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30/06/2023 | FRANCE | N°21/00028

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 30 juin 2023, 21/00028


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 967/23



N° RG 21/00028 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TL3A



PN/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

15 Décembre 2020

(RG f19/00125 -section )




































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Association AIFOR

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Marthe BESLUAU, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉ :



M. [T] [I],

[Adresse 1...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 967/23

N° RG 21/00028 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TL3A

PN/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

15 Décembre 2020

(RG f19/00125 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Association AIFOR

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Marthe BESLUAU, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉ :

M. [T] [I],

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Guillaume BAILLARD, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Avril 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 30 Mars 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [T] [I] a initialement été engagé par l'association ACCUEIL INSERTION FORMATION ORIENTATION (ci-après AIFOR) suivant plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 1er novembre 2014, puis suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de formateur coordinateur.

La convention collective nationale applicable est celle des organismes de formation.

Par lettre recommandée en date du 14 août 2018, M. [T] [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 4 septembre 2018, avec une mise à pied à titre conservatoire.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 septembre 2018, M. [T] [I] a été licencié pour faute grave.

Le 10 juillet 2019, M. [T] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-mer afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture du contrat de travail, ainsi que d'obtenir le paiement de rappel de salaire, de dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour harcèlement moral.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 15 décembre 2020, lequel a :

- constaté la prescription acquise concernant l'année 2014,

- dit le licenciement de M. [T] [I] dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association AIFOR à payer à M. [T] [I] :

- 9.000 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.997,58 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4.686,62 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 468,66 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 15.000 euros au titre du préjudice moral consécutif au préjudice distinct découlant des courriers calomnieux adressés à Pôle Emploi, mission locale et Cap Emploi,

- 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à l'association AIFOR l'envoi de courriers rectificatifs aux organismes destinataires des courriers calomnieux, à savoir Pôle Emploi, mission locale et cap emploi afin de communiquer le dispositif du présent jugement, à l'exclusion de tout commentaire additif, dans le cadre habituel des présentations de courriers de l'association,

- prononcé d'office une astreinte de 50 euros par jour à compter du huitième jour suivant la notification du présent jugement afin que ces envois de courriers soient effectués,

- réservé au Conseil de céans la liquidation de ladite astreinte le cas échéant,

- débouté M. [T] [I] du surplus de ses demandes,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 1.932 euros,

- prononcé l'exécution provisoire,

- dit que les sommes dues porteront intérêts,

- condamné l'association AIFOR aux entiers dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par l'association AIFOR le 5 janvier 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de l'association AIFOR transmises au greffe par voie électronique le 20 mars 2023 et celles de M. [T] [I] transmises au greffe par voie électronique le 27 mars 2023,

Vu l'ordonnance de clôture du 30 mars 2023,

L'association AIFOR demande :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- a dit que le licenciement de M. [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- l'a condamnée à payer à M. [T] [I] :

- 9.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.997,58 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4.686,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 468,66 euros à titre de congés payés y afférents,

- 15.000 euros au titre du préjudice moral consécutif au préjudice distinct découlant des courriers calomnieux adressés à pôle emploi, mission locale et cap emploi,

-1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- lui a ordonné à envoyer des courriers rectificatifs aux organismes pôle emploi, mission locale et cap emploi afin de communiquer le dispositif du jugement,

- a prononcé une astreinte de 50 euros par jour à compter du huitième jour suivant la notification du jugement afin que ces envois de courriers soient effectués,

- a dit que ces sommes porteront intérêts à compter de la notification du jugement et que les intérêts seront capitalisés du moment qu'ils sont dus pour une année entière,

- l'a condamnée aux dépens,

- de débouter M. [T] [I] de ses demandes,

- à titre subsidiaire, concernant les dommages et intérêts pour l'envoi des courriers de dénonciations, de réduire ce montant à de plus juste proportion

- de condamner M. [T] [I] à payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de 1.500 euros pour la procédure de première instance,

- de condamner M. [T] [I] aux dépens.

