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26/05/2023 | FRANCE | N°21/00610

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 26 mai 2023, 21/00610


ARRÊT DU

26 Mai 2023







N° 805/23



N° RG 21/00610 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TS6K



PN/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

07 Avril 2021

(RG F 19/00419 -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 26 Mai 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A. AFI ESCA AFI ESCA est prise en son établissement secondaire

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent REUTHER, avocat au barreau de STRASBOURG

...

ARRÊT DU

26 Mai 2023

N° 805/23

N° RG 21/00610 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TS6K

PN/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

07 Avril 2021

(RG F 19/00419 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 26 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A. AFI ESCA AFI ESCA est prise en son établissement secondaire

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent REUTHER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉ :

M. [T] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Fabrice DANDOY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 09 Mars 2023

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 février 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [T] [M] a été engagé par la société AFI ESCA suivant contrat à durée indéterminée en date du 29 mars 2010, en qualité de gestionnaire emprunteur.

La convention collective applicable est celle des sociétés d'assurance.

Il a été délégué du personnel et membre titulaire suppléant du comité d'établissement de m'entreprise.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 6 avril 2018.

Par courrier en date du 13 avril 2018, la société AFI ESCA a demandé l'autorisation à l'Inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. [T] [M] pour motif économique. Après un avis défavorable du CHSCT et du CE, l'inspecteur du travail a, par décision en date du 4 mai 2018, autorisé le licenciement de M. [T] [M].

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 mai 2018, M. [T] [M] a été licencié pour motif économique.

Toutefois, par décision en date du 5 novembre 2018, le Ministre du travail a annulé la décision d'autorisation du licenciement de l'inspecteur du travail.

Le 3 mai 2019, M. [T] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture du contrat de travail.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 7 avril 2021, lequel a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société AFI ESCA à payer à M. [T] [M] :

- 16 288,30 euros bruts au titre de l'article L.2422-4 du code du travail,

- 11 634,50 euros bruts au titre de l'article 1235-3 du code du travail,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge des deux parties.

Vu l'appel formé par la société AFI ESCA le 4 mai 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société AFI ESCA transmises au greffe par voie électronique le 2 février 2023 et celles de M. [T] [M] transmises au greffe par voie électronique le 14 octobre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture du 16 février 2023,

La société AFI ESCA demande :

- d'infirmer le jugement déféré,

- de débouter M. [T] [M] de sa demande de paiement d'une indemnité de 18 692,16 euros au titre de l'article L.2422-4 du code du travail et de fixer l'indemnité à lui revenir à la somme nette de 4 100,72 euros majorée de l'indemnité compensatrice de congés payés net de 211,16 euros,

- de débouter M. [T] [M] de sa demande de paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à tout le moins de réduire l'indemnité sollicitée à 6 980,62 euros,

- de débouter M. [T] [M] de ses autres demandes.

M. [T] [M] demande :

- de condamner la société AFI ESCA à lui payer :

- 9 701,90 euros au titre de l'article L 2422-4 du code du travail,

- 18 615 euros au titre de l'article L 1235-3 du code du travail,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société AFI ESCA aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Sur les effets de l'annulation de l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail

Attendu que l'article L.2422-4 du code du travail prévoit que lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L.2422-1 du même code a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ;

Que l'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration ;

Que ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ;

Que les sommes perçues à titre de revenus de remplacement doivent être prises en compte dans l'évaluation du préjudice subi ;

Attendu que la société AFI ESCA soutient que du 9 mai 2018 au 5 janvier 2019 M. [T] [M] a bénéficié d'un revenu de remplacement de 9 872,85 euros qu'il convient de déduire de l'indemnité à lui verser au titre de l'annulation de l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail ;

Qu'au même titre, M. [T] [M] a occupé un autre emploi à compter de septembre 2018, de sorte que la période d'indemnisation des congés payés ne peut s'étendre que de mai à septembre 2018 ;

Qu'en réplique, M. [T] [M] fait valoir qu'il a effectivement perçu de mai à décembre 2018 la somme de 9 872,85 euros devant venir en déduction de l'indemnité prévue à l'article L.2422-4 du code du travail, soit 8 819,91 euros et 881,99 euros de congés payés y afférents ;

Attendu qu'en l'espèce, munie d'une autorisation de l'inspecteur du travail, la société AFI ESCA a procédé au licenciement de M. [T] [M], salarié protégé, le 9 mai 2018 ;

