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05/06/2023 | FRANCE | N°23/00060

France | France, Cour d'appel de Douai, Soins psychiatriques, 05 juin 2023, 23/00060


Cour d'appel de Douai



Chambre des Libertés Individuelles

soins psychiatriques





ORDONNANCE

lundi 05 juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français





N° RG 23/00060 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5BK

N° MINUTE : 69







APPELANT



Mme [I] [D] épouse [S]

née le 21 Décembre 1942

actuellement hospitalisée à l'EPSM aglomération lilloise hôpital [3]

résidant habituellement - [Adresse 1]

non comparante en pe

rsonne

représentée par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ



M. LE DIRECTEUR DE L'EPSM AGGLOMERATION LILLOISE - SITE [3]

non représenté







MINISTÈRE PUBLIC



M. le procureur génér...

Cour d'appel de Douai

Chambre des Libertés Individuelles

soins psychiatriques

ORDONNANCE

lundi 05 juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

N° RG 23/00060 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5BK

N° MINUTE : 69

APPELANT

Mme [I] [D] épouse [S]

née le 21 Décembre 1942

actuellement hospitalisée à l'EPSM aglomération lilloise hôpital [3]

résidant habituellement - [Adresse 1]

non comparante en personne

représentée par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DE L'EPSM AGGLOMERATION LILLOISE - SITE [3]

non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

M. le procureur général représenté par M. Dorothée COUDEVYLLE, substitut général ayant déposé un avis écrit

MAGISTRAT DELEGUE : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché, assisté de Jean-Luc Poulain, greffier

DÉBATS : le lundi 05 juin 2023 à 14 h 15

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe dans le délai prescrit par l'article R 3211-32 al 2 du code de la santé publique (CSP)

ORDONNANCE : rendue à DOUAI par mise à disposition au greffe le lundi 05 juin 2023 à 16 heures

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L 3211-12-2, III, al 5, R 3211-41, R 3211-41, IV, al 1 du CSP ;

Vu les avis d'audience, adressés par tout moyen aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le lundi 05 juin 2023 à 14 h 15, conformément aux dispositions de l'article R 3211 -13 sous réserve de l'article R 3211-41-11 de ce même code ;

FAITS et PROCÉDURE

Madame [I] [D], âgée de 81 ans, a fait l'objet le 10 mai 2023 d'une admission en hospitalisation complète a l'EPSM de l'agglomération lilloise sur décision du directeur d'établissement selon la procedure prévue a l'article L. 3212-1 II 1° du code de la santé publique soit sur la demande d'un tiers. (Fils)

Cette hospitalisation a été rendue nécessaire du fait de troubles du comportement suite à une décompensation d'un trouble bipolaire connu, avec angoisses massives incontrôlables, tristesse et hétéro-agressivité. Les troubles étaient matérialisés par un discours logorrhéique et diffluent, un sentiment ambivalent de persécution et un déni complet de la nécessité de soins. (Certificat du docteur [P] en date du 09/05/2023 et certificat des 24 heures du docteur [R] du 11/06/2023)

Sur la base des certificats médicaux établis aux échéances de 24 et de 72 heures son maintien en hospitalisation complète a été décidé le 12 mai suivant.

Par requete en date du 16 mai 2023 le directeur de l'établissement psychiatrique a saisi le juge des libertés et de la détection aux fins de contrôle a 12 jours de la mesure.

Par ordonnance du 19 mai 2023 le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lille a maintenu la mesure d'hospitalisation complète de madame [I] [D].

Le certificat médical établi en vue de l'audience du juge des libertés et de la détention (docteur [H] 16/05/2023) établissait le tableau psychique de madame [I] [D] comme suit :

'Elle présente encore un état mixte avec une logorrhée diffluente, une humeur très labile.

On retrouve des troubles cognitifs avec une désorientation dans le temps, des troubles mnésiques, des troubles du jugement.

ll persiste une angoisse importante avec des ruminations obsédantes.

Dans ce contexte et avec des ATCD d'effets secondaires importants avec les traitements psychotropes, le traitement stabilisateur de fond doit être encore ajusté prudemment sous surveillance médiale.

Elle est en partie anosognosique.'

Par déclaration d'appel reçue à la cour d'appel de Douai le 22-05-2023 le conseil de madame [I] [D] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel le conseil de madame [I] [D] soutient les moyens suivants :

Irrégularité de la notification de la décision d'admission et des droits du patient (article L. 3211-3 al 2 du code de la santé publique) en ce qu'il est affirmé que madame [I] [D] a toujours été en état de comprendre la procédure et les droits qui lui sont octroyés.

Absence de justification de la transmission des décisions d'admission et des pièces y afférentes à la commission départementale des soins psychiatriques. (Article L. 3215-5 du code de la santé publique)

Lors de l'audience du 5 juin Me PATERNOSTER a soulevé l'irrégularité du certificat de non présentation à l'audience estimant que l'état de santé de Mme [D] perméttait parfaitement de comprendre les enjeux de l'audience sans que son état médical en soit aggravé.