M. [T] [I] demande :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a :

- débouté du surplus de ses demandes,

- condamné l'association AIFOR à lui payer 9.000 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau :

- de fixer sa moyenne des rémunérations à la somme de 2.663,45 euros brut,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer, en application des stipulations conventionnelles sur la répartition temps de formation/temps de préparation, de recherche et d'activités connexes, 11.134,77 euros à titre de rappel de salaire outre 1.113,47 euros au titre des congés payés y afférents,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer :

- 511,40 euros à titre de rappel de salaire au titre du temps de déplacement dépassant le temps de trajet normal entre son domicile et le travail, outre la somme de 51,14 euros au titre des congés payés y afférents,

- 15.980,7 euros nets pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié,

- 20.000 euros en réparation du préjudice subi par Monsieur [I] du fait du harcèlement moral subi,

Sur le licenciement :

A titre principal :

- de déclarer nul son licenciement en application de l'article L. 1152-3 du Code du travail,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer :

- 25.000 euros nets d'indemnité pour licenciement nul

- 1.997,58 euros nets d'indemnité légale de licenciement

- 4.686,62 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 468,66 euros bruts de congés payés y afférents,

- A titre subsidiaire :

- de déclarer nul son licenciement en application de l'article L. 1235-3-1 du Code du travail pour violation de la liberté d'expression,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer :

- 25.000 euros nets d'indemnité pour licenciement nul,

- 1.997,58 euros nets d'indemnité légale de licenciement,

- 4.686,62 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 468,66 euros bruts de congés payés y afférents,

A titre infiniment subsidiaire :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse mais l'infirmer sur le quantum des indemnités allouées,

- d'écarter le barème de l'article L.1235-3 du Code du travail comme étant contraire aux principes d'égalité, de juste réparation du préjudice ainsi qu'aux articles 4, 8 et 10 de la Convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail, 24 de la charte Sociale Européenne de Turin du 18 octobre 1931 révisée et son annexe,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer :

- 25.000 euros nets d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1.997,58 euros nets d'indemnité légale de licenciement,

- 4.686,62 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 468,66 euros bruts de congés payés y afférents,

- de condamner l'association AIFOR à lui remettre des fiches de paie et des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, reçu pour solde de tout compte et une fiche de paie récapitulative) rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

Sur l'obligation d'adresser des courriers rectificatifs à POLE EMPLOI, CAP EMPLOI et la MISSION LOCALE et la condamnation au paiement d'une indemnité pour dénonciation calomnieuse :

A titre principal :

- de déclarer irrecevables, sur le fondement des articles 908, 910-4 et 954 du code de procédure civile, les demandes présentées par l'Association AIFOR tendant à infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné l'association AIFOR à lui payer une indemnité de 15.000 euros au titre du préjudice moral consécutif au préjudice distinct découlant des courriers calomnieux adressés à Pôle Emploi, mission locale et Cap emploi,

- ordonné à l'association AIFOR l'envoi de courriers rectificatifs aux organismes Pôle Emploi, mission locale et cap emploi afin de communiquer le dispositif du jugement entrepris,

A titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association AIFOR à lui payer une indemnité en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la dénonciation calomnieuse proférée dans les correspondances adressées par l'association AIFOR à Pôle Emploi, mission locale et cap emploi,

- d'infirmer le jugement déféré sur le quantum de cette indemnité,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer une indemnité de 20.000 euros nets en réparation du préjudice subi du fait de l'envoi des correspondances aux organismes susmentionnés procédant à une dénonciation calomnieuse et procédant en toute hypothèse d'une intention de nuire,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association AIFOR à l'envoi de courriers rectificatifs aux organismes destinataires des courriers calomnieux, à savoir Pôle Emploi, mission locale et cap emploi afin de communiquer le dispositif du jugement de première instance à l'exclusion de tout commentaire additif, dans le cadre habituel des présentations de courriers de l'association, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification dudit jugement,

- de condamner l'association AIFOR à lui payer :

- 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du recours abusif exercé par elle devant la chambre sociale dans la présente affaire,

- 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, outre à supporter les frais et dépens de l'instance,

