ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 1046/23
N° RG 20/01142 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7JH
GG/AA
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
13 Février 2020
(RG 16/01743 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [S] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Morgane DELANNOY, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. MIQUEL ARAS & ASSOCIES
Intervenant en lieu et place de Me [H]
Assignée en intervention forcée, le 04 août 2022 à personne habilitée
[Adresse 3]
[Localité 6]
n'ayant pas constitué avocat
Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS : à l'audience publique du 01 Mars 2023
Tenue par Gilles GUTIERREZ
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angelique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 14 Avril 2023 au 30 Juin 2023 pour plus
ample délibéré.
ARRÊT : RéputéContradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03/02/202
EXPOSE DU LITIGE
La SARL AB CONCEPT a pour activité la vente et la pose de cuisines, sous l'enseigne «Arthur Bonnet », et applique la convention collective nationale du négoce de l'ameublement.
Elle a engagé M. [O], né en 1958, comme « responsable qualité », statut employé, niveau 1, échelon 1, coefficient 200, par contrat de travail à durée indéterminée du 01/12/2015.
En raison d'un syndrome anxio-dépressif M. [O] a été arrêté à compter du 27/02/2016.
Réclamant le paiement du salaire du mois de février 2016, M. [O] a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Lille.
Le médecin conseil a estimé que les arrêts de travail n'étaient plus justifiés à compter du 25/07/2016.
Des échanges de courriers intervenaient en août 2016, afin d'envisager une rupture conventionnelle, à la suite de l'audience du 07/06/2016. M. [O] a été convoqué à un entretien fixé au 31/10/2016, lequel n'a pas été maintenu.
Suivant requête reçue le 20/12/2016, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire du contrat de travail.
A la suite d'une seconde visite, le médecin du travail a constaté l'inaptitude du salarié par avis du 10/01/2017, ainsi libellé :
« inapte au poste : art R4624-31 du CT
Apte à un poste similaire dans un environnement,
étude de poste dans l'entreprise effectuée le 23/12/2016 ».
Le salarié a refusé par lettre du 09/02/2017 une proposition de reclassement, indiquant que celle-ci ne fait état ni de la rémunération ni de la localisation.
Par lettre du 09/03/2017, l'employeur a indiqué ne pas avoir de possibilité de reclassement.
Après entretien préalable fixé au 20/03/2017, M. [O] a été licencié pour impossibilité de reclassement, « pour cause réelle et sérieuse » par lettre du 24/03/2017.
La société AB CONCEPT a été placée en liquidation judiciaire le 18 décembre 2017, Me [U] [H] étant nommé en qualité de liquidateur.
Une seconde requête reçue le 14/03/2018 en contestation du licenciement a été adressée au conseil de prud'hommes de Lille.
Par jugement du 13/02/2020, le conseil de prud'hommes a :
-ordonné la jonction des affaires enregistrées sous les numéros de répertoire général 16/1743 et 18/268,
-dit que le licenciement de Monsieur [O] [S] est sans cause réelle et sérieuse,
-condamné la société AB CONCEPT à payer à Monsieur [O] [S] les sommes suivantes :
-9.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-373,25 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale, à compter du prononcé de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire,
-rappelé que l'ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majoration,
-ordonné à Maître [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AB CONCEPT de fixer au passif de la société les dites sommes,
-déboute Monsieur [O] [S] du surplus de ses demandes,
-limite l'exécution provisoire à ce que de droit,
-condamne la société AB CONCEPT aux dépens de l'instance,
-dit le présent jugement opposable au CGEA.
Suivant déclaration reçue le 31/03/2020, M. [O] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.
Par ordonnance du 30/05/2022, le président du tribunal de commerce de Lille a ordonné le remplacement de Maître [H] par la SCP MIQUEL ARAS ET ASSOCIES.
Selon ses conclusions reçues le 06/07/2022, M. [O] demande à la cour, de :
« Débouté Monsieur [S] [O] de sa demande tendant à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
-Débouté Monsieur [S] [O] des demandes suivantes :
-10.000,00 euros de dommages et intérêts en raison du manquement à l'obligation de prévention ;
-17.600,00 euros de rappels de salaire sur la période de mai à décembre 2016 ;
-1.760,00 euros de congés payés sur rappels de salaires sur la période de mai à décembre 2016 ;
-1.066,15 euros de rappels de salaires en raison de la mauvaise classification
conventionnelle ;
-106,62 euros de congés payés sur rappels de salaires en raison de la mauvaise classification conventionnelle ;
-13.200,00 euros d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé (six mois de rémunération) ;
-2.200,00 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;
-220,00 euros de congés payés sur préavis ;
2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
-Limité à la somme de 9.000 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-Limité à la somme de 373,25 euros les sommes dues à titre de reliquat d'indemnité légale de licenciement.
