République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 29/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/01853 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TREJ
Jugement (N° 20/03118)
rendu le 23 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANT
Monsieur le procureur général près de la cour d'appel de Douai
représenté par Monsieur Olivier Declerck, substitut général
INTIMÉ
Monsieur [P] [V]
né le 05 mars 1962 à [Localité 2] (Sénégal)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Sanjay Navy, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 13 mars 2023 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 08 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 février 2023
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M. [P] [V], né le 5 mars 1962 à [Localité 2] (Sénégal), de nationalité sénégalaise, a épousé le 10 mai 2009 à [Localité 2] Mme [T] [W], née le 6 novembre 1963 à [Localité 2], de nationalité française.
Ayant souscrit le 7 juillet 2017 une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil dont l'enregistrement a été refusé, il a contesté cette décision devant le tribunal judiciaire de Lille qui, par jugement du 23 mars 2021, a dit qu'il était français, ordonné en tant que de besoin les mentions prévues par l'article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens et à payer à M. [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le procureur général près la cour d'appel de Douai a interjeté appel de ce jugement le 26 mars 2021 et, par conclusions remises le 22 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de son argumentation, demande à la cour d'infirmer ladite décision et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil.
M. [V] a constitué avocat mais n'a pas conclu.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été observée.
L'article 21-2 du code civil dispose que :
- l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;
- que le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France.
L'enregistrement de la déclaration faite par M. [V] sur le fondement de ce texte a été refusé au motif tiré de ce que celui-ci avait eu, le 2 février 2011, un enfant hors mariage, circonstance ne permettant pas de retenir l'existence d'une communauté de vie stable et convaincante avec son épouse, motif sur lequel le ministère public fonde également son appel.
M. [V] a exposé devant le tribunal qu'après leur mariage en mai 2009, son épouse était restée avec lui au Sénégal jusqu'au mois de juin 2009 puis avait dû retourner en France pour reprendre son travail, qu'il avait dû patienter un an et demi pour obtenir un visa « long séjour'» lui permettant d'entrer régulièrement sur le territoire français, de sorte qu'il n'avait pu rejoindre son épouse qu'au mois de décembre 2010, que dans l'intervalle, il avait eu une relation extra-conjugale passagère, qu'il avait appris ensuite qu'un enfant en était issu et qu'assumant ses responsabilités, il avait reconnu celui-ci, que néanmoins, son épouse lui avait pardonné et que leur communauté de vie n'avait jamais cessé depuis.
N'ayant pas conclu en cause d'appel, il est réputé, en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, s'approprier les motifs du jugement qu'il appartient donc à la cour d'examiner.
Le tribunal a retenu que, si une séparation physique de plusieurs mois doublée d'une relation extra-conjugale, dont était issu de surcroît un enfant, fragilisait nécessairement la position de M. [V], il produisait néanmoins plusieurs attestations de proches évoquant un couple très uni et stable depuis son arrivée en France en décembre 2010, confortées par des clichés photographiques du couple, ainsi que divers avis d'imposition commune, appels de loyer, avis de prélèvements de 2010 à 2017 ; que l'enquête réalisée par les services de la préfecture en 2017 avait confirmé la communauté de vie des époux à la date de la déclaration de nationalité française ; qu'était ainsi démontrée une communauté de vie matérielle et affective des époux durant de nombreuses années et jusqu'à la déclaration de nationalité, réalisée plus de sept ans après la relation extra-conjugale de M. [V] ; que dans un tel contexte, l'infidélité physique en question ne remettait pas en cause cette communauté de vie continue, que les conditions d'acquisition de la nationalité française étaient donc réunies.
La cour partage cette analyse, étant observé que contrairement à ce que soutient le ministère public, la naissance d'un enfant, qui ne suppose qu'une relation sexuelle, ne démontre nullement le caractère sérieux et durable de la relation adultérine dont il est issu ni une violation insurmontable du devoir de fidélité tandis que les éléments apportés par le demandeur accréditent le pardon accordé à M. [V] par son épouse, personne la mieux placée pour juger de la gravité de cet accroc à leurs engagements, et démontrent le caractère aussi affectif que matériel et durable de leur communauté de vie.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement.
PAR CES MOTIFS
La cour
confirme le jugement entrepris,
dit que la charge des dépens de l'instance sera supportée par le Trésor public.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet