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26/05/2023 | FRANCE | N°21/00890

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 26 mai 2023, 21/00890


ARRÊT DU

26 Mai 2023







N° 807/23



N° RG 21/00890 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TUEH



PN/CH











AJ





















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

19 Avril 2021

(RG 20/00185 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 26 Mai 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. L'UNION DES CENTRALES REGIONALES

[Adresse 1]

représentée par Me Hélène DAIOGLOU, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMÉE :



Mme [T] [Y]

[Adresse 2]

re...

ARRÊT DU

26 Mai 2023

N° 807/23

N° RG 21/00890 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TUEH

PN/CH

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

19 Avril 2021

(RG 20/00185 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 26 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. L'UNION DES CENTRALES REGIONALES

[Adresse 1]

représentée par Me Hélène DAIOGLOU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

Mme [T] [Y]

[Adresse 2]

représentée par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/011790 du 17/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

DÉBATS : à l'audience publique du 16 Mars 2023

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Anne STEENKISTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 23 février 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [T] [Y] a été engagée par la société L'UNION DES CENTRALES REGIONALES (ci-après UCR) suivant contrat à durée indéterminée en date du 2 novembre 2010, en qualité de responsable de clientèle.

Le 1er février 2015, les parties ont signé un nouveau contrat l'engagement de Mme [T] [Y] en qualité de conseiller itinérant non cadre classe C.

La convention collective nationale applicable est celle des entreprises de courtage d'assurances et/ou de réassurances.

Le 28 février 2019, Mme [T] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par courrier daté du 2 avril 2019 et réceptionné le 19 avril 2019, Mme [T] [Y] a pris acte de la rupture du contrat de travail et a sollicité devant la juridiction prud'homale, au dernier état de ses demandes, de voir reconnaître une situation de harcèlement moral, de voir dire que sa prise d'acte produire les effets d'un licenciement nul et d'obtenir les indemnités afférentes ainsi que des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 19 avril 2021, lequel a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- relevé la caducité prononcée par lui le 9 mars 2020,

- dit le licenciement de Mme [T] [Y] sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société UCR à payer à Mme [T] [Y] :

- 4 000 euros à titre d'indemnité de préavis outre 400 euros de congés payés y afférents,

- 3 280 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 13 120 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [T] [Y] du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [T] [Y] à restituer à la société UCR, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du troisième jour suivant la notification de la présente décision, le matériel et les documents suivants : téléphone et ses accessoires, tablette et son imprimante, carte professionnelle, tarifs, propositions, fiches clients,

- débouté la société UCR du surplus de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société UCR aux dépens.

Vu l'appel formé par la société UCR le 20 mai 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société UCR transmises au greffe par voie électronique le 14 septembre 2022 et celles de Mme [T] [Y] transmises au greffe par voie électronique le 22 octobre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture du 23 février 2023,

La société UCR demande :

- à titre principal, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a relevé la caducité prononcée le 9 mars 2020 en l'absence de motif légitime justifiant l'absence et la non-représentation de Mme [T] [Y] aux audiences prud'homales des 13 janvier 2020 et 9 mars 2020,

- à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- à titre infiniment subsidiaire, de limiter sa condamnation sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail à la somme de 4500 euros nets représentant 3 mois de salaire,

- en tout état de cause, de condamner Mme [T] [Y] à lui payer 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] [Y] demande :

- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum des sommes alloués,

- de juger que sa prise d'acte doit s'analyser en un licenciement nul dès lors qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société UCR à lui payer :

- 4 000 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 400 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3 280 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 48 000 euros au titre de l'illicéité du licenciement ou pour licenciement abusif,

- 20 000 euros au titre du préjudice distinct (harcèlement moral),

- 15 000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société UCR aux dépens.

SUR CE, LA COUR

Attendu qu'il sera constaté que l'objet de l'appel ne porte pas sur la condamnation de Mme [T] [Y] prononcée par les premiers juges de restituer à la société UCR sous astreinte le matériel et les documents professionnels encore en sa possession ;

Que les parties ne forment aucune demande à ce sujet dans le dispositif de leurs conclusions respectives ;

Sur la demande relative au relevé de caducité

Attendu que la société UCR soutient :

- que Mme [T] [Y] a demandé à être relevé de la caducité de sa citation que 3 mois après qu'elle ait été prononcée par le conseil de prud'hommes, et un mois après sa notification à partie,

- que l'argument de la salariée tenant à la période Covid est dénuée de portée, son absence aux 3 premières audiences de plaidoiries étant antérieure à la crise sanitaire,

- qu'également, la circonstance suivant laquelle Mme [T] [Y] a changé de conseil ne constitue pas un motif légitime ;