Et statuant de nouveau :
A TITRE PRINCIPAL
-PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [O] aux torts exclusifs de la société AB CONCEPT ;
-CONSTATER que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A TITRE SUBSIDIAIRE
-CONSTATER l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en date du 24 mars 2017.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
-FIXER AU PASSIF de la société AB CONCEPT, au bénéfice de Monsieur [O], les sommes suivantes :
-10.000,00 euros de dommages et intérêts en raison du manquement à l'obligation de prévention ;
-17.600,00 euros de rappels de salaire sur la période de mai à décembre 2016 ;
-1.760,00 euros de congés payés sur rappels de salaires sur la période de mai à décembre 2016 ;
-1.066,15 euros de rappels de salaires en raison de la mauvaise classification conventionnelle et 106,62 euros de congés payés sur rappels de salaires en raison de la mauvaise classification conventionnelle ;
-39.600,00 euros de dommages et intérêts en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
-13.200,00 euros d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé (six mois de rémunération) ;
-586,00 euros d'indemnité de licenciement ;
-2.200,00 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;
-220,00 euros de congés payés sur préavis.
-CONDAMNER la SELARL MIQUEL ARAS & ASSOCIES, ès qualité de liquidateur judiciaire, au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-ORDONNER la garantie du CGEA-AGS sur l'ensemble des condamnations en ce compris les sommes dues sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-LAISSER les entiers frais et dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société AB CONCEPT ».
L'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Lille demande à la cour, selon ses conclusions reçues le 04/08/2022, de :
« REFORMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lille en date du 13 février 2020 en ce qu'il a :
DIT que le licenciement de Monsieur [O] [S] est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société AB CONCEPT à payer à Monsieur [O] [S] les sommes suivantes :
-9.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-373,25 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
RAPPELLE que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal :
à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le Bureau
de Conciliation pour les sommes de nature salariale, à compter du prononcé de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire.
RAPPELLE que l'ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majoration.
ORDONNE à Maître [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société AB CONCEPT de fixer au passif de la société les dites sommes,
CONDAMNE la société AB CONCEPT aux dépens de l'instance,
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lille en date du 13 février 2020 en ce qu'il a :
ORDONNE la jonction des affaires enregistrées sous les numéros de répertoire général 16/1743 et 18/268,
DEBOUTE Monsieur [O] [S] du surplus de ses demandes,
LIMITE l'exécution provisoire à ce que de droit,
STATUANT A NOUVEAU :
DEBOUTER Monsieur [S] [O] de l'intégralité de ses demandes
A titre subsidiaire :
REDUIRE les demandes indemnitaires de Monsieur [S] [O] à de plus justes proportions.
En toute hypothèse
Dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues.
Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du Code du Travail.
Statuer ce que de droit quant aux dépens ».
La SELARL MIQUEL ARAS ET ASSOCIES en qualité de mandataire liquidateur de la société AB CONCEPT n'a pas constitué avocat.
La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 03/02/2023.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'exécution du contrat de travail
-Sur la classification
L'appelant explique qu'à l'audience du 07/06/2016, la SARL AB CONCEPT s'est engagée à appliquer le niveau 3, groupe 3, échelon 1 de la convention collective, que cette classification n'est pas cohérente au regard de l'emploi occupé, qu'en réalité il devait être classé au niveau V, qu'il était investi d'importantes responsabilités, puisqu'il avait pour mission notamment d'organiser des réunions de chantier, de négocier et prioriser les objectifs, mais aussi de gérer et motiver l'équipe des poseurs.
Le CGEA de Lille indique que l'emploi du salarié relève du groupe 3 et non du groupe 5, que le salarié ne bénéficiait ni du niveau de diplôme ni de l'expérience requise, qu'il n'est pas justifié de l'autonomie suffisante pour se prévaloir d'une telle classification, qu'il n'avait pour fonction la résolution de problèmes complexes ni même la mise en place d'une politique commune.