- de débouter l'association AIFOR de l'intégralité de ses demandes,

- de dire en application de l'article 1153-1 du code civil, que les sommes dues porteront intérêts à compter du jour de la demande,

- de constater qu'il sollicite la capitalisation des intérêts par voie judiciaire,

- de dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière,

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de rappel de salaire

Attendu que selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié;

Qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments;

Que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées;

Attendu qu'afin de permettre aux formateurs d'être rémunérés du temps nécessaire pour préparer les formations, la convention collective afférente au contrat de travail du salarié précise qu'en effectuant 35 heures de travail hebdomadaire, le salarié doit faire 25,2 heures de formation et 9,8 heures préparation, de recherche et d'actes connexes ;

Attendu que M. [T] [I] réclame le paiement d'un rappel de salaire de 11.134 euros ;

Qu'il soutient en substance à ce titre que ses heures de préparation ne lui ont pas été correctement rémunérées, tout particulièrement s'agissant de tâches donnant nécessairement lieu à préparation spontanée telles que les actions dites PPS HP, consacrées à des publics souffrant de handicaps psychiques ou des actions orientées vers le bénéficiaire du RSA ;

Que pour sa part, l'employeur fait valoir que toutes les activités du salarié donnent pas lieu à temps de préparation, les activités connexes étant exclues de la majoration conventionnelle, de sorte que contrairement à ce qu'affirme l'intimée, il n'y a pas lieu d'appliquer du temps de préparation aux activités dites PPS, RAPP et CLEA ;

Que les fiches analytiques du salarié démontrent que ces ratios ont été respectés, lors même que ces documents n'ont jamais fait l'objet d'une contestation ;

Attendu qu'au premier lieu, comme le souligne exactement l'employeur, M. [T] [I] ne justifie pas du détail des calculs lui permettant de revendiquer 11 134,77 euros, alors même que le décompte sur 5 ans produit se contente de mentionner annuellement la différence entre les heures dues conventionnellement et les heures effectuées réellement ;

Qu'en outre, les plannings produits par le salarié, lesquels mentionnent que des temps de préparation sur certaines d'après-midi, sans aucune précision horaire et surtout sans préciser à quoi se rapporte lesdits préparation, ne permettent pas d'établir de façon suffisamment précise et circonstanciée le quantum des heures revendiquées, alors même que M. [T] [I] ne précise pas si ces périodes se rapportent à une activité principale ou annexe ;

Que dans ces conditions, au vu de l'ensemble des éléments de preuve produits par chacune des parties, il y a lieu de considérer que la preuve de la réalité des heures revendiquées par M. [T] [I] n'est pas rapportée ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ;

Sur les déplacements

Attendu qu'en application de l'article L3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ;

Que toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie en repos financière ;

Que la preuve qu'il a accompli un temps de trajet inhabituel incombe au salarié ;

Attendu qu'à cet égard, M. [T] [I] réclame le paiement de 500,40 euros outre 51,14 euros au titre des congés payés y afférents ;

Que pour justifier de la réalité du dépassement du temps de transport au regard de son trajet habituel, M. [T] [I] se prévaut de tableaux portant la mention du nombre de trajets effectués ainsi que du dépassement prétendument effectué au regard du trajet habituel ;

Que cependant, ces seuls documents ne suffisent pas à rapporter la preuve de la réalité de la créance revendiquée, faute de production d'éléments précis sur l'itinéraire pris et sa destination exacte ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé ;

Sur le harcèlement moral

Attendu que l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ;

Qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu'en l'espèce, le salarié soutient qu'il a été l'objet de harcèlement moral de la part de son employeur en faisant valoir :

- qu'il a été contraint de solliciter de son employeur le respect de ses obligations, notamment en termes de déplacement,

- qu'il a été licencié pour des propos « fantasques »,

- qu'il été l'objet de dénonciation calomnieuse auprès d'un certain nombre de correspondants,

Attendu cependant que le harcèlement moral suppose que les agissements dont le salarié se prévaut ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail ;

Que ceux-ci ont donc nécessairement été commis alors que le contrat de travail était en cours ;