Qu'en réplique, Mme [T] [Y] se prévaut la parfaite recevabilité de sa demande tendant à être relevé de la caducité de sa demande ;

Attendu que selon l'article 468 du code de procédure civile que la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile ;

Que l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à l'état d'urgence sanitaire dispose que les délais dont le terme est échu entre le 12 mars 2020 inclus et le 24 juin 2020 sont prorogés pour une durée maximale de deux mois jusqu'au 24 août 2020 à minuit au plus tard ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que :

- ni Mme [T] [Y], ni son conseil Me Olivier-Denis, n'ont comparu à l'audience de plaidoirie du 9 mars 2020, en conséquence de quoi la juridiction prud'homale a prononcé la caducité de l'affaire ;

- Me Dominguez, agissant en lieu et place de Me Olivier-Denis, a sollicité le relevé de caducité par courrier du 11 juin 2020 ;

Que compte tenu des règles applicables en matière de computation des délais durant la crise sanitaire ci-avant rappelées, Me Dominguez a agi dans les délais qui lui étaient impartis ;

Attendu que c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont considéré la constitution de Me Dominguez en lieu et place de Me Olivier-Denis constitue comme motif légitime justifiant le relevé de la caducité ;

Qu'en effet, Me Olivier-Denis a indiqué début janvier 2020 au conseil de prud'hommes qu'elle n'intervenait plus dans le dossier et que Me Dominguez lui succédait ;

Qu'aucun élément ne permet d'établir que Mme [T] [Y], qui fait état de l'absence du silence complet de Me Olivier-Denis, alors que son conseil Me Dominguez justifie avoir relancé sa cons'ur en février 2020 pour pouvoir procéder aux formalités d'usage, a pu avoir connaissance de la tenue de l'audience du 9 mars 2020 ;

Que la société UCR s'est confrontée à l'inertie de Me Olivier-Denis dont il n'a obtenu aucune réponse à sa demande faite par courrier du 28 janvier 2020 de lui indiquer le nom de son successeur, (preuve au demeurant que l'employeur avait, à cette date, connaissance du dessaisissement du dossier de l'avocat de son contradicteur) ;

Que l'ensemble de ces éléments permet de considérer qu'il existait un motif légitime justifiant du relevé de caducité ;

Que par conséquent, le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur le harcèlement moral

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code dans sa version applicable à l'espèce, lorsque le salarié présente des éléments de fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que la société UCR soutient que Mme [T] [Y] ne produit pas d'éléments laissant présumer qu'elle a subi une situation de harcèlement moral, qu'en particulier, le certificat médical de son médecin traitant a été établi pour les besoins de la cause en cours d'instance, qu'elle n'a subi aucune pression managériale, ni aucune modification abusive de ses conditions de rémunération et de ses responsabilités ;

Qu'en réplique, Mme [T] [Y] fait valoir que ses conditions de travail se sont dégradées en deux temps : en premier lieu en 2013 par des sollicitations et pressions managériales alors qu'elle reprenait le travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, puis en 2018 par l'absence d'objectifs à réaliser et le dénigrement de sa prestation de travail ;

Attendu qu'en l'espèce, Mme [T] [Y] fait valoir les éléments suivants :

- différents mails émanant de M. [I] [E], manager, ayant eu lieu entre le dimanche 29 juin 2014 et le jeudi 31 juillet 2014 à propos d'objectifs commerciaux à atteindre pour les mois de juin et de juillet 2014 ; 

- plusieurs avenants au contrat de travail portant sur la rémunération et la fonction de responsable de clientèle et sur les produits et pondérations de chiffre d'affaires datés des 1er juillet 2013 et 25 novembre 2013, ainsi que le contrat de travail conclu le 1er février 2015 aux termes duquel elle est engagée en qualité de conseiller itinérant ;

- un échange de mails daté du 4 avril 2018 à propos d'un problème de réattribution des fiches clients et téléprospection, apparemment résolu le jour même ;

- un mail qu'elle a adressé le 5 avril 2018 à son manager pour être informé des décisions prises s'agissant de la démarche commerciale à suivre suite à une réunion ayant eu lieu durant son arrêt de travail ;

- un échange de mails daté du 1er juin 2018 à propos des démarches à accomplir dans le cadre d'une demande de FONGECIF, ainsi qu'un courrier du 17 septembre 2018 l'intimant à adopter un ton plus approprié dans ses correspondances, mais faisant droit à sa demande de FONGECIF pour une formation d'assistance de ressources humaines d'une durée de 7 mois ;

- un mail daté du 16 juillet 2018 reprenant le détail des données d'activités réalisées pour le mois en cours, soit 0 euro au titre de l'objectif cumulé de juillet et du chiffre d'affaires réalisé ;