Sur ce, il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Pour déterminer la qualification du salarié, les juges doivent s'attacher aux fonctions réellement exercées par le salarié, qui doivent correspondre à l'activité principale, et non à celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
L'article 3 de l'avenant du 17/01/2001 de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement du 31 mai 1995 détermine 5 critères classants :
-l'autonomie : degré de liberté dont dispose un salarié dans la réalisation et/ou l'organisation de son travail, en tenant compte du type d'instructions reçues de sa hiérarchie,
-les connaissances (formation et expérience) : ensemble de savoirs, de compétences et d'aptitudes requis dans l'exercice des activités, quels que soient leurs modes d'acquisition (formation initiale ou continue, pratique professionnelle), que ceux-ci aient été validés ou non par un diplôme,
-la complexité des activités à réaliser : nombre, degré et diversité des difficultés à résoudre dans l'emploi et type d'actions, de réflexions que nécessitent les situations rencontrées pour être traitées,
-l'impact : importance et impact des effets produits par les actes et/ou les décisions sur le résultat de la marche du service et/ou de l'entreprise,
-l'information et la communication : modes d'échanges d'information et de négociation, écrits ou oraux, internes ou externes, qui sont à mettre en 'uvre dans la tenue de l'emploi.
Il ressort pour l'essentiel de la fiche de poste du salarié les missions suivantes :
-réalisation des métrés, analyse technique,
-suivi et coordination des réunions de chantier,
-analyse et constitution des dossiers nécessaires aux commandes et de préparation des chantiers,
-recrutement et animation de l'équipe de poseurs sous-traitants, conseils au concepteur-vendeur, et correction des tarifs de pose.
L'article 1 de l'annexe C donne les définitions des groupes :
Groupe 3 : les activités de ce groupe requièrent soit une double qualification, soit une qualification permettant d'effectuer des opérations qui dépassent le strict contexte du métier ;
Groupe 5 : les activités de ce groupe requièrent une qualification caractérisée par l'étude et la résolution de problèmes complexes dans une spécialité, ainsi que la mise en 'uvre d'une politique au niveau de l'entité dont ils ont la responsabilité
L'annexe F de l'avenant précité expose les critères classants par groupe :
groupe 3 :
complexité : les informations à traiter demandent l'interprétation et le choix des solutions les plus appropriées,
impact : les activités ont des conséquences sur d'autres emplois appartenant à des unités différentes, mais à la même fonction,
information communicationnelle : contacts destinés à fournir et aussi à obtenir des informations auprès de différents interlocuteurs externes et internes,
autonomie : les instructions laissent au titulaire le choix pour combiner l'ordre des opérations à exécuter. Il a recours à des méthodes différentes suivant les situations,
connaissances : Double CAP-BEP, BAC. Peut être remplacé par une expérience professionnelle ayant permis d'acquérir un niveau équivalent.
Groupe 5 :
complexité : les solutions adoptées à des situations complexes et renouvelées couvrent un champ de spécialités étendues.
impact :l'impact est très substantiel et déterminant pour atteindre des objectifs de la fonction et/ou de plusieurs fonctions de l'entreprise.
Information communicationnelle : contacts ayant pour objet d'expliquer, de démontrer et d'infléchir des points de vue parfois différents, portant sur des sujets complexes. Les interlocuteurs sont externes et/ou internes.
autonomie :Les directives définissent les buts à atteindre et leurs contextes. Le titulaire propose des programmes d'actions qui impliquent de choisir les priorités et les moyens.
Connaissances : BAC + 2. Peut être remplacé par une expérience professionnelle ayant permis d'acquérir un niveau équivalent.
Ainsi que l'a retenu le premier juge, l'emploi de M. [O] relève du groupe 3 et non du groupe 5. La fiche de poste ne permet pas en effet d'identifier des « situations complexes et renouvelées couvrant un champ de spécialités étendues ». L'emploi en question consiste en définitive à relever les métrés, préparer les commandes, superviser les travaux, ce qui correspond à la définition des emplois du groupe 3, étant précisé que M. [O] n'apporte pas d'éléments sur les conditions d'exercice de son emploi (justificatifs de suivi des chantiers).
La demande de rappel de salaire est rejetée. Le jugement est confirmé.
