ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 1006/23
N° RG 20/02183 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TILV
GG/CH
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Arras
en date du
24 Septembre 2020
(RG 18/00305 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Mme [P] [C] [U] [Z]
[Adresse 3]
représentée par Me Jean-Pierre GLINKOWSKI, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
E.U.R.L. [O] CABINET ARCHITECTE en liquidation judiciaire
S.E.L.A.S. [I] [X] es qualité de mandataire liquidateur de l'EURL [O] CABINET ARCHITECTE
[Adresse 2]
représentée par Me Tal LETKO BURIAN, avocat au barreau d'ARRAS
Association CGEA D'[Localité 4]
[Adresse 1]
représentée par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BETHUNE
DÉBATS : à l'audience publique du 01 Février 2023
Tenue par Gilles GUTIERREZ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 31 mars 2023 au 30 juin 2023 pour plus ample délibéré.
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 janvier 2023
EXPOSE DU LITIGE
La SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE a engagé Mme [P] [B] épouse [Z], née en 1979, suivant contrat de travail du 24/07/2006 à durée indéterminée à temps partiel de 17h30 par semaine, en qualité de secrétaire, niveau 2 coefficient 220 de la convention collective des entreprises d'architecture.
La durée du travail a été portée à 32 heures hebdomadaires par avenant du 26/02/2008, puis à temps complet selon avenant du 01/10/2012, Mme [Z] étant en outre promue aux fonctions de collaboratrice, niveau 2 coefficient 170.
Par lettre du 11/12/2018, Mme [Z] demandant l'application de la revalorisation du point selon la convention collective ainsi que la majoration de l'ancienneté.
Par requête du 26/12/2018, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras de réclamations concernant l'exécution de la convention collective. Les parties se sont conciliées partiellement aux termes d'un procès-verbal du 07/02/2019, l'employeur acceptant de régler un rappel de salaire de 2.150,50 € brut au titre de «la prétendue revalorisation du coefficient et du point (CCN)», la salariée maintenant sa demande de dommages-intérêts et d'application de la convention collective avec coefficient et valeur du point corrects.
Le tribunal de commerce d'Arras par jugement du 13/03/2019 a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE.
Par ordonnance du 24/05/2019 le juge commissaire a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme [Z], effectué par une lettre du 26/06/2019.
La liquidation judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE a été décidée par jugement du 25/09/2019.
Me [X] en qualité de mandataire liquidateur a convoqué Mme [Z] à un entretien préalable à licenciement par lettre du 26/09/2019.
Mme [Z] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes par requête du 04/02/2020 pour obtenir les documents de fin de contrat. Par ordonnance du 19/06/2020 a déclaré la demande irrecevable, et renvoyé les parties à saisir la juridiction du fond.
Par jugement du 24/09/2020 le conseil de prud'hommes a :
- dit n'y avoir lieu à procéder au changement de classification formulée par Mme [P] [Z],
- débouté Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté Me [X] liquidateur judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [Z] aux dépens de l'instance.
Par déclaration reçue le 04/11/2020 Mme [P] [Z] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.
Par ordonnance du 25/02/2022 le conseiller de la mise en état a dit ne pas être compétent pour statuer sur l'incident soulevé par Me [X] liquidateur judiciaire et L'UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 4].
