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29/06/2023 | FRANCE | N°21/03913

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 29 juin 2023, 21/03913


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 29/06/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/03913 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TX2L



Jugement (N° 20/00039)

rendu le 08 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer







APPELANTE



Madame [C] [Y] épouse [B]

née le 23 août 1955 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 11]



reprÃ

©sentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de par Me Yann Bourhis, avocat au barreau de Beauvais, avocat plaidant



INTIMÉE



Madame [P] [Y] épouse [D]

née le 28 mars 1951 à [Localité 9]

[Adre...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 29/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/03913 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TX2L

Jugement (N° 20/00039)

rendu le 08 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

APPELANTE

Madame [C] [Y] épouse [B]

née le 23 août 1955 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 11]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de par Me Yann Bourhis, avocat au barreau de Beauvais, avocat plaidant

INTIMÉE

Madame [P] [Y] épouse [D]

née le 28 mars 1951 à [Localité 9]

[Adresse 13]

[Localité 9]

représentée par Me Fabien Fusillier, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 30 mars 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 29 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 mars 2023

****

[J] [U], née le 29 octobre 1927 à [Localité 18], est décédée le 9 août 2018, laissant pour lui succéder ses deux filles : Mme [P] [Y] épouse [D] et Mme [C] [Y] épouse [B].

Mme [D] et Mme [B] ont choisi, chacune, un notaire différent aux fins de régler la succession et aucune solution amiable n'a pu être trouvée pour le partage.

Par acte d'huissier en date du 18 décembre 2019, Mme [D] a fait assigner Mme [B] devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer aux fins, notamment, de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de leur mère.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 8 juin 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a notamment ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [J] [U], désigné Me [L], notaire à [Localité 15], pour y procéder, débouté Mme [D] de sa demande de rapport au titre d'une donation déguisée de 24 974,09 euros faite à sa soeur, débouté Mme [B] de ses demandes d'expertise, de rapport au titre d'une donation déguisée de 103 284,18 euros faite à sa soeur, de communication sous astreinte relative au contrat d'assurance AGIPI et aux relevés de comptes bancaires, ainsi que de sa demande de restitution du mobilier de la succession sous astreinte, condamné Mme [D] à rapporter à la succession de la défunte la somme de 7 165 euros et rejeté la demande d'application des peines de recel concernant cette somme.

Il a, en outre, rappelé que le mobilier dépendant de la succession et les bijoux détenus par Mme [D], pour le compte de la succession, devraient être partagés, dit que les dépens seraient employés en frais de partage et débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 février 2022, demande à la cour, au visa des articles 720 et suivants du code civil et de l'article 1360 du code de procédure civile, de réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'expertise, de rapport au titre d'une donation déguisée de 103 284,18 euros, de communication sous astreinte relative au contrat d'assurance AGIPI et aux relevés de comptes bancaires, ainsi que de sa demande de restitution du mobilier sous astreinte, rejeté sa demande d'application des peines de recel concernant la somme de 7 165 euros que l'intimée est condamnée à rapporter à la succession de la défunte, ainsi que sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a rappelé que le mobilier dépendant de la succession et les bijoux détenus par Mme [D], pour le compte de la succession, devraient être partagés, et, statuant à nouveau, de :

- reconnaître l'existence d'une donation déguisée faite au profit de l'intimée pour la somme de 103 887 euros, que celle-ci devra rapporter à la succession ,

- subsidiairement, désigner un expert immobilier pour donner son avis sur la valeur locative de la ferme [Adresse 20] pour la période de 2001 au 9 août 2018,

- ordonner à Mme [D] de remettre au notaire désigné les récapitulatifs annuels des versements enregistrés par AGIPI ainsi que les récapitulatifs des relevés de comptes des années 2009 à 2018 des comptes n°s [XXXXXXXXXX03], [XXXXXXXXXX017], [XXXXXXXXXX012], [XXXXXXXXXX04], [XXXXXXXXXX05], [XXXXXXXXXX06] et [XXXXXXXXXX02] et le compte chèque du Crédit agricole n° [XXXXXXXXXX01] et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- appliquer à Mme [D] la peine applicable au recel en ce qui concerne la somme de 7 165 euros qu'elle doit rapporter à la succession, sans qu'elle puisse obtenir aucune part dessus,