- un certificat médical établi par le Dr [Z], médecin généraliste, indiquant que «Mme [T] [Y] est en arrêt maladie pour le motif de burn-out et harcèlement au travail depuis fin d'année 2018 ; les arrêts maladie prescrits depuis cette période sont tous en rapport avec ces deux motifs. La situation n'est pas nouvelle» ;

- un ensemble d'arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel du 26 juillet 2018 au 17 août 2018, puis pour burn-out et syndrome anxio-dépressif réactionnel du 17 août 2018 au 13 décembre 2018 ;

- un courrier daté du 31 juillet 2018 portant en objet «mutation» et informant Mme [T] [Y] qu'à compter du 3 septembre 2018, elle exercerait ses fonctions au sein du siège de l'UCR sis à [Localité 3] ;

Que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral au préjudice de la salariée au sens des dispositions légales susvisées ;

Qu'il appartient donc à l'employeur de démontrer que les agissements allégués par la salariée ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que s'agissant des différents mails émanant de M. [I] [E], manager, entre le dimanche 29 juin 2014 et le jeudi 31 juillet 2014 relatifs aux objectifs commerciaux à atteindre pour les mois de juin et de juillet 2014, les courriers sont adressés à l'ensemble des responsables de clientèle et des conseillers sédentaires et n'ont pas vocation à stigmatiser la salariée ainsi qu'elle le prétend ;

Que s'agissant des plusieurs avenants au contrat de travail portant sur la rémunération et la fonction de responsable de clientèle et sur les produits et pondérations de chiffre d'affaires datés des 1er juillet 2013 et 25 novembre 2013, ainsi que du contrat de travail conclu le 1er février 2015 (aux termes duquel elle est engagée en qualité de conseiller itinérant) la cour constate que ces documents s'inscrivent dans le cadre normal des relations contractuelles liant les parties, tout particulièrement en termes d'objectifs, aucun caractère dégradant n'y étant attaché ;

Que pour ce qui est de l'échange de mails daté du 4 avril 2018 portant sur un problème de réattribution des fiches clients et téléprospection, la difficulté a apparemment été résolue le jour même sans incident notable ;

Que s'agissant du mail adressé par la salariée le 5 avril 2018 à son manager visant à être informé des décisions prises relatives à la démarche commerciale à suivre suite à une réunion ayant eu lieu durant son arrêt de travail, Mme [T] [Y] soutient ne pas avoir eu de retour à sa demande ;

Que toutefois, ces décisions, ou ces orientations particulières données au cours de cette réunion n'ont eu aucun un impact sur son activité, alors que l'employeur démontre une pratique régulière d'échanges sur le déroulement de la mission de la salariée, notamment en termes de suivi de fichiers de clientèle ;

Que pour ce qui concerne l'échange de mails daté du 1er juin 2018 relatif aux démarches à accomplir dans le cadre d'une demande de FONGECIF, et le courrier du 17 septembre 2018, l'intimé a adopté un ton approprié dans ses correspondances ;

Qu'il justifie pour sa part avoir diligenté les dossiers dans les termes légaux qui lui étaient impartis ;

Que pour sa part, il a fait droit à la demande de FONGECIF, alors que ces échanges n'étant pas de nature à excéder le cadre normal d'une relation de travail, tant dans le fond que sur la formel ;

Que s'agissant du mail daté du 16 juillet 2018 reprenant le détail des données d'activités réalisées pour le mois en cours, soit 0 euro au titre de l'objectif cumulé de juillet et du chiffre d'affaires réalisé, contrairement à ce que Mme [T] [Y] soutient, ce mail est sans rapport avec celui adressé aux équipes le 11 juillet 2014, soit 4 ans auparavant, alors qu'il est détaché de tout contexte et qu'il ne tend pas à rabaisser les objectifs assignés à la salariée ;

Attendu que les éléments médicaux dont la salariée fait état ne suffisent pas à eux seuls de caractériser l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de l'intimée ;

Qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, examinés de leur ensemble, il y a lieu de dire que l'employeur démontre que les agissements allégués par la salariée ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que les décisions qu'il a été amené à prendre sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Qu'il convient, dès lors, de débouter Mme [T] [Y] de sa demande indemnitaire de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur l'obligation de sécurité de résultat

Attendu que Mme [T] [Y] ne soutient pas sa demande formulée au dispositif de ses conclusions ;

Qu'elle en sera donc déboutée ;

Que le jugement sera confirmé à cet égard ;

Sur la rupture du contrat de travail

Attendu qu'une prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;

Que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission ;

Que c'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur ; que s'il subsiste un doute, celui-ci profite à l'employeur ;

Que la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;

Qu'à l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture ;

Attendu qu'en l'espèce, la société UCR soutient que Mme [T] [Y] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité et de la gravité des griefs ayant fondé sa prise d'acte et que dès lors, sa prise d'acte doit produire les effets d'une démission ;

Qu'en réplique, Mme [T] [Y] fait valoir que sa demande est fondée, sur la situation de harcèlement moral dont elle fait état, sur le refus de plan de formation, sur la surcharge de travail, et sur la modification unilatérale de ses fonctions et de son lieu de son travail, imposé par l'employeur dans son courrier du 31 juillet 2018 ;

Attendu que par courrier du 2 avril 2019, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes :

«Je vous remercie de bien vouloir prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à tort griefs pour les motifs suivants.