Selon ses dernières conclusions reçues le 12/05/2022, Mme [P] [Z] demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- la recevoir en ses demandes
- la déclarer recevable et fondée en son appel,
- rejeter les demandes de Me [X] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE et de l'UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 4] formulées dans leurs conclusions récapitulatives n° 2 en ce qu'elles sollicitent l'irrecevabilité de prétendues nouvelles demandes en appel,
- constater la liquidation judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE,
En conséquence,
- dire et juger qu'elle doit bénéficier d'un coefficient de 420 catégorie 3 niveau 1,
- faire application de la valeur du point repris dans la convention collective et dans ses avenants postérieurs,
- dire et juger qu'il est de 7.49 en 2017, 7.57 en 2018 et 7.75 en fin 2018,
- dire et juger en conséquence qu'un rappel de salaire est dû par la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE à ce titre,
- condamner la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE à lui payer :
au titre de l'année 2017 : 2.966,04 €
au titre de janvier 2018 : 247,17 €
au titre février à septembre 2018 : 1.998,48 €
au titre de octobre à décembre 2018 : 499,62 €
au titre de janvier 2019 : 169,40 €
au titre de février 2019 : 1.738,57 €
au titre de mars 2019 : 476,86 €
au titre de avril 2019 : 289,20 €
au titre de mai 2019 : 475,55 €
au titre de juin 2019 : 2.847,66 €
au titre de rappel salaire préavis 27 juin 2019 au 26 septembre 2019 : 2.369,82 €
rappel congés payés sur préavis : 236,98 €
rappel sur indemnités licenciement : 541,94 €
rappel de cp : 1.511,35 €
- 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de la non application de la convention collective et 2.217,38 € résultant du préjudice financier de la rémunération sous évaluée pendant l'exécution du stage de formation FONGECIF,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE ces sommes,
-condamner le CGEA à lui payer les sommes ci-dessus reprises dans le cadre de sa garantie,
- ordonner à la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE de procéder à la rectification et la remise de l'ensemble de ses fiches de paie dans le délai de quinzaine suivant la signification de la décision à intervenir sous peine d'être condamnée à une astreinte de 70 € par jour de retard et par documents pendant un délai de 2 mois à défaut duquel l'astreinte pourra être liquidée par la juridiction de céans et une astreinte définitive sera mise en place,
- condamner le cabinet EURL [O] (sic) à communiquer dans les 8 jours de la décision à intervenir les éléments suivants sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard et par document pendant 3 semaines l'attestation POLE EMPLOI et le certificat de travail dûment corrigés et régularisés,
- dire que cette somme sera inscrite au passif de la liquidation et prise en charge par le CGEA,
- condamner le cabinet [O] à lui régler la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour le retard abusif et dolosif dans la communication de ces documents, somme qui sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire mais prise en charge intégralement par le CGEA d'[Localité 4]
- outre la somme de 2.400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les intimés aux entiers frais et dépens de la procédure tant de première instance que d'appel
Selon ses conclusions reçues le 09/05/2022, Me [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE demande à la cour de :
- A titre liminaire :
- juger Mme [P] [Z] irrecevable en ses demandes formulées comme suit :
o au titre de rappel salaire préavis 27 juin 2019 au 26 septembre 2019 : 2 369,82 €,
o rappel congés payés sur préavis : 236,98 €
o rappel sur indemnités licenciement : 541,94 €
o rappel de cp : 1 511,35 €
o 2217,38 € résultant du préjudice financier de la rémunération sous-évaluée pendant l'exécution du stage de formation FONGECIF
- En conséquence, débouter Mme [P] [Z] de ces demandes ;
Au fond :
- confirmer le jugement déféré,
- En tout état de cause :
- juger que Mme [P] [Z] ne justifie pas de l'accomplissement de tâches relevant de la profession de «Chargé de Projet», qu'elle n'a pas fait l'objet de l'application d'une mauvaise classification, qu'elle ne produit pas aux débats d'éléments permettant d'établir l'application d'une mauvaise classification, qu'elle a été remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, qu'elle ne démontre pas la réalité du moindre préjudice, qu'elle est irrecevable et mal fondée en ses demandes,
En conséquence :
- débouter Mme [P] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [P] [Z] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les frais et dépens.
Selon ses conclusions reçues le 11/05/2022, l'UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 4] demande à la cour de :
- à titre liminaire, de juger irrecevables les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par Mme [Z] à savoir :
' au titre de rappel de salaire préavis 27 juin 2019 au 26 septembre 2019 : 2 369.82 €
' rappel congés payés sur préavis : 236.98 €
' rappel sur indemnités licenciement : 541.94 €
' rappel de congés payés : 1 511,35 €
' 2 217.38 € résultant du préjudice financier de la rémunération sous-évaluée pendant l'exécution du stage de formation FONGECIF
- Sur le fond, confirmer le jugement et débouter la requérante de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- En tout état de cause, et si la cour fait droit à la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat rectifiés dire la créance hors garantie AGS,
- A titre infiniment subsidiaire, déclarer la décision opposable au centre de gestion et d'étude AGS d'[Localité 4] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L3253-1 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,
- en tout état de cause et si l'opposabilité à l'AGS est prononcée, dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justifications
par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- condamner le requérant aux entiers frais et dépens.