- ordonner à cette dernière, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai d'un mois de la signification de l'arrêt à intervenir, de restituer le mobilier de la succession dont elle énumère l'inventaire,

- débouter l'intimée de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- la condamner, outre aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Amiens Douai conformément à l'article 699 du code de procédure civile, à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 dudit code.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 décembre 2021, Mme [D] demande à la cour, au visa des articles 720 et suivants du code civil et des articles 1360 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rapport à succession au titre de la donation déguisée de 24 974,09 euros à Mme [B], l'a condamnée à rapporter à la succession de la défunte la somme de 7'165 euros et l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de :

- condamner Mme [B] à rapporter à la succession la somme de 24 974,09 euros au titre d'une donation déguisée,

- débouter Mme [B] de sa demande de rapport à la succession de la somme de 7165 euros,

- condamner Mme [B] à remettre au notaire désigné, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, l'acte de propriété de la parcelle cadastrée ZA[Cadastre 10] dont elle est propriétaire,

- condamner Mme [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la débouter de ses plus amples demandes.

Pour l'exposé détaillé de l'argumentation des parties, il sera référé à leurs dernières conclusions écrites par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminaire

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il sera observé que le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [J] [U] veuve [Y], désigné Me [C] [L], notaire à [Localité 15], pour y procéder, désigné le juge aux partages du tribunal judiciaire de Boulogne sur met pour surveiller les opérations.

Il ne sera donc pas statué sur ces dispositions, définitives.

Sur les demandes de rapport

L'article 843 du code de procédure civile dispose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant.

La règle du rapport ainsi édictée est applicable aux avantages indirects consentis par le défunt à un héritier ab intestat pourvu que soit rapportée la preuve d'une intention libérale du de cujus, seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, étant rapportable à la succession.

* Sur l'existence d'une donation déguisée au profit de Mme [B] pour la somme de 24'974,09 euros

Selon acte de donation-partage du 22 juin 1996, [O] [Y] et [J] [U], son épouse, ont donné à Mme [P] [Y] épouse [D] la ferme familiale [Adresse 20] située à [Localité 9], et à Mme [C] [Y] épouse [B] diverses parcelles de terre et une maison à usage d'habitation située à [Adresse 14], en s'en réservant l'usufruit jusqu'au décès du dernier vivant d'entre eux.

Formant appel incident, Mme [D] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci l'a déboutée de sa demande de rapport à la succession de [J] [Y] de la donation déguisée de 24 974,09 euros correspondant à des factures de travaux payées à tort par leur mère pour la maison d'[Localité 9] donnée à Mme [B], alors qu'ils n'étaient pas à sa charge en sa qualité d'usufruitière.

Mme [B] s'y oppose au motif qu'elle n'a bénéficié d'aucune renonciation à usufruit de la part de sa mère sur ce bien et que c'est celle-ci qui a tiré profit des travaux d'entretien courants réalisés sur le bien (reprise ponctuelle d'un carrelage ou d'une partie de toiture sans remplacement de charpente) afin de pouvoir continuer à la louer. Elle soutient qu'il n'existe dès lors pas de donation déguisée, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Ceci étant exposé, l'article 605 du code civil dispose que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien et que les grosses réparations sont à la charge du propriétaire. L'article 606 précise limitativement que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier et que toutes les autres réparations sont d'entretien.

Mme [D] verse aux débats plusieurs factures dont elle prétend qu'il s'agit de factures de travaux réalisés sur la maison d'[Localité 9] et payés par leur mère.

La première facture, datée du 30 avril 2016 et établie à l'ordre de [J] [Y], porte sur des travaux de reprise et réfection de carrelage au sol et l'installation d'un kit VMC, pour un montant de 930,74 euros. De tels travaux, de par leur nature, relèvent des travaux d'entretien à la charge de l'usufruitier.

La seconde de ces factures, datée du 15 février 2016, établie à l'ordre de Mme [Y], porte sur des travaux de couverture pour un montant de 2 133,12 euros. Or, outre le fait que la surface de couverture ainsi traitée n'est que de 22 m², ce qui ne correspond pas à la toiture complète, aucune indication ne permet d'établir que ces travaux ont été réalisés sur la maison d'[Localité 9]. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré qu'elle ne constituait pas une donation indirecte au profit de Mme [B].