Vous n'ignorez pas que j'ai déposais devant le conseil de prud'hommes de Valenciennes une requête aux fins de résiliation de mon contrat de travail à vos torts exclusifs (')

Cette résiliation est sollicitée eue égard aux dégradations des relations de travail au sein de votre entreprise, de la santé mentale et physique en est résulté, de la modification de mon contrat de travail pendant mon arrêt maladie pour dépression conséquences de ces dégradations des relations de travail de la souffrance au travail.

Je vous renvoie pour l'exposé de ces griefs à la requête prud'homale qui vous a été adressée par le conseil le 25 février 2019.

Je ne peux plus cependant envisager de reprendre sereinement une activité au sein de votre entreprise dans ce contexte, mes arrêts maladie ne peuvent être prolongés éternellement et validés par la CPAM'

je me vois donc contrainte pour les mêmes griefs que ceux exposés dans la requête susvisée en supra effet que vous n'avez formulé aucune proposition amiable pour régulariser la situation susvisée cette proposition serait conforme contrat.

Je suis donc contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à compter de la présente à vos torts et griefs (')» ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la situation de harcèlement moral allégué par l'intimée n'est pas démontrée ;

Que s'agissant de la mutation intervenue le 31 juillet 2018, l'employeur se prévaut de la clause de mobilité figurant dans le contrat conclu par les parties le 1er février 2015,

Que toutefois, il ne forme aucune observation quant à la teneur du poste que la salariée serait amenée à occuper, alors que le courrier de mutation du 31 juillet 2018 ne fait état que d'une mutation en qualité de conseiller clientèle au siège de l'entreprise ;

Que Mme [T] [Y] était auparavant employée en qualité de conseillère itinérante et non en qualité de conseillère sédentaire ;

Que cette mutation est donc amenée à impacter les fonctions de la salariée et constitue une modification des éléments essentiels de son contrat de travail ;

Que le changement devait donc être soumis à l'accord de la salariée et ne saurait en tout état de cause être justifiée, comme le soutient l'employeur, par les difficultés de gérer l'activité commerciale de l'entreprise ;

Que dès lors, la prise d'acte de Mme [T] [Y] se voit justifiée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de son niveau de rémunération, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société UCR à payer à Mme [T] [Y] 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 400 euros de congés payés y afférents ainsi que 3 280 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Attendu qu'en application de l'article L.1235-3 du code du travail, eu égard à la taille de l'entreprise (employant habituellement plus de 11 salariés), à l'ancienneté du salarié (8 années complètes), à son salaire mensuel moyen (de l'ordre de 1 500 euros en moyenne), à son âge au moment de la rupture des relations de travail (pour être née en 1979), à ses capacités à retrouver un emploi compte tenu de son secteur d'activité et de son niveau de diplôme, de l'absence d'élément quant à sa situation postérieur au licenciement, la société UCR sera condamnée à payer à Mme [T] [Y] 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'application d'office des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail en faveur de Pôle Emploi

Attendu que le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise ne justifiant pas occuper habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois en application des dispositions de l'article L.1234-4 du code du travail ;

Sur les autres demandes

Attendu que la société UCR sera condamnée aux dépens ;

Qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens et engagés dans le cadre de l'appel, étant précisé que la condamnation de la société UCR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME, dans les limites des termes des appels formés, le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- relevé la caducité prononcée le 9 mars 2020,

- condamné la société UCR à payer à Mme [T] [Y] 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 400 euros de congés payés y afférents ainsi que 3 280 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement et 2 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [T] [Y] de ses demandes fondées sur un harcèlement moral et sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- condamné la société UCR aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société UCR à payer à Mme [T] [Y] 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société UCR à rembourser au Pôle Emploi les indemnités chômages versées à Mme [T] [Y] dans la limite de 3 mois d'indemnités conformément à l'article L.1235-4 du code du travail ;

ORDONNE le remboursement par la société UCR à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois en application des dispositions de l'article L.1234-4 du code du travail ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples,

CONDAMNE la société UCR aux dépens.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00890
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.00890 ?
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