La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 11/01/2023.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité des demandes
Au préalable, le liquidateur estime que Mme [Z] présente des demandes nouvelles de rappel d'indemnités de rupture ainsi qu'une demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier de la rémunération sous évaluée durant son stage de formation.
L'Unedic s'associe à cette argumentation.
Mme [Z] indique avoir soumis les prétentions à la juridiction de référé, qui l'a renvoyée à mieux se pourvoir au fond, ce qu'elle a fait aux termes de ses conclusions récapitulatives.
Sur quoi, en vertu de l'article 564 du code civil, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Il ressort de l'ordonnance de référé du 19/06/2020 et des conclusions récapitulatives de Mme [Z] du 25/06/2020 qu'elle a réclamé :
- la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte,
- la rectification de l'attestation Pôle emploi, et à défaut le paiement de la somme de 30.000 € au titre du coût de la formation,
- la somme de 5.000 € de dommages-intérêts pour retard abusif et dolosif dans la communication des documents,
- outre une série de rappel de salaire dans le cadre de sa demande de classification au coefficient 420.
Si Mme [Z] a en effet évoqué comme argument le paiement d'une somme de 21.000 € versée par le liquidateur dont elle indique ne pas connaître le détail, elle n'a pas saisi le premier juge d'une demande de rappel de salaire, hormis celle relative à l'application du nouveau coefficient.
Ainsi, les demandes de rappel de salaire sur préavis du 27 juin 2019 au 26 septembre 2019 (2.369,82 €), de rappel de congés payés sur préavis (236,98 €), de rappel d'indemnité de licenciement (541,94 €), et de rappel de congés payés (1.511,35 €) sont nouvelles.
Elles doivent être qualifiées de conséquence des prétentions soumises au premier juge, puisque fondées sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification demandes.
Enfin, la demande de dommages-intérêts au titre du FONGECIF n'est pas nouvelle, puisque la somme de 30.000 € avait été demandée subsidiairement en première instance, Mme [Z] ayant actualisé sa demande sur la base d'un autre fondement juridique.
Les demandes sont donc recevables. La fin de non recevoir sera rejetée.
Sur la classification
L'appelante revendique la classification de chargée de projet, au coefficient 420, indique que ses fonctions ont régulièrement évolué au sein du cabinet, qu'elle agissait en tandem avec M. [O], que sa mission s'étendait des études préliminaires à la réception des ouvrages, qu'elle a obtenu le coefficient 390 en juillet 2015, après avoir réclamé le coefficient 420, qu'elle estime applicable, qu'elle n'a jamais été évaluée en dépit de l'évolution de son poste.
Le liquidateur et le CGEA répondent que Mme [Z] ne démontre pas qu'elle remplissait les missions correspondant à la classification qu'elle réclame, que les mails et attestations sont insuffisants, qu'elle a demandé à bénéficier d'une formation d'architecte, qu'elle ne bénéficiait pas du diplôme d'Etat d'architecte.
Sur ce, il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Pour déterminer la qualification du salarié, les juges doivent s'attacher aux fonctions réellement exercées par le salarié, qui doivent correspondre à l'activité principale, et non à celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
La convention collective nationale des entreprises d'architecture du 27 février 2003, dans sa rédaction applicable au litige issue de l'avenant du 17 septembre 2015 relative à la classification prévoit en son article V.1.1 : «selon la nature des fonctions exercées, les différents emplois sont regroupés au sein de cinq filières : emplois de conception en architecture, emplois de conception technique, emplois de conception spécialisée, emplois d'administration et de gestion, emplois d'entretien et de maintenance».
Les emplois de chargés de projet relèvent de la catégorie 3 (niveau I et niveau II) des filières des emplois de conception en architecture et des emplois de conception spécialisée.
Le niveau I correspondant aux coefficients 380, 400 et 420 fixe comme critères : «autonomie sous contrôle régulier, chargé d'opérations simples ou de petites dimensions, coordination simple d'intervenants spécialisés» pour la filière 1 et «d'autonomie sous contrôle régulier chargé d'opérations simples ou de petites dimensions, coordination simple d'intervenants spécialisés».
La convention collective renvoie, d'une part, au guide situé en annexe II pour définir une qualification, et d'autre part, aux fiches emplois repères sur le site de la branche, lesquelles sont versées aux débats.