-Sur l'obligation de prévention et de sécurité
L'appelant explique que la SARL AB CONCEPT a failli à son obligation de prévention, qu'il a fait l'objet de brimades et d'insultes sur son lieu de travail, que ses conditions de travail se sont détériorées, qu'il se faisait insulter (salarié de merde, tarlouze...), que son arrêt de travail est lié aux conditions de travail, l'employeur étant resté inerte en dépit d'une correspondance du 18/10/2016.
Le CGEA indique que le salarié ne prouve pas le manquement allégué, que l'inaptitude est d'origine non-professionnelle.
Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail.
Il ressort des pièces versées par le salarié que :
-ce dernier a été placé en arrêt depuis le 27/02/2016 pour syndrome anxio-dépressif sur stress professionnel, selon certificat du Dr [E],
-qu'il s'est trouvé dans des « conflits éthiques importants, « les clients ils n'en avaient rien à foutre, j'étais traité d'employé de merde », ce qui a entraîné des conduites suicidaires et un épisode d'anorexie.
Si M. [O] ne s'est pas directement ouvert de ces problèmes à son employeur, son conseil par lettre du 18/10/2016 afférente à la rupture conventionnelle, l'a informé de la dégradation des conditions de travail du salarié, des insultes précitées, qui ont conduit à une situation de burn-out avec dépression réactionnelle dès la fin du mois de février 2016, ainsi qu'à un manquement à l'obligation de prévention.
En réponse à ce courrier, l'employeur, qui était avisé que le salarié n'était plus pris en charge par la CPAM, et que son acceptation de la rupture conventionnelle résultait d'une situation devenue insupportable, a dans un premier temps répondu qu'une convocation était adressée au salarié en vue d'un entretien (lettre du 21/10/2016) pour ensuite l'annuler (lettre du 26/10/2016).
Alors qu'il était pleinement informé de l'arrêt de travail du salarié et de la dégradation alléguée de ses conditions de travail, et alors que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur a manqué à ses obligation, et ne pouvait qu'avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié.
Le manquement à l'obligation de sécurité est caractérisé.
Il a causé un préjudice au salarié dont la réparation sera fixée à la somme de 1.500 € de dommages-intérêts, qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire.
-Sur le travail dissimulé
L'appelant réitère son argumentation de première instance, et fait valoir qu'il n'est pas justifié de la déclaration préalable à l'embauche, que la SARL AB CONCEPT a fraudé en établissant des bulletins de paie non conformes, dans le but de se soustraire au recouvrement des contributions et cotisations sociales, en prévoyant des frais de route de 964 € et un salaire de 1.457,52 € au lieu du paiement d'un salaire de 2.200 €, alors qu'un véhicule était mis à sa disposition, que les frais professionnels versés de 964 euros en décembre 2015, et de 1.072,29 euros en janvier 2016 ne correspondent à aucuns frais, l'employeur ne justifiant d'aucuns frais.
Le CGEA de Lille indique que rien ne démontre les affirmations du salarié, que ce dernier n'apporte aucun élément permettant de corroborer sa demande, que si la Cour estimait que le salarié a caractérisé l'élément matériel du délit, il ne démontre pas l'intention de la société AB CONCEPT.
L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié. L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, et le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales..
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
La déclaration préalable à l'embauche n'est pas produite par l'employeur.
M. [O] ne produit aucun indication de l'URSSAF tendant à démontrant que cet organisme n'en a pas été destinataire.
Le contrat de travail stipule d'une part une rémunération fixe de 1457,52 € et des frais de route de 964 €, et d'autre part une mise à disposition d'un véhicule, en précisant que « de ce fait aucun frais kilométrique ne sera remboursé ».
Le bulletin de paie font apparaître des remboursements de frais sur justificatifs :
-964 € (décembre 2015)
-1072,29 € (janvier 2016).
Toutefois, et en dépit de la pièce n°6 de l'appelant (récapitulatif de recherche d'un emploi le 28/12/2015 avec un salaire envisagé de 2.200 €), il n'est pas établi que les parties aient en réalité convenu d'un salaire de 2.200 €, de telle sorte que l'intention de se soustraire au paiement des cotisations sociales par le versement de frais de route fictifs n'est pas établie. La demande est rejetée. Le jugement est confirmé.
-Sur l'organisation de la visite de reprise
L'appelant indique avoir avisé l'employeur de sa volonté de reprendre son emploi, et a demandé vainement l'organisation d'une visite de reprise, l'employeur ne cotisant pas à un service de santé au travail, tout en adressant des arrêts d'avis de travail, la visite de reprise n'ayant été organisée que le 22/12/2016.