Enfin, les deux factures de 2015 versées en pièces n°26, 27, 61 et 62 par Mme [D], portant sur des montants respectifs de 10 879,87 euros TTC et 11 030,36 euros TTC, sont désormais versées dans leur intégralité en cause d'appel et permettent d'établir que des travaux de toiture ont été réalisés pour [J] [Y] au [Adresse 8] à [Localité 9], ces travaux étant d'une envergure plus importante car portant sur la dépose de la couverture en tuiles sur les deux versants de la maison, la fourniture et la pose d'une ossature bois, d'une sous-toiture, de lattage et de tuiles en terre, ainsi que l'enduit de la cheminée.

Ces travaux doivent être considérés comme des travaux de gros oeuvre à la charge du nu-propriétaire.

Or le libellé des factures permet d'établir qu'elles ont été acquittées par [J] [Y] alors qu'en sa qualité d'usufruitière, elle n'avait la charge que des travaux d'entretien de l'immeuble. Leur paiement doit donc être assimilé à une donation indirecte faite par l'usufruitière à sa fille nue-propriétaire, Mme [B] et il convient d'en ordonner le rapport par celle-ci à la succession à hauteur de 21 910,23 euros, la décision entreprise étant infirmée sur ce point.

* Sur l'existence d'une donation déguisée au profit de Mme [D] pour la somme de 103 284 euros

Mme [B], appelante principale, sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a rejeté sa demande de reconnaissance de l'existence d'une donation déguisée consentie à sa soeur, Mme [D], du fait de l'abandon par leur mère au profit de celle-ci, en septembre 2001, de l'usufruit de la ferme familiale située à [Localité 9] qu'elle s'était réservé tout en donnant à sa fille la nue-propriété du bien dans le cadre de la donation-partage ci-dessus évoquée.

Mme [D] s'y oppose et demande la confirmation de la décision entreprise au motif que l'abandon par [J] [U] de son usufruit à son profit ne procède pas d'une intention libérale et était assortie d'une contrepartie, à savoir la prise en charge par ses soins des frais d'hébergement de sa mère. Elle ajoute qu'elle a également pris en charge de nombreux travaux de réhabilitation et d'entretien de l'immeuble.

Ceci étant exposé, il résulte des éléments produits que selon acte enregistré au fichier central des dispositions de dernières volontés le 5 avril 2011, [J] [U] veuve [Y] a indiqué qu'elle avait décidé de quitter sa résidence familiale (à savoir la ferme donnée en nue-propriété à Mme [D]) en septembre 2001 et d'abandonner son usufruit sur ce bien à sa fille en lui en laissant la jouissance, moyennant le paiement par celle-ci de l'intégralité de son loyer et des charges de sa nouvelle résidence à [Localité 16], lieu de vie qu'elle avait choisi.

C'est à juste titre que le premier juge a indiqué que cet acte ne pouvait être qualifié de testament dès lors qu'il portait sur un usufruit, lequel devait s'éteindre au décès de la de cujus, et ne pouvait donc être légué à cause de mort.

Il est constant que la renonciation à un usufruit au profit du nu-propriétaire est considéré comme une donation dès lors qu'il traduit une intention libérale.

Or il résulte de l'acte de donation-partage de 1996 que l'usufruit de [J] [U] veuve [Y] était alors évalué à 20% de la valeur de la ferme, soit 36 587 euros. En 2001, date de son abandon par sa titulaire, l'usufruit de [J] [U] avait nécessairement perdu de sa valeur compte tenu de son avancement en âge.

Or il est démontré que Mme [D] a pris en charge, depuis 2001, non seulement des travaux de gros oeuvre lui revenant en sa qualité de nue-propriétaire, mais également des travaux d'entretien qui auraient été pris en charge par l'usufruitière si elle n'avait pas renoncé à son usufruit, celle-ci ayant d'ailleurs précisé à cet égard dans l'acte d'abandon de son usufruit qu'elle avait pris cette décision de déménager au regard notamment de la charge d'entretien qu'elle ne pouvait plus assumer ; que par ailleurs, Mme [D] a effectivement payé plus de 150 000 euros sur une période de 17 ans pour l'hébergement de sa mère à [Localité 16].

Il s'ensuit qu'il n'est pas établi un appauvrissement du patrimoine de [J] [U] veuve [Y] au profit de celui de sa fille, Mme [D], l'avantage consenti à celle-ci ayant été largement dépassé en valeur par les frais par elle engagés au profit de sa mère.