L'annexe 2 prévoit trois critères classants à l'issue de l'embauche :
Critère 1 ''autonomie/initiative'' (le salarié sera évalué au coefficient minimum de ce niveau, ou à un coefficient supérieur si le salarié justifie de compétences particulières adaptées au poste),
Critère 2 ''technicité'' (le salarié sera évalué au coefficient minimum de ce niveau, ou à un coefficient supérieur si le salarié justifie de compétences particulières adaptées au poste).
Critère 3 ''formation/expérience''.
Il ressort de la fiche de chargé de projet, versée par l'appelante les contenus d'activité suivants (pour l'essentiel) :
- conseille les clients en suivi de projet,
- participe à la conception du projet et en assure la maîtrise d''uvre,
- participe à l'ordonnancement des travaux.
Cet emploi fait appel à des compétences techniques, des compétences gestionnaires, des compétences managériales.
Le classement au niveau 1 (coefficient 380, 400 et 420) est effectué selon les critères qui suivent :
- réalisation de travaux à partir de directives générales,
- activité sous contrôle de bonne fin, responsabilité dans cette limite, initiatives limitées,
- bonne maîtrise technique du travail acquise par la formation et/ou l'expérience,
- diplôme de II ou III, formation générale technologique ou professionnelle, une expérience acquise à la position précédente.
Enfin, il convient de rappeler les principes de la convention collective en vue d'interpréter les emplois repères :
«I. ' Préambule. ' Présentation de la réforme
Ce guide facilite les procédures de classification décrites aux articles V.1 à V.1.9 de la convention collective nationale.
Les objectifs essentiels sont les suivants :
- reconnaître les compétences acquises par les salariés ;
- définir le niveau de qualification du salarié dans son emploi ;
- favoriser le déroulement de carrière des salariés, notamment par la formation professionnelle ['],
Il convient de prendre en compte pour ce classement les savoirs et les savoir-faire professionnels des salariés dans leurs emplois.
Il faut éviter la surqualification mal rémunérée ou, à l'inverse, la survalorisation d'une formation qui peut se révéler superficielle.
L'objectif est d'adapter au mieux le classement du salarié pour un poste donné[...]».
[...]III. ' Situation hiérarchique et évolution des carrières
A chaque niveau d'emploi sont affectés trois coefficients hiérarchiques (le coefficient inférieur correspond au minimum de l'emploi concerné).
Les deux autres coefficients permettent l'évolution du salarié dans cet emploi en faisant jouer les critères classants.
Le passage pour un salarié d'un niveau à un autre dans une même catégorie, ou d'une catégorie à une autre, valorise la formation et l'expérience acquise. Il se concrétise par l'attribution d'un coefficient supérieur[...]».
Il ressort des mentions constantes des bulletins de paie que Mme [Z] a été affectée :
- en qualité de collaboratrice niveau 2, coefficient 370 à compter du 01/10/2012,
- puis à compter du 01/06/2015, au coefficient 390,
- enfin, à compter du 01/10/2018, collaboratrice coefficient 400, niveau 1, position 3.
Il ressort des pièces produites par l'appelante les éléments qui suivent :
- Mme [V], maire de [Localité 7], atteste que le cabinet [O] a été sollicité pour la réalisation d'une étude préliminaire concernant la réhabilitation, la rénovation des bâtiments communaux, que Mme [Z] a assuré l'ensemble de la mission en étant la seule interlocutrice, qu'elle a proposé une esquisse, répondu avec précisions aux questions posées, donné des conseils utiles,
- M. [J], adjoint au directeur en charge du fonctionnement et des programmes d'investissement, retraité depuis mars 2018, atteste avoir collaboré avec Mme [Z], pour la maîtrise d''uvre de travaux des collèges [T] [M] à St Pol Ternoise et [H] [A] à [Localité 6] (réalisation de dossiers de consultation, analyse des offres, organisation, planning, sécurité, factures, réception des travaux) mission effectuée avec un excellent professionnalisme,
- M. [G], maire retraité de [Localité 5], certifie avoir collaboré avec Mme [Z] qui a assuré la maîtrise d''uvre d'un chantier de réhabilitation d'un ancien café en pôle de vie communal, celle-ci ayant assuré les réunions et suivis de chantier, la rédaction de l'avant projet sommaire, et définitif, l'ouverture des plis du marché, jusqu'à la réception de l'ouvrage et le contrôle des factures, cette dernière ayant été autonome,
- M. [D], directeur général des services de la ville de St Pol sur Ternoise qui indique avoir travaillé avec Mme [Z] pour un projet d'extension d'un bâtiment en 2018 et 2019, pour lequel elle a été présente à chaque phase jusqu'à la réalisation des travaux, M. [O] ayant été rencontré lors d'une réunion de travaux.