Que tel n'est pas le cas s'agissant des motifs ayant conduit l'employeur à rompre la relation contractuelle et des courriers envoyés par ce dernier à cette occasion ;

Qu'il s'ensuit que ces deux éléments ne sauraient entrer en voie de considération dans le cadre des dispositions légales susvisées ;

Qu'en outre, l'intimée ne rapporte pas la preuve que ses réclamations en termes d'heures ou d'indemnisation de transport ait fait l'objet de revendication répétés de sa part, lors même que rien ne permet de considérer que le » comportement de l'employeur à cet égard ait été l'image une intention caractérisée de porter atteinte aux droits de M. [T] [I] ;

Que dans ces conditions, et dans la mesure où la preuve d'indices répétés laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, le salarié n'est pas fondé à se prévaloir d'un quelconque harcèlement moral, ayant pour effet d'annuler son licenciement ;

Sur le bien-fondé du licenciement

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

Que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est ainsi motivée :

« (') Lors d'une réunion de régulation du 14 juillet 2018, plusieurs de vos collègues nous ont informé d'un comportement intolérable de votre part au sein de notre établissement.

En effet, vous avez tenu à plusieurs reprises devant plusieurs collègues stagiaires de l'association des propos « célèbre la grandeur du nazisme et votre amour pour l'Allemagne nazie ».

Vous avez notamment déclaré « partager les valeurs et objectifs des nazis dans leur rôle dans l'extermination des juifs » et proposé à vos collègues de travail des chants patriotiques nazis.

Les propos que vous avez tenus durant votre temps de travail sont intolérables et odieux, gravement attentatoire à la dignité de la personne humaine et au respect dû à tous les peuples.

Outre l'apologie du nazisme, vous avez également tenu un discours qui était perçu par les stagiaires de l'association comme cautionnant terrorisme et la pédophilie.

Nous ne pouvons accepter un tel comportement.

Par ailleurs, nous avons été informés au mois de juillet dernier que :

- vous aviez tenu des propos haineux à l'égard d'un stagiaire qui avait fait part de son homosexualité,

Nous ne pouvons tolérer le tenu des propos homophobes au sein de notre association.

Vous avez dénigré l'association à plusieurs reprises devant vos collègues de travail ;

Vous avez notamment indiqué que l'association AIFOR n'était « qu'une vaste plaisanterie », que nous étions une « bande de voleurs » dirigée par « un truand ».

Vous avez également indiqué à vos collègues votre volonté était de nuire à la réputation de l'association AIFOR et de la faire fermer.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement.

Par ailleurs, ces critiques systématiques et outrancières maintiennent une ambiance conflictuelle de nature à nuire à l'association et à détruire le climat de confiance nécessaire à son bon fonctionnement.

Le 5 juin 2018, vous allez communiquer des résultats de concours qui était erroné à une stagiaire avant leur communication officielle le 7 juin 2018, ce qui est interdit.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. (') » ;

Attendu que le caractère des plus provocateur de M. [T] [I] apparaît très clairement aux termes des documents produits par l'employeur ;

Que tel a été le cas lorsque pendant les pauses déjeuner, où il mettait un champ patriotique allemand sur son ordinateur de travail et qu'après avoir chanté, il déclarait qu'il aurait aimé vivre à cette époque pour soutenir la cause allemande, comme il en résulte des déclarations de Mme [S] [U] ;

Que toutefois, ces éléments ne sauraient constituer à eux seuls un manquement, dès lors que l'employeur ne rapporte pas la preuve formelle que l'intimé ait faite 'uvre d'apologie du nazisme ;

Attendu toutefois qu'il résulte des documents produits par l'employeur que le salarié a déclaré dans le cadre de ses formations que « si j'avais dû défendre les pédophiles et les nazis, je l'aurais fait » (témoignage de M [E] [R] devant les services de gendarmerie) ;

Que ces allégations sont confirmées par Mme [W] [D] et par M. [M] [Y], lequel précise que le salarié a déclaré qu'il aurait aimé être l'avocat des terroristes et des Allemands pendant la guerre ;