Le CGEA de Lille fait valoir que les allégations du salarié ne sont pas démontrées, que le salarié pouvait demander l'organisation de la visite ce qu'il n'a pas fait, qu'il a adressé des arrêts de travail jusqu'au 31/10/2016.
L'article R4624-22 du code du travail dans sa version applicable dispose que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail : ['] 3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel
L'article R4624-23 in fine dispose que dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
Il ressort de la lettre du 03/05/2016 que le salarié a avisé l'employeur de ses démarches pour prendre rendez-vous avec la médecine du travail, qu'il n'était pas inscrit. Il fait part en outre de sa volonté de reprendre le travail.
L'employeur qui avait connaissance de la fin de l'arrêt de travail n'a pas organisé la visite de reprise. En outre le salarié verse une lettre de Mme [W], assistante sociale du 07/07/2016 confirmant que l'employeur n'a pas organisé la visite de reprise, ce que confirme le certificat du Dr [B] du 19/07/2016. Enfin, l'employeur était mis en demeure le 18/10/2016 d'organiser une visite de reprise.
Il y a donc bien un manquement de l'employeur qui a failli à l'organisation d'une visite médicale de reprise.
L'employeur ne peut être dispensé de payer son salaire au salarié qui se tenait à sa disposition pour qu'il soit procédé à la visite de reprise dont il avait en vain sollicité l'organisation par l'employeur. Toutefois, le salarié indique, bien qu'il ne les verse pas, avoir adressé des avis d'arrêts de travail jusqu'au 31/10/2016.
En conséquence, le salarié s'est tenu à compter du 01/11/2016 à la disposition de l'employeur, qui est redevable des salaires jusqu'au 22/12/2016 date de la visite de reprise. La demande en paiement sera accueillie à hauteur de 3.410 €, outre 341 € de congés payés afférents.
Le jugement est infirmé. Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société AB CONCEPT.
Sur la résiliation du contrat de travail.
L'appelant fait valoir les manquements tenant au défaut de classification, au manquement à l'obligation de sécurité, et à l'organisation tardive d'une visite de reprise.
Le CGEA de Lille estime que les griefs ne sont pas fondés.
En application des articles 1224 du code civil et L1231-1 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur en rendant la poursuite impossible.
Les griefs tenant au manquement à l'obligation de sécurité, et à l'organisation tardive d'une visite de reprise sont établis. Ils sont suffisamment graves pour rendre impossible la rupture du contrat de travail et justifier la résiliation du contrat aux torts de l'employeur, à effet au 24/03/2017.
La résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.
Le salaire moyen avant l'arrêt de travail s'établit à la somme de 1.466,65 €.
L'indemnité légale de licenciement doit être fixée compte-tenu d'une ancienneté de 1 an et quatre mois à la somme de 390,13 €. Le jugement est infirmé.
La demande en paiement d'une indemnité de préavis de un mois sera accueillie pour les sommes de 1.466,65 € et de 146,66 € de congés payés afférents.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (58 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est par une exacte appréciation que le premier juge a fixé à 9.000 € l'indemnité pour licenciement abusif. Le jugement est confirmé.
Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAR AB CONCEPT.
L'Unedic délégation AGS CGEA de Lille devra sa garantie dans les limites et plafonds légaux, le présent arrêt lui étant opposable.
Sur les autres demandes
Les dépens seront pris en frais privilégié de procédure collective.
Faute de garantie par l'UNEDIC, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à la classification, au travail dissimulé, à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux dépens, sauf à fixer la somme de 9.000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de la SARL AB CONCEPT,
Statuant à nouveau, y ajoutant,
Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de la SARL AB CONCEPT, à effet au 24/03/2017,
Dit que résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe à l'état des créances salariales de M. [S] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL AB CONCEPT les sommes qui suivent :
-1.500 € de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
-3.410 € de rappel de salaire outre 341 € de congés payés afférents,
-390,13 € d'indemnité de licenciement,
-1.466,65 € d'indemnité compensatrice de préavis et 146,66 € de congés payés afférents,
Déclare le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille qui devra sa garantie dans les limites et plafonds légaux,
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
POUR LE PRESIDENT EMPECHE,
Muriel LE BELEC, conseiller