Ces attestations démontrent que Mme [Z] a été en capacité d'assurer en autonomie, à plusieurs reprises, des opérations complètes de maîtrise d''uvre, au moins depuis 2017, le témoin M. [J], indiquant être à la retraite depuis mars 2018. Ces éléments démontrent que Mme [Z] a été en capacité d'assurer l'emploi de chargée de projet de niveau I de la filière III (emplois de conception spécialisée), les attestations suffisamment circonstanciées permettant d'établir la réalisation en autonomie, sous contrôle régulier, d'opérations simples ou de petites dimensions, et la coordination simple d'intervenants spécialisés.
Du reste, les courriels échangés avec M. [O], bien que laconiques, démontrent cependant la reconnaissance de la qualité de son travail (08/07/2016 «c'est plus que parfait pour une esquisse» ; 23/09/2016 «super sympa ton projet présentation claire» 18/05/2018 «voilà des choses très intéressantes et jolies» (sur une demande d'avis concernant un projet) ; 22/02/2018 «très bien, il faut la vendre et la défendre ta belle architecture»). Enfin, le courriel du 06/03/2019 en réponse à l'employeur («peux tu répondre, comment mettre les situations de travaux sur excel, je ne peux pas les préparer pour les maîtres d'ouvrage»), Mme [Z] indiquant avoir rapporté tous les fichiers classés sur le répertoire informatique, démontre que cette dernière occupait une place prépondérante dans l'organisation de l'entreprise.
Il est ainsi démontré que la salariée agissait avec autonomie, initiative et technicité, et pouvait prétendre à un emploi de chargée de projet.
Mme [Z] a été affectée en qualité de collaboratrice au coefficient 390 depuis le 01/06/2015, et auparavant au coefficient 370, alors que la convention collective prévoit les coefficients 380, 400, 420.
Elle n'a bénéficié d'aucune évaluation depuis son passage au coefficient 390, alors que l'article V. 1 stipule in fine :
«Les trois critères classants, sans priorité ni hiérarchie, permettent de définir le degré d'adéquation entre le contenu de l'emploi, défini par une fiche de poste individuelle, et les capacités du salarié à l'occuper. L'analyse des capacités du salarié, au regard de ces trois critères classants, conduit à lui attribuer le coefficient approprié.
Par cette analyse, réitérée à échéances régulières, chaque entreprise d'architecture doit veiller à promouvoir une politique de maintien, d'adaptation et de progression des compétences professionnelles de chaque salarié».
Compte-tenu de la position occupée depuis le 01/06/2015 au coefficient 390, au fait que Mme [Z] conduisait manifestement des chantiers de rénovation de la phase d'élaboration du projet, à son achèvement matériel et administratif, et compte-tenu du principe de progression des compétences de la salariée au sens de la convention collective, sans qu'il ne soit nécessaire de justifier d'un diplôme de type II en raison de son classement au coefficient 390, il convient d'accueillir la demande de classement en qualité de chargée de projet au coefficient 420 et la demande de rappel de salaire afférente. Le jugement est infirmé.
Sur les conséquences indemnitaires.
Il convient au regard des avenants afférents aux salaires, tel que ressortant du calcul de la salariée qui n'apparaît pas critiquable de lui allouer la somme globale de 11.708,55 € pour la période de janvier 2017 au mois de juin 2019 à titre de rappel de salaire.
Ce rappel doit être pris en charge pour le calcul des indemnités de fin de contrat.
Mme [Z], dont les calculs n'apparaissent pas critiquables, est fondée à solliciter les sommes qui suivent :
- 2.369,82 € de rappel sur préavis, outre 236,98 € de congés payés afférents,
- 541,94 € de rappel sur indemnité de licenciement.
Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE.
Sur la demande d'indemnité de congés payés
L'appelante explique qu'elle avait droit à 51 jours de congés payés, l'indemnité qui lui a été versée (4.148,15 €) devant être valorisée en raison de sa nouvelle classification.
