploi, de congés payés, d'indemnités kilométriques et de remboursement de frais, ou encore de dommages-intérêts pour retard de transmission du reçu pour solde de tout compte. Ces demandes sont rejetées. Le jugement est confirmé.

Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la somme de 21.943 € à titre de rémunération. En effet, si en cas de nullité du contrat de travail le travailleur doit être indemnisé pour les prestations qu'il a fournies, il ne peut prétendre au paiement de salaires.

Or la demande d'une rémunération équivalente de ses salaires en contrepartie de ses salaires constitue une demande salariale, fondée sur le contrat de travail annulé. M. [B] doit être intégralement débouté de ses créances salariales.

A titre surabondant, M. [B] a perçu des avances de 6.100 € qui indemnisent sa prestation.

Sur l'abus de droit

Même dans le contexte particulier d'une embauche par une société en état de cessation de paiement, il n'est pas justifié d'un abus du droit d'agir en justice. Il convient d'infirmer le jugement sur ce point et dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les autres demandes

Les dépens seront en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par infirmation, il serait inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement conseil de prud'hommes de Cambrai du 16/12/2020, sauf en ses dispositions sur le caractère fictif du contrat, les frais irrépétibles, l'article 32-1 du code de procédure civile et les intérêts,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déboute la SELARL Yvon Perin-[J] [T] en qualité de mandataire liquidateur et l'UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 3], de leurs demandes tendant à voir déclarer le contrat de travail fictif,

Dit n'y avoir lieu à amende civile,

Fixe les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la SARL CMY PAYSAGERS,

Dit n'y avoir application à l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

Pour le président empêché,

Muriel LE BELLEC Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 21/00186
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00186 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award