Que cette autorisation ayant été annulée par décision du ministre du travail notifiée le 5 novembre 2018, M. [T] [M] disposait d'un délai de deux mois pour solliciter sa réintégration, ce dont il s'est abstenu ;

Que la décision du ministre du travail étant devenue définitive, la période d'indemnisation s'étend du 9 mai 2018 au 5 janvier 2019 ;

Attendu que sur cette période, M. [T] [M] aurait dû percevoir un salaire net de 18692,76 euros ;

Qu'il a perçu 6393,12 euros d'indemnités délivrées par le Pôle Emploi, ainsi que 3 479,73 euros de salaire au titre de sa formation en alternance débutée en octobre 2019 ;

Qu'il ne ressort d'aucun autre élément de la procédure que M. [T] [M] a effectivement perçu d'autres sommes assimilables à des revenus de remplacement ;

Qu'en particulier, les développements de la société AFI ESCA portant sur les droits à congés payés de M. [T] [M] au titre de son contrat d'apprentissage sont dénués de portée, faute de démonstration le paiement effectif des sommes y afférentes ;

Que par conséquent, faute de plus amples développements susceptibles de minorer la réclamation du salarié, tout particulièrement en termes de prise en compte des montant en brut ou en net, la demande sera accueillie à due concurrence des sommes réclamées par le salarié ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur le principe de la condamnation et infirmé sur le quantum ;

Sur l'indemnité de licenciement

Attendu que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d'une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l'effet du licenciement et que lorsque l'annulation est devenue définitive, le salarié a droit au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, et de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la société AFI ESCA soutient que l'annulation de l'autorisation de licenciement ne saurait avoir d'incidence sur la question du bien-fondé dudit licenciement ; que ce dernier trouve une cause réelle et sérieuse dans le fait que le secteur de l'assurance connaît depuis 2017 des mutations liées aux évolutions du marché, rendant nécessaire une adaptation aux pratiques de vente dématérialisée ; qu'elle a effectué des recherches loyales et sérieuses de reclassement et a pu proposer des solutions à M. [T] [M] pour le maintenir dans l'emploi, qui ont toutes été refusées par le salarié ;

Que l'article L.1233-3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

Que la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise ;

Que les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ;

Que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ;

Que le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché ;

Attendu qu'en l'espèce, le courrier de licenciement indique notamment :

«AFI ESCA a fait le constat de l'absolue nécessité d'évoluer vers la digitalisation de ses produits et services et d'opérer une mutation technologique majeure dans un contexte de pression concurrentielle très forte dans le domaine de l'assurance «Emprunteur»

Au vu de ce constat et afin de permettre le maintien de notre développement commercial des produits «Assurances Emprunteur», l'entreprise a réalisé la construction d'un parcours digital client et mis en 'uvre le développement d'un outil de sélection en ligne (..)

La mise en place de ce parcours digital rend, de fait, obsolète l'outil informatique alimentant la Souscription en Ligne (SEL) auquel vous appartenez en qualité de Gestionnaire Expert».

Attendu que la société AFI ESCA, sur qui pèse la charge de la preuve, ne produit aucun élément susceptible de démontrer la réalité de la nécessité d'avoir à supprimer ou à transformer l'emploi de M. [T] [M] ;

Que les développements relatifs au contexte économique ou de marché ne permettent de caractériser de façon précise et circonstanciée en quoi et de quelle façon l'employeur a été amené à subir une pression concurrentielle ;

Qu'il s'ensuit que la réalité du motif économique de la rupture du contrat de travail du salarié n'est pas démontrée par l'employeur ;

Que le licenciement dont s'agit est donc sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la cour considère que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (de l'ordre de 2 326,90 euros), de son âge (pour être né en 1988), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise (pour avoir été engagé en mars 2010) et de l'effectif de celle-ci (l'employeur ne justifiant pas occuper moins de 11 salariés), les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice subi en application de l'article L 1235-3 du code du travail, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur les autres demandes

Attendu que la société AFI ESCA sera condamnée aux dépens ;

Que la société AFI ESCA sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur le même fondement à payer, à M. [T] [M] outre les sommes accordées par les premiers juges, 1.500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 7 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Lille hormis en ce qu'il a condamné la société AFI ESCA à payer à M. [T] [M] 16 288,30 euros brut au titre de l'article L.2422-4 du code du travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société AFI ESCA à payer à M. [T] [M] :

- 9.701,90 euros sur le fondement de l'article L.2422-4 du code du travail,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société AFI ESCA aux entiers dépens.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00610
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.00610 ?
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