Que de telless déclarations, qui se situent en dehors du cadre normal d'une formation prodiguée dans le cadre de l'AIFOR, auprès de stagiaires qui n'ont pas forcément le bagage culturel pour appréhender de tels propos dans le cadre d'une défense judiciaire, normale en termes de d'ontologie, ont pu être à minima mal interprétés et vécu comme étant une adhésion au terrorisme ou comme une façon de minimiser la gravité de la pédophilie ;

Qu'en agissant de la sorte, M. [T] [I] a manqué à son obligation de réserve et de pondération inhérente à sa mission d'enseignant ;

Attendu qu'en outre, l'employeur démontre, par la production de déclarations concordantes de salariés de l'entreprise, que M. [T] [I] a très violemment critiquée son employeur, en présence de ses collègues, en déclarant que son objectif était de « faire fermer AIFOR » et en affirmant que s'il quittait l'entreprise, il ne partirait pas sans rien et qu'il ferait « cracher le pognon » ;

Que ces deux griefs sont d'une gravité particulière, en ce sens qu'ils constituent, pour le premier manquement du salarié à sa déontologie d'enseignant pour le second l'image d'une volonté de dénigrement et de nuisance à l'égard de son employeur ;

Que ces deux fautes suffisant à elles seules de justifier le départ immédiat du salarié de l'entreprise et la rupture de son contrat de travail sans indemnité ni préavis ;

Qu'il s'ensuit que son licenciement est fondé sur une faute grave ;

Que l'intimé sera donc débouté de ses demandes liées à la contestation de son licenciement ;

Que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du dommage consécutif au préjudice découlant des courriers adressés à Pôle emploi, à la Mission locale et à Cap emplois

Attendu que suite au licenciement de M. [T] [I], l'employeur a envoyé à certains organismes des courriers faisant état du comportement du salarié ;

Que cet élément n'est pas contesté par l'appelante ;

Que quels que soit les griefs que l'association ACCUEIL INSERTION FORMATION ORIENTATION pouvait avoir à l'encontre de M. [T] [I], elle ne pouvait, sans faute et sans précaution aucune, dénoncer le comportement de M. [T] [I] à des organismes susceptibles de porter atteinte à son avenir professionnel ;

Que le préjudice sera réparé par l'allocation de 2.000 euros ;

Sur la notification du jugement sous astreinte

Attendu que si la décision des premiers juges à cet égard se voit justifiée par la nécessité de mettre fin à la situation provoquée par l'employeur, le prononcé d'une astreinte n'était pas utile, d'autant qu'il n'est pas contesté que l'employeur s'est exécuté à ce titre, ce que ne conteste pas le salarié, de sorte qu'il sera dit que la demande est devenue sans objet ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé hormis en ce qu'il a prononcé d'une astreinte ;

Sur les demandes formées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il sera alloué à M. [T] [I] 1500 euros pour l'ensemble de la procédure ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris hormis en ce qu'il a :

- débouté M. [T] [I] de ses demandes au titre de ses heures, de son temps de trajet, et du travail et simuler

-dit le licenciement de M. [T] [I] n'est pas entachée de nullité,

- ordonné à l'association AIFOR l'envoi de courriers rectificatifs aux organismes destinataires de ses courriers, à savoir Pôle Emploi, mission locale et cap emploi afin de communiquer le dispositif du présent jugement, à l'exclusion de tout commentaire additif, dans le cadre habituel des présentations de courriers de l'association,

STATUANT à nouveau,

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

DIT que licenciement de M. [T] [I] repose sur une faute grave,

CONDAMNE l'association ACCUEIL INSERTION FORMATION ORIENTATION à payer à M. [T] [I] :

-2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

DEBOUTE M. [T] [I] de ses plus amples demandes

CONDAMNE l'association ACCUEIL INSERTION FORMATION ORIENTATION aux dépens,

CONDAMNE l'association ACCUEIL INSERTION FORMATION ORIENTATION à payer à M. [T] [I] :

-1500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00028
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00028 ?
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