L'intimée indique que la salariée ne peut pas prétendre à des congés pour le temps de la suspension du contrat de travail en raison des arrêts de travail pour maladie.
Il ressorts des pièces versées que Mme [Z] a perçu une indemnité de congés payés de 4.148,15 € au titre des congés payés du 01/06/2017 au 26/09/12019.
Il ressort de l'attestation de paiement d'indemnités journalières que Mme [Z] était en arrêt de travail du 14/02/2019 au 21/06/2019. Toutefois, le bulletin de paie du mois de mai 2019 fait apparaître un solde pour 2019 de 32 jours, un solde pour l'année N-1 de 9 jours, l'employeur ne précisant pas son décompte.
En outre, Mme [Z] verse une attestation de l'employeur l'ayant autorisée à rentrer chez elle n'ayant pas «de travail à lui donner» ce dont il s'infère qu'elle a été dispensée d'effectuer son préavis à l'initiative de l'employeur. En conséquence, le préavis de trois mois doit être pris en compte pour le calcul de l'indemnité (2,5 jours X 3 = 7,5 jours). Enfin, compte-tenu de l'arrêt de travail, Mme [Z] n'a acquis des droits à congés payés que pour la partie assimilée à du travail effectif (9 jours), soit 0,75 jours.
Sa demande sera accueillie à hauteur de 49,25 jours soit 5.309,15 €, dont à déduire 4.148,15 €, total = 1.161 €.
Cette somme sera fixée à l'état des créances salariale.
Sur les demandes de dommages-intérêts
Mme [Z] ne justifie pas du préjudice moral qu'elle allègue, distinct du préjudice matériel causé par la mauvaise application de la convention collective et qui a été réparé.
Il n'est pas plus démontré de préjudice en lien avec la remise de documents de fin de contrat affectés d'erreurs (exemple : préavis indiqué non payé alors qu'il l'a été). Ces demandes sont rejetées, ou du fait de leur remise tardive.
En revanche, faute de règlement du salaire auquel elle pouvait prétendre, Mme [Z] a bénéficié d'une rémunération moindre au titre de son stage d'architecte financé par le Fongecif. Elle est donc fondée à obtenir la somme de 2.217,38 € de dommages-intérêts correspondant à son manque à gagner.
Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE.
Sur les autres demandes
Le présent arrêt est opposable à l'Unédic Délégation AGS CGEA d'[Localité 4], qui devra sa garantie dans les limites et plafonds légaux et réglementaires.
Il n'y a pas lieu d'ordonner la rectification de l'ensemble des bulletins de paie, un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt devant être remis à Mme [Z]. Une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt devront être remis à Mme [Z], sans qu'une astreinte ne soit nécessaire, le présent arrêt étant en dernier ressort.
Par infirmation, il convient de dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, faute de prise en charge de ce poste par le CGEA.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la fin de non recevoir tenant à l'irrecevabilité des demandes nouvelles et en déboute Me [W] [X] ès qualités de liquidateur, et l'Unédic Délégation AGS CGEA d'[Localité 4],
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] [Z] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral et pour préjudice en lien avec le retard dans la remise des documents de fin de contrat,
Statuant à nouveau, y ajoutant,
Fixe à l'état des créances salariales du passif de la SASU [O] CABINET D'ARCHITECTE les sommes qui suivent :
- 11.708,55 € de rappel de salaire au titre du coefficient 420 pour la période de janvier 2017 au mois de juin 2019,
- 2.369,82 € de rappel sur préavis, outre 236,98 € de congés payés afférents,
- 541,94 € de rappel sur indemnité de licenciement.
- 1.161 € de rappel sur indemnité de congés payés,
- 2.217,38 € de dommages-intérêts indemnisant le manque à gagner au titre de la formation,
Déclare le présent arrêt opposable à l'Unédic Délégation AGS CGEA d'[Localité 4], qui devra sa garantie dans les limites et plafonds légaux et réglementaires, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justifications par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Enjoint à Me [W] [X] ès qualités de liquidateur de la SASU EURL [O] CABINET D'ARCHITECTE de remettre à Mme [P] [Z] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier
Valérie DOIZE
Pour le Président empêché
Muriel LE BELLEC, Conseiller