L'appel a été audiencé à la Cour d'appel de DOUAI pour l'audience du 05 juin 2023.

Vu les réquisitions de monsieur le procureur général près la Cour d'appel de DOUAI sollicitant la confirmation de la décision déférée

Vu l'avis psychiatrique motivé en vue de l'audience d'appel rédigé par le docteur [C] [H] le 02 juin 2023.

Vu l'avis rédigé par le docteur [C] [H] le 02 juin 2023 indiquant que la présence de madame [I] [D] à l'audience de la cour serait contraire à son intérêt puisque de nature à majorer son angoisse

Vu les observations du conseil de madame [I] [D]

Vu l'absence d'audition de madame [I] [D] sur décision du magistrat et au regard de l'avis médical ci dessus énoncé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur les moyens de légalité externe de la mesure

A/ Sur le moyen tiré de l'absence d'information de l'hospitalisation à la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP)

L'article L. 3212-5 du code de la santé publique précise en son -I- que :

'Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département ou, à [Localité 4], au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2.'

Comme le relève justement le juge des libertés et de la détention il ne ressort pas de l'article R 3211-2 du code de la santé publique que la justification de l'information d'une admission en soins contraints sous la forme d'une hospitalisation complète à la CDSP, soit au nombre des pièces qui doivent être communiquées au juge des libertés et de la détention .

Il s'en suit que l'absence de justification en procédure de cette information n'est pas de nature en soi, à permettre au juge des libertés et de la détention d'ordonner la main-levée de la mesure dont il est saisi.

Pour autant il a été jugé (cass 1ère civ 18/01/2023 n° 21-21.370) que le défaut d'information de la commission des décisions d'admission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée et justifier une main-levée de la mesure notamment puisque la commission dispose de la prérogative de proposer au juge des libertés et de la détention la main-levée de la mesure mais surtout d'impose le cas échéant cette main-levée au directeur d'établissement (article L 3212-9 du code de la santé publique).

Le fait que le patient soit informé de son droit de saisir la CDSP et l'information soutenue en première instance par le représentant de l'EPSM selon laquelle la CDSP ne contrôlait pas en fait les soins psychiatriques en 'début de mesure' mais concentrait son contrôle sur les soins de plus d'une année, ne sont pas des arguments susceptibles de contredire les obligations légales d'information prévues par l'article L. 3212-5 du code de la santé publique dont la sanction a été posée par la cour de cassation en sa décision du 18 janvier 2023.

Si la transmission spontanée de ces pièces au conseil du patient n'est pas une obligation légale, il n'en demeure pas moins que la transmission à la CDSP des décisions d'admission et pièces y afférentes est une obligation légale.

Il ressort des dispositions des articles 15, 132 et 906 du code de procédure civile que l'absence de production par la partie qui les détient ou est sensée les détenir, des pièces requises par la défense, doit conduite la juridiction de jugement à considérer que la partie qui ne produit pas lesdites pièces doit être considérée comme défaillante dans l'exécution de la preuve de l'obligation qui lui incombait.

Enfin et au visa de l'article L 3216-1 du code de la Santé Publique, il doit être considéré que :

" l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet."

Si une telle atteinte était portée et démontrée, celle-ci ne pourrait qu'être appréciée au regard du droit de l'intéressé à ce que sa santé et son intégrité physique soient protégées, y compris contre sa volonté.

En l'espèce, par mail du 18 mai 2023 à 09h23, Me Julie Paternoster, conseil de madame [I] [D], a sommé l'EPSM de lui communiquer le justificatif des transmissions obligatoires

- des décisions d'admissions au préfet et à la CDSP

- des certificat médicaux d'admission et suivants- et du bulletin d'entrée à la CDSP

Ces documents n'ont pas été communiqués en première instance et ne le sont également pas en cause d'appel.

En ne déférant pas à cette sommation de communiquer la direction de l'EPSM de l'agglomération lilloise doit être considérée comme défaillante dans l'administration de la preuve de la transmission de la décision d'admission en soins psychiatriques contraints de madame [I] [D] à la CDSP.

Pour autant cette irrégularité ne peut être sanctionnée par la main-levée de la mesure que lorsqu'il est établi un grief, grief entendu comme une appréciation proportionnelle de la violation des droits de madame [I] [D] en la privant d'un examen de sa situation par la CDSP, avec le risque pour la santé de l'intéressée si elle était remise en milieu extra-hospitalier.

Les avis médicaux rédigés par le docteur [H] le 02 juin 2023 mentionnent une aggravation des troubles cognitifs de madame [I] [D] avec trouble du jugement, angoisses, sentiment de persécution et désorientation dans le temps, tableau évocateur d'un syndrome démentiel débutant.

Le certificat médical des 24 heures du 11/05/2023 (docteur [R]) indique à ce sujet :

'Les plaintes sont centrées sur les angoisses anidéiques et un sentiment flou de persécution.

Elle reproche aux médecins de tenter de la "shooter" et a son mari d'être responsable de tous les maux qu'elle présente.