Au vu de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise concernant la valeur locative du bien, laquelle a nécessairement augmenté du fait des travaux réalisés et financés par Mme [D], il convient de confirmer la décision entreprise en ce que celle-ci a rejeté la demande de rapport à hauteur de la somme de 103 284,18 euros.

* Sur la demande de rapport de la somme de 7 165 euros et l'application de la peine de recel

Mme [D] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci l'a condamnée à rapporter à la succession de [J] [U] la somme de 7 165 euros et le débouté de Mme [B] qui sollicite l'application de la peine du recel sur cette somme, demande dont celle-ci avait été déboutée en première instance.

Elle fait valoir que sa soeur avait reçu la même somme de 7 165 euros de leur mère le 16 janvier 2018 et que [J] [U] veuve [Y] avait souhaité rétablir un équilibre entre ses filles et lui donner la même somme ; que si sa soeur prétend que cette somme donnée par leur mère visait à compenser une dette de 47 000 francs contractée par la défunte auprès d'un preneur à bail le 1er septembre 1987, il s'avère que cette dette est purement hypothétique, le bail ne stipulant pas qu'elle doive être restituée et l'article L411-71 du code rural et de la pêche maritime prévoyant une indemnité de sortie de bail mais seulement à certaines conditions, le paiement de cette indemnité au preneur n'allant donc pas de soi. Elle soutient que dès lors que sa soeur avait reçu cette somme qu'elle ne remboursera sans doute jamais au preneur à bail, elle-même était légitime à recevoir la même somme, de sorte qu'elle ne saurait être condamnée à la rapporter à la succession.

Mme [B] soutient pour sa part que sa soeur, qui disposait d'une procuration sur les comptes de leur mère du 26 août 2009 au 4 septembre 2018, n'a transmis aucune reddition de compte au décès de celle-ci et que ce n'est qu'en entreprenant des démarches auprès du Crédit mutuel, banque de leur mère, qu'elle a pu obtenir copie de ses comptes et l'identité du bénéficiaire du chèque de 7 165 euros en date du 27 mars 2018, établi par Mme [D] et libellé à son ordre et à celui de son époux, ce alors que [J] [U] ne disposait alors plus d'aucun moyen de paiement. Elle fait valoir que si elle a également reçu la même somme le 16 janvier 2018, il s'agissait de compenser une dette de 47 000 francs contractée par feu [J] [U] et son époux, en application de l'article L411-71 du code rural, auprès d'un preneur à bail de [Localité 19] le 1er septembre 1987 à titre d'indemnisation des arriérés de fumures, elle-même se trouvant aux droits de ses parents sur cette parcelle.

Sur ce

Aux termes de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits divertis ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

L'article L411-69 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail ; que sont assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour assurer l'exploitation du bien loué ou l'habitation du preneur, effectuées avec l'accord du bailleur par le preneur et excédant les obligations légales de ce dernier. Il en est de même des travaux ayant pour objet de permettre d'exploiter le bien loué en conformité avec la législation ou la réglementation.

L'article L411-74 du même code prévoit par ailleurs qu'est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition.

En l'espèce, il est justifié que [O] [Y] et son épouse [J] [U] ont donné à bail, suivant acte du 28 août 1987, des parcelles de terrains à M. [E] [Y] et son épouse Mme [F] [V], lesquels leur ont versé la somme de 47 000 francs, ainsi qu'ils s'y étaient engagé par acte sous seing privé du 19 juillet 1986, au titre de la reprise des impenses, fumures, arrière-fumures et améliorations.

Suivant attestation du 7 janvier 2007, [F] et [E] [Y] ont indiqué qu'en cas de vente de la pâture située à [Localité 19] qu'ils louent en vertu d'un bail signé avec [O] et [J] [Y], ils demanderaient la restitution des arriérés des impenses, des améliorations de fond et, éventuellement, une indemnité de rupture d'exploitation à [C] [B].

L'existence d'une dette de Mme [C] [B] venant aux droits de ses parents à l'égard de ses preneurs apparaît ainsi établie, au moins dans son principe, corroborant la vraisemblance de ses dires suivant lesquels elle aurait reçu de sa mère la somme de 7 165 euros pour compenser la dette dont la charge lui avait été transmise par ses parents.

Il est d'ailleurs à noter que Mme [D] ne sollicite pas le rapport de cette somme à la succession alors même qu'elle revendique son caractère de libéralité.

Il n'est du reste pas contestable que Mme [D] a bien reçu la même somme, sans qu'il soit allégué une autre cause pour celle-ci que celle de rétablir l'égalité avec sa soeur.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle en a ordonné le rapport.

Par ailleurs, c'est par de justes motifs que le premier juge a estimé qu'il n'y avait lieu d'appliquer les peines du recel pour cette somme, dès lors que Mme [B] ne démontrait aucune manoeuvre de sa soeur pour dissimuler cette donation, qui était apparente sur les relevés de compte de la défunte, la cour y ajoutant que la circonstance qu'elle ait dû faire des démarches auprès de la banque pour obtenir les relevés de compte de la défunte et la copie du chèque litigieux n'est pas caractéristique de manoeuvres frauduleuses de la part de Mme [D], ces démarches étant accessibles aux héritiers du défunt.

La décision sera donc également confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu d'appliquer les peines du recel.

Sur la demande de remise de documents bancaires et des relevés Agipi

C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge, ayant relevé d'une part que Mme [C] [B] sollicitait la communication de relevés de comptes bancaires ouverts au nom de [J] [U] et des récapitulatifs de versements du contrat d'assurance-vie Agipi sans démontrer que sa soeur était en possession de ses éléments et d'autre part que le notaire liquidateur pouvait les demander aux banques (dans la limite de leur durée de conservation de 10 ans), l'a déboutée de sa demande de communication sous astreinte, étant précisé en outre que si le mandataire doit rendre compte de sa gestion, ce qui est le cas des actes faits par Mme [D] sur le compte bancaire de sa mère, il ne lui appartient pas de rendre compte des actes faits par le titulaire du compte, alors qu'il n'est pas démontré que ces relevés lui étaient adressés et qu'elle était la seule à utiliser ses moyens de paiement, en possession de sa mère, qui aux termes des différentes attestations produites, n'habitait pas avec elle.

La décision entreprise sera également confirmée de ce chef.

Sur la demande de restitution des objets dépendant de la succession

Le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande d'enjoindre à Mme [D] de restituer une liste de meubles et éléments mobiliers, étant précisé que Mme [D] reconnaît avoir en sa possession certains de ces meubles et objets qu'elle a en dépôt (cf liste en p. 13 de ses conclusions), et pour lesquels elle n'est pas opposée à un partage, aucun élément ne permettant par ailleurs d'établir qu'elle détient l'ensemble des biens listés par sa soeur.

Sur la demande de remise de titre de propriété relative à la parcelle ZA [Cadastre 10]

Mme [D] ayant sollicité en première instance 'des éclaircissements' sur une parcelle ZA [Cadastre 10] sise à [Localité 9] appartenant à Mme [B], que celle-ci affirmait avoir reçue dans le cadre de la donation partage de 1996 et qui aurait fait l'objet d'un remembrement, le tribunal avait relevé qu'il n'était saisi d'aucune demande précise concernant cette parcelle et qu'il appartenait à Mme [D], le cas échéant, de s'adresser au notaire liquidateur si les explications données dans le cadre de l'instance ne lui donnaient pas satisfaction.

En cause d'appel, elle demande désormais à la cour d'enjoindre à sa soeur, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de remettre au notaire désigné l'acte de propriété de ladite parcelle dès lors qu'elle reconnaît en être la propriétaire.

En matière de partage de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse et se trouve dès lors recevable même en cause d'appel, de sorte que la demande de communication de pièce formulée par Mme [D] est recevable.

Il n'est cependant pas justifié d'une quelconque résistance de Mme [B] à produire ces éléments dont le notaire pourra obtenir communication dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage.

Il convient donc de débouter Mme [D] de sa demande de communication de pièce sous astreinte.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

De même, les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage tandis qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles, de sorte que les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté Mme [P] [D] de sa demande de rapport au titre d'une donation déguisée de 24 974,09 euros faite à Mme [C] [B] ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne Mme [C] [Y] épouse [B] à rapporter à la succession de [J] [U] la somme de 21 910,23 euros reçue au titre d'une donation déguisée ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [P] [D] de sa demande de communication sous astreinte par Mme'[C] [B] du titre de propriété de la parcelle ZA [Cadastre 10] d'une superficie de 2ha 89a 27ca de la commune d'[Localité 9] ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/03913
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.03913 ?
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