L'entourage de la patiente évoque au domicile une clinophilie, des angoisses massives incontrôlables. La patiente présentait également une perturbation des conduites instinctuelles avec inversion du rythme nycthéméral.'

Ces constatations ne sont pas levées par les avis médicaux postérieurs.

En conséquence il est acquis que l'irrégularité invoquée et avérée ne pourra pas, au cas spécifique de l'espèce, entraîner la main-levée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement dont bénéficie madame [I] [D] dès lors que la sortie de cette dernière, même sous programme de soins, serait de nature à faire peser sur elle un risque psychique ou physique disproportionné avec l'atteinte juridique portée à ses droits.

Le moyen sera rejeté.

B/ Sur le moyen tiré de l'absence d'information au patient de ses droits à la suite de la notification des décisions d'hospitalisation

La décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du 10 mai 2023 a été régulièrement notifiée à madame [I] [D] le 10 mai 2023 avec les droits y afférents (document signé de la patiente saisine page 8/35)

En revanche la décision de maintien en soins contraints sous la forme d'une hospitalisation complète et les droits y afférents (décision du 12/05/2023) n'ont pas été signés par madame [I] [D], mention était apposée selon laquelle cette dernière était impossible.

Si la déclaration d'appel conteste cet état de fait en indiquant que madame [I] [D] a toujours été en état d'apprécier les décisions qui s'attachent à son état, cette affirmation, au demeurant non corroborée par un quelconque document médical , est contredite par les certificats médicaux des 24 heures et des72 heures des 11 et 12 mai 2023 montrant une aggravation de l'état de madame [I] [D] dans son opposition aux soins contraints.

Dès lors que les praticiens hospitaliers indiquent que le malade est dans l'impossibilité de signer ou de réceptionner une décision de justice ou un acte administratif, cette affirmation fait foi jusqu'à preuve médicale contraire, laquelle n'est pas rapportée en l'espèce.

En conséquence le moyen soulevé sera rejeté.

C/ Sur le moyen tiré de l'absence de Mme [D] à l'audience

Dès lors que le certificat du docteur [H] du 2 juin 2023 indique que l'audience judiciaire est suceptible d'augmenter l'angoisse de la patiente, l'avis médical, sur lequel le juge ne peut porter d'appréciation de fond, justifie suffisamment le risque d'aggravation psychique de l'état de santé de la patiente et, par voie de conséquence, son absence à l'audience.

En conséquence le moyen soulevé sera rejeté.

2) Sur l'état de santé de madame [I] [D]

L'article L 3212-1 I du code de la santé publique dispose qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

Les soins contraints s'imposent lorsque la personne n'a pas conscience de ses troubles et/ou n'accepte pas volontairement de suivre le traitement médical nécessaire.

Le consentement aux soins en droit de la santé, tel qu'il résulte notamment d'un avis émanant de la Haute autorité de santé s'entend d'une capacité à consentir dans la durée au traitement proposé.

En l'espèce la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée des avis médicaux produits et par des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la mesure de soins contraints sous la forme d'une hospitalisation complète.

Y ajoutant :

L'actualisation de l'état de santé de madame [I] [D] par la production d'un avis médical actualisé en vue de l'audience d'appel rédigé le 02 juin 2023 par le docteur n'est cependant pas de nature à modifier les appréciations de fait et de droit du juge des libertés et de la détention dés lors que l'état psychique de madame [I] [D] y est décrit comme présentant des troubles cognitifs de plus en plus important et des troubles psychiques persistants avec déni et refus des soins nécessitant la poursuite de l'ajustement des traitement psychotropes.

En conséquence la décision de première instance devra être confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe de la juridiction

Confirme l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 19 mai 2023.

Laisse les dépens tant de première instance que d'appel aux frais du trésor public.

Jean Luc POULAIN, greffier

Bertrand DUEZ, conseiller

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 69 DU 05 Juin 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :

- Mme [I] [D] épouse [S]

- Maître Julie PATERNOSTER

- M. LE DIRECTEUR DE L'EPSM AGGLOMERATION LILLOISE - SITE [3]

- M. le procureur général

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert au requérant et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

''''

- copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE

- communication de la décision au tiers demandeur, le cas échéant

Le greffier, le lundi 05 juin 2023

N° RG 23/00060 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5BK

COUR D'APPEL DE DOUAI

Service : Chambre des libertés indivuduelles

Référence : N° RG 23/00060 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5BK

à l'audience publique du lundi 05 juin 2023 à 14 H 15

Magistrat : Bertrand DUEZ, conseiller

Mme [I] [D] épouse [S]

M. LE DIRECTEUR DE L'EPSM AGGLOMERATION LILLOISE - SITE [3]

Occultations complémentaires : ' OUI ' NON

' Appliquer les recommandations d'occultations complémentaires

Complément ou substitution aux recommandations de la Cour de cassation :

Décision publique : ' OUI ' NON

Signature


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Soins psychiatriques
Numéro d'arrêt : 23/00060
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;23.